Facteurs explicatifs de la douleur post-opératoire : caractéristiques des patients et pratiques professionnelles

Facteurs explicatifs de la douleur post-opératoire : caractéristiques des patients et pratiques professionnelles

© Masson, Paris, 2005. Rev Epidemiol Sante Publique, 2005, 53 : 1S47-1S56 Facteurs explicatifs de la douleur post-opératoire : caractéristiques des ...

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© Masson, Paris, 2005.

Rev Epidemiol Sante Publique, 2005, 53 : 1S47-1S56

Facteurs explicatifs de la douleur post-opératoire : caractéristiques des patients et pratiques professionnelles Patient-related factors and professional practices associated with postoperative pain A.-S. POISSON-SALOMON(1), S. DE CHAMBINE(2), C. LORY(3) (1) Direction du système Qualité, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15. Email : [email protected] (Tirés à part : A. Poisson-Salomon) (2) Département de l’information et de l’évaluation médicale, DPM, AP-HP, Paris. (3) DAR, Hôpital Européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris.

Background: Unrelieved postoperative pain is reported despite of widely defined standards for postoperative pain management. The objective of this study was to identify the relationship between patient characteristics, medical practices and outcomes (severe post-operative pain and patient satisfaction). Methods: Using a cross-sectional observational study in 18 departments of adult surgery from 5 hospitals, medical records were audited according to a set of explicit criteria (patient characteristics and professional practices). Postoperative pain severity was measured with a 0 to 10 visual numerical scale and patient satisfaction using a six-level verbal rating scale (from very satisfied to very unsatisfied). The surgical procedures were classified into three levels of expected severe pain frequency (high, median, low). The relation between severity of pain, satisfaction on one hand, and process and patient characteristics on the other, was studied with chi2-test and logistic regression. Results: 625 patients were included. 41.8% suffered from postoperative pain and 81.6% were satisfied. Pain measurement before leaving the postoperative anesthesia care unit (p<0.02) and protocols for analgesia in painful surgery (p<0.05) were associated with a lower frequency of pain. Three patient characteristics were associated with a higher frequency of severe postoperative pain: painful surgical procedure (p<0.001), mental pain (p <0.005), and preoperative pain (p<0.0001). The lack of administration of analgesia was a major explicative factor: 64% of patients with severe postoperative pain, did not receive all analgesics ordered. Patient satisfaction was higher when the patient was requested to notify pain (p<0.05) before surgery and lower after painful surgical procedures (p<0.05). Conclusion: There are two ways to improve pain management: first the quality of the analgesic prescription particularly for painful surgical procedures and secondly the administration of the prescribed analgesia. Postoperative pain. Quality. Satisfaction.

Position du problème : La fréquence de la douleur post-opératoire reste élevée malgré un large consensus international sur les pratiques antalgiques efficaces. Le présent travail avait pour objectif d’identifier les facteurs ayant une influence positive ou négative sur la survenue d’une douleur postopératoire intense et sur la satisfaction du patient, afin de sélectionner les éléments indispensables à la mise en œuvre et au suivi d’une démarche d’amélioration de la qualité. Texte reçu le 6 septembre 2004. Acceptation définitive le 7 avril 2005.

1S48

A.-S. POISSON-SALOMON ET COLLABORATEURS

Méthodes : Il s’agit d’une étude transversale d’observation (18 services, 5 hôpitaux) réalisée à partir d’un audit sur dossier. La mesure de la douleur a été effectuée lors d’un entretien auprès des patients, au moyen d’une échelle numérique de 1 à 10 et celle de la satisfaction par une échelle semiquantitative à 6 modalités. Les actes chirurgicaux ont été classés en trois niveaux de fréquence de douleur intense a priori. L’analyse des relations entre les pratiques, les variables recueillies au moment du recrutement (caractéristiques des patients et de l’intervention) et les résultats (douleur et satisfaction), a été réalisée grâce à un test de chi2 et une régression logistique (logiciel SPSS). Résultats : Sur les 625 patients observés, 41,8 % ont signalé une douleur intense et 81,6 % se sont déclarés satisfaits. La mesure de la douleur à la sortie de la salle de surveillance post-interventionnelle (p < 0,02) et l’utilisation de protocoles analgésiques pour les chirurgies douloureuses (p < 0,05) étaient associées à une moindre fréquence de douleur post-opératoire. L’administration incomplète des antalgiques prescrits avait un rôle explicatif majeur quel que soit le type de chirurgie. La nature a priori douloureuse de l’acte chirurgical (p < 0,001), l’existence d’une douleur morale (p < 0,005) et d’une douleur pré-opératoire (p < 0,0001) étaient associés à une fréquence de douleur plus élevée. La satisfaction était plus grande quand le patient avait été sollicité à signaler sa douleur (p < 0,05), et plus faible dans les chirurgies douloureuses (p < 0,05). L’information préopératoire sur les techniques antalgiques n’influait ni sur la fréquence de douleur, ni sur la satisfaction. Conclusion : Cette étude a permis de montrer quelques points clé susceptibles de diminuer la fréquence de survenue d’une douleur intense en post-opératoire, permettant de définir des indicateurs de suivi d’actions d’amélioration. Douleur post-opératoire. Qualité. Satisfaction.

INTRODUCTION

La survenue de douleurs intenses en post-opératoire est un phénomène relativement stable depuis plus de 10 ans ; une douleur post-opératoire insuffisamment soulagée est retrouvée chez 50 à 75 % des patients [1-7]. Cette constatation est paradoxale. Depuis une dizaine d’années en effet, de nombreuses recommandations ont été publiées tant au niveau national [8-10] qu’au niveau international [7, 11-19], qui préconisent les pratiques professionnelles à mettre en œuvre dans le but de prévenir l’apparition de douleurs intenses dans la période post-opératoire. Ces recommandations comprennent deux volets complémentaires [20-24]. Le premier est centré sur l’organisation de la continuité de la prise en charge du patient : information sur l’antalgie en pré-opératoire, initiation de la prescription antalgique en salle de surveillance postinterventionnelle et réadaptation en chirurgie, évaluation et suivi de l’efficacité de l’antalgie prescrite et administrée au patient. Le second volet, complémentaire du premier, est celui des recommandations scientifiques pour la prescription antalgique en fonction du type d’intervention. Ces recommandations peuvent être traduites sous forme de protocoles de prescription.

La survenue d’une douleur post-opératoire est la résultante de deux types de facteurs dont les effets sont opposés. Le facteur majeur déclenchant la douleur post-opératoire est l’intervention chirurgicale subie [1, 5, 24]. Les autres facteurs devraient avoir pour résultat la diminution de fréquence de la douleur post-opératoire : il s’agit de l’ensemble des pratiques recommandées, qui correspond à un large consensus international. S’il existe beaucoup de publications descriptives des pratiques antalgiques mises en œuvre en post-opératoire, et de leurs résultats en termes de fréquence de douleur et/ou de satisfaction, globalement ou par grands types d’intervention, il existe peu d’études prenant en compte l’ensemble des facteurs explicatifs, méthode qui permettrait d’identifier des éléments accessibles à une démarche d’amélioration efficace. Le présent travail avait pour objectif d’identifier les facteurs ayant une influence positive ou négative sur la survenue d’une douleur postopératoire intense et sur la satisfaction du patient, afin de sélectionner les éléments indispensables à la mise en œuvre et au suivi d’une démarche d’amélioration de la qualité dans ce domaine.

FACTEURS EXPLICATIFS DE LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE

1S49

MÉTHODES

RÉSULTATS

Un audit sur dossier a été mené à partir de critères explicites, couplé à un entretien avec les patients pour mesurer la douleur et recueillir leur jugement sur la satisfaction. L’audit a été réalisé dans 5 hôpitaux de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris, regroupant 18 services de chirurgie. Ces 5 hôpitaux ont été choisis car ils correspondaient à des profils d’organisation et d’implication dans la prise en charge de la douleur post-opératoire très contrastés (deux des hôpitaux avaient une organisation ancienne et très protocolisée, un hôpital, créé récemment, regroupait des équipes provenant de trois hôpitaux et n’ayant pas encore harmonisé leurs pratiques, les deux autres sites avaient un profil intermédiaire). Dans chaque service un échantillon de 30 à 50 patients opérés recrutés successivement a été étudié. La période observée était celle des 48 heures post-opératoires suivant la sortie de salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI). Les données recueillies étaient les suivantes :

Parmi les 625 patients observés, 261 ont signalé une douleur intense soit 41,8 % et 510 se sont déclarés satisfaits, soit 81,6 %.

1) Variables décrivant les pratiques professionnelles (audit de dossiers) : lien entre SSPI et chirurgie, nature de la prescription antalgique, utilisation de protocoles dédiés à l’antalgie, modalités de l’information au patient, application de la prescription, mesure de la douleur et surveillance de l’efficacité du traitement. L’écart entre l’antalgie prescrite et l’antalgie administrée a été établi sur 6 des services, en regroupant les antalgiques par palier et en calculant la différence entre le nombre de prises prescrites et le nombre de prises administrées notifiées dans le dossier de soins. 2) Variables recueillies au moment du recrutement (audit de dossiers et entretien) : âge, sexe, existence d’une douleur préopératoire, caractère programmé ou urgent de l’intervention, douleur morale (anxiété, dépression), nature de l’intervention, classée en trois niveaux de fréquence de douleur a priori : chirurgie de type 1, douleurs post-opératoires intenses très fréquentes, chirurgie de type II, douleurs post-opératoires intenses assez fréquentes, chirurgie de type III, douleurs postopératoires intenses rares [1, 24]. 3) Variables de résultats (obtenues à partir d’entretiens). Le questionnaire patient a été adapté à partir de celui de l’American Pain Society [25]. Dans les 24 à 48 heures post-opératoires, un entretien auprès des patients a permis d’effectuer une mesure de la douleur, grâce à une échelle numérique de 1 à 10, et de la satisfaction grâce à une échelle semi-quantitative à 6 modalités (de très mécontent à très satisfait). Le critère de jugement a été l’existence d’une douleur intense en chirurgie, définie par une échelle numérique simple supérieure à 4. La fréquence de patients « satisfaits » a été définie par ceux déclarant être très satisfaits ou satisfaits de la prise en charge de la douleur au cours de l’entretien. Les fréquences de douleur et de satisfaction ont été comparées entre les groupes de patients ayant et n’ayant pas bénéficié des pratiques étudiées, et pour chacune des caractéristiques de recrutement. Cette comparaison a été effectuée par le test Chi2 ; des ajustements (test de Mantel-Haenzel) ont été faits quand la relation significative entre la fréquence de douleur et le processus étudié pouvait être liée à un facteur de confusion (en pratique le type de chirurgie). Ces ajustements sont mentionnés dans les tableaux de résultats. Les variables de recrutement liées à la douleur (et à la satisfaction) lors de l’analyse univariée ont été hiérarchisées au moyen d’une régression logistique, pour étudier le rôle indépendant des facteurs « patients » par rapport à celui de l’acte chirurgical.

Certaines pratiques étaient systématiques comme la rédaction en SSPI d’une fiche de liaison et d’une prescription antalgique. L’utilisation d’un protocole avec un arbre décisionnel diminuait significativement la fréquence de douleur dans les chirurgies douloureuses (tableau I). La réalisation d’une mesure de la douleur à la sortie de la SSPI était associée de manière significative à une moindre fréquence de douleur intense ; cette liaison persistait après ajustement sur le type de chirurgie. Cette variable était également liée à la satisfaction. Aucune relation n’a été mise en évidence entre l’information préopératoire et la fréquence de douleur post-opératoire (tableau II). En revanche, le fait de demander au patient de signaler sa douleur était lié à la satisfaction. La douleur morale était plus fréquente parmi les patients qui n’avaient pas perçu l’implication médicale dans la lutte contre la douleur. La mesure de la douleur en chirurgie était faite plus souvent et plus objectivement quand le risque de douleur était élevé, c’est-à-dire dans le cas de chirurgies les plus douloureuses (tableau III). Une plus grande fréquence de douleur était observée quand les pratiques suivantes n’étaient pas mises en œuvre : mesure de la douleur au retour du bloc, répétition de la mesure de la douleur, synthèse des informations. En revanche, l’attention portée à la surveillance de la douleur n’influençait pas la satisfaction des patients. Deux types de situations ont été mis en évidence lors de l’analyse des douleurs intenses (tableau IV). Pour certains patients douloureux, les antalgiques prescrits étaient intégralement administrés mais n’étaient pas efficaces. Cette situation concernait 35,2 % des patients algiques. Dans tous les autres cas (soit 64,8 %), les antalgiques prescrits n’ont pas été intégralement administrés. Ces phénomènes étaient répartis différemment selon le type de chirurgie. L’administration incomplète des antalgiques prescrits était associée à une fréquence de 57 % des douleurs en chirurgie de type I, mais respectivement à une fréquence de 75,7 % et de 80 % dans celles de type II et III, réputées peu douloureuses.

1S50

A.-S. POISSON-SALOMON ET COLLABORATEURS

TABLEAU I. — Pratiques de prescription antalgique, fréquence de douleur intense et satisfaction (N = 625). Douleur intense N = 261 N (%)

Satisfaction N = 510 N (%)

SO

1-Une fiche de liaison entre SSPI b et le service de chirurgie a été remplie Oui

546

229 (41,9)

Non

79

32 (40,5) ns

2-Dans cette fiche sont précisées les heures d’administration des antalgiques en SSPI

b

Oui

511

219 (42,8)

Non

114

42 (36,8)

SO

ns 3-Une mesure de la douleur a été faite à la sortie de SSPI

b

Oui

317

109 (34,4)

260 (82,0)

Non

308

152 (49,3)

230 (74,6)

p < 0,02a

p < 0,05

SO

b

4-Une prescription antalgique a été effectuée en SSPI pour « couvrir » les premières heures en chirurgie Oui

596

252 (42,2)

Non

29

9 (31) ns

5-Rédaction de cette prescription sur un protocole (document préétabli comportant un arbre décisionnel) Oui

277

114 (41,1)

Non

348

147 (43,1) ns

Dans le sous-groupe des chirurgies douloureuses (N = 277)

(N = 165)

Oui

141

75 (53,2)

Non

136

90 (66,7)

SO

p < 0,05 6-La prescription en chirurgie a été systématique ou systématique avec un niveau décisionnel supplémentaire Oui

578

244 (42,2)

Non

36

17 (47,2)

SO

ns 7-La prescription (le protocole personnalisé) mentionne à quel moment et à quelle fréquence la douleur doit être mesurée Oui

68

31 (45,5)

Non

557

229 (41,1)

SO

ns a

b

Après ajustement sur le type de chirurgie. Salle de surveillance post-interventionnelle. SO : sans objet ; seules ont été testées les variables directement explicatives sur les phénomènes (certaines sont ainsi sans objet sur la satisfaction).

FACTEURS EXPLICATIFS DE LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE

1S51

TABLEAU II. — Qualité de l’information au patient, fréquence de douleur intense, satisfaction et douleur morale (N = 625). Douleur intense N = 261 N (%)

Satisfaction N = 510 N (%)

Douleur morale N = 194 N (%)

1-Les médecins ont dit au patient que le traitement de la douleur était une chose importante dans le service Oui

304

110 (36,1)

263 (86,5)

80 (26,3)

Non

281

132 (46,9)

239 (85)

108 (38,4)

ns

ns

p < 0,05

407 (86,6)

142 (30,2)

2-Les médecins ont demandé au patient de signaler sa douleur Oui

470

190 (40,4)

Non

123

55 (44,7)

96 (78)

47 (38,2)

ns

p < 0,05

ns

3-Avant l’opération, des explications ont été données sur le traitement contre la douleur Oui

246

118 (47,9)

214 (86,9)

68 (27,6)

Non

357

134 (37,5)

289 (87,4)

121 (36,8)

nsa

ns

ns

4-Le patient a reçu des documents d’information sur le traitement

a

Oui

142

58 (40,8)

120 (84,5)

42 (29,5)

Non

483

193 (39,9)

382 (79)

147 (30,4)

ns

ns

ns

Après ajustement sur le type de chirurgie.

Concernant la définition de groupes à risque, les trois variables de recrutement liées à la survenue d’une douleur intense et à la satisfaction étaient le type de chirurgie, la douleur préopératoire et la douleur morale (tableau V). Ces facteurs restaient tous significatifs lors de l’analyse multivariée, avec comme facteur explicatif de douleur intense le plus important le type de chirurgie (tableau VI). Toutefois, après ajustement cette variable n’interférait plus de manière significative avec les résultats obtenus lors de la mesure de la satisfaction.

la fréquence de survenue d’une douleur intense. Certaines pratiques étaient, à l’opposé, liées à la persistance de douleurs intenses avec deux types de facteurs retrouvés. L’administration des antalgiques était incomplète pour 2/3 des patients ayant subi une douleur intense ; dans les autres cas, la prescription médicale était insuffisante ou non adaptée aux besoins individuels. Parmi les variables de recrutement, la nature douloureuse a priori de l’acte chirurgical, puis certaines caractéristiques des patients (existence d’une douleur morale ou d’une douleur préopératoire) étaient les facteurs explicatifs les plus importants.

DISCUSSION

La relation entre les pratiques et les résultats a été difficile à mettre en évidence en raison de problèmes méthodologiques spécifiques. La construction de cette analyse était en effet de comparer la fréquence des pratiques mises en œuvre, entre deux groupes de patients, algiques et non algiques. Or, certaines pratiques indispensa-

Cette étude a montré que la rédaction de la prescription au moyen d’un protocole personnalisé par un arbre décisionnel et la mesure de la douleur avant la sortie de la salle de surveillance post-interventionnelle permettaient de diminuer

1S52

A.-S. POISSON-SALOMON ET COLLABORATEURS

TABLEAU III. — Implication dans la qualité de la surveillance et fréquence de douleur intense (N = 625). Douleur intense N = 261 N (%)

Satisfaction N = 510 N (%)

Douleur morale N = 194 N (%)

1-La douleur a été évaluée en chirurgie dans les heures suivant le retour du bloc Oui

371

175 (47,1)

311 (83,8)

118 (31,8)

Non

252

86 (34,1)

210 (83,3)

76 (30,1)

ns

ns

p < 0,0005

a

2-La douleur a été mesurée au moins toutes les 8 heures entre H0 et H24 Oui

255

135 (52,9)

213 (83,5)

84 (32,9)

Non

377

126 (33,4)

317 (84)

110 (29,1)

ns

ns

p < 0,003

a

3-L’évaluation de la douleur a été effectuée par une échelle d’intensité objective adaptée aux fonctions cognitives du patient et à l’âge Oui

232

110 (47,6)

201 (86,6)

69 (29,7)

Non

363

143 (39,3)

317 (87,3)

125 (34,4)

ns

ns

ns

4-L’évaluation a été faite lors des gestes douloureux et notée Oui

65

33 (50,7)

52 (80)

23 (35,3)

Non

556

228 (41)

467 (83,9)

170 (30,5)

ns

ns

ns

SO

SO

SO

SO

5-La nature et l’heure des traitements administrés (préventifs ou curatifs) ont été notées dans le dossier de soins Oui

493

217 (44,0)

On

132

44 (33,3) ns a

6-Une synthèse écrite régulière des informations concernant la douleur figure dans le dossier de soins (sur la période d’observation) Oui

315

147 (46,7)

Non

310

114 (36,7) p < 0,02 a

a

Après ajustement sur le type de chirurgie. SO : sans objet.

bles à l’organisation des soins étaient quasi-systématiques, et les tests statistiques ne pouvaient être contributifs dans cette situation. Il en est ainsi de la prescription antalgique faite en salle de surveillance post-interventionnelle, ou de la rédaction d’une fiche de liaison. Par ailleurs, un biais d’indication existe dans l’étude de la rela-

tion entre certaines pratiques et les résultats : l’anticipation de la douleur à venir par les professionnels conduisait à mettre en œuvre une antalgie plus efficace ou une surveillance plus attentive dans le cas des chirurgies les plus douloureuses a priori. La relation de ces pratiques avec la fréquence de douleur était alors inversée,

FACTEURS EXPLICATIFS DE LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE

1S53

TABLEAU IV. — Application du traitement antalgique sur la douleur, type d’interventions et douleurs intenses (6 services ; 298 patients).

Total

Douleurs intenses

Intervention type I : Interventions type II : Intervention type III : douleurs intenses très douleurs intenses douleurs intenses fréquentes fréquentes rares N (%) N (%) N (%)

N = 142

89 (62,6)

33 (23,2)

20 (14,1)

27 (19)

14 (10,3)

9 (27,2)

4 (20)

115 (80,9)

75 (55,6)

24 (72,7)

16 (80)

55 (38,7)

25 (28)

18 (54,5)

12 (60)

Palier antalgique en chirurgie Palier maximum prescrit — palier I ou II — palier III Palier maximum administré — palier I ou II

86 (60,6)

63 (70,7)

15 (45,4)

8 (40)

Prescription non appliquée

— palier III

92 (64,8)

51 (57,3)

25 (75.7)

16 (80)

Palier III prescrit non administré

29 (20,3)

11 (12,3)

10 (30,3)

8 (40)

Prescription totalement appliquée

50 (35,2)

38 (42,6)

8 (24,2)

4 (20)

Palier III non adapté aux besoins

33 (23,2)

28 (31,4)

6 (18,1)

1 (5)

Palier insuffisant

17 (11,9)

10 (11,2)

2 (6)

3 (15)

et leur intégration dans un modèle explicatif aurait été incorrecte. Enfin, une autre difficulté était d’étudier la relation entre l’antalgie et la fréquence de la douleur. En effet, en dehors du type de chirurgie, la variabilité individuelle a un rôle explicatif important dans l’émergence d’une douleur intense. Cette variabilité fait que certains patients ne sont pas ou peu algiques alors qu’ils ont subi une chirurgie a priori très douloureuse ; une prescription de faible palier antalgique pourra alors être suffisante et un traitement incomplètement administré pourra sembler adéquat. Ainsi, l’analyse des patients non algiques n’est pas univoque car en l’absence de douleur, deux conclusions sont possibles : le traitement est efficace ou il existe une variabilité individuelle favorable. L’analyse de l’application de la prescription a donc été effectuée uniquement parmi les patients algiques, pour lesquels a posteriori le traitement prescrit et/ou administré n’a pas été optimal. L’objectif de cette étude était d’identifier les actions clé liées aux résultats et les groupes de patients les plus à risque de développer une douleur intense en post-opératoire. Les éléments concourant à la survenue de douleurs post-

opératoires mis en évidence dans cette étude sont connus : mesure insuffisante de la douleur et prescription inadaptée (palier insuffisant, techniques non utilisées, doses prescrites inférieures aux doses recommandées) [2]. Peu d’études ont toutefois mis en évidence le rôle explicatif de l’administration incomplète des antalgiques prescrits. Cet élément joue pourtant un rôle essentiel. Quelques rares études ont montré des résultats analogues, essentiellement dans des revues de soins infirmiers [26-32], l’une d’elles ayant mis en évidence que 50 % seulement des patients douloureux recevaient des antalgiques [32]. Une autre étude montrait que les patients douloureux avaient reçu 36 % des analgésiques prescrits [33]. De tels résultats montrent que les principes du traitement systématique de la douleur, visant à anticiper une remontée prévisible en fin de dose, ne sont pas acquis dans la pratique des infirmiers qui continuent à répondre « à la demande », malgré la diminution de ce type de prescription. Il persiste chez les infirmiers une crainte de la morphine et des réticences à son utilisation, en raison d’une perception des effets secondaires et des risques addictifs [34]. Il n’est pas certain que le

1S54

A.-S. POISSON-SALOMON ET COLLABORATEURS

TABLEAU V. — Caractéristiques du patient et fréquence de douleur intense (N = 625). Total

Douleur intense N = 261 N (%)

Satisfaction N = 510 N (%)

Moins de 40

192

75 (39)

165 (85,9)

40-60

255

113 (44,3)

214 (83,9)

plus de 60

180

73 (40,5)

151 (83,8)

ns

ns

Âge

Sexe Masculin

291

117 (40,2)

238 (81,7)

Féminin

319

138 (43,2)

273 (85,6)

ns

ns

165 (59,9)

221 (79,8)

Type de chirurgie I

277

II

156

51 (32,6)

134 (85,8)

III

190

45 (23,6)

168 (88,4)

p < 0,001

p < 0,05

Contexte chirurgical Programmée

458

182 (39,7)

392 (85,5)

Urgence

147

70 (47,6)

115 (78,2)

ns

ns

Douleur morale Oui

194

107 (55,1)

147 (75,7)

Non

406

146 (35,9)

354 (87,1)

p < 0,005 a

p < 0,001

144 (51,2)

218 (77,5)

106 (33,2)

283 (88,7)

p < 0,0001

p < 0,01

Douleur préopératoire

a

Oui

281

Non

319

Après ajustement sur le type de chirurgie.

niveau de connaissance soit directement lié aux pratiques en termes de mesure de la douleur et d’antalgiques administrés [27], car d’autres barrières entrent en jeu dans l’attitude des professionnels vis-à-vis de la douleur : manque de personnel, charge de travail, qualité inégale des prescriptions et manque de disponibilité des médecins, stéréotypes culturels [27, 28, 34-36].

Le lien entre les actions mises en œuvre pour soulager la douleur et la satisfaction est variable selon les études ; s’il est faible pour certains [37], à l’opposé diverses études tendent à montrer que les patients sont d’autant plus satisfaits qu’ils ont bénéficié d’attention, même si le traitement n’a pas été efficace [2, 3, 38]. Enfin, dans cette étude, il n’a pas été mis en évidence de lien entre information préopératoire et fréquence de douleur postopératoire. Seul le fait que le médecin ait demandé au patient de signaler sa douleur était lié à la satisfaction. Ce lien entre information, douleur et satisfaction est variable selon les études et une relation causale directe entre ces éléments ne peut être affirmée [39]. L’étude de la relation entre les caractéristiques des patients et l’apparition de la douleur a permis d’identifier des groupes à risque, dans lesquels les pratiques doivent être particulièrement attentives et évaluées : les opérés de chirurgies douloureuses, ceux ayant déjà une douleur en préopératoire et ceux ayant une douleur morale. Le type de chirurgie est apparu ici comme le facteur explicatif le plus important, et il est communément admis comme facteur majeur de douleur sévère [5]. Un excellent facteur prédictif de l’apparition d’une douleur intense en post-opératoire semble être également l’existence d’une douleur préopératoire [5]. Le rôle de l’anxiété est plus difficile à apprécier, même dans des études utilisant des instruments validés [5]. Contrairement à d’autres études [5, 40, 41], nous n’avons pas mis en évidence de relation entre la douleur et le jeune âge. Cette relation peut être masquée par le fait que les plus jeunes des opérés avaient moins souvent subi une chirurgie très souvent algique. Il faut souligner que si les facteurs prédictifs ont été rapportés dans de nombreuses études, leur rôle indépendant et leur caractère « universel » sont loin d’être clairs. Ceci est dû en partie à l’hétérogénéité et l’absence de comparabilité des échantillons en ce qui concerne le type de chirurgie, qui peut représenter un facteur de confusion dans l’étude de la relation entre l’incidence de la douleur, l’âge et le sexe en particulier. Le type de chirurgie apparaît être le facteur majeur systématique d’ajustement pour l’étude des variations des résultats en terme de fréquence de douleur intense.

FACTEURS EXPLICATIFS DE LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE

1S55

TABLEAU VI. — Variables de recrutement, douleur intense et satisfaction (régression logistique) (N = 625). Coefficient

ES

p

Odds-Ratio

Douleur intense Douleur morale

0,613

0,189

< 0,001

1,847

Douleur préopératoire

0,540

0,173

< 0,002

1,716

Chirurgie douloureuse a priori

1,134

0,179

< 0,0001

3,107

– 1,319

0,154

< 0,0001

Constante Satisfaction Douleur morale

– 0,758

0,229

< 0,001

0,469

Douleur préopératoire

– 0,725

0,231

< 0,002

0,484

Chirurgie douloureuse a priori

– 0,160

0,233

0,493

0,852

2,335

0,213

< 0,0001

Constante

CONCLUSION

Cette étude a permis de montrer les points clés de la prise en charge de la douleur post-opératoire susceptibles de diminuer la fréquence de survenue d’une douleur ; ils permettront de définir des indicateurs de processus pour le suivi des actions d’amélioration dans ce domaine. De plus, l’identification des caractéristiques des patients associées à un risque de douleur intense plus élevé permet de définir des groupes vulnérables pour lesquels des efforts spécifiques d’amélioration doivent être développés. REMERCIEMENTS : Ce travail a bénéficié d’un soutien financier de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation (ANAES, 2, avenue du Stade-de-France, 93218 Saint-DenisLa Plaine Cedex). Dans les services hospitaliers, remerciements à : Pr CARLI, Pr DUFOUR et Pr DUMEZ, Hôpital Necker-Enfants-Malades ; Prs BENAMOU, FRANCO et Dr COTTIN, Hôpital Antoine-Béclère ; Prs FAIN, BOBIN, NORDIN et OFFRET, Hôpital Bicêtre ; Prs VALLEUR, TRAN BA HUY, SEDEL et TRUC, Hôpital Lariboisière ; Prs AUGEREAU, BRASNU, CUGNENC, DELOCHE, FABIANI, RIQUET, SAFRAN et TAURELLE, Hôpital Européen Georges-Pompidou.

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