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SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE
Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2014; 43: 549–554 ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Facteurs environnementaux dans la SLA Raul Juntas-Morales1, Nicolas Pageot1, Philippe Corcia2, William Camu1
1. Hôpital Gui-de-Chauliac, service de neurologie, clinique du motoneurone, Inserm 1051, 34925 Montpellier cedex 5, France 2. CHRU de Tours, centre SLA, service de neurologie et neurophysiologie clinique, UMR Inserm U930, 37000 Tours, France
Correspondance : William Camu, hôpital Gui-de-Chauliac, service de neurologie, clinique du motoneurone, 80, avenue Auguste-Fliche, 34925 Montpellier cedex 5, France.
[email protected]
Key points Environmental factors in ALS ALS is likely to be a disorder of multifactorial origin. Among all the factors that may increase the risk of ALS, environmental ones are being studied for many years, but in the recent years, several advances have pointed to a new interest in their potential involvement in the disease process, especially for the cyanotoxin BMAA. Food containing BMAA has been found on Guam, a wellknown focus of ALS/parkinsonism/dementia and high levels of BMAA have been identified into the brain of these patients. The BMAA cyanotoxin is potentially ubiquitous and have also been found into the food of patients who died from ALS both in Europe and USA. BMAA can be wrongly integrated into the protein structure during mRNA traduction, competing with serine. This may induce abnormal protein folding and a subsequent cell death. Heavy metals, such as lead or mercury may be directly toxic for neuronal cells. Several works have suggested an increased risk of ALS in individuals chronically exposed to these metals. Exposure to pesticides has been suggested to be linked to an increased risk of developing ALS. The mechanism of their toxicity is likely to be mediated by paraoxonases. These proteins are in charge of detoxifying the organism from toxins, and particularly organophosphates.
tome 43 > n85 > mai 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.012
Points essentiels La SLA est une pathologie d’origine très probablement multifactorielle. Parmi les facteurs favorisant, ceux environnementaux sont étudiés de longue date et ont fait l’objet ces dernières années d’un regain d’intérêt à travers l’hypothèse de la BMAA. La cyanotoxine BMAA est contenue dans l’alimentation des malades porteurs de la forme de Guam de SLA/parkinsonisme/ démence, et des taux élevés sont retrouvés dans le cerveau des patients. La BMMA est potentiellement ubiquitaire et a été retrouvée dans l’alimentation de personnes décédées de SLA, en Europe et aux États-Unis. Elle peut être intégrée dans les protéines durant la traduction des ARMm, en lieu de place de la sérine, altérant la structure protéique qui à son tour peut engendrer une mort cellulaire. Les métaux lourds tels que le plomb ou le mercure altèrent le fonctionnement neuronal et des travaux ont suggéré un risque accru de SLA dans des conditions d’exposition à ces métaux. Un risque accru de développer une SLA a été suggéré chez les personnes exposées aux pesticides. Le mécanisme passe possiblement par des protéines, les paraoxonases, dont le rôle est de détoxifier l’organisme, tout particulièrement des organophosphates. À ce jour, aucune donnée scientifiquement valide ne permet de parler de risque accru de SLA lors d’une exposition à des champs électromagnétiques, car nous manquons de suivi de cohortes longitudinales.
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Disponible sur internet le : 2 avril 2014
R Juntas-Morales, N Pageot, P Corcia, W Camu
To date, there are insufficient scientific data to suggest that exposure to electromagnetic fields may increase the risk of having ALS. We are particularly missing longitudinal cohorts to demonstrate that risk.
L
a sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie dont l’origine est probablement multifactorielle. Si des facteurs génétiques existent, ils ne jouent toutefois un rôle déterminant, causal, que dans un nombre limité de cas (cf. article de P. Corcia dans ce dossier). Le rôle des facteurs environnementaux dans la survenue d’une SLA est exploré depuis de nombreuses années et nous allons tenter de décrire, pour les principaux d’entre eux, à quel point les données accumulées à ce jour sont pertinentes ou non. Toutefois, précisons d’emblée que nous traiterons des facteurs environnementaux stricto sensu, c’est-à-dire à l’exclusion des facteurs liés au mode de vie des personnes, domaine propre à l’individu et qui ne représente donc pas à proprement parler un rôle de l’environnement sur le risque d’être malade. Parmi les facteurs envisagés comme jouant possiblement un rôle dans la survenue de la SLA, nous citerons en particulier les pesticides, les métalloïdes, les métaux lourds, les champs magnétiques et la cyanotoxine BMAA.
Cyanotoxine BMAA Le modèle de l’île de Guam
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L’intérêt pour cette toxine débute avec les travaux de Spencer et al. dans les années 1980 sur la forme de Guam de SLA/ parkinsonisme/démence. Cette affection neurologique multidégénérative associe des symptômes de SLA à un syndrome parkinsonien et une démence de type frontotemporal. Les malades ont un, deux ou trois des groupes syndromiques, mais le plus souvent la sémiologie de la SLA est prédominante. Au moment de sa découverte, vers la fin de la seconde guerre mondiale, l’incidence de la forme de Guam est très élevée, près de 50 à 100 fois celle de la SLA dans les pays occidentaux [1]. Elle ne semble pas limitée strictement à Guam puisque les investigations dans le Pacifique Sud, vont identifier d’autres « foyers » touchés par ce fléau : l’ouest de la Nouvelle Guinée, les Philippines et la péninsule de Kii au Japon. Sur l’île de Guam, les études vont montrer que les guamaniens hommes et femmes sont touchés, que les enfants sont épargnés et que les individus qui émigrent, vers les États-Unis le plus souvent, ont un risque d’être malade qui décroît avec le temps et qui rejoint celui des pays occidentaux après 27 ans. Sur Guam, progressivement, les indigènes ont « occidentalisé » leur alimentation et, en parallèle, l’incidence de la forme de Guam a diminué, bien qu’elle demeure encore aujourd’hui
plus fréquente que dans nos contrées. Cet élément épidémiologique suggère très fortement l’existence d’un facteur environnemental et fort probablement alimentaire, à l’origine de cette maladie. De plus, malgré de nombreuses études, aucun lien génétique entre les malades n’a pu être démontré.
Découverte de la toxine Dans les années 1980, Spencer et al., neurotoxicologues qui avaient découvert la toxine responsable du lathyrisme, une paraplégie spastique progressive, la BOAA (pour béta oxalylamino L-alanine), a lancé une campagne d’investigations sur Guam. Son idée était d’identifier un agent similaire à celui du lathyrisme, comme cause de la maladie endémique locale. Il s’est rapidement intéressé à la toxine BMAA (pour béta méthylamino L-alanine), décrite 20 ans plus tôt, et il va la retrouver dans les graines des cycas, un arbre tropical dont les graines sont utilisées par les indigènes pour faire de la farine en cas de disette. Spencer et al. montreront finalement que des macaques alimentés avec de la BMAA développent une neurodégénérescence proche de celle décrite chez l’homme [2]. Toutefois, même s’il va être démontré in vitro que la BMAA est un agoniste du glutamate, capable d’induire une mort cellulaire rapide, d’autres auteurs vont objecter que les doses utilisées chez l’animal sont massives par rapport à ce qu’un homme peut ingérer dans sa vie. De plus, certains guamaniens n’ayant jamais mangé de farine de cycas ont néanmoins contracté la maladie et en sont décédés. Un regain d’intérêt va avoir lieu à la fin des années 1990, grâce à Paul Cox qui découvre que le nombre de chauves-souris sur Guam a diminué de façon dramatique. Lors de ses investigations, il constate que les guamaniens sont très friands de ces animaux. Il fait rapidement le lien entre la forme de Guam de SLA/Parkinson/démence et cette habitude alimentaire des populations locales (pour revue [3]). Le processus théorisé par Cox est finalement plus simple que celui suspecté par Spencer et al. : les animaux mangent les graines et stockent la BMAA dans leur corps, puis les hommes s’intoxiquent en les mangeant [4]. L’intoxication, si elle passe par des chauves-souris, n’est pas pour autant limitée à ces animaux, les autres mammifères tels que porcins ou cervidés étant aussi concernés. Néanmoins, le dosage de la BMAA dans la chauve-souris montre des taux de plus de 3000 mg/g de tissu. Ainsi, selon Cox, manger une chauve-souris, pour un homme, équivaudrait à manger 1,4 tonne de graine de cycas ! En corollaire à cela, les chercheurs vont confirmer tome 43 > n85 > mai 2014
Facteurs environnementaux dans la SLA
Le modèle de l’île de Guam peut-il être exporté ? Y a-t-il une possibilité que la toxine BMAA joue un rôle dans les cas rencontrés sous nos latitudes ? Cox et al. vont, dans un travail initial, retrouver des quantités de BMAA significatives, mais inférieures aux taux mesurés sur Guam, dans le cerveau de patients décédés de maladie d’Alzheimer au Canada. En utilisant la banque de cerveaux de Floride, des résultats importants sont ensuite obtenus car ils sont issus d’analyses faites en insu [6]. La BMAA est retrouvée dans les cerveaux de patients décédés de SLA, toujours à un taux moindre que sur Guam, mais aussi dans les cerveaux de sujets décédés de maladie d’Alzheimer. En revanche, rien n’est retrouvé dans le cerveau de sujets décédés de maladies cardiovasculaires ou de chorée de Huntington, confirmant la spécificité de l’intoxication.
Modalités d’intoxication L’origine de la neurotoxine est identifiée par Cox et al. : les cyanobactéries [7]. Ce sont des microorganismes ubiquitaires dont la présence sur terre remonte aux origines. Les différentes souches prolifèrent tout particulièrement en condition de réchauffement des eaux, d’eutrophisation et de dégradation de la qualité des plans d’eau douce ou salée. Dans un milieu propice, les cyanobactéries peuvent produire des toxines, des cyanotoxines, engendrant des troubles variés, tels que gastroentérites ou éruptions cutanées, mais le nombre de ces toxines sont rapidement mortelles. L’étude de différentes souches de cyanobactéries par Cox et al. montre que la plupart peuvent produire la BMAA. Ainsi, dans le cas de Guam, par exemple, les cyanobactéries, saprophytes des racines du cycas, produisent la toxine dans la terre puis la BMAA est intégrée dans la sève et va se concentrer dans les feuilles et les graines. Mais, les cyanobactéries étant ubiquitaires, les possibilités d’ingestion de la BMAA au plan théorique sont potentiellement multiples. Aux végétaux terrestres, il faut donc ajouter les végétaux marins, avec une biomagnification concernant alors aussi les poissons, les crustacés. Les modalités d’intoxication elles-mêmes peuvent être variées via l’eau de boisson ou lors de loisirs, par inhalation de poussière ou d’écume de vagues, par exemple, puisque la cyanotoxine a été retrouvée dans le sable du désert du golfe persique, là où une augmentation d’incidence de la SLA tome 43 > n85 > mai 2014
avait été décrite chez les vétérans américains de ce conflit [8]. Toutefois, en ce dernier domaine, la présence de la BMAA dans le sable ne démontre pas pour autant que les cas constatés chez les vétérans sont en lien direct avec cette présence. Dans nos contrées, les recherches montrent que la BMAA est retrouvée dans des milieux marins, synthétisée par les cyanobactéries des plans d’eau, puis concentrée dans les plantes aquatiques, puis enfin retrouvée à des taux élevés dans le zooplancton, les invertébrés et les vertébrés (poissons) [9]. La toxine sera ainsi retrouvée dans plusieurs secteurs où des cas de SLA ont été signalés avec dans certains cas, une alimentation particulière et riche en nourriture contenant de la BMAA comme le crabe bleu dans la baie de Chesapeake [10,11]. Dans un travail récent, nous avons identifié dans le sud de la France une zone de haute incidence de SLA. L’enquête alimentaire a montré une alimentation riche en coquillages et le dosage de la BMAA dans ceux-ci s’est avéré positif [12].
Mécanisme d’action de la toxine Si le lien de cause à effet est difficile ponctuellement à établir entre une alimentation qui peut contenir de la BMAA et la survenue de la SLA, l’accumulation de données de la littérature force à s’interroger et à porter attention à cette hypothèse. Il reste toutefois à confirmer que les cerveaux des patients atteints de SLA contiennent bien de la BMAA à travers le monde. Il faut aussi découvrir le mécanisme exact par lequel cette toxine peut devenir toxique. Quel que soit le mode de contamination, la BMAA peut passer la barrière hémato-encéphalique. Une hypothèse est que l’ingestion chronique de BMAA favorise son incorporation dans les cellules nerveuses puis dans la structure des protéines, ce qui engendrerait une dysfonction protéique (la structure protéique étant altérée), des agrégats dans le cytoplasme (une marque anatomo-pathologique de la SLA) et, in fine, une mort cellulaire [5]. Cette incorporation intra-protéique permettrait à son tour de constituer un réservoir, à partir duquel la BMAA pourrait être lentement libérée, amplifiant son effet cytotoxique. Des travaux montrent que des acides aminés non protéinogéniques peuvent être incorporés dans les protéines neuronales et peuvent faciliter l’apoptose. C’est le cas de la L-Dopa qui peut être intégrée dans les protéines par compétition avec la tyrosine. Ceci a été retrouvé chez des parkinsoniens traités par L-Dopa, facilitant consécutivement la mort neuronale [13,14]. Ces dernières semaines, la même équipe a publié un travail d’importance majeure, en montrant que la BMAA peut être intégrée par erreur dans les protéines, en particulier, à la place de la sérine [15]. Cet aspect est d’importance car la sérine fait partie des acides aminés présents dans les sites de phosphorylation des protéines et l’altération de cette phosphorylation est un des mécanismes connus de la pathogénèse des maladies neurodégénératives. Sur le plan temporel, ce modèle « cheval de Troie » que représente l’intégration de la
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que la BMAA est très concentrée dans le cerveau des malades. Cette biomagnification de la toxine, le phénomène de concentration d’une molécule tout au long d’une chaîne biologique, se réalise globalement de la racine de l’arbre à l’animal et correspond en finalité, à un facteur de concentration de plus de 10 000. Ceci règle l’argument principal opposé à Spencer et al. L’animal concentrant la toxine, point n’est besoin de manger de grandes quantités de graines si l’on mange l’animal. Et, à ce jour, il n’y a plus de chauves-souris endémiques sur l’île, montrant la consommation majeure qu’en ont fait les guamaniens [5].
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BMAA dans les protéines, cadre bien avec la chronologie de l’atteinte dans la SLA ainsi qu’avec celle des démences.
Métaux lourds Leur rôle dans le risque de développer une SLA a été évoqué de longue date par des descriptions de cas chez des mineurs, amenant à évoquer la SLA comme une thésaurismose. Des cas d’intoxication au plomb entraînant des tableaux cliniques de type SLA seront ainsi décrits [16]. En Turquie, des cas de maladie du motoneurone ressemblant à la SLA dans une mine de plomb seront signalés et le traitement par D-pénicillamine amènera dans certains cas une amélioration clinique. La survenue de cas de SLA chez des mineurs extrayant du manganèse ou du sélénium sera aussi décrite, mais ces observations resteront isolées et un lien direct demeure incertain, d’autant que les mineurs ont une activité physique intense, elle-même considérée par beaucoup comme une condition favorisant la maladie.
Plomb Dans la SLA elle-même, les taux de plomb n’ont pas été retrouvés augmentés en Italie mais certains polymorphismes de l’acide delta-aminolévulinique déhydratase (enzyme modulant le métabolisme du plomb) ont été associés à un risque accru de SLA. Les mêmes auteurs, dans une étude cas-témoin, vont retrouver une exposition plus fréquente des patients SLA au plomb ainsi qu’une corrélation entre le risque de développer la maladie et les taux sanguins et osseux de plomb [17]. On notera que ces corrélations et associations demeurent d’une amplitude assez faible, laissant penser qu’il s’agit d’un élément parmi d’autres qui peuvent jouer un rôle facilitateur, mais la causalité au sens strict apparaît improbable.
Mercure
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Pour le mercure, les constatations initiales ont été du même ordre que pour le plomb : description de cas d’intoxications associées à des signes cliniques proches de la SLA, des cas de SLA dans des zones où des aliments contaminés au mercure étaient consommés. Là encore, des études cas-témoins ont été réalisées qui n’ont pas confirmé un lien indiscutable [18]. Pour autant, de façon similaire au plomb, le mercure a une influence toxique sur le métabolisme neuronal, en faisant ainsi un candidat potentiel pour fragiliser l’organisme et augmenter ainsi un risque pathogène. Nous avons décrit un cas de SLA chez une femme de 81 ans qui était porteuse d’une intoxication au mercure mise en évidence par une excrétion urinaire importante [19]. Toutefois, cette patiente n’a pas été améliorée par le traitement et est décédée rapidement. De façon intéressante, le mercure peut moduler les interactions microglieastrocyte, interactions suspectées comme importantes dans le processus de progression de la SLA. Plus récemment, selon un mécanisme évoquant celui suspecté pour la BMAA,
il a été montré que le mercure, sous forme de conjugués méthylmercure-cystéine, pouvait être transporté à la place de la méthionine, étant ainsi potentiellement perturbateur du métabolisme de l’ADN [20]. Enfin, une synergie d’action toxique entre le mercure et la BMAA a été décrite récemment, ajoutant une voie métabolique supplémentaire aux potentialités pathogènes de ce métal et rejoignant, nous l’avons vu plus haut, une des voies importantes de recherche actuelle [21].
Sélénium Plusieurs études ont établi une association entre l’exposition au sélénium et le risque accru de SLA. Là encore, plusieurs cas de SLA ont été retrouvés dans des zones où la terre ou l’eau étaient connues comme contaminées par de forts taux de ce métalloïde, aux États-Unis, en Italie puis en Chine. L’étude italienne est la mieux structurée, avec une surveillance des cas de SLA parmi plus de 5000 habitants d’un village d’Emilie-Romagne, sur 11 ans. Le risque de SLA sur cette période est augmenté de 6,25 fois [22]. Là encore, les études neurobiologiques ont montré depuis longtemps, dès les années 1960, que le sélénium interférait avec le métabolisme neuronal. Chez l’animal, tout particulièrement, l’intoxication induit une mort des motoneurones dans la corne antérieure des porcins et des bovins. Très récemment, une dégénérescence des neurones cholinergiques, dont les motoneurones, par déplétion de glutathion a été constatée chez Caenorhabditis elegans, un ver nématode servant de modèle pour les études sur les maladies du motoneurone [23].
Électricité et champs magnétiques Les observations de troubles moteurs après choc électrique sont anciennes. L’électricité à haut voltage, voire la foudre, peut en effet induire des lésions médullaires, en particulier de la corne antérieure, qui sont des lésions aiguës. Toutefois, plusieurs cas de SLA ont été décrits débutant peu après un choc électrique ou une fulguration. La maladie débute le plus souvent dans la zone du choc électrique, tel individu étant électrocuté à la main droite et voyant apparaître ensuite une atrophie progressive sur cette main, par exemple [24]. Le lien de causalité est difficile à établir, et, à ce jour, ce sont surtout des observations qui s’accumulent. Il est certain que la zone fulgurée ou électrocutée est fragilisée et comporte, au niveau médullaire correspondant, probablement un nombre de motoneurones réduit. Ainsi, face à un processus dégénératif jusqu’alors quiescent, il n’est pas forcément surprenant que la zone traumatisée soit celle qui cliniquement s’exprime la première. Beaucoup pensent donc que ce lien choc électrique-SLA est en fait un épiphénomène. À côté du traumatisme électrique, des interrogations existent sur la nocivité éventuelle des champs électromagnétiques qui nous entourent et qui, avec les usages modernes, se sont accrus en nombre et en intensité. Un travail récent, un méta-analyse tome 43 > n85 > mai 2014
Facteurs environnementaux dans la SLA
de la littérature, conclut à une association, bien que modérée, entre le risque de SLA et exposition aux champs électromagnétiques à très basse fréquence [25]. En corollaire, les études in vitro ont suggéré une augmentation des processus d’oxydation cellulaire en présence de tels champs magnétiques [26]. On notera surtout que ces expositions étant des phénomènes récents, il n’est pas encore possible de disposer d’études longitudinales bien conduites pour pouvoir conclure d’une façon plus claire sur le risque exact qui reste à ce jour très hypothétique.
Pesticides Ces composés ont depuis longtemps été suspectés d’être impliqués dans la pathogenèse des maladies neurodégénératives en général et la SLA en particulier. Après de nombreuses études cas-témoins qui ont pour la plupart considéré que l’exposition aux pesticides était en effet associée à un risque accru de développer une SLA, un travail de méta-analyse est venu confirmer ces résultats initiaux en indiquant plus particulièrement un risque plus élevé pour l’exposition aux organochlorés, particulièrement le DDT, et aux pyréthrines [27]. Ce qui reste surprenant, c’est que l’intoxication à ces produits est en général une intoxication aiguë, menant rapidement à la mort, le mécanisme d’une toxicité chronique demeurant peu précis. Ces dernières années, des travaux sur la détoxification de l’organisme ont montré que ce mécanisme est sous la dépendance d’un groupe de protéines, les paraoxonases. La paraoxonase 1 permet en particulier à l’organisme d’éliminer des toxiques comme les organophosphates. Plusieurs études se sont donc intéressées aux gènes de ces paraoxonases et ont montré que les patients SLA étaient plus souvent porteurs de certains variants de ces gènes que la population générale, pouvant ainsi les rendre moins performants vis-à-vis des processus de détoxification. Un méta-analyse de la littérature a suggéré que finalement les preuves étaient peu significatives [28]. Cependant, et c’est là l’inconvénient des méta-analyses
en génétique, le principe d’une telle étude consiste à pooler les publications et, partant, amène implicitement à considérer que l’on peut assembler et comparer des populations différentes. Nous avons retrouvé, en particulier, une augmentation du risque de SLA avec un polymorphisme de la paraoxonase 2 dans la population française et québécoise d’origine française, polymorphisme dont l’effet n’apparaît pas dans les autres populations. [29]. On ne peut donc exclure l’importance de ce type de processus pour faciliter la susceptibilité à développer la SLA dans des conditions d’expositions à un toxique particulier.
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Conclusion L’étude des facteurs environnementaux en tant que facteurs favorisant la survenue de la SLA reste pavée d’embuches dont la moins importante n’est pas celle de pouvoir montrer qu’une exposition joue un rôle dans la pathogenèse de la maladie. Trop souvent, le chercheur souhaite d’emblée trouver un lien direct, de type tout ou rien, et la réalité s’avère bien plus complexe. Les données environnementales montrent donc un accroissement du risque d’avoir une SLA dans différentes conditions d’exposition et de nombreuses voies semblent solides, suggérant ainsi que la maladie est fort probablement issue de multiples additions de facteurs qui contribuent à sa genèse. Ceci vient s’ajouter aux conditions liées au mode de vie, qui n’ont pas été traitées, à dessin, dans un tel article. On ne saurait donc désigner un facteur majeur menant à la SLA. Toutefois, l’hypothèse du rôle de la BMAA, si elle est confirmée, risque de renverser la tendance en faisant un facteur de risque potentiellement ubiquitaire et pouvant concerner peut être plusieurs maladies neurodégénératives. Ce sujet mérite donc un suivi attentif tout autant que critique. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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