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Article original
Épidémiologie de la sarcoïdose et ses facteurs de risque génétiques et environnementaux Epidemiology of sarcoidosis and its genetic and environmental risk factors C. Chapelon-Abric * Service de médecine interne II, CHU de la Pitié-Salpétrière, 47–83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France Reçu le 21 juillet 2003 ; accepté le 9 janvier 2004 Disponible sur internet le 05 mars 2004
Résumé Propos. – Revue de la littérature sur l’épidémiologie de la sarcoïdose et les différents facteurs susceptibles d’influencer la maladie. Actualités et points forts. – Les études épidémiologiques montrent que la sarcoïdose est une maladie planétaire, dont l’émergence varie en fonction de multiples éléments prédisposants. Les plus déterminants sont la race, le sexe, l’âge, les facteurs héréditaires, génétiques et/ou infectieux, mais un seul de ces facteurs n’est pas suffisant. Perspectives et projets. – Pour qu’une sarcoïdose s’exprime chez un individu, doivent coexister des facteurs environnementaux (agent infectieux, climat, lieu) et des facteurs prédisposants personnels (race, sexe, hérédité...). Dans ces conditions, chaque patient présentera sa sarcoïdose avec ses propres particularités. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – Review of the literature on epidemiologic data of sarcoidosis and risk factors. Current knowledge and key points. – Epidemiological data show that sarcoidosis is a world-wide disease. Frequency is influenced by multiple predisposition factors. The most important are racial factor, sex, age, familial aggregation, genetic factor and/or infective agent. One of these is insufficiency. Future prospects and projects. – Patent sarcoidosis is revealed when concomitant environmental factors (infective agent, climate, country) and predisposition ones (race, sex familial aggregation) appear together and inducing, in each patient, a particular sarcoidosis. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. ˆ ge ; Facteurs environnementaux ; Hérédité Mots clés : Sarcoïdose ; Ethnie ; Sexe ; A Keywords: Sarcoidosis; Ethnic heterogeneity; Sex; Age; Environmental factors; Familial aggregation
Maladie ubiquitaire par excellence, le granulome sarcoïdien peut infiltrer tous les tissus, tous les organes, toucher les hommes et les femmes, les jeunes et les sujets âgés et ce, quel que soit le pays ou quel que soit le continent [1], en dehors peut-être de l’Océanie (manque de médecin !) et de l’Antarc* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Chapelon-Abric). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2004.01.011
tique (manque de population !). De ce fait, les connaissances épidémiologiques mondiales de cette affection sont encore approximatives. Les études sur l’incidence et la prévalence de la sarcoïdose sont pour certaines d’interprétation difficile, compte tenu du recueil non homogène des informations, dû notamment aux caractéristiques de la maladie et à l’absence de critères diagnostiques formels. La sarcoïdose est particulièrement difficile à étudier du fait de sa latence, de sa variabilité en fonction de l’âge, de son polymorphisme clini-
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que chez un même patient ou d’un patient à un autre. Ainsi, les études ne précisent pas toujours si ont été inclus des patients ayant une sarcoïdose clinique symptomatique ou radiologique (une radiographie peut être normale à un moment donné), des patients ayant une sarcoïdose avec preuve histologique ou un aspect clinicoradiologique évocateur. À tous ces problèmes, se surajoutent les biais de recrutement, comme ceux observés au cours d’études conduites aux ÉtatsUnis chez les vétérans et militaires [2]. Elles ne représentent que le reflet de la sarcoïdose observé dans une population masculine, majoritairement de race noire.
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gine anglaise nés en Angleterre (27/100 000), les Irlandais et les Irlandaises vivant à Londres, respectivement 97 pour 100 000 et 213 cas pour 100 000, alors que les Irlandais vivant en Irlande ont une prévalence de 40/100 000 [4,15]. Il en est de même pour les Indiens de l’Est vivant à Londres dont la prévalence est de 197/100 000 pour les hommes et de 170/100 000 pour les femmes, alors que la prévalence globale en Inde est estimée à moins de 10 pour 100 000 habitants [4,15,16]. Ces différences sont-elles réelles ou simplement le témoin de biais de recrutement et de modes de dépistage variables ? 2.2. Différences cliniques (Tableau 1)
1. Prévalence et incidence globales Toutes les études démontrent qu’il s’agit d’une maladie planétaire, devant laquelle cependant tous les « hommes » ne sont pas égaux entre eux. Cette inégalité est très bien illustrée par deux grandes études épidémiologiques réalisées à travers le monde, qui, à 20 ans d’intervalle, permettent de retrouver des traits identiques [3,4]. Ainsi, la prévalence la plus élevée de sarcoïdose intrathoracique s’observe en Finlande (102 cas/100 000) [5], puis au Danemark, en Suède, en Uruguay et chez les Noirs américains de New York (plus de 50 cas pour 100 000 habitants). La prévalence la plus basse (moins de 10 cas pour 100 000) s’observe en Amérique latine, en Asie, en Europe de l’Est et du Sud, en Arabie et en Australie. En France, la prévalence est légèrement supérieure, entre 10 et 20 cas pour 100 000 habitants [5–10]. En Europe, elle est plus fréquente au nord (Danemark, Suède, Irlande, Allemagne) qu’au sud [11]. Elle est particulièrement rare en Espagne, Portugal et Grèce. Ceci est retrouvé chez les Grecs vivants à Londres et en Amérique du Sud [4]. L’incidence de la sarcoïdose semble augmenter en Finlande [5], mais également à l’autre bout du monde, comme au Japon [4,11]. Dans ce pays, l’incidence moyenne est de 20/100 000 habitants avec une variation de 2/100 000 habitants aux âges extrêmes de la vie à 45/100 000 entre 20 et 29 ans [11].
2. Pays : facteur de différences épidémiologiques et cliniques 2.1. Différences épidémiologiques À l’échelle d’un pays, certaines particularités ont été notées selon les régions. Ainsi, en Italie du Nord, la prévalence est de 14,9 cas pour 100 000 habitants, alors qu’en Italie du Sud et en Toscane, elle est de 1,31 cas pour 100 000 habitants [13]. Aux États-Unis, la sarcoïdose est plus fréquente sur la côte atlantique que pacifique, notamment dans les états du sud et du centre [14]. Dans une même ville, très cosmopolite, comme Londres, la prévalence varie considérablement entre les patients d’ori-
Le syndrome de Löfgren est noté, de part le monde, dans 31 % des cas [17], mais son incidence varie en fonction des pays [1,13,18]. Ainsi, il est fréquent en Espagne (50 % des cas), en Grande-Bretagne (34 %), en Irlande et en Scandinavie (30 % des cas), en Italie et chez les Portoricains vivant à New York (25 % de patients) [4]. En France, un syndrome de Löfgren est noté dans 32 % des cas, avec un pourcentage plus faible en région parisienne (12 % des cas), dû, peut-être, à une population plus cosmopolite. Dans les pays méditerranéens, tout comme en Australie et au Japon [11], le syndrome de Löfgren est rare, observé dans moins de 10 % des cas. Les formes symptomatiques fébriles sont les plus fréquentes en Inde [4], ainsi qu’en Italie où une fièvre est notée chez plus de 25 % des patients [4]. Les atteintes oculaires sont fréquentes au Japon [19] et rares en Australie [4]. Les signes respiratoires sont très fréquents en Italie, notés dans 61 % des cas [4,13] et en Espagne où une radiographie pulmonaire anormale est observée dans 91 % des cas [18]. Les atteintes du système réticuloendothélial sont rares au Japon. La calcémie est fréquemment perturbée chez les Indiens de l’Est [4] ; ceci est également observé chez les Blancs [19] et particulièrement signalé en Italie [4]. Les atteintes cardiaques sont extrêmement fréquentes au Japon, surtout chez les femmes en période périménopausique [21]. Cette fréquence élevée de sarcoïdose cardiaque chez les Japonais n’est pas observée par Larsen [22] quand celle-ci est recherchée systématiquement par un électrocardiogramme. L’interprétation des résultats doit tenir compte de la moyenne d’âge beaucoup plus jeunes dans les deux groupes ethniques étudiés, suédois et japonais. Telles sont les données générales sur la sarcoïdose. À l’échelle « humaine », la situation n’est pas plus simple, car coexistent des facteurs prédisposants comme l’âge, le sexe, la race, des facteurs héréditaires et génétiques [12] et enfin des facteurs environnementaux locaux [2]. 3. Facteurs prédisposants 3.1. Différences liées à l’âge La sarcoïdose touche surtout les adultes jeunes, entre 20 et 40 ans. Durant cette période de la vie, 70 % des sarcoïdoses
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Pays
Mayock [9] 1963 États-Unis
Turiaf [7] 1971 France
Siltzbach [1] 1974 États-Unis
Hosada [11] 1975 Japon
Kataria [10] 1982 États-Unis
Hillerdal [8] 1984 Suède
Chapelon [6] 1984 France
Mana [18] 1987 Espagne
Fazzi [13] 1992 Italie
Nombre de cas Sex-ratio F/H ˆ ge moyen ou majorité A
145 1,7 ?
1609 1,2 M < 40 ans
505 1,36 40,3 ans
554 1,34 38 ans
425 2,7 39 ans
70/30 92 92 26 37 3 3,50 6,20
2079 1,09 M < 30 ans : 43 % japonais 38,40 92 32 9 ? ? ?
303 ? M < 40 ans
Race : Noirs/Blancs Signes cliniques (%) Atteinte med-pulmonaire (%) Atteinte oculaire (%) Atteinte cutanée spécifique (%) Érythème noueux (%) Incidence familiale (%) Mortalité (%)
350 0,78 M < 40 ans : 72,5 % 43/350 52 94 8,50 10,50 4 ? 1,70
164/139 94 87 18 27 8 ? 3,60
0/505 43 97 1,60 2 14,10 ? 0,70
29/314 64 83 10 37 32 ? 1,70
4/421 91 91 1 2 44 ? 1,40
M, majorité
346/878 66 88 22 18 15 5 0,40
Baughman [19] 2001 États-Unis
109 1,5 41 ± 12 ans
Forsten [5] 1992 Pays nordiques 7600 ? ?
0/109 90 90 0 0 34 0,90 0
0/7600 59 98,80 16 6 18 ? ?
325/393 ? 95 12 16 8 ? ?
736 1,7 M > 40 ans
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Tableau 1 Données épidémiologiques et cliniques de différentes séries de la littérature
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sont observées [8,23]. Après 40 ans, la sarcoïdose est observée essentiellement chez la femme qui présente un deuxième pic d’incidence périménopausique [8,23]. Elle est exceptionnelle avant dix ans et rare après 60 ans. L’incidence en fonction de l’âge est bien illustrée par une étude réalisée chez les Afro-Américains [24]. Ainsi, entre 30 et 39 ans, l’incidence chez les femmes est de 107/100 000 individus et chez les hommes de 89/100 000 [24]. L’incidence s’effondre dans les deux sexes, entre 40 et 49 ans, de 20 à 30 cas/100 000, pour atteindre dix cas pour 100 000 après 60 ans [24]. 3.2. Différences liées au sexe 3.2.1. Incidence en fonction du sexe L’incidence de la sarcoïdose varie en fonction du sexe. Ainsi, dans la majorité des séries [9,15,21,24], il existe, chez les Asiatiques et les sujets de race noire, une prédominance féminine, alors que le sex-ratio est proche de 1 chez les Blancs [6,9]. Après 40 ans, et ce quelle que soit la race [21], et surtout vers 50 ans, une prédominance féminine nette est observée. Ce facteur hormonal possible [21] permettrait d’expliquer également les aggravations des sarcoïdoses en post-délivrance [8,25–27]. Les données récentes estiment que le risque cumulatif de contracter une sarcoïdose est de 1,2 % pour l’homme et de 1,6 % pour la femme [8]. Si l’on cumule le sexe et la race, le risque est de 0,7 % chez l’homme et de 1 % chez la femme de race blanche, et de 2,1 % chez l’homme et de 2,7 % chez la femme de race afro-américaine [24]. 3.2.2. Expression clinique en fonction du sexe L’expression de la maladie est un peu différente entre les deux sexes. Ainsi, les femmes caucasiennes présentent souvent une atteinte oculaire, une atteinte du système nerveux central et/ou une atteinte musculaire [28], l’érythème noueux étant plutôt l’apanage des sarcoïdoses en période gravidique ou post-gravidique et sous contraception [20]. Chez les Japonaises, l’atteinte cardiaque est prédominante. Enfin, chez les femmes de race noire, il n’existe pas de localisations particulières, mais une gravité franche de la maladie initiale et de son profil évolutif [14,21]. Le sexe féminin influence également le risque de rechute [14,21] imposant une vigilance accrue et prolongée dans le suivi. 3.3. Variations raciales Si certains lieux influencent la survenue d’une sarcoïdose, certaines races, quel que soit le pays de naissance, ne présentent pas le même risque vis-à-vis de cette maladie et la même expression clinique. 3.3.1. La race : facteur d’incidence Depuis maintenant près d’un demi-siècle, il est clairement établi que la sarcoïdose atteint plus fréquemment les sujets de race noire. Ainsi, aux États-Unis, l’incidence de la sarcoï-
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dose varie chez les Blancs entre 10 et 20 cas pour 100 000 habitants [8,4,24], alors qu’elle est de 35 cas pour 100 000 habitants chez les Noirs américains [24] avec des extrêmes de 64 cas pour 100 000 habitants [29], voire 81,8/100 000 [30]. À New York, l’incidence de la sarcoïdose fluctue clairement entre les ethnies de plus de 50 cas pour 100 000 habitants chez les Noirs, 30 à 40 cas pour 100 000 chez les Portoricains et de 10 à 20 cas pour 100 000 chez les Blancs. Ces résultats doivent être pondérés en fonction de l’année de l’étude et du mode de recrutement puisque Teirstien [31], dans la même ville de New York, retrouve un nombre inférieur de Portoricains (35,6 % de Blancs, 46,9 % de Noirs et 17,3 % de Portoricains). Quoi qu’il en soit, dans toutes les études, les Noirs sont trois à dix fois plus atteints que les Blancs [4,24,31] avec un risque de survenue d’une sarcoïdose de 0,8 % chez les Blancs et de 2,4 % chez les Noirs [24]. 3.3.2. La race : facteur de morbidité Dans les grandes séries de la littérature, qu’elles soient cliniques ou autopsiques, il existe un facteur de gravité « ethnie dépendant » : • chez les Noirs, les sarcoïdoses sont plus sévères et plus disséminées [1,15,20,24,31]. La maladie progresse défavorablement dans 77 % des cas chez les Noirs contre 34 % chez les Blancs [10]. Les localisations extrapulmonaires sont plus fréquentes et plus sévères, comme les atteintes oculaire (uvéites chroniques), cutanée spécifique, médullaire, hépatique [1,9,15,19,20,24,31] ; • les Asiatiques ont souvent des signes respiratoires, une atteinte oculaire et ganglionnaire périphérique [16] avec une dissémination de la maladie supérieure à celle observée chez les Blancs [16]. Leur sarcoïdose présente une sévérité intermédiaire entre celle observée chez les Blancs et les Noirs [15,16]. Ainsi, le syndrome de Löfgren, peu fréquent chez les Japonais (0,2 %) et les sujets de race noire (moins de 5 %), est une expression radioclinique banale et de bon pronostic chez les Blancs [15,16,18] ; • les études autopsiques confirment ces différences ethniques en révélant une proportion d’organes atteints différente en fonction de la race. Les Caucasiens ont moins de trois organes atteints dans 75 % des cas, contre 40 % chez les Afro-Américains, et 20 % chez les Japonais [21]. Les localisations sont identiques en termes d’organes entre les Blancs et les Noirs (poumons foie, rein, rate) ; la grande différence s’observant chez les Japonais qui ont une atteinte cardiaque dans 67,8 % des cas contre 21,2 % chez les Afro-Américains et 13,7 % chez les Blancs [21]. La dissémination de la maladie, ses différentes localisations et son profil évolutif, variables en fonction des races, influent également sur la mortalité. 3.3.3. La race : facteur de mortalité Cette maladie, dite bénigne, est cependant, souvent à l’origine du décès. Ainsi, toutes les grandes études portant
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sur la mortalité [14,21,32,33] révèlent que le décès est lié à la sarcoïdose ou à ses complications, dans plus de 60 % des cas. Les Noirs développent une maladie plus précoce et plus agressive entraînant une mortalité supérieure [14] et à un âge précoce (entre 45–54 ans). Chez les Blancs, la mortalité est supérieure à un âge tardif (75–84 ans). Aux États-Unis, la mortalité varie en fonction de la race et mais aussi des régions. Ainsi, dans le nord, le nombre de décès est plus élevé chez les Blancs, alors que la mortalité est supérieure chez les Noirs, dans les états du Sud-Est, le « middle atlantic » et le « midwestern » [14]. Cette surmortalité des Blancs dans le nord des États-Unis reste pour le moment sans explication. La cause de décès varie également en fonction de la race [21]. Les Japonais meurent, dans 77 % des cas, par atteinte cardiaque [14], les Afro-Américains meurent par atteinte parenchymateuse dans 87 % des cas [14], avec souvent une maladie multisystémique [15,21,28], alors que les Caucasiens meurent le plus souvent de cause extra-sarcoïdosique ; l’atteinte pulmonaire étant plus rarement en cause [15,21,31].
4. Facteurs de risque héréditaires et génétiques La prédisposition génétique conditionne la prévalence, l’incidence et la sévérité de la sarcoïdose qui est variable entre les races et les ethnies. Les études immunogénétiques permettent de retrouver des aires de génomes prédisposant pour la maladie et son profil évolutif [34]. Ainsi certains allèles confèrent une susceptibilité pour la maladie comme HLA-DR 11, 12, 14, 15, 17 alors que d’autres confèrent une protection HLA-DQ DR1, DR4 et peut être HLA-DQ 0202 [34]. D’autres études génétiques révèlent une surreprésentation des antigènes HLA-A1, B8, DR-3 chez les Blancs [35], à l’origine d’une expression clinique particulière (sarcoïdes, arthralgies et érythème noueux) et d’un bon pronostic. Les grandes études épidémiologiques ont montré que les formes familiales n’étaient pas fortuites [36–38]. Ainsi pour Nassif [36], la fréquence des formes familiales est de 2,4 % toutes ethnies confondues, avec un risque supérieur chez les Antillais. L’étude des paires chez les Caucasiens montre une prépondérance des paires de même sexe et égalité des paires parent–enfant et enfant–enfant. Il existe une fréquence supérieure de sarcoïdose familiale chez les homozygotes par rapport aux dizygotes. Chez les homozygotes, il existe une simultanéité de date de révélation et d’identité clinique, radiologique et biologique. L’étude de Rybicki [38] réalisée Outre-Atlantique, sur 10 862 sujets de premier degré et 17 047 sujets de deuxième degré par rapport à des sarcoïdiens révèle une relation dans 14 % des cas, plus élevée chez les Blancs (18 %) que chez les Afro-Américains (2,8 %). Mc Grach [39] retrouve une fréquence interethnique inverse avec une fréquence globale inférieure, de 5,9 %, mais une relation familiale supérieure
chez les Blancs, par rapport aux Antillais et aux Asiatiques, respectivement de 62,5, 29,2 et de 8,3 %. Au total si toutes les études s’accordent pour affirmer le caractère patent des sarcoïdoses familiales, l’unanimité n’est pas faite quant au mode de transmission. 4.1. Facteurs de risque environnementaux et locaux 4.1.1. Facteurs saisonniers Indiscutablement, il existe une recrudescence des sarcoïdoses durant certaines périodes de l’année qui varient un peu en fonction de chaque pays et semble-t-il du climat. Dans la région parisienne [40], comme à Londres [16], la majorité des sarcoïdoses est diagnostiquée entre novembre et février. En Italie [13], en Espagne [40] et en Grèce [41], elles surviennent plutôt au printemps et au début de l’été [42]. La Finlande enregistre des sarcoïdoses durant tout le premier semestre [5]. Ce facteur saisonnier est également enregistré au Japon, la recrudescence de sarcoïdoses s’observant entre juin et juillet [11] 4.1.2. Facteurs infectieux La recherche d’un facteur infectieux susceptible de déclencher une réaction granulomateuse sur un terrain prédisposé a été, et, est constamment réalisée. L’hypothèse d’un agent infectieux est supportée par le regroupement d’individus qui partage un même environnement. Ceci relève d’observations de formes conjugales, de sarcoïdoses cascontacts, d’épidémie, d’un nombre de sarcoïdoses supérieur chez le personnel soignant [42,43] et chez le personnel naviguant des avions de ligne ou chez les pompiers [30,34,44,45], mais aussi de sarcoïdoses apparues après transplantation d’organe [34]. Pour renforcer cette hypothèse, il est intéressant de lire l’étude épidémiologique réalisée sur l’île de Man. En effet, sur 96 cas de sarcoïdose, 39,6 % d’entre eux avaient été, avant que le diagnostic de sarcoïdose leur soit posé, en contact avec des patients ayant une sarcoïdose. Cette relation de fréquence était notée chez des sujets, en contact pendant sept ans, vivant à moins de 100 mètres [46] (résidence, travail, relations amicales) [24,46]. Si par des sérologies virales et/ou des PCR [47], certains agents pathogènes ont été plus fréquemment notés, aucun critère épidémiologique n’a pu établir avec certitude une réelle responsabilité [2]. Néanmoins plusieurs études sont troublantes, en particulier celle de Ishige I [48]. L’amplification par PCR pour l’identification de Propionibacterium ADN (acnes et granulosum) a été réalisée sur des prélèvements de ganglions médiastinaux de patients ayant une sarcoïdose, en comparaison à des adénopathies médiastinales tuberculeuses ou secondaires à un cancer de poumon. Une très forte positivité a été observée chez les sarcoïdiens [48]. De ce fait, la responsabilité de Propionibacterium acnes et Propioni granulosum comme agents pathogènes déclenchants est persuasive, compte tenu de l’âge de survenue de la sarcoïdose qui suit un âge de haute prévalence pour l’acné.
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La grande majorité des études avec recherches sophistiquées [49,50] de Mycobacterium tuberculosis ou Mycobacterium avium vont contre un rôle pathogénique important de ces agents infectieux, même si chez certains patients, les deux affections ont à l’évidence coexisté [34,51]. 4.1.3. Facteurs socioéconomiques À tous ces éléments, il faut ajouter enfin un facteur socioéconomique retrouvé, dans la majorité des études quel que soit le continent [13,52]. Un bas niveau socioéconomique est noté chez 50 % des sarcoïdiens [13,52] et celui-ci s’accompagne d’une sarcoïdose plus grave, d’une atteinte radiologique plus évolutive [13,52]. Un bas niveau de pauvreté est noté chez 26,5 % des Noirs et 11 % des Blancs [52]. Les sarcoïdiens vivent le plus souvent en zone rurale [3,13,42] et ceci quel que soit le continent [30]. Parmi les facteurs environnementaux, seul le tabac a été retrouvé ayant une relation inverse extrêmement fréquente. Les fumeurs développent rarement une sarcoïdose [8,12,13]. Sur le plan professionnel, certains travaux manuels semblent plus fréquents (contacts avec les animaux, vendeurs, paramédicaux) [24]. La grande diversité épidémiologique de la sarcoïdose de part le monde rend compte du polymorphisme de cette maladie. Le profil type du sarcoïdien proposé par Siltzbach : « le sarcoïdien est un sujet de 40 ans, de sexe masculin ou féminin, chez qui une sarcoïdose est découverte fortuitement lors d’une radiographie pulmonaire ou devant des signes respiratoires, cutanés, ophtalmologiques et dont l’évolution se fait vers la résolution complète » doit être oublié au profit de sarcoïdiens dont l’image est plus contrastée, modulée avec le temps, par la migration des peuples et le mélange des ethnies. Une sarcoïdose ne peut apparaître que si coexistent une susceptibilité génétique et une exposition à des facteurs environnementaux.
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