Exploration isocinétique du genou du judoka et risque de rupture du LCA. À propos d'une enquête prospective auprès des athlètes du pôle France de Rennes

Exploration isocinétique du genou du judoka et risque de rupture du LCA. À propos d'une enquête prospective auprès des athlètes du pôle France de Rennes

Science & Sports 21 (2006) 148–153 http://france.elsevier.com/direct/SCISPO/ Article original Exploration isocinétique du genou du judoka et risque ...

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Exploration isocinétique du genou du judoka et risque de rupture du LCA. À propos d’une enquête prospective auprès des athlètes du pôle France de Rennes Isokinetic muscle knee evaluation in top level judo athletes and the risk of ACL rupture F. Busnel, P. Rochcongar *, A.-M. Andre, J. Beillot, J. Jan Unité de biologie et médecine du sport, CHU Pontchaillou, rue H.-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 09, France Reçu le 20 mars 2006 ; accepté le 22 mai 2006 Disponible sur internet le 23 juin 2006

Résumé Objectif. – Évaluer le risque de rupture du LCA chez le judoka. Méthodes. – Le risque de rupture du LCA est particulièrement important dans certains sports, et notamment le football, le hand-ball et le basket-ball. L’incidence est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. À ce jour très peu d’études concernent le judo. Nous avons conduit une étude prospective pendant six années chez des jeunes judokas de haut niveau (16 ans) concernant ce type de lésion et recherché une éventuelle relation avec les résultats de l’évaluation isocinétique du genou, en mode concentrique. Résultats. – Le taux de blessure est très élevé, et sensiblement identique chez les hommes et les femmes (12,5 %). Nous n’avons pas retrouvé de déséquilibre ischiojambiers–quadriceps dans le groupe blessé. Le rapport est toutefois plus faible, à vitesse rapide, chez les femmes blessées. Les sportifs les plus lourds, et qui présentent une masse grasse plus élevée présentent un risque de rupture plus important. Ce sont les femmes qui sont les plus concernées. Conclusion. – Ces constatations doivent permettre de proposer des programmes de prévention adaptés, comme cela est déjà proposé pour d’autres sports comme le volley-ball. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Aims. – The purpose of this study was to estimate the risk of ACL rupture in top level judo athletes. Methods. – The risk of ACL rupture has been widely reported, and is higher in some sports as soccer, handball and basketball, particularly in females. But other sports as judo have not been studied. We carried out a prospective 6 years study in young top level males and females judo athletes (16 years old), and compared the results with concentric isokinetic knee evaluation. Results. – The incidence of ACL rupture is very high (12,5%), and approximately the same for males and females. There is no difference in hamstrings/quadriceps ratio between the two groups (rupture or not). But this ratio is slightly lower at high speed in females group with rupture. The heavier athletes, with higher fat mass, (particularly in the females group) are more at risk of rupture. Conclusion. – Preventions programs should be discussed in respect of these preliminary results, as proposed in other sports, as soccer and volleyball. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Judo ; Ligament croisé antérieur ; Isocinétique Keywords: Judo; Anterior cruciate ligament; Isokinetic

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Rochcongar).

0765-1597/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2006.05.003

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1. Introduction De nombreux travaux ont porté ces dernières années sur l’incidence de la rupture du ligament croisé antéroexterne (LCA) lors de la pratique de différents sports en mettant en évidence un risque accru chez les femmes [1,4,5,7,9,11,14,21, 24,36,41]. Parallèlement, pour tenter de comprendre ce traumatisme, différents facteurs prédisposants pour cette lésion ont été mis en avant qu’ils soient anatomiques, hormonaux, environnementaux et surtout neuromusculaires [1,2,15,17,18,23,28,31,37,38, 41,42]. L’une des hypothèses évoquées est fondée sur le fait qu’un déséquilibre entre la force musculaire des ischiojambiers et du quadriceps est un facteur favorisant de survenue d’une lésion du ligament croisé antérieur. Ce déséquilibre serait plus fréquent chez les femmes [16]. Ces constatations ont abouti à des propositions de programme de prévention, qui semblent apporter la preuve de leur efficacité [25]. Toutefois, si ces travaux ont été réalisés pour des sports tels que le football, le volley-ball, le basket-ball, aucune étude ne rapporte des résultats obtenus avec des judokas. Au cours de ce travail, nous nous proposons, au travers d’une étude prospective, d’appréhender le risque de rupture du LCA chez des judokas de haut niveau et de mettre en évidence d’éventuelles corrélations avec les résultats de l’exploration isocinétique des muscles extenseurs et fléchisseurs du genou. 2. Matériel et méthode 2.1. Population L’étude a porté sur les sportifs du pôle France judo de Rennes. Leur entraînement hebdomadaire est composé de huit à neuf heures de judo, deux heures de développement de la condition physique et une heure de musculation. Dans le cadre de cette structure, tous les sportifs sont suivis dans le service de médecine du sport du CHU de Rennes où notamment, une exploration isocinétique du quadriceps et des ischiojambiers est réalisée pour chacun d’entre eux, chaque année. Nous avons retenu les explorations isocinétiques réalisées de l’année scolaire 1994–1995 à janvier 2001 soit 151 sportifs, 107 hommes et 44 femmes. La moyenne d’âge chez ces athlètes était pour les hommes de 16,2 ± 0,97 ans et pour les femmes de 16,3 ± 1,03 ans. Ils ont tous bénéficié également de mesures anthropométriques (poids, taille et masse grasse mesurée par la méthode des plis cutanés).

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cuisse afin d’éviter toute compensation. Le centre articulaire est repéré sur le genou fléchi à 90°. L’axe de rotation du bras de levier passe par l’axe de rotation du genou. L’amplitude maximale en extension est évaluée. La correction de la gravité est faite à 45° de flexion. Chaque test est précédé d’une période d’apprentissage sur la machine et d’échauffement. Pour cela l’athlète réalise des contractions isocinétiques sous maximales aux différentes vitesses angulaires utilisées lors du test. Toutes les mesures sont réalisées, bras croisés selon un mode de contraction concentrique de manière symétrique et comparative des deux genoux. Les tests sont réalisés à vitesse lente (trois répétitions à 60°/s) et à vitesse rapide (cinq répétitions à 180°/sec). Les paramètres retenus sont : le moment maximal résistant (MMR), le MMR rapporté au kilogramme de poids corporel, le rapport agoniste/antagoniste. 2.3. Enquête Afin de préciser l’incidence des lésions du LCA pour cette population, nous avons réalisé une enquête par questionnaire diffusé aux athlètes, soit lors des séances d’entraînement, soit par courrier. L’enquête s’est déroulée d’octobre 2000 à mai 2001. Au total, 137 judokas (99 hommes et 38 femmes) ont répondu au questionnaire soit 89,4 % de réponses. 2.4. Statistiques Toutes les valeurs sont exprimées par leur moyenne plus ou moins écart-type. Nous avons utilisé dans ce travail les tests statistiques suivant (en choisissant comme seuil de significativité : p < 0,05) : ● test t de Student pour échantillons indépendants afin de comparer les profils isocinétiques obtenus pour les hommes et pour les femmes. ● test t de Student pour échantillons appariés lors de la comparaison entre les variables obtenues pour les genoux droits et gauches. ● test non paramétrique de Mann et Withney afin de comparer le groupe avec atteinte du LCA au groupe témoin. ● test non paramétrique de Wilcoxon pour comparer dans le groupe des judokas avec atteinte du pivot central, les genoux traumatisés aux genoux sains. 3. Résultats

2.2. Matériel

3.1. Résultats de l’exploration isocinétique de l’ensemble des athlètes du pôle

Les tests ont été réalisés sur appareil isocinétique CYBEX Norm. L’athlète est placé en position assise, avec une inclinaison postérieure de 15 à 20° du tronc par rapport à la verticale. Le sujet est maintenu par des sangles au niveau du tronc et de la

Nous avons comparé les MMR des fléchisseurs et des extenseurs du genou entre les cotés droits et gauches chez les hommes et chez les femmes. N’ayant pas mis en évidence de différence statistiquement significative entre les cotés droits et gauches quel que soit le

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Tableau 1 Moyennes, écarts-types et comparaison des MMR et MMR/poids du quadriceps entre les femmes et les hommes

60°/sec 180°/sec

MMR MMR/poids MMR MMR/poids

Moyenne 192 2,72 127 1,80

Hommes Quadriceps Écart-type 37 0,36 25 0,26

Moyenne 127 2,26 83 1,48

Femmes Quadriceps Écart-type 24 0,35 13 0,21

Résultats

p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001

Tableau 2 Moyennes, écarts-types et comparaison des MMR et MMR/poids des ischiojambiers entre les femmes et les hommes

60°/sec 180°/sec

MMR MMR/poids MMR MMR/poids

Moyenne 125 1,78 94 1,34

Hommes Ischiojambiers Écart-type 26 0,29 22 0,26

Moyenne 80 1,44 58 1,04

Femmes Ischiojambiers Écart-type 16 0,29 13 0,24

Résultats

p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001

Tableau 3 Moyennes, écarts-types et comparaison du ratio IJ/Q aux vitesses de 60 et 180°/sec entre les femmes et les hommes

Ratio IJ/Q

60°/sec 180°/sec

Moyenne 0,66 0,75

Hommes Écart-type 0,10 0,15

groupe étudié, nous ne rapportons que les résultats obtenus pour le genou droit. Au travers de ces résultats, on retrouve un pic de force en valeur absolu et ramené au kilogramme de poids significativement plus élevé chez les hommes par rapport aux femmes. En revanche, on ne retrouve pas de différence statistiquement significative entre ces deux groupes pour le ratio IJ/Q (Tableaux 1–3).

Moyenne 0,64 0,70

Femmes Écart-type 0,11 0,13

Résultats NS NS

Pour évaluer l’évolution de ces traumatismes, nous avons pris en compte toutes les ruptures du LCA qui dataient de plus d’un an soit 12 judokas, huit hommes et quatre femmes. Tous ont bénéficié d’une intervention, sauf une femme qui a suivi un traitement fonctionnel. En ce qui concerne la reprise de la pratique du judo, six des huit hommes et deux des trois femmes opérées ont repris leur pratique au même niveau. La seule athlète féminine non opérée n’a pas retrouvé son niveau antérieur.

3.2. Fréquence de la rupture du LCA Nous avons recensé 19 lésions du LCA diagnostiquées par l’examen clinique et confirmées par une IRM ou une arthroscopie. Parmi ces lésions, deux étaient survenues lors de la pratique d’un sport différent du judo. Il s’agissait de deux judokas masculins. Nous avons exclu ces deux athlètes de notre étude. Nous avons donc répertorié 17 lésions du LCA lors de la pratique du judo soit 12,5 % des athlètes ayant répondu au questionnaire. Parmi ces judokas, on dénombre cinq femmes et 12 hommes soit respectivement 13,1 et 12,3 %. Chez les hommes, deux d’entre eux ont présenté une atteinte bilatérale. L’étude plus approfondie révèle que 58,8 % de ces lésions sont survenues lors de compétitions contre 41,2 % à l’entraînement. Le nombre de blessures en compétition est légèrement supérieur chez les femmes par rapport aux hommes (60 vs 58,3 %). Il n’a pas été possible de préciser le mécanisme lésionnel pour l’ensemble des ruptures.

3.3. Recherche d’une relation entre un déséquilibre du ratio IJ/Q et la survenue d’une lésion du LCA Pour le groupe ayant présenté une rupture du LCA, nous n’avons retenu que les explorations isocinétiques réalisées avant la lésion, soit dix judokas (sept hommes et trois femmes). Le groupe témoin étant composé de judokas indemnes de toute atteinte du pivot central (85 garçons et 33 filles). Dans le groupe LCA, nous avons comparé les forces du quadriceps et des ischiojambiers puis le ratio IJ/Q entre le genou secondairement lésé et le genou controlatéral sain. Aucune différence significative n’a été mise en évidence. De même, nous n’avons pas mis en évidence de différence statistiquement significative lors de la comparaison de la force du quadriceps et des ischiojambiers en valeur absolue puis ramenée au kilogramme de poids entre le groupe témoin et le groupe blessés. Si on compare le rapport IJ/Q, considéré pour certains comme un facteur prédictif de lésion du LCA, nous ne retrouvons pas de différence entre les deux groupes hommes. Dans le cas des femmes, on constate des chiffres globalement plus fai-

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Fig. 1. Comparaison ratio IJ/Q entre le groupe LCA et le groupe témoin chez les femmes et les hommes.

bles pour le groupe LCA sans mettre en évidence de différence statistiquement significative (Fig. 1). 3.4. Recherche d’une relation entre les caractéristiques morphologiques et la survenue d’une lésion du LCA On constate chez les judokas qui ont présenté une lésion du LCA des caractéristiques morphologiques différentes par rapport au groupe témoin. En effet, on note dans le groupe LCA un poids, une taille, une masse grasse, mais aussi une masse maigre plus importants. Cette constatation est plus marquée pour les femmes (Tableau 4). 4. Discussion La comparaison, entre les hommes et les femmes, des performances de force mesurées au niveau du quadriceps et des ischiojambiers révèle des valeurs significativement plus importantes pour les hommes, que ce soit à vitesse lente ou rapide. Cette constatation se confirme lorsqu’on rapporte la force au kilo de poids total. Concernant le ratio IJ/Q, nous constatons des chiffres un peu plus élevés pour le groupe des hommes, mais sans mettre en évidence une différence statistiquement significative entre les deux sexes. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus lors d’études similaires pour d’autres sports tels que le football, le basketball, le volley-ball, le sprint, l’escrime retrouvées dans la littérature [8,12,19,30,32–35,40]. On ne retrouve donc pas de particularité propre au profil isocinétique du judoka. En ce qui concerne l’incidence de la rupture du LCA, nous retrouvons dans cette étude prospective des valeurs très élevées (12,3 % des hommes et 13,1 % des femmes ayant répondu au questionnaire). Nous avons tenté de comparer nos résultats avec ceux publiés pour d’autres sports. La comparaison est rendue difficile par le fait que la majorité des auteurs qui ont travaillé sur

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ce sujet ont évalué, soit le pourcentage de survenue d’un traumatisme du genou quel qu’il soit sans préciser le pourcentage de lésions du LCA, soit le pourcentage de lésions du LCA en fonction du nombre total de traumatismes constatés lors de la pratique d’un sport donné [3,4,10,20,28]. Parfois, c’est en fonction du nombre d’heures de pratique qu’est rapporté le nombre de lésions du LCA. Lindenfeld [22] rapporte ses résultats pour 100 heures de pratique par joueur, alors que d’autres études [5,21,39] expriment le nombre de lésions pour 1000 heures de pratique. Dans tous ces cas, la comparaison avec nos résultats reste donc difficile. Ainsi, nous n’avons utilisé que les études qui rapportaient le nombre de lésions du LCA au nombre de participants. Les publications avec lesquelles nous avons pu comparer notre travail mettent en évidence des incidences de lésion du LCA plus faibles. En effet, Gwinn [14] lors d’une étude qui consistait à répertorier les atteintes du pivot central chez 25 435 aspirants femmes et 46 478 aspirants hommes de US Naval Academy entre 1991 et 1997, retrouve respectivement pour les hommes et les femmes une incidence de 0,089 et 0,478 ‰ chez les basketteurs, 0,081 et 0,768 ‰ chez les joueurs de football et 0,176 et 0,354 ‰ chez les joueurs de rugby. Dans ces groupes étudiés, seulement 50 % des femmes jouaient à un haut niveau. Arendt [1] a étudié la fréquence de survenue d’une lésion du LCA chez les hommes et femmes pratiquant le football et le basket-ball. Il rapporte des chiffres pour 1000 athlètes exposés. Dans le cas des joueurs de football, on note une incidence de 0,13 ‰ chez les hommes et 0,31 ‰ chez les femmes. Pour les joueurs de basket-ball, 0,07 ‰ pour les hommes et 0,29 ‰ pour les femmes. Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature d’étude portant sur l’incidence de la rupture du LCA lors de la pratique du judo à un haut niveau. Cette incidence élevée des lésions du LCA dans notre groupe peut être partiellement expliquée par les caractéristiques des sportifs qui le composent. En effet, en étudiant les lésions du LCA chez les judokas du pôle France, nous sommes confrontés à des athlètes de haut niveau qui ont un entraînement intensif (avec un nombre d’heures d’entraînement hebdomadaire élevé) et chez qui l’engagement physique est très important. Il a déjà été mis en évidence un risque de lésions du LCA plus élevé chez des joueurs de haut niveau pratiquant le handball ou le football par rapport à des joueurs amateurs. Bjordal [5], à propos d’une enquête rétrospective sur 176 ruptures du LCA note que les joueurs hommes de haut niveau

Tableau 4 Comparaison des caractéristiques morphologiques entre le groupe témoin et le groupe LCA chez les hommes puis les femmes

Poids (kg) Taille (cm) %MG MG (kg) MM (kg)

Groupe témoin 85 70,4 174,1 12,2 8,7 61,6

Hommes Groupe LCA 7 75,8 172,6 13,1 10,5 65,1

Résultats NS NS NS NS NS

%MG : pourcentage de masse grasse ; MG : masse grasse ; MM : masse maigre.

Groupe témoin 33 55,6 161 22,5 13,7 42

Femmes Groupe LCA 3 71,8 174,3 28,2 20,3 51,4

Résultats p = 0,008 p = 0,004 NS p = 0,02 p = 0,007

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restent plus touchés avec une incidence plus élevée (0,41 pour 1000 heures de jeu) par rapport à des joueurs amateurs (0,057 pour 1000 heures de jeu). La même constatation est faite par Myklebust [26,27] dans le cas du handball qui remarque que la fréquence de lésion du LCA la plus élevée est retrouvée dans le groupe des handballeurs de très haut niveau. Il est donc important d’étudier l’incidence de la rupture du LCA sur des populations qui soient bien homogènes et si possible de ramener les résultats obtenus au nombre d’heures de pratique. Enfin, lors de la comparaison entre les groupes témoins et les groupes LCA, on constate chez les femmes avec atteinte du LCA une tendance à présenter une force musculaire des IJ ramenée au poids total un peu plus faible par rapport au groupe témoin. De la même façon, on note des ratios IJ/Q inférieurs à ceux observés pour le groupe témoin. Cependant, on ne met en évidence une différence statistiquement significative entre ces deux groupes que pour le ratio IJ/Q à 180°/s. Ces résultats se rapprochent des constatations faites dans les études mettant en évidence une corrélation entre un déséquilibre du ratio ischiojambiers/quadriceps et la survenue d’une lésion du LCA [15, 16,17,26]. La faible significativité, dans notre travail peut être liée au nombre restreint en valeur absolue de femmes blessées. En ce qui concerne les hommes, les résultats entre les deux groupes sont quasiment identiques. Concernant les caractéristiques morphologiques, on constate que les groupes de judokas qui ont été victimes d’une entorse grave du genou présentent, en moyenne, des poids et taille plus importants comparés aux groupes témoins. Selon Grace et Hutchinson [13,18], la probabilité de survenue d’un traumatisme augmente avec le poids des athlètes. Le judo est un sport dans lequel on retrouve différentes catégories de poids. La population étudiée n’est donc pas homogène. Ces sportifs possèdent des caractéristiques physiologiques différentes en fonction de leur catégorie de poids [6]. Les catégories les plus lourdes sont-elles réellement plus touchées par une atteinte du pivot central ? Pour cela, il sera nécessaire à l’avenir de ramener le nombre de lésions du LCA au nombre de pratiquants dans chaque catégorie de poids. 5. Conclusion Cette étude est la seule, à notre connaissance, à avoir évalué le profil isocinétique d’un groupe de judokas de haut niveau et tenté de le corréler les résultats au risque de rupture du LCA. Lors de ce travail, nous n’avons pas mis en évidence de particularité propre au profil isocinétique des judokas comparativement à d’autres disciplines sportives. En ce qui concerne la lésion du ligament croisé antérieur, on constate une incidence élevée dans ce groupe de judokas. Les femmes étant un peu plus souvent concernées par ce type de traumatisme que les hommes. Un déséquilibre du rapport ischiojambiers/quadriceps ne semble pas plus fréquent chez les judokas hommes qui ont présenté une lésion du pivot central. Dans le cas des femmes, on note pour le groupe avec atteinte du LCA une faiblesse relative de la force des ischio-

jambiers ainsi qu’un ratio IJ/Q un peu plus faible par rapport au groupe témoin mais à la limite de la significativité. Enfin, on remarque un poids (masse maigre et masse grasse) plus important chez les athlètes du groupe LCA comparé aux athlètes du groupe témoin. Il sera certainement très intéressant de poursuivre ce travail afin d’évaluer sur une population de judokas plus large l’incidence de la rupture du LCA mais cette fois-ci ramenée au nombre d’heures de pratique et en fonction des catégories de poids et du niveau. Enfin, il semble nécessaire de poursuivre la recherche des facteurs favorisant une atteinte du LCA, notamment un éventuel déséquilibre du ratio IJ/Q tout en sachant qu’il s’agit sans aucun doute d’un phénomène plurifactoriel [29]. Références [1] Arendt E, Dick R. Knee injury patterns among men and women in collegiate basketball and soccer. Am J Sports Med 1995;23(6):694–701. [2] Baratta R, Solomonow M, Zhou BH, Letson D, Chuinard R, D’Ambrosia R. Muscular coactivation.The role of the antagonist musculature in maintaining knee stability. Am J Sports Med 1988;16:113–22. [3] Barrault D, Brondani JC, Rousseau D. Médecine du judo. Paris: Masson; 1991. [4] Binet MH, Laporte JD, Constans D, Touret E. Épidémiologie des lésions au ski. In: Rodineau J, Saillant G, editors. Les lésions isolées récentes du ligament croisé antérieur. Données actuelles. Paris: Masson; 1998. p. 13– 20. [5] Bjordal JM, Arnoy F, Hannestad B, Strand T. Epidemiology of anterior crutiate ligament injuries in soccer. Am J Sports Med 1997;25(3):341–5. [6] Callister R, Callister RJ, Staron RS, Fleck SJ, Tesch P, Dudley GA. Physiological charactéristics of elite judo athletes. Int J Sports Med 1991;12: 196–203. [7] Chandy TA, Grana WA. Secondary school athletic injury in boys and girls: a three-year comparison. Physician Sports Med 1985;13(3):106–11. [8] Conrad C. Exploration isocinétique des extenseurs et fléchisseurs du genou chez l’escrimeur de haut de niveau. Thèse de médecine, Nancy, 1997. [9] De Loes M, Dahlstedt LJ, Thomée R. A 7-year study on risks and costs of knee injuries in male and female youth participants in 12 sports. Scand J Med Sci Sports 2000;10(2):90–7. [10] Delamare V. Les accidents de judo : étude épidémiologique à propos de 268 blessés totalisant 276 lésions. Thèse de médecine, Grenoble, 1997. [11] Ferreti A, Papandrea P, Conteduca F, Mariani PP. Knee ligament injuries in volleyball players. Am J Sports Med 1992;20(2):203–7. [12] Fossier E. Explorations musculaires isocinétiques du genou en médecine du sport : méthode–intérêt. Thèse médecine, université de Paris-VII, Paris, 1985. [13] Grace TG, Sweetser ER, Nelson MA, Ydens LR, Skipper BJ. Isokinetic muscle imbalance and knee-joint injuries. A prospective blind study. The journal of bone and joint surgery 1984;66A(5):734–40. [14] Gwinn DE, Wilckens JH, McDevitt ER, Ross G, Kao TC. The relative incidence of anterior crutiate ligament injury in men and women at the united states naval academy. Am J Sports Med 2000;28(1):98–102. [15] Hewett TE, Stroupe AL, Nance TA, Noyes FR. Plyometric training in female athletes. Decreased impact forces and increased hamstring torques. Am J Sports Med 1996;24(6):765–73. [16] Hewett TE. Neuromuscular and hormonal factors associated with knee injuries in female athletes. Strategies for intervention. Sports Med 2000; 29(5):313–27. [17] Huston LJ, Wojtys EM. Neuromuscular performance characteristics in elite female athletes. Am J Sports Med 1996;24(4):427–36. [18] Hutchinson MR, Ireland ML. Knee injuries in female athletes. Sports Med 1995;19(4):288–302.

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