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NEPHRO-1174; No. of Pages 8 Ne´phrologie & The´rapeutique xxx (2020) xxx–xxx
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Article original
Faible indice de masse corporelle et impact des antire´troviraux sur la ne´phrotoxicite´, la maladie re´nale chronique chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville, Congo Low Body Mass Index and impact of antiretroviral therapy on nephrotoxicity, chronic renal disease among HIV-infected patients in Brazzaville, Congo Martin Herbas Ekat a,*, Cheikh Tidiane Ndour b, Roland Bienvenue Ossibi Ibara c, Merlin Diafouka a, Paul Boumandoki c, Tatia Adoua Doukaga c, Gilius Axel Aloumba c, Dominique Mahambou-Nsonde a, Patrick Roger Nzounza a, Pani Obengui c, Moussa Seydi b a
Centre de traitement ambulatoire de Brazzaville, enceinte CHU de Brazzaville, BP 6002, Brazzaville, Congo Service des maladies infectieuses et tropicales, CHNU de Fann, BP 5035, Dakar, Se´ne´gal c Service des maladies infectieuses, CHU de Brazzaville, BP 1846, Brazzaville, Congo b
I N F O A R T I C L E
Historique de l’article : Rec¸u le 11 fe´vrier 2017 Accepte´ le 1er septembre 2019 Mots cle´s : Antire´troviraux Brazzaville Congo Indice de masse corporelle Ne´phrotoxicite´ VIH
R E´ S U M E´
Contexte. – E´valuer l’incidence et les facteurs associe´s a` la ne´phrotoxicite´ et la maladie re´nale chronique apre`s initiation du traitement antire´troviral chez les patients infecte´s par le VIH avec un faible indice de masse corporelle (<18,5 kg/m2). Me´thodes. – Les patients avec une baisse du de´bit de filtration glome´rulaire de 25 % ou une augmentation de la cre´atinine se´rique de 0,5 mg/dL par rapport aux valeurs initiales ont e´te´ retenus comme ayant une ne´phrotoxicite´. La maladie re´nale chronique a e´te´ de´finie comme une chute du de´bit de filtration glome´rulaire < 60 mL/min/1,73 m2 apre`s initiation du traitement antire´troviral. Le mode`le de re´gression de Cox a e´te´ utilise´ pour de´terminer les facteurs associe´s a` la ne´phrotoxicite´ et a` la maladie re´nale chronique. Re´sultats. – Sur 325 patients se´lectionne´s, 73,23 % e´taient des femmes. Les valeurs me´dianes e´taient un aˆge de 37,55 ans (IQR = 33,51–44,96), un poids de 45 kg (IQR = 41–49), des CD4 a` 137,5 cellules/mm3 (IQR = 42–245). L’incidence de la ne´phrotoxicite´ et de la maladie re´nale chronique e´tait de 27,95 et 7,44 pour 100 personnes-anne´e respectivement. En analyse multivarie´e, le taux d’he´moglobine 8 g/dL (aHR = 2,25 ; IC 95 % 1,28–3,98 ; p = 0,005) et l’utilisation du te´nofovir (aHR = 1,51 ; IC 95 % 1,01–2,27 ; p = 0,04) e´taient les facteurs de risque associe´s a` la ne´phrotoxicite´. Le de´bit de filtration glome´rulaire compris entre 60 et 80 (aHR = 0,35 ; IC 95 % 0,21–0,59 ; p < 0,001) et 45-59 mL/min/1,73 m2 (aHR = 0,10 ; IC 95 % 0,01–0,72 ; p = 0,02) n’e´tait pas une contre-indication pour de´buter le traitement antire´troviral. L’aˆge adulte e´tait un facteur de risque de survenue de la maladie re´nale chronique (aHR = 1,95 ; IC 95 % 1,2–3,17 ; p = 0,007). Conclusion. – L’incidence de la ne´phrotoxicite´ et de la maladie re´nale chronique e´tait e´leve´e. Les patients VIH-positifs avec indice de masse corporelle < 18,5 kg/m2 ont besoin d’un suivi e´troit de leur fonction re´nale lorsqu’ils sont traite´s avec le te´nofovir.
C 2019 Socie ´ te´ francophone de ne´phrologie, dialyse et transplantation. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Herbas Ekat). https://doi.org/10.1016/j.nephro.2019.09.002 C 2019 Socie ´ te´ francophone de ne´phrologie, dialyse et transplantation. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 1769-7255/
Pour citer cet article : Herbas Ekat M, et al. Faible indice de masse corporelle et impact des antire´troviraux sur la ne´phrotoxicite´, la maladie re´nale chronique chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville, Congo. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/ j.nephro.2019.09.002
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A B S T R A C T
Keywords: Antiretroviral therapy Body mass index Brazzaville Congo HIV Nephrotoxicity
Objective. – To describe the incidence and risks factors of ART induced nephrotoxicity and chronic kidney disease in HIV-1-infected adults with low body mass index (<18.5 kg/m2). Methods. – A retrospective cohort study at the Ambulatory Treatment Center in Brazzaville, Congo. Patients with estimated glomerular filtration rate decrease by 25% compared to baseline or a 0.5 mg/dL increase in serum creatinine above baseline were classified as having nephrotoxicity, and chronic kidney disease was defined as a value less than 60 mL/min/1.73 m2. We used Cox proportional hazards regression models to determine factors associated with nephrotoxicity and chronic kidney disease. Results. – Of 325 patients, 73.23% were women. Median values were an age 37.55 years (IQR: 33.51– 44.96), weight 45 kg (IQR: 41–49), CD4 count 137.5 cells/mL (42–245). In the first 24–months, follow-up on ART incidence rate of nephrotoxicity and chronic kidney disease was 27.95 and 7.44 per 100 personsyear respectively. Multivariate analysis identified as a risk factor of nephrotoxicity, baseline haemoglobin below or equal 8 g/dL (aHR = 2.25; 95%CI 1.28–3.98; P = 0.005) and the use of tenofovir (aHR = 1.51; 95%CI 1.01–2.27; P = 0.04). DFG between 60-80 mL/min/1.73 m2 (aHR = 0.35; 95%CI 0.21– 0.59; P < 0.001) and 45-59 mL/min/1.73 m2 (aHR = 0.10; 95%CI 0.01–0.72; P = 0.02) was not a contraindication for initiating antiretroviral therapy. Each 10-year older age was associated with an increased risk of developing chronic kidney disease (aHR = 1.95; 95%CI 1.2–3.17; P = 0.007). Conclusion. – Incidence of nephrotoxicity and chronic kidney disease were high. African HIV-positive patient with low body mass index at baseline need close monitoring of their renal function when treated with tenofovir.
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1. Introduction La majorite´ des 36,9 millions de personnes vivant avec le VIH/ sida a` travers le monde re´sident en Afrique sub-saharienne, une population estime´e a` 25,9 millions, soit 70,19 % des personnes atteintes [1]. En 2014, la couverture mondiale des personnes be´ne´ficiant d’une the´rapie antire´trovirale e´tait de 40 %. En juin 2015, 15,8 millions de personnes avaient acce`s au traitement antire´troviral. L’acce`s au traitement antire´troviral des personnes infecte´es par le VIH a permis de re´duire la mortalite´ de fac¸on conside´rable [2] et d’ame´liorer la qualite´ de vie des malades ; les patients atteints de VIH vivent maintenant plus longtemps. L’exposition a` long terme au traitement antire´troviral est associe´e a` des complications me´taboliques, cardiovasculaire et re´nale. L’atteinte re´nale est fre´quente chez les patients infecte´s par le VIH, avec une pre´valence de l’insuffisance re´nale estime´e entre 2,4 et 12 % [3]. A` coˆte´ de ces constations, les patients infecte´s par le VIH peuvent pre´senter plusieurs tableaux de pathologies re´nales [3,4]. Ces pathologies peuvent eˆtre dues au VIH lui-meˆme, comme la ne´phropathie associe´e au VIH (HIVAN), relie´es a` une tare sousjacente telle que le diabe`te, l’hypertension arte´rielle ou encore associe´es a` une toxicite´ des me´dicaments, notamment les antire´troviraux sur les reins. La ne´phrotoxicite´, quant a` elle, est diversement appre´cie´e. En effet, il n’y a pas de formule universellement reconnue pour de´finir la ne´phrotoxicite´, d’aucun la de´finisse comme une augmentation de la cre´atinine se´rique au cours du suivi compare´e a` la cre´atinine se´rique de base allant de 0,5 a` 2 mg/dL [5–10]. En revanche, d’autres auteurs la de´finissent comme une chute du de´bit de filtration glome´rulaire (DFG ; e´value´ par la formule de Cockcroft-Gault [7] ou le Modification Diet Renal Diseases [MDRD] [8]), allant de n’importe quel niveau du DFG [9], en passant par une chute de 3 mL/min par anne´e compare´ au DFG initial [10], jusqu’a` une chute de 25 % par rapport au DFG calcule´ a` l’initiation du traitement antire´troviral [11]. Le te´nofovir disoproxil fumarate a e´te´ associe´ a` la survenue de la ne´phrotoxicite´ et a` la progression vers la maladie re´nale chronique [12,13]. En Afrique, Zachor et al. ont rapporte´ une incidence de 2 % de la maladie re´nale chronique chez les patients VIH-positifs adultes sud-africains. Concernant les autres mole´cules antire´trovirales, peu de donne´es
existent sur leur association avec la ne´phrotoxicite´ et la maladie re´nale chronique. Tout re´cemment, il a e´te´ rapporte´ que l’indice de masse corporelle (IMC) infe´rieur a` 18,5 kg/m2 e´tait un facteur associe´ a` l’insuffisance re´nale chez les patients nouvellement diagnostique´s VIH-positifs [14]. Dans les recommandations de 2013 de l’Organisation mondiale de la sante´ (OMS), l’IMC < 18,5 kg/m2 et le poids < 50 kg sont des facteurs de risque de la ne´phrotoxicite´ induite par le te´nofovir [15], mais le poids me´dian retrouve´ dans les e´vidences scientifiques disponibles ayant e´value´ la toxicite´ re´nale du te´nofovir est supe´rieure a` 50 kg [11,16,17]. Avec l’introduction des me´dicaments ne´phrotoxiques comme le te´nofovir, en premie`re ligne du traitement antire´troviral dans les recommandations de l’OMS, il e´tait donc important pour nous d’e´valuer l’incidence de la ne´phrotoxicite´, de la maladie re´nale chronique et des facteurs de risque associe´s chez les patients infecte´s par le VIH avec un IMC initial infe´rieur a` 18,5 kg/m2 en re´alisant une e´tude re´trospective. 2. Patients et me´thodes 2.1. Cadre d’e´tude 2.1.1. Cadre ge´ne´ral La Re´publique du Congo, situe´e en Afrique centrale, est un pays a` revenu moyen infe´rieur [18]. La pre´valence de l’infection a` VIH dans la population d’hommes et de femmes aˆge´e de 15 a` 49 ans est de 3,2 % [19]. 2.1.2. Site d’e´tude et organisation de la prise en charge des malades La prise en charge, au centre de traitement ambulatoire de Brazzaville (CTA), tient compte des recommandations nationales qui, elles-meˆmes, de´coulent en grande partie des recommandations de l’OMS [15,20]. Le de´roulement de la prise en charge a e´te´ pre´ce´demment de´crit [21]. La cre´atinine se´rique est dose´e a` l’ouverture du dossier, a` l’initiation du traitement, ensuite a` 1, 3, et 6 mois apre`s la mise sous traitement antire´troviral, puis tous les 6 mois en l’absence d’autres manifestations. Au meˆme moment, le DFG est calcule´ en
Pour citer cet article : Herbas Ekat M, et al. Faible indice de masse corporelle et impact des antire´troviraux sur la ne´phrotoxicite´, la maladie re´nale chronique chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville, Congo. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/ j.nephro.2019.09.002
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utilisant la formule MDRD. A` l’initiation du traitement antire´troviral, le te´nofovir est proscrit chez les patients ayant un DFG initial < 50 mL/min/1,73 m2 (dans notre e´tude un patient avec un DFG-MDRD initial e´gal a` 31,81 mL/min/1,73 m2 a e´te´ mis sous traitement initial contenant du te´nofovir avec une surveillance clinique et paraclinique e´troite ; en l’absence de toutes autre option the´rapeutique). A` l’initiation du traitement antire´troviral, tout comme au cours du suivi, une prote´inurie des 24 h et une e´chographie de l’arbre urinaire sont de´mande´es chez les patients pre´sentant une atteinte re´nale, contrairement a` la cre´atine´mie qui est gratuite, ces examens sont a` la charge des patients. En fonction du re´sultat de ces examens, le patient peut eˆtre oriente´ soit vers un urologue, soit vers un ne´phrologue ou un arreˆt du me´dicament ne´phrotoxique est prescrit. Le taux de lymphocytes T CD4 est mesure´ par la technique FacscountTM a` l’ouverture du dossier, a` l’initiation, puis tous les 6 mois pour les patients mis sous traitement antire´troviral. 2.2. Type et dure´e d’e´tude Il s’est agi d’une e´tude de cohorte re´trospective portant sur les patients de´piste´s VIH-positifs, entre janvier 2009 et de´cembre 2012, suivis depuis l’initiation du traitement antire´troviral jusqu’a` 24 mois au CTA de Brazzaville, Congo.
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initial < 60 mL/min/1,73 m2 ont e´te´ exclus, comme le DFGMDRD < 60 mL/min/1,73 m2 e´tait le re´sultat attendu pour de´finir la maladie re´nale chronique apre`s l’initiation du traitement antire´troviral. 2.3.2. Crite`res de non-inclusion N’ont pas e´te´ inclus les patients aux caracte´ristiques suivantes : dossier ne contenant pas de cre´atinine se´rique initiale ; patients ayant de´bute´ le traitement antire´troviral dans une structure sanitaire autre que le CTA de Brazzaville, avant d’eˆtre inclus dans la file active dudit centre.
2.4. Sources et collecte de donne´es Les donne´es des patients ont e´te´ extraites de la base de donne´es informatise´e du logiciel SantiaTM, destine´es aux centres de prise en charge globale du VIH/sida (www.santia.org), dans laquelle les informations relatives aux patients infecte´s par le VIH sont recueillies en routine, a` chaque consultation dans le centre. Les dossiers me´dicaux ont e´galement e´te´ consulte´s lorsqu’une information supple´mentaire e´tait recherche´e. 2.5. Variables e´tudie´es
2.3. Population d’e´tude Les variables suivantes ont e´te´ e´tudie´es : 2.3.1. Crite`res d’inclusion Ont e´te´ inclus dans cette e´tude, les patients re´pondant aux crite`res suivants (Fig. 1) : eˆtre aˆge´ de 18 ans et plus ; avoir un IMC < 18,5 kg/m2 ; avoir e´te´ inclus dans la file active du CTA de Brazzaville durant la pe´riode d’e´tude susmentionne´e ; avoir eu au moins un dosage de la cre´atinine se´rique dans les 24 mois ayant suivi l’initiation au traitement antire´troviral. Pour l’e´valuation de la ne´phrotoxicite´, tous les patients re´pondant aux crite`res suscite´s ont e´te´ inclus. Pour l’e´valuation de la maladie re´nale chronique, les patients avec un DFG-MDRD
la date de naissance ; la date d’ouverture du dossier ; l’aˆge des patients (aˆge a` l’ouverture du dossier) ; la date de l’initiation au traitement antire´troviral ; le protocole du traitement antire´troviral initial ; la date de la dernie`re visite au centre ; le sexe ; la taille ; le poids ; l’indice de masse corporelle (selon la classification de l’OMS : 10,0–12,9 kg/m2 [grade IV], 13,0–15,9 kg/m2 [grade III], 16,0– 16,9 kg/m2 [grade II], 17,0–18,5 kg/m2 [grade I]) ; le stade clinique initial selon l’OMS ;
Fig. 1. Diagramme d’inclusion. TAR : traitement antire´troviral ; ARV : antire´troviraux ; F : femme ; H : homme.
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la le le la le
cre´atinine se´rique ; de´bit de filtration glome´rulaire ; taux d’he´moglobine initial ; glyce´mie initiale ; taux de lymphocytes TCD4 initial.
Les patients sont conside´re´s perdus de vue s’ils ne se sont pas pre´sente´s dans les 90 jours apre`s leur dernier rendez-vous programme´ au centre. 2.6. Mesure de la fonction re´nale et de´finition des cas La cre´atinine se´rique (Scr) a e´te´ mesure´e, localement par la me´thode de Jaffe en 2 points (Spectrophotome`tre VisualTM, Biomerieux). La clairance de la cre´atinine a e´te´ estime´e a` partir de la cre´atinine se´rique par la mesure du DFG en utilisant l’e´quation MDRD (DFG-MDRD) [8] : femmes = MDRD (mL/min/1,73 m2) = 186 (cre´atinine se´rique) 1,154 (aˆge) 0,203 (0,742) (1,212 si origine africaine) ; hommes = MDRD (mL/min/1,73 m2) = 186 (cre´atinine se´rique) 1,154 (aˆge) 0,203 (1,212 si origine africaine). La formule du MDRD a e´te´ utilise´e parce qu’elle se base sur la cre´atinine se´rique, l’aˆge, la race et le genre, et qu’aucune chute du DFG n’est influence´e par l’hypercre´atine´mie qui re´sulte de l’augmentation de la masse musculaire [22]. Ainsi, le DFG a e´te´ cate´gorise´ selon les lignes directrices sur les maladies re´nales chronique publie´es par la Kidney Disease Improving Global Outcome (KDIGO) comme [23] :
grade grade grade grade grade grade
1 ( 90 mL/min/1,73 m2) ; 2 (60–89 mL/min/1,73 m2) ; 3a (45–59 mL/min/1,73 m2) ; 3b (30–44 mL/min/1,73 m2) ; 4 (15–29 mL/min/1,73 m2) ; 5 (< 15 mL/min/1,73 m2).
La ne´phrotoxicite´ a e´te´ de´finie comme une baisse de clairance de la cre´atinine de 25 % par rapport aux valeurs de base ou une augmentation de la (Scr) de 0,5 mg/dL au-dessus des valeurs de re´fe´rence. La maladie re´nale chronique a e´te´ de´finie comme une chute du DFG-MDRD < 60 mL/min/1,73 m2 apre`s initiation du traitement antire´troviral. 2.7. Traitement statistique des donne´es Les donne´es ont e´te´ recueillies sur Excel1, puis transfe´re´es sur Stata 121 (College Station, Texas 77845, E´tat-Unis) pour analyse. Une analyse descriptive a e´te´ re´alise´e en fonction de la pre´sence ou non du te´nofovir dans le protocole du traitement antire´troviral initial. Les variables continues ont e´te´ pre´sente´es par la me´diane et l’intervalle interquartile (IIQ), et pour les variables cate´gorielles, les fre´quences et les pourcentages ont e´te´ pre´cise´s. Nous avons e´tudie´ l’association entre les diffe´rentes variables recueillies et l’utilisation du te´nofovir dans le protocole du traitement antire´troviral initial en utilisant le test du Chi2 ou de Fisher’s exact pour les variables cate´gorielles, et le test de MannWhitney pour les variables continues. Le crite`re de jugement principal est l’incidence de la ne´phrotoxicite´ parmi les patients mis sous traitement et de la maladie re´nale chronique (parmi les patients mis sous traitement antire´troviral avec un DFG-MDRD initial 60 mL/min/
1,73 m2). La courbe de Kaplan-Meier a e´te´ utilise´e pour comparer les incidences cumule´es de la ne´phrotoxicite´ et de la maladie re´nale chronique en fonction des protocoles du traitement antire´troviral initial, le test de Log-Rank a e´te´ utilise´. Les facteurs associe´s a` la survenue de la ne´phrotoxicite´ et de la maladie re´nale chronique au cours des 24 premiers mois sous traitement antire´troviral ont e´te´ identifie´s avec le mode`le de re´gression de Cox. Les variables avec une valeur de p < 0,20 en analyse univarie´e ont e´te´ retenues pour l’analyse multivarie´e. Les re´sultats du mode`le de re´gression de Cox ont e´te´ pre´sente´s en Hazard Ratio (HR). Les grades 3b et 4 du KDIGO ont e´te´ fusionne´s en un seul facteur, pour l’analyse des facteurs associe´s a` la ne´phrotoxicite´. L’hypothe` se des risques proportionnels, pour chacun des facteurs, a e´te´ ve´rifie´e en incluant les variables de´pendantes a` la pe´riode de suivi dans le mode`le de Cox initial. Pour toutes les analyses statistiques, le seuil de significativite´ a e´te´ fixe´ a` p < 0,05 (bilate´ral).
3. Re´sultats 3.1. Caracte´ristiques de base des patients Au total, 456 patients ayant un IMC < 18,5 kg/m2 ont e´te´ inclus dans la file active au CTA de Brazzaville durant la pe´riode de l’e´tude. Parmi ces patients, 424 e´taient naı¨fs au traitement antire´troviral et avaient un dosage de cre´atinine se´rique initial, nous en avons retenu 325 pour la re´alisation de l’e´tude. Quatrevingt-dix-neuf patients ont e´te´ exclus, dont 62 ayant de´bute´ le traitement, mais n’ayant pas eu de suivi re´nal, et 37 patients n’ayant pas de´bute´ le traitement (Fig. 1). Quatre-vingt-dix patients avaient de´bute´ le traitement antire´troviral avec un protocole contenant du te´nofovir. Leurs valeurs me´dianes initiales de base, telles que l’aˆge de 35,98 ans (33,12– 42,59) contre 38,81 ans (33,91–45,38) (p = 0,01), l’indice de masse corporelle de 16,93 kg/m2 (15,24–17,65) contre 17,1 kg/m2 (15,89–17,86) (p = 0,004), le taux d’he´moglobine a` 9,15 g/dL (8,5–10,2) contre 10,1 g/dL (8,9–11) (p = 0,018), la cre´atinine se´rique a` 0,8 mg/dL (0,66–0,94) contre 0,85 mg/dL (0,72–0,11) (p = 0,004), e´taient significativement infe´rieures compare´es a` celles de patients dont le traitement antire´troviral ne contenait pas de te´nofovir. Les caracte´ristiques des patients sont de´taille´es dans le Tableau 1. 3.2. Incidence de la ne´phrotoxicite´ et de la maladie re´nale chronique Apre`s 24 mois de suivi, 110 (33,85 %) patients sur les 325 patients VIH ayant un IMC < 18,5 kg/m2 avaient de´veloppe´ une ne´phrotoxicite´ dans les conditions telles que nous les avions de´finies, soit une dure´e de participation de 393,56 personnesanne´e, et l’incidence de la ne´phrotoxicite´ e´tait de 27,95 pour 100 personnes-anne´e (23,19–33,69) (Tableau 2). L’incidence spe´cifique au te´nofovir e´tait de 46,67 % (soit 41,82 pour 100 personnes-anne´e [30,91–56,59]). La Fig. 2a montre l’incidence de la ne´phrotoxicite´ en fonction des inhibiteurs de la transcriptase reverse contenue dans le protocole initial. Trente et un (10,65 %) patients sur les 291 ayant un DFG-MDRD initial 60 mL/min/1,73 m2 avaient e´volue´ vers la maladie re´nale chronique dans les conditions telles que nous les avons de´finies, soit une dure´e de participation de 416,76 personnes-anne´e et une incidence de la maladie re´nale chronique de 7,44 pour 100 personnes-anne´e (5,23–10,58) (Tableau 2). L’incidence spe´cifique au te´nofovir e´tait de 14,44 % (soit 7,44 pour 100 personnes-anne´e [5,23–10,58]). La Fig. 2b montre l’incidence de la maladie re´nale chronique en fonction des inhibiteurs de la transcriptase reverse contenue dans le protocole initial.
Pour citer cet article : Herbas Ekat M, et al. Faible indice de masse corporelle et impact des antire´troviraux sur la ne´phrotoxicite´, la maladie re´nale chronique chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville, Congo. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/ j.nephro.2019.09.002
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Tableau 1 Caracte´ristiques des patients avec un faible indice de masse corporelle au de´but du traitement antire´troviral au centre de traitement ambulatoire de Brazzaville, de 2009 a` 2012. Caracte´ristiques des patients
Total (n = 325)
Aˆge, me´dian (IIQ) < 40 ans, n (%) Sexe fe´minin, n (%) Poids (kg), me´dian (IIQ) IMC, me´dian (IIQ) 10,0–12,9, n (%) 13,0–15,9, n (%) 16,0–16,9, n (%) 17,0–18,5, n (%) Stade clinique OMS 1 et 2, n (%) 3 et 4, n (%) Taux de lymphocytes CD4 initial, me´dian (IIQ) Taux d’he´moglobine initial, me´dian (IIQ) 8 g/dL, n (%) > 8 g/dL, n (%) Glyce´mie initiale, me´diane (IIQ) Cre´atinine se´rique initiale, me´diane (IIQ) 1 N, n (%) > 1–1,49 N, n (%) 1,5–2,9 N, n (%) 3,0 N, n (%) DFG-MDRD, me´dian (IIQ) 90, n (%) 60–89, n (%) 45–59, n (%) 30–44, n (%) 15–29, n (%) < 15 Changement protocole TAR au cours du suivi, n (%)
37,55 (33,51–44,96) 193 (59,38) 238 (73,23) 45 (41–49) 17,06 (15,81–17,8) 9 (2,77) 83 (25,54) 69 (21,23) 164 (50,46)
TDF (n = 90) 35,98 64 71 44 16,93 7 25 14 44
36 (12,04) 263 (87,96) 137,5 (42–245), n = 258 9,8 (8,7–10,9), n = 319 39 (12,23) 280 (87,77) 0,7 (0,6–0,8), n = 192 0,84 (0,7–1,04) 294 (90,46) 20 (6,15) 9 (2,77) 2 (0,62) 101,25 (78,76–122,11) 192 (59,08) 99 (30,46) 19 (5,85) 9 (2,77) 6 (1,85) 0 (0,00) 167 (51,38)
9 79 137 9,15 14 74 0,7 0,8 86 3 1 0 109,47 61 26 2 1 0 0 10
Non-TDF (n = 235)
p
(33,12–42,59) (71,11) (78,89) (39–47) (15,24–17,65) (7,78) (27,78) (15,56) (48,89)
38,81 129 167 45 17,1 2 58 55 120
(33,91–45,38) (54,89) (71,06) (41–49) (15,89–17,86) (0,85) (24,68) (23,40) (51,06)
0,01 0,008 0,15 0,015 0,004 0,006
(10,59) (89,41) (42–229) (8,5–10,2) (15,91) (84,09) (0,6–0,8) (0,66–0,94) (95,56) (3,33) (1,11) (0,00) (84,89–134,19) (67,78) (28,89) (2,22) (1,11) (0,00) (0,00) (11,11)
27 187 144 10,1 25 206 0,7 0,85 208 17 8 2 96,56 131 73 17 8 6 0 157
(12,62) (87,38) (42–250) (8,9–11) (10,82) (89,18) (0,6–0,8) (0,72–0,11) (88,51) (7,23) (3,40) (0,85) (75,75–118,87) (55,74) (31,06) (7,23) (3,40) (2,55) (0,00) (66,81)
0,63 0,5 0,018 0,22 0,9 0,004 0,34
0,99 0,043
< 0,001
IMC : indice de masse corporelle, lymphocytes TCD4 (cellules/mm3), he´moglobine (g/dL), glyce´mie (g/L), cre´atinine se´rique (mg/dL), N: Normale, DFG-MDRD/eGFR-MDRD (mL/min/1,73 m2).
Tableau 2 Incidences de la ne´phrotoxicite´ et de la maladie re´nale chronique en fonction des protocoles ARV parmi les patients VIH - positifs avec un faible indice de masse corporelle qui avaient de´buter le traitement antire´trovirale au centre de traitement ambulatoire de Brazzaville, de 2009 a` 2012. Protocole ARV contenant
Abacavir Zidovudine Stavudine Te´nofovir Didanosine Total
Ne´phrotoxicite´
Maladie re´nale chronique
n
Personnes-anne´e
Incidence par 100 PA (IC 95 %)
n
Personnes-anne´e
Incidence par 100 PA (IC 95 %)
3 50 15 42 0 110
13,80 242,72 34,74 100,42 1,88 393,56
21,74 20,60 43,18 41,82
(7,01–67,4) (15,61–27,18) (26,03–71,63) (30,91–56,59)
0 16 1 13
11,74 252,91 35,27 116,85
0 6,73 (4,18–10,81) 2,84 (0,4–20,13) 11,13 (6,46–19,16)
27,95 (23,19–33,69)
31
416,76
7,44 (5,23–10,58)
les gras correspondent aux donne´es globales, c’est a` dire a` l’incidence globale sans tenir compte des mole´cules ARV, a n : le nombre total des patients ayant de´veloppe´ la ne´phrotoxicite´ ou la maladie re´nale chronique.
3.3. Facteurs associe´s a` la ne´phrotoxicite´ et a` la maladie re´nale chronique Les facteurs associe´s, en analyse multivarie´e, a` la ne´phrotoxicite´ e´taient un taux d’he´moglobine initiale 8 g/dL (aHR 2,25 ; IC 95 % 1,28–3,98 ; p = 0,005) et le protocole initial du traitement antire´troviral contenant du te´nofovir (aHR 1,51 ; IC 95 % 1,01– 2,27 ; p = 0,04) (Tableau 3). Par contre Les DFG-MDRD initial compris entre 60–89 mL/min/1,73 m2 (aHR 0,35 ; IC 95 % 0,21– 0,59 ; p < 0,001) et 45–59 mL/min/1,73 m2 (aHR 0,10 ; IC 95 % 0,01–0,72 ; p = 0,02) e´taient associe´s a` une re´duction du risque de de´ve´lopper la ne´phrotoxicite´ sous traitement antire´troviral dans les 24 premiers mois de suivi, apre`s ajustement sur les autres variables. A` chaque fois que l’aˆge initial augmentait de 10 ans, le risque de survenue de la maladie re´nale chronique dans les 24 premiers mois
de suivi augmentait (aHR 1,88 ; IC 95 % 1,17–3,02 ; p = 0,009) (Tableau 4).
4. Discussion L’incidence de la ne´phrotoxicite´ et de la maladie re´nale chronique est e´leve´e chez les patients VIH-positifs de´butant le traitement antire´troviral et ayant un faible IMC (< 18,5 kg/m2). Dans notre e´tude, nous avons montre´ qu’un taux d’he´moglobine initiale 8 g/dL et un protocole initial ARV contenant du te´nofovir e´taient des facteurs de risque associe´s a` la survenue de la ne´phrotoxicite´ de´finie comme la chute du DFG-MDRD < 25 % et l’augmentation de la cre´atinine se´rique de 0,5 mg/dL, et que l’aˆge adulte e´tait le facteur de risque de survenue de la maladie re´nale chronique dans les 24 premiers mois sous traitement antire´troviral.
Pour citer cet article : Herbas Ekat M, et al. Faible indice de masse corporelle et impact des antire´troviraux sur la ne´phrotoxicite´, la maladie re´nale chronique chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville, Congo. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/ j.nephro.2019.09.002
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Fig. 2. Incidence de la ne´phrotoxicite´ (2a) et de la maladie re´nale chronique (2b) en fonction des protocoles ARV parmi les patients VIH-positifs avec un indice de masse corporelle < 18,5 kg/m2 qui avaient de´buter le traitement antire´troviral au centre de traitement ambulatoire de Brazzaville, de 2009 a` 2012.
Tableau 3 Analyse univarie´e et multivarie´e des facteurs associe´s a` la ne´phrotoxicite´ chez les patients VIH-positifs ayant un faible indice de masse corporelle a` Brazzaville. Analyse univarie´e Crude HR (IC 95 %) Aˆge < 40 ans 40 ans Sexe Masculin Fe´minin Stade clinique OMS 1 et 2 3 et 4 Taux d’he´moglobine initial > 8 g/dL 8 g/dL Cre´atinine se´rique initiale < 1,5 N 1,5 N DFG-MDRD mL/min/1,73 m2 90 60–89 45–59 30–44 et 15–29 Protocole ARV initial Non-TDF TDF
Analyse multivarie´e Adjusted HR (IC 95 %)
p
Re´fe´rence 0,71 (0,48–1,05)
0,08
Re´fe´rence 1,19 (0,77–1,83)
0,44
Re´fe´rence 0,87 (0,49–1,60)
0,65
Re´fe´rence 1,76 (1,02–3,04)
0,04
Re´fe´rence 0,42 (0,06–3,03)
0,32
Re´fe´rence 0,34 (0,21–0,56) 0,11 (0,02–0,75) 0,17 (0,02–1,23) Re´fe´rence 1,84 (1,25–2,72)
p
1,11 (0,73–1,68)
0,64
2,22 (1,26–3,93)
0,006
< 0,001 0,025 0,08
0,35 (0,21–0,59) 0,10 (0,01–0,72) 0,14 (0,02–1,04)
< 0,001 0,02 0,05
0,002
1,55 (1,04–2,33)
0,03
Tableau 4 Facteurs de risque associe´s a` la maladie re´nale chronique en analyse univarie´e et multivarie´e chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville.
Aˆge par 10 ans Sexe Masculin Fe´minin Stade clinique OMS 1 et 2 3 et 4 Taux d’he´moglobine initial par 1 g/dL Taux de lymphocytes T CD4 initial par 50 cellules/mm2 Cre´atinine se´rique initiale par 0,5 mg/dL DFG-MDRD mL/min/1,73 m2 90 60–89 TDF dans le protocole ARV initial Non-TDF TDF
Analyse univarie´e Crude HR (IC 95 %)
p
Analyse multivarie´e Adjusted HR (IC 95 %)
p
1,91 (1,36–2,69)
< 0,001
1,88 (1,17–3,02)
0,009
Re´fe´rence 0,53 (0,26–1,10)
0,09
Re´fe´rence 1,27 (0,45–3,61)
0,66
Re´fe´rence 1,16 (0,35–3,86) 1,06 (0,84–1,33) 0,83 (0,69–1,00) 2,48 (1,10–5,57)
0,81 0,65 0,048 0,028
0,83 (0,68–1) 0,64 (0,13–3,23)
0,05 0,59
Re´fe´rence 2,85 (1,39–5,81)
0,004
Re´fe´rence 2,48 (0,63–9,73)
0,19
Re´fe´rence 2 (0,97–4,12)
0,061
Re´fe´rence 1,54 (0,64–3,74)
0,34
Pour citer cet article : Herbas Ekat M, et al. Faible indice de masse corporelle et impact des antire´troviraux sur la ne´phrotoxicite´, la maladie re´nale chronique chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville, Congo. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/ j.nephro.2019.09.002
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Nous avons alors adopte´ la chute du DFG-MDRD > 25 % et l’augmentation de la cre´atinine se´rique de 0,5 mg/dL comme de´finition de la ne´phrotoxicite´ secondaire aux antire´troviraux. Le premier crite`re est l’une des me´thodes couramment utilise´es dans l’e´valuation de la fonction re´nale [24,25]. Le deuxie`me crite`re a e´te´ pre´ce´demment utilise´ comme de´finition de la ne´phrotoxicite´ induite par le traitement antire´troviral, en l’occurrence le te´nofovir, et a rapporte´ des incidences faibles, < 1–4,3 % [5– 9]. L’utilisation de cette de´finition ne signifie pas force´ment que les patients re´pondant a` ces crite`res ont une se´ve`re alte´ration de la fonction re´nale, mais la combinaison de ces deux crite`res a probablement davantage de sensibilite´ dans la de´tection pre´coce de la ne´phrotoxicite´ [11]. Dans notre e´tude, l’incidence globale de la ne´phrotoxicite´ e´tait de 33,85 % (soit 27,95 pour 100 personnesanne´e), celle spe´cifique au te´nofovir e´tait tre`s e´leve´e, de l’ordre de 46,67 % (soit 41,82 pour 100 personnes-anne´e) compare´es aux incidences pre´ce´demment rapporte´es. En effet, Nishijima et al. ont rapporte´ une incidence de 19,6 % (soit 10,5 pour 100 personnesanne´e) chez les patients japonais infecte´s par le VIH [11], et Chaisiri et al. ont rapporte´ une incidence de 19,3 % (16,2 pour 100 personnes-anne´e) chez les patients thaı¨s sous te´nofovir [16]. Cette diffe´rence dans l’incidence de la ne´phrotoxicite´ pourrait s’expliquer par le petit poids corporel de nos patients. En effet, le poids me´dian des patients expose´s au te´nofovir dans notre e´tude e´tait de 44 kg (39–47), alors que dans les e´tudes de Nishijima et Chaisiri [16], le poids me´dian e´tait respectivement de 63 kg (57–69) et 56,5 kg (50,5–65,0) [11,16]. Le te´nofovir est un analogue nucle´otidique acyclique dans sa forme active, qui est excre´te´ par filtration glome´rulaire et par se´cre´tion tubulaire active. Des e´tudes in vitro ont montre´ que la pre´sence du te´nofovir e´tait associe´e a` une toxicite´ mitochondriale dans les cellules tubulaires proximales re´nales, et des e´tudes animales ont montre´ que la dysfonction tubulaire re´nale e´tait associe´e a` la dose et aux concentrations plasmatiques du TDF. En outre, les e´tudes pharmacocine´tiques ont montre´ que le petit poids corporel e´tait associe´ a` une re´duction de la clairance plasmatique du TDF, entraıˆnant donc une e´le´vation des concentrations plasmatiques du TDF, ce qui conduit a` une dysfonction tubulaire re´nale [26–29]. L’incidence de la ne´phrotoxicite´ induite par la stavudine (D4T) e´tait e´galement e´leve´e, de l’ordre de 43,18 pour 100 personnes-anne´e (26,03–71,63). L’examen de l’allure des courbes d’incidences (Fig. 2a) a permis de conclure que la ne´phrotoxicite´ lie´e a` la stavudine e´tait plus importante dans les 6 premiers mois sous traitement antire´troviral, et pourrait donc eˆtre due aux autres me´dicaments pour le traitement des infections opportunistes ou a` leurs effets inde´sirables. Parmi les facteurs de ne´phrotoxicite´ retrouve´s, le taux d’he´moglobine initial 8 g/dL a e´te´ pre´ce´demment de´crit comme e´tant un facteur associe´ a` l’insuffisance re´nale chez les patients de´butant le traitement antire´troviral [28–30]. Les donne´es disponibles dans la litte´rature scientifique sont celles ayant e´value´ les facteurs de risque de ne´phrotoxicite´ chez les patients prenant du te´nofovir. Nelson et al., Peyriere et Gupta avaient rapporte´ qu’un bas DFG-MDRD initial e´tait associe´ a` la survenue de la toxicite´ re´nale [31–33]. En revanche, Nishijima et al., au Japon, et Chaisiri et al., en Thaı¨lande, ont rapporte´ que la ne´phrotoxicite´ re´nale e´tait associe´e a` un DFG-MDRD e´leve´ a` l’initiation du traitement antire´troviral [11,16]. Antoniou et al., au Canada, en utilisant une de´finition de la ne´phrotoxicite´ base´e sur l’augmentation de la cre´atinine se´rique initiale de 1,5 fois la normale, ont rapporte´ e´galement qu’un DFG-MDRD initial e´leve´ e´tait associe´ a` la survenue de la ne´phrotoxicite´ [33]. En Afrique du sud, Brennan et al. rapportent que les patients avec un DFG initial moyen (60– 89 mL/min) ou mode´re´ (30–59 mL/min) avaient un risque e´leve´ de ne´phrotoxicite´ [9]. Ici e´galement, la de´finition de la ne´phrotoxicite´ prend en compte toute baisse du DFG depuis l’initiation au
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traitement antire´troviral secondaire a` une toxine (incluant des me´dicaments) et documente´e par un me´decin chez les patients VIH-positifs sous te´nofovir, rappelant que c’est la formule de Cockcroft-Gault qui a e´te´ utilise´e pour e´valuer le DFG. En revanche, dans notre e´tude, le DFG-MDRD initial compris entre 60–89 mL/ min/1,73 m2 et 45–59 mL/min/1,73 m2 a e´te´ associe´ a` une re´duction du risque de ne´phrotoxicite´ dans les 24 premiers mois apre`s le de´but du traitement antire´troviral, ce qui ne contreindique pas l’initiation au traitement antire´troviral chez ces patients. L’incidence de la maladie re´nale chronique chez les patients expose´s au te´nofovir e´tait plus e´leve´e compare´e a` l’incidence globale de maladie re´nale chronique dans notre cohorte et dans les se´ries publie´es en Afrique et ailleurs. L’utilisation du te´nofovir disoproxil fumarate et le faible poids corporel sont des facteurs de risque associe´s a` la survenue de la maladie re´nale chronique [34]. L’aˆge adulte a e´te´ le facteur de risque associe´ a` la survenue de la maladie re´nale chronique dans notre e´tude. Une e´tude re´alise´e au Vietnam, ou` les patients ayant de´veloppe´ la maladie re´nale chronique avaient sensiblement le meˆme poids corporel que les patients de notre cohorte, a rapporte´ des tendances similaires [35]. En Afrique du sud, Zachor et al., dans une population ayant un indice de masse corporelle me´dian dans les limites de la normale, ont e´galement rapporte´ que l’aˆge adulte e´tait un facteur de risque de survenue de la maladie re´nale chronique [10], bien que les formules utilise´es dans ces deux e´tudes pour e´valuer le de´bit de filtration glome´rulaire soient ˆ r et a` me´sure que l’on prend de l’aˆge, les facteurs diffe´rentes. Au fu de risque tels que l’hypertension arte´rielle et le diabe`te apparaissent et ont certainement joue´ un roˆle important dans la survenue de la maladie re´nale chronique. Notre e´tude pre´sente quelques limites. Tout d’abord, du fait de sa nature re´trospective, nous n’avons pas e´value´ les autres facteurs qui pourraient influencer l’alte´ration de la fonction re´nale comme l’hypertension arte´rielle lorsque l’on sait que 50 % de nos patients avaient un aˆge > 37 ans. De plus, la de´finition que nous avons adopte´e pour de´finir la ne´phrotoxicite´, non seulement elle n’est pas universelle et est diffe´rente dans les e´tudes publie´es dans ce domaine, mais elle ne permet pas d’e´valuer directement la toxicite´ du te´nofovir sur le rein. Enfin, sur les 424 patients se´lectionne´s avec une cre´atinine se´rique initiale, 129 ont e´te´ perdus de vue, repre´sentant une quantite´ importante de donne´es perdues qui pouvaient avoir un impact sur les incidences que nous avons rapporte´es.
5. Conclusion En de´pit des limites de cette e´tude, les re´sultats incitent a` une surveillance e´troite du de´bit de filtration re´nale chez les patients VIH-positifs avec un faible indice de masse corporelle. Le taux d’he´moglobine initiale 8 g/dL et le protocole initial ARV contenant du te´nofovir ont e´te´ identifie´s comme des facteurs de risque associe´s a` la ne´phrotoxicite´, et l’aˆge adulte comme facteur de risque de la maladie re´nale chronique.
Contributions des auteurs Martin Herbas Ekat et Cheikh Tidiane Ndour ont re´dige´ le protocole ; Martin Herbas Ekat a fait les analyses statistiques ; Martin Herbas Ekat, Cheikh Tidiane Ndour, Roland Bienvenue Ossibi Ibara et Merlin Diafouka ont e´crit le manuscrit ; Tatia Adoua Doukaga, Gilius Axel Aloumba, Dominique Mahambou-Nsonde, Paul Boumandoki, Patrick Roger Nzounza, Pani Obengui et Moussa Seydi ont relu l’article.
Pour citer cet article : Herbas Ekat M, et al. Faible indice de masse corporelle et impact des antire´troviraux sur la ne´phrotoxicite´, la maladie re´nale chronique chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville, Congo. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/ j.nephro.2019.09.002
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Pour citer cet article : Herbas Ekat M, et al. Faible indice de masse corporelle et impact des antire´troviraux sur la ne´phrotoxicite´, la maladie re´nale chronique chez les patients infecte´s par le VIH a` Brazzaville, Congo. Ne´phrol ther (2020), https://doi.org/10.1016/ j.nephro.2019.09.002