Évolution et pronostic à long terme des syndromes inflammatoires biologiques persistants inexpliqués

Évolution et pronostic à long terme des syndromes inflammatoires biologiques persistants inexpliqués

La revue de médecine interne 23 (2002) 683–689 www.elsevier.com/locate/revmed Article original Évolution et pronostic à long terme des syndromes inf...

95KB Sizes 0 Downloads 57 Views

La revue de médecine interne 23 (2002) 683–689 www.elsevier.com/locate/revmed

Article original

Évolution et pronostic à long terme des syndromes inflammatoires biologiques persistants inexpliqués Unexplained prolonged inflammatory syndromes: long-term follow-up and prognosis A.E. Perrin *, B. Goichot, E. Andrès, F. Grunenberger, C. Wicky, A. Ruellan, J.L. Schlienger Service de médecine interne et nutrition, hôpital de Hautepierre, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France Reçu le 29 novembre 2001 ; accepté le 15 février 2002

Résumé Propos. – La conduite à tenir devant un syndrome inflammatoire persistant inexpliqué est un sujet de préoccupation fréquent en médecine interne. Cependant, peu d’études ont été consacrées à ce sujet, notamment en ce qui concerne l’évolution de ces malades. L’objectif de ce travail est de décrire l’évolution et le pronostic à long terme d’un groupe de patients présentant un syndrome inflammatoire biologique resté sans diagnostic au terme d’un bilan hospitalier. Méthodes. – Il s’agit d’une étude rétrospective, portant sur le suivi de 46 malades, 15 hommes et 31 femmes âgés de 21 à 90 ans, hospitalisés entre 1992 et 1999. Les données relatives au séjour hospitalier de chaque patient ont été relevées à partir du dossier médical. Les informations concernant l’évolution ultérieure ont été obtenues à partir des renseignements fournis par les médecins traitants. Résultats. – Le pronostic de ces malades est globalement bon. Un tiers des syndromes inflammatoires a régressé spontanément (n = 13). Un diagnostic a été posé a posteriori dans un autre tiers (n = 14) ; il s’agissait essentiellement de maladies inflammatoires chroniques (n = 9) dont la guérison a été obtenue grâce à un traitement spécifique. Dans le tiers restant (n = 12), le syndrome inflammatoire persiste, chez des patients par ailleurs asymptomatiques. Conclusion. – Ces résultats suggèrent que la persistance d’un syndrome inflammatoire biologique n’est pas en elle-même un critère de mauvais pronostic. Il paraît licite, lorsqu’un diagnostic n’est pas établi malgré des explorations bien conduites, de proposer une simple surveillance clinique et biologique sans répéter nécessairement les bilans diagnostiques. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – Unexplained inflammatory syndrome is a frequent and worrying condition in Internal Medicine. However, the long-term clinical outcome of these patients cannot be inferred from the literature. The aim of this study is to describe the long-term follow-up and the prognosis of a group of patients hospitalised for an inflammatory syndrome and discharged without causal diagnosis. Methods. – This retrospective study was carried out on 46 patients, 15 men and 31 women, aged 21 to 90 years, hospitalised between 1992 and 1999. Data concerning the hospital stay were obtained from the patients’ medical record. Follow-up was performed by consulting the treating physician. Results. – The prognosis of these patients is fairly good. In one third of the cases, the inflammatory syndrome resolved spontaneously (n = 13). In the second third, a definite diagnosis was established after discharge (n = 14) and consisted mainly of chronic inflammatory diseases (n = 9), cured with a specific treatment. In the remaining third (n = 12), the inflammatory syndrome persisted, in clinically asymptomatic patients.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.E. Perrin). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. PII: S 0 2 4 8 - 8 6 6 3 ( 0 2 ) 0 0 6 4 2 - 2

684

A.E. Perrin et al. / La revue de médecine interne 23 (2002) 683–689

Conclusion. – These results suggest that the persistence of an inflammatory syndrome is not a poor prognostic factor. Thus we propose for patients discharged with an undiagnosed persistent inflammatory syndrome despite thorough investigations, a simple clinical and biological follow-up instead of repeated etiological investigations. © 2002 E´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Syndrome inflammatoire inexpliqué ; Suivi à long terme ; Facteurs pronostiques ; Étude rétrospective Keywords: Unexplained inflammatory syndrome; Long-term follow-up; Prognostic factors; Retrospective study

1. Introduction Le syndrome inflammatoire biologique désigne l’ensemble des perturbations biologiques habituellement constatées au cours de la réaction inflammatoire : élévation de la vitesse de sédimentation, augmentation des protéines de l’inflammation (dont les plus couramment utilisées en pratique clinique sont le fibrinogène, la C-réactive protéine (CRP), l’haptoglobine et l’orosomucoïde), et modifications de l’hémogramme (anémie, thrombocytose) [1,2]. Le plus souvent, devant un tableau clinique riche et évocateur, le syndrome inflammatoire rend compte essentiellement de l’importance du processus inflammatoire et permettra ultérieurement d’en suivre l’évolution et d’en assurer la surveillance. Parfois, le syndrome inflammatoire biologique représente réellement le point de départ d’une démarche diagnostique. C’est notamment le cas lorsqu’il a été découvert devant des plaintes discrètes et/ou imprécises ou au titre d’un bilan systématique chez un sujet asymptomatique. La conduite à tenir doit alors suivre une démarche logique et rationnelle, fondée sur la fréquence des différentes causes et leur importance pour la santé et la survie du patient. Il faut aussi tenir compte des risques, des inconvénients, et dans une certaine mesure, du coût des différents examens complémentaires [3,4]. Nous nous sommes intéressés, dans une étude rétrospective, à un groupe de 46 patients présentant un syndrome inflammatoire biologique inexpliqué, c’est-à-dire resté sans diagnostic au terme d’un bilan étiologique réalisé en milieu hospitalier. Nous nous sommes surtout attachés à décrire le devenir de ces patients et à analyser les facteurs pronostiques.

2. Matériel et méthodes Les dossiers ont été sélectionnés de façon rétrospective à partir des données du codage informatique (PMSI). Les codes retenus pour la sélection étaient les suivants : syndrome inflammatoire, syndrome inflammatoire biologique de cause indéterminée, fièvre, fièvre inexpliquée, fièvre prolongée. Ces dossiers concernaient les patients admis dans le service de médecine interne de l’hôpital de

Hautepierre (secteurs d’hospitalisation conventionnelle et hôpital de jour) entre le 1er avril 1992 (date du début du codage PMSI aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg) et le 30 juin 1999. Les critères de définition ont été déterminés à partir des paramètres inflammatoires habituellement mesurés dans le service : vitesse de sédimentation (VS), fibrinogène, C-réactive protéine (CRP), avec comme valeurs seuil : VS ≥ âge/2 chez l’homme ou VS ≥ (âge +10)/2 chez la femme [5], fibrinogène ≥ 5 g/l, CRP ≥ 15 mg/l (les valeurs normales de ces variables, définies dans les laboratoires d’analyses biologiques référents sont les suivantes : VS < 6 mm à la 1re heure, fibrinogène compris entre 2 et 4 g/l, CRP ≤ 4 mg/l). L’élévation concomitante de 2 critères a permis de retenir le diagnostic de syndrome inflammatoire biologique. Ont été inclus dans l’étude les patients qui présentaient un syndrome inflammatoire biologique défini par les critères énoncés ci-dessus, resté sans diagnostic à leur sortie du service. Les critères d’exclusion étaient les suivants : fièvre sans syndrome inflammatoire biologique, syndrome inflammatoire biologique dissocié, défini par l’augmentation d’un seul paramètre inflammatoire, syndrome inflammatoire rapporté à un diagnostic précis au terme du bilan hospitalier, syndrome inflammatoire évoluant depuis moins de 3 semaines et régressif en cours d’hospitalisation, dossiers inexploitables du fait d’un bilan incomplet (décès dans les premiers jours d’hospitalisation, transfert rapide vers un autre service, refus d’investigations complémentaires). Les données portant sur les antécédents et le traitement habituel, l’histoire de la maladie, les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique, du bilan complémentaire, l’évolution en cours d’hospitalisation, les hypothèses diagnostiques formulées à la sortie du patient ont été systématiquement relevées à partir du dossier médical. Les informations concernant l’évolution ultérieure ont été obtenues à partir des renseignements fournis par les médecins traitants, systématiquement recontactés. L’ensemble de ces données a fait l’objet d’un codage informatique en vue de son exploitation statistique. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel BMDP.

A.E. Perrin et al. / La revue de médecine interne 23 (2002) 683–689 Tableau 1 Bilan d’admission : paramètres inflammatoires et données de l’hémogramme

Vitesse de sédimentation (mm/h) Protéine C réactive (mg/l) Fibrinogène (g/l) Hémoglobine (g/dl) Leucocytes (éléments/mm3) Polynucléaires neutrophiles (éléments/mm3) Plaquettes (éléments/mm3) .

Moyenne ± écart-type

Valeurs extrêmes

85 ± 28

[28–140]

73 ± 60

[10–277]

6,0 ± 1,4 11,2 ± 1,5 8784 ± 3031

[4,1–9,5] [7,4–14,1] [3400–18 600]

5987 ± 2565

[2000–16 200]

344 500 ± 158 357

[81 000–859 000]

Les variables quantitatives ont été exprimées par la moyenne ± écart-type, et, pour certaines, par la médiane et les valeurs extrêmes. Les variables qualitatives ont été exprimées en pourcentage. Les comparaisons entre variables quantitatives ont été réalisées à l’aide de tests non paramétriques (test de Mann-Whitney). Les variables qualitatives ont été comparées par le test du Chi2 ou le test exact de Fisher lorsque les effectifs étaient insuffisants.

3. Résultats Au terme de la sélection des 376 dossiers extraits de la base PMSI, 46 patients ont été inclus dans l’étude. Il s’agissait de 15 hommes (32,6 %) et de 31 femmes (67,4 %) âgés de 21 à 90 ans (âge médian = 67 ans). Ces 46 patients présentaient un total de 67 périodes d’hospitalisation. Si l’on retire les 5 bilans réalisés exclusivement en hôpital de jour, la durée moyenne d’hospitalisation a été de 21 ± 10 jours (étendue = 5–47 jours ; médiane = 20 jours). À l’admission, une altération de l’état général était notée chez 28 patients (60,9 %) ; 10 patients (21,7 %) présentaient des plaintes à type de myalgies, arthralgies et/ou céphalées et 17 (36,9 %) des plaintes d’« organe » : il s’agissait le plus souvent de troubles digestifs (douleurs abdominales, troubles dyspeptiques, état nauséeux et vomissements). Une fièvre était observée chez 18 patients (39,1 %). L’examen clinique était normal dans 28 cas (60,9 %). Dans les autres cas, les anomalies cliniques mentionnées dans l’observation étaient peu évocatrices, et ne permettaient pas d’orienter le diagnostic. Les valeurs des paramètres de l’inflammation ainsi que les principales données de l’hémogramme d’admission sont présentées dans le Tableau 1. Le bilan d’admission révélait une VS supérieure à 100 mm/h chez 15 patients (32,6 %). Dans la majorité des cas (26 cas = 52,6 %), la VS était comprise entre 50 et

685

Tableau 2 Bilan diagnostique : nombre et répartition des examens complémentaires Examens complémentaires

Total

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. .

115 42 217 305 78 112 99 39 52 75 2 63

Cultures bactériologiques Tests tuberculiniques et recherches de bacilles de Koch Sérologies Tests immunologiques Dosage des marqueurs tumoraux Radiographies standard Échographies Scanners Endoscopies Ponctions et biopsies Laparotomie Avis spécialisés

100 mm/h. Seuls 5 patients (10,9 %) présentaient une VS inférieure à 50 mm/h. Les valeurs de la CRP se répartissaient comme suit : CRP inférieure à 20 mg/l : 6 cas (13,0 %), CRP comprise entre 20 mg/l et 100 mg/l : 27 cas (58,7 %), CRP comprise entre 100 et 200 mg/l : 10 cas (21,7 %), CRP supérieure à 200 mg/l : 3 cas (6,5 %). Dans 33 cas (71,7 %), le taux de fibrinogène était inférieur à 7 g/l ; 8 patients (17,4 %) présentaient un taux de fibrinogène compris entre 7 et 8 g/l, 3 patients (6,5 %) avaient un taux de fibrinogène compris entre 8 et 9 g/l et 2 patients un taux de fibrinogène supérieur à 9 g/l. Le Tableau 2 récapitule le nombre d’investigations complémentaires réalisées dans le cadre du bilan diagnostique, représentant un total de 1 199 examens, soit une moyenne de 26 examens par patient. La stratégie diagnostique adoptée dans l’exploration de ces syndromes inflammatoires biologiques ne fera pas l’objet de plus de détails ; aucun de ces bilans, souvent exhaustifs, n’a permis d’aboutir à un diagnostic positif. La Fig. 1 présente les résultats portant sur le suivi ultérieur des 46 patients de l’étude. Le suivi, de l’ordre de 5 ans en moyenne, est dans tous les cas supérieur à 1 an.

Fig. 1. Évolution et étiologie des 46 syndromes inflammatoires inexpliqués.

686

A.E. Perrin et al. / La revue de médecine interne 23 (2002) 683–689

Un diagnostic a finalement été posé a posteriori dans 14 cas (30,4 %). Chez 12 patients (26,0 %), l’évolution a été marquée par la persistance du syndrome inflammatoire biologique. Chez 13 autres (28,3 %), le syndrome inflammatoire biologique a spontanément régressé. Seuls 2 patients ont été perdus de vue et dans 5 cas, le syndrome inflammatoire biologique n’a pas été recontrôlé au décours de l’hospitalisation. 3.1. Groupe « Diagnostic ultérieur » Un diagnostic définitif a été établi chez 7 hommes et 7 femmes âgés de 21 à 81 ans (âge moyen = 65 ans). Dans 11 cas, les diagnostics sont considérés comme certains ; ils regroupent des maladies inflammatoires chroniques : pseudopolyarthrite rhizomélique (4 cas), maladie de Horton (2 cas), polyarthrite rhumatoïde (1 cas), syndrome de Gougerot-Sjögren (1 cas), des pathologies d’origine infectieuse : endocardite infectieuse (1 cas), épisodes infectieux récidivants liés à un laryngocèle (1 cas), ainsi qu’une arthrite microcristalline (1 cas). Dans les 3 derniers cas, le diagnostic a été qualifié de plausible car si des diagnostics ont effectivement été établis, leur relation avec le syndrome inflammatoire apparaît de façon moins certaine que dans les cas précédents. Les différents diagnostics ont été posés dans un délai moyen de 7 mois, avec des extrêmes allant de 1 mois à 3 ans. Dans 8 cas (72,7 %), le diagnostic a été établi au terme d’un nouveau bilan hospitalier réalisé dans le même service. Le plus souvent, la réhospitalisation était motivée par la persistance de la symptomatologie clinique et/ou du syndrome inflammatoire biologique déjà à l’origine de la première hospitalisation. Dans quatre cas, l’apparition de nouveaux signes cliniques a permis d’orienter le diagnostic. Le diagnostic de laryngocèle a été posé en raison de la survenue d’épisodes de dyspnée et de dysphagie paroxystiques, chez une femme précédemment hospitalisée pour le bilan d’une altération de l’état général associée à un syndrome inflammatoire biologique. Le syndrome inflammatoire biologique, finalement rapporté à des épisodes infectieux répétés des voies aérodigestives a disparu après la résection chirurgicale du laryngocèle. L’apparition de céphalées intenses et l’aggravation rapide de troubles des fonctions supérieures a permis de poser le diagnostic de maladie de Horton chez un homme dont le syndrome inflammatoire, découvert de façon fortuite un mois auparavant lors d’une hospitalisation motivée par un accident ischémique transitoire, était resté inexpliqué. Chez deux patients, les signes cliniques permettant d’affirmer le diagnostic de pseudopolyarthrite rhizomélique (douleurs inflammatoires des ceintures, myalgies…) ne sont apparus que plusieurs mois après la découverte du syndrome inflammatoire biologique.

L’instauration du traitement spécifique de l’affection diagnostiquée a permis la résolution du syndrome inflammatoire biologique dans tous les cas énumérés ci-dessus. 3.2. Groupe « Syndrome inflammatoire persistant» Douze patients (26,1 %) présentent toujours ou présentaient au moment de leur décès un syndrome inflammatoire persistant inexpliqué. Il s’agit de 1 homme et 11 femmes âgés de 21 à 83 ans (âge moyen = 58,7 ans). Dans 4 cas, l’évolution de ces syndromes inflammatoires est décrite par les médecins traitants comme « fluctuante ». Une seule patiente de 34 ans a été hospitalisée pour un nouveau bilan, motivé par la persistance d’une fièvre et d’un syndrome inflammatoire biologique. Ce bilan, réalisé dans un service de rhumatologie deux ans après l’hospitalisation initiale en médecine interne, est resté négatif. À l’exception d’une femme de 78 ans, traitée ponctuellement par corticoïdes à faibles doses (10–12,5 mg/j), aucun traitement empirique n’a été prescrit a posteriori. 3.3. Groupe « Syndrome inflammatoire régressif » Chez 13 patients (28,3 %), 4 hommes et 9 femmes âgés de 22 à 90 ans (âge moyen = 57,1 ans), l’évolution a été marquée par la régression du syndrome inflammatoire biologique. Les renseignements que nous avons obtenus sont insuffisants pour nous permettre de préciser dans quel délai le syndrome inflammatoire a disparu. Sept malades de l’étude sont décédés ; à l’exception d’un cas (acutisation d’une leucémie myéloïde chronique), aucun décès ne semble en rapport avec une pathologie susceptible d’induire un syndrome inflammatoire prolongé. Les causes de ces décès étaient les suivantes : insuffisance respiratoire (1 cas), insuffisance cardiaque (1 cas), accident vasculaire cérébral (2 cas), pneumopathie aiguë (1 cas) ; dans le dernier cas, la cause du décès n’était pas connue du médecin traitant. Afin de juger de l’existence de critères de différenciation entre les 3 groupes, nous avons comparé un certain nombre de paramètres : 1) sexe ; 2) âge (années) ; 3) durée d’évolution de la symptomatologie ayant motivée l’admission (semaines) ; 4) présence d’une fièvre ; 5) présence d’une altération de l’état général ; 6) durée d’hospitalisation (jours) ; 7) vitesse de sédimentation ; 8) C-réactive protéine ; 9) fibrinogène ; 10) hémoglobine ; 11) leucocytes ; 12) polynucléaires neutrophiles ; 13) plaquettes. Les résultats sont détaillés dans le Tableau 3. Aucune différence significative n’est observée entre les groupes, quel que soit le paramètre étudié. On peut cependant souligner le fait qu’une altération de l’état général est observée chez près de 80 % des patients du groupe 1, alors qu’elle n’est rapportée que par 33 % des patients du groupe

A.E. Perrin et al. / La revue de médecine interne 23 (2002) 683–689

687

Tableau 3 Analyse comparative des 3 groupes (données cliniques, paramètres inflammatoires, hémogramme)

Homme/femme Âge (années) Durée évolution (semaines) Fièvre Altération de l’état général Durée hospitalisation (jours) VS (mm/h) CRP (mg/l) Fibrinogène (g/l) Hémoglobine (g/dl) Leucocytes (/mm3) Polynucléaires neutrophiles (/mm3) Plaquettes (/mm3) .

moy. ± E.T. moy. ± E.T. % % moy. ± E.T. moy. ± E.T. moy. ± E.T. moy. ± E.T. moy. ± E.T. moy. ± E.T. moy. ± E.T. moy. ± E.T.

Groupe 1 Diagnostic ultérieur (n = 14)

Groupe 2 Syndrome inflammatoire persistant (n = 12)

Groupe 3 Syndrome inflammatoire régressif (n = 13)

p

7/7 65,3 ± 17,3 13 ± 27 50,0 78,6 22,0 ± 12,3 87,6 ± 29,5 90,2 ± 57,4 6,0 ± 1,3 11,1 ± 1,8 8 957 ± 3 339 5 914 ± 3 053 346 571 ± 212 290

1/11 58,7 ± 20,9 97±206 33,3 33,3 14,7 ± 10,1 81,0 ± 23,9 47,3 ± 36,3 5,3 ± 1,1 11,0 ± 1,0 8000 ± 2258 5 608 ± 1 976 298 083 ± 110 003

4/9 57,1 ± 20,6 22±31 38,5 53,8 19,7 ± 11,0 80,8 ± 31,7 65,2 ± 59,3 5,8 ± 1,3 11,2 ± 1,4 8 792 ± 3 572 5 885 ± 2 821 375 154 ± 158 501

ns ns ns ns ns ns ns ns ns ns ns ns ns

2 et par 54 % des patients du groupe 3 (différence à la limite du seuil de significativité ; p = 0,06). À noter aussi une très large majorité de femmes dans le groupe 2 (sex-ratio 1/11), alors que le sex-ratio est de 1/1 dans le groupe 1. Nous avons aussi comparé le nombre d’investigations complémentaires prescrites dans chacun des 3 groupes. Nous n’avons pas trouvé de différence significative quant au nombre de cultures bactériologiques, de sérologies, de tests immunologiques, de radiographies, d’échographies, de scanners, d’endoscopies, de ponctions et biopsies, de consultations spécialisées. Ces résultats soulignent que la stratégie diagnostique utilisée était comparable dans les 3 groupes. Le recours à un traitement empirique en cours d’hospitalisation ne différait pas non plus entre les 3 groupes.

4. Discussion Dans ce travail, nous présentons les résultats d’une étude rétrospective portant sur le suivi de 46 patients dont le syndrome inflammatoire est resté sans diagnostic au terme d’un bilan hospitalier. Le mode de sélection des dossiers et les critères d’inclusion des sujets dans l’étude ne nous ont pas permis d’étudier la répartition étiologique de ces syndromes inflammatoires biologiques. De même, nous n’avons pas pu apprécier le pourcentage de syndromes inflammatoires restés inexpliqués par rapport aux syndromes inflammatoires rapportés à un diagnostic précis en cours d’hospitalisation. Par ailleurs, la valeur diagnostique des différentes investigations complémentaires réalisées dans le cadre du bilan étiologique n’a pu être estimée puisque dans aucun cas, ces examens n’ont permis de rattacher le syndrome inflammatoire biologique à un diagnostic précis.

Notre objectif principal était de répondre à la question du devenir de patients présentant un syndrome inflammatoire inexpliqué et d’en analyser les éventuels facteurs pronostiques. Le pronostic de ce groupe de malades est globalement bon. Un diagnostic a été posé a posteriori dans un tiers des cas et concerne essentiellement des maladies inflammatoires chroniques dont la guérison a été obtenue grâce à un traitement spécifique. Un tiers des syndromes inflammatoires a spontanément régressé. Dans le dernier tiers, le syndrome inflammatoire persiste, chez des patients par ailleurs asymptomatiques, et qui ne nécessitent pas de traitement particulier. Ces données évolutives rejoignent celles de la littérature portant sur le suivi des fièvres prolongées inexpliquées. Si dans les premières séries publiées, il existe une importante proportion de tuberculoses, tumeurs malignes et vascularites diagnostiquées a posteriori [6], dans les séries plus récentes, les cas de fièvres inexpliquées sans diagnostic sont le plus souvent rapportés à des pathologies infectieuses bénignes spontanément régressives [7,8]. Le suivi à long terme de ces fièvres prolongées inexpliquées a été fait systématiquement par deux auteurs [9]. Dans la première étude, qui inclut 34 patients [10], après un suivi moyen de 5 ans, 2 patients sont décédés d’une pathologie en rapport avec la fièvre prolongée : un adénocarcinome métastatique et une maladie supposée auto-immune. Dans 1 cas, l’origine de la fièvre était un abcès péri-appendiculaire. Une femme a continué à présenter une fièvre intermittente associée à une élévation de la VS. Dans les 30 cas restants, la fièvre a régressé spontanément et a été rapportée à une pathologie bénigne. Dans la seconde série [11,12], sur une cohorte initiale de 199 patients, 49 au terme de l’exploration présentaient une fièvre persistante inexpliquée. Le suivi ultérieur de ces 49 patients révèle que plus de 80 % ont une évolution favora-

688

A.E. Perrin et al. / La revue de médecine interne 23 (2002) 683–689

ble, et confirme la nature bénigne des fièvres inexpliquées sans diagnostic. Aucun cas de tuberculose ou de pathologie maligne n’a été diagnostiqué a posteriori. Plusieurs études épidémiologiques, répertoriées par Vital Durand [13], ont par ailleurs été consacrées au suivi de patients présentant une élévation de la VS restée inexpliquée. Au terme de cette revue de la littérature, Vital Durand souligne que le pourcentage de VS élevées inexpliquées est particulièrement important lors de l’utilisation de cet examen en dépistage systématique. Dans ces cas, l’évolution est marquée par la normalisation de la VS chez 60 à 80 % des sujets lors des contrôles ultérieurs. Dans le groupe de sujets qui présentent une élévation persistante de la VS, un diagnostic n’est établi que dans 0 à 15 % des cas. Lorsqu’une cause est identifiée, il s’agit habituellement de pathologies inflammatoires (collagénoses, rhumatismes, entéropathies), alors qu’une origine cancéreuse est plus rare. La VS n’est plus utilisée actuellement comme le seul marqueur de l’inflammation. C’est le dosage des protéines de l’inflammation (C-réactive protéine, haptoglobine, orosomucoïde, fibrinogène) qui permet aujourd’hui de définir le syndrome inflammatoire. Les données de la littérature portant sur les syndromes inflammatoires biologiques persistants inexpliqués sont cependant encore étonnamment rares. Dans deux études françaises, le suivi à long terme des patients présentant un syndrome inflammatoire inexpliqué [14,15] a permis d’établir les résultats suivants : dans la première étude [14], 23 malades ont été suivis pendant une durée moyenne de 36 mois. Après 3 ans de recul, un diagnostic a été posé chez 11 de ces malades (50 %) ; il s’agissait le plus souvent d’une maladie inflammatoire chronique. Les autres restent sans diagnostic mais la plupart connaissent une résolution spontanée, paraissant liée à une pathologie infectieuse. Un petit groupe de patients (10 %) garde un syndrome inflammatoire inexpliqué apparemment isolé. Aucun cancer ne s’est révélé secondairement. Les résultats de la seconde étude [15] sont d’interprétation plus délicate : en effet, sur 77 patients hospitalisés pour le bilan d’un syndrome inflammatoire biologique inexpliqué, 52 (soit 68 % des cas) sont restés sans diagnostic. Vingt diagnostics (38 %) ont été faits secondairement dans un délai moyen de 13 mois : 13 maladies inflammatoires et 7 maladies néoplasiques. Vingt et un syndromes inflammatoires biologiques (40 %) ont régressé spontanément sans diagnostic et 11 (21 %) ont persisté. Malgré le caractère extrêmement disparate de ces travaux, un certain nombre de conclusions peuvent être formulées. Ces conclusions rejoignent, pour une large part, les résultats de notre étude. Une normalisation des anomalies cliniques (fièvre) ou biologiques (élévation de la VS, augmentation des protéines de l’inflammation) est constatée dans la majorité des cas lors de contrôles ultérieurs, traduisant le plus souvent la régression spontanée d’une patholo-

gie infectieuse ou inflammatoire aiguë infraclinique. La révélation ultérieure d’une pathologie sous-jacente est éminemment variable selon les études, oscillant de 0 à 50 %. Lorsqu’un diagnostic est établi, il correspond essentiellement à des affections inflammatoires. La découverte de pathologies malignes est de plus en plus rare : dans la plupart des séries les plus récentes [10,12,14,16,17], aucun cancer n’a été observé au cours du suivi prolongé. Enfin, lorsque la fièvre ou le syndrome inflammatoire persistent, ils sont le plus souvent isolés et ne nécessitent pas de prise en charge thérapeutique particulière. Certains auteurs se sont intéressés, dans leurs travaux portant sur les fièvres inexpliquées, à l’existence « d’indices pronostiques ». La probabilité d’établir un diagnostic semble augmenter avec l’âge du patient [11,18,19], alors qu’elle serait inversement corrélée à la durée d’évolution de la fièvre [20]. Par ailleurs, la comparaison d’un groupe de malades présentant une fièvre isolée à un groupe de malades dont la fièvre était associée à d’autres signes cliniques est en faveur d’un nombre de diagnostics significativement plus élevé dans le second groupe [21]. L’analyse comparative réalisée dans notre étude n’a pas permis d’objectiver de différences significatives entre les 3 groupes. Il est cependant intéressant de constater que l’existence d’une altération de l’état général est observée de façon nettement plus fréquente dans le groupe « diagnostic ultérieur » que dans les 2 autres groupes. Ces résultats viennent corroborer les considérations des cliniciens, pour qui « la démarche diagnostique reste avant tout orientée par les données de la clinique » [22].

5. Conclusion La conduite à tenir devant un syndrome inflammatoire persistant est un sujet de préoccupation fréquent en médecine interne. L’analyse des causes des syndromes inflammatoires, l’évaluation du rendement diagnostique et l’estimation du coût des différents examens complémentaires sont nécessaires pour déterminer les stratégies diagnostiques les mieux adaptées. Elles justifient la mise en place d’études prospectives, similaires à celles déjà réalisées pour les fièvres prolongées [11,23,24]. Il faut aussi tenir compte, dans l’élaboration de ces stratégies diagnostiques, des facteurs évolutifs et prédictifs, thème de notre étude. L’intuition clinique, qui fait accorder beaucoup d’importance à l’existence d’une altération de l’état général, est confirmée par nos résultats. Notre travail démontre par ailleurs que la persistance d’un syndrome inflammatoire biologique ne paraît pas être en soit un critère de mauvais pronostic. Il semble donc licite, lorsqu’un diagnostic n’est pas établi malgré des explorations bien conduites, de

A.E. Perrin et al. / La revue de médecine interne 23 (2002) 683–689

préférer une surveillance clinique et biologique attentive et régulière à la réalisation de bilans exhaustifs répétés.

Références [1]

Grasland A, Pouchot J. Syndrome inflammatoire biologique persistant. Orientation diagnostique. Rev Prat 1997;47:75–9. [2] Lidove O, Cacoub P. Syndrome inflammatoire biologique persistant. Orientation diagnostique. Rev Prat 1999;49:1709–13. [3] Vital Durand D, Rousset H, Bienvenu J, Sibille M. Le syndrome inflammatoire. In: Rousset H, Vital Durand D, Dupond JL, editors. Diagnostics difficiles en médecine interne. 2nd éd. Paris: Maloine; 1999. p. 913–32. [4] Vital Durand D, Sibille M, Levrat R. Que faire devant un syndrome inflammatoire inexpliqué ? Concours Med 1991;113:187–93. [5] Miller A, Green M, Robinson D. Simple rule for calculating normal erythrocyte sedimentation rate. Br Med J 1983;286:266. [6] Pettersson T. Fever of obscure origin : a follow-up investigation of 88 cases. Acta Med Scand 1962;171:575–83. [7] Gleckman R, Crowley M, Esposito A. Fever of unknown origin : a view from the community hospital. Am J Med Sci 1977;274:21–5. [8] Larson EB, Featherstone HJ, Petersdorf RG. Fever of undetermined origin : diagnosis and follow-up of 105 cases : 1970–80. Medicine 1982;61:269–92. [9] Rousset H, Lucht T. Fièvres prolongées inexpliquées. In: Rousset H, Vital Durand D, Dupond JL, editors. Diagnostics difficiles en médecine interne. 2nd éd. Paris: Maloine; 1999. p. 357–80. [10] Kerttula Y, Hirvonen P, Pettersson T. Fever of unknown origin : a follow-up investigation of 34 patients. Scand J Infect Dis 1983;15:185–7. [11] Knockaert DC. Fever of unknown origin in the ultrasonography and computed tomography era [thèse]. Leuven: Katholieke Universiteit; 1991. [12] Knockaert DC, Dujardin KS, Bobbaers HJ. Long-term follow-up of patients with undiagnosed fever of unknown origin. Arch Intern Med 1996;156:618–20.

689

[13] Vital Durand D, Levrat R. Vitesse de sédimentation élevée. In: Rousset H, Vital Durand D, Dupond JL, editors. Diagnostics difficiles en médecine interne. 2nd éd. Paris: Maloine; 1999. p. 1011–23. [14] Kieffer P. Suivi à long terme des syndromes inflammatoires inexpliqués (à propos de 23 observations) [thèse]. Lyon: université Claude-Bernard; 1989. [15] Riblet-Augey L. Syndromes inflammatoires inexpliqués. A propos de 77 observations. Revue de la littérature [thèse]. Lyon: université Claude-Bernard; 1993. [16] Rafnsson V, Bengtsson C, Lennartsson J, Lindquist O, Noppa H, Tibblin E. Erythrocyte sedimentation rate in a population sample of women with special reference to its clinical and prognostic significance. Acta Med Scand 1979;206:207–14. [17] Froom P, Margaliot S, Caine Y, Benbassat J. Significance of erythrocyte sedimentation rate in young adults. Am J Clin Pathol 1984;82:198–200. [18] Esposito AL, Gleckman RA. Fever of unknown origin in the elderly. J Am Geriatr Soc 1978;26:498–505. [19] Knockaert DC, Vanneste LJ, Bobbaers HJ. Fever of unknown origin in elderly patients. J Am Geriatr Soc 1993;41:1187–92. [20] Wolff SM, Fauci AS, Dale DC. Unusual etiologies of fever and their evaluation. Annu Rev Med 1975;26:277–81. [21] Gries E, Hoensch H, Ohnhaus EE. Differential diagnosis in fever of unknown origin : significance of concomitant clinical symptoms. Klin Wochenschr 1986;64:307–13. [22] De Gennes C. Syndromes inflammatoires. In: Godeau P, Herson S, Piette JC, editors. Traité de médecine. 3rd éd. Paris: Flammarion Médecine-Sciences; 1996. p. 98–102. [23] Knockaert DC. Diagnostic strategy for fever of unknown origin in the ultrasonography and computed tomography era. Acta Clin Belg 1992;47:100–16. [24] De Kleijn EM, van Lier HJ, van der Meer JW. Fever of unknown origin (FUO). II. Diagnostic procedures in a prospective multicenter study of 167 patients. The Netherlands FUO Study Group. Medicine 1997;76:401–14.