Fibrose médiastinale et mirtazapine

Fibrose médiastinale et mirtazapine

La Revue de médecine interne 32 (2011) e91–e92 Cas clinique Fibrose médiastinale et mirtazapine Mediastinal fibrosis and mirtazapin A. Akalay a,∗ , M...

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La Revue de médecine interne 32 (2011) e91–e92

Cas clinique

Fibrose médiastinale et mirtazapine Mediastinal fibrosis and mirtazapin A. Akalay a,∗ , M. Ost a , B. Hanson b a b

Service de médecine interne, hôpitaux IRIS sud, 63, rue Jean-Paquot, 1050 Bruxelles, Belgique Service de radiologie, hôpitaux IRIS sud, 63, rue Jean-Paquot, 1050 Bruxelles, Belgique

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le 28 mai 2011 Mots clés : Fibrose médiastinale Syndrome cave supérieur Mirtazapine Thrombose jugulaire

r é s u m é Nous rapportons l’observation d’une patiente de 61 ans qui développait un syndrome cave supérieur secondaire à une fibrose médiastinale diffuse. Cette dernière régressait après l’arrêt de la mirtazapine qu’elle prenait depuis six ans. Cela suggère que la mirtazapine ait pu jouer un rôle dans la genèse de cette fibrose. © 2010 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

a b s t r a c t Keywords: Mediastinal fibrosis Superior vena cava obstruction Mirtazapin

We report a 61-year-old woman who developed a superior vena cava syndrome due to mediastinal fibrosis. This mediastinal fibrosis resolved after the discontinuation of a chronic treatment by mirtazapin that the patient was receiving for the previous six years, suggesting a role of this treatment in the genesis of the mediastinal fibrosis. © 2010 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

1. Introduction La fibrose médiastinale est une maladie inflammatoire chronique rare caractérisée par une prolifération de tissu fibreux au sein du médiastin. Bien qu’elle soit souvent qualifiée par défaut d’idiopathique, elle peut être associée à des pathologies infectieuses, néoplasiques, auto-immunes, à des traumatismes thoraciques ou à la prise de certains médicaments. Rare en Europe, elle est plus souvent observée aux États-Unis où elle est souvent secondaire à des infections et plus particulièrement à l’histoplasmose. Le processus pathogénique exact n’est pas parfaitement connu. Histologiquement, la fibrose médiastinale se caractérise par un tissu riche en collagène contenant quelques foyers de fibroblastes et des infiltrats inflammatoires. Les structures médiastinales telles que les voies aériennes, les gros vaisseaux ou l’œsophage, peuvent être envahies, comprimées ou parfois infiltrées par le tissu fibreux. La distribution et l’importance de cet envahissement médiastinal sont variables d’un cas à l’autre tout comme le tableau clinique

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Akalay).

qui en découle. Les patients peuvent présenter des symptômes respiratoires (toux, dyspnée, hémoptysies), digestifs, cardiaques ou classiquement un syndrome cave supérieur [1–3]. L’imagerie distingue deux types de fibrose médiastinale : une forme focale apparaissant comme une masse, parfois calcifiée, souvent associée à des maladies telles que l’histoplasmose ou la tuberculose et une forme diffuse, souvent non calcifiée, envahissant différents compartiments du médiastin, plus souvent associée à des fibroses extramédiastinales [3,4]. 2. Observation Une femme, âgée de 61 ans, était hospitalisée pour fièvre et gonflement de la base du cou depuis la veille. Elle avait comme antécédents une exérèse d’un kyste mammaire et une dépression traitée par mirtazapine (Norset® ) depuis six ans. Elle prenait régulièrement de l’alprazolam, du tétrazépam et de la tibolone. L’examen physique montrait un œdème sus-claviculaire avec une douleur à la palpation du côté gauche du cou. Un scanner thoracique retrouvait une thrombose de la veine jugulaire interne gauche et mettait en évidence une augmentation du volume et une densification du médiastin antérieur et des

0248-8663/$ – see front matter © 2010 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). doi:10.1016/j.revmed.2010.08.012

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A. Akalay et al. / La Revue de médecine interne 32 (2011) e91–e92

épanchements pleuraux bilatéraux. Une scintigraphie au gallium montrait une hyperfixation du médiastin antérieur sans autre foyer, alors que la tomographie par émission de positron (TEP) utilisant le 18 fluorodéoxyglucose ne montrait pas de zone hypermétabolique. L’échographie cardiaque et le scanner abdominal étaient normaux. L’examen histologique de quatre prélèvements réalisés au cours d’une médiastinoscopie permettait d’identifier que cette masse médiastinale était composée d’un tissu fibreux peu cellulaire, lâche, avec un infiltrat inflammatoire clairsemé sans éosinophile. Les cultures et les examens bactériologiques des prélèvements réalisés durant la médiastinoscopie et les hémocultures étaient négatifs. Le diagnostic de syndrome cave supérieur secondaire à une fibrose médiastinale était retenu. En l’absence d’étiologie non médicamenteuse, il semblait prudent d’arrêter la mirtazapine. Aucun traitement corticoïde, hormonal (des cas de régression de fibrose médiastinale après administration de tamoxifène ont été décrits [5]), antituberculeux ou antifongique n’était prescrit. Il n’était pas fait appel à la chirurgie ou à la dilatation percutanée avec mise en place de stent parfois utiles en cas d’occlusion artérielle ou veineuse mais dont les résultats sont variables [6]. Après l’arrêt de la mirtazapine, le processus fibrotique régressait, sans signe de récidive. Le syndrome cave supérieur et le syndrome inflammatoire disparaissaient. Après trois mois, le scanner thoracique de contrôle montrait une disparition de la fibrose médiastinale. Après trois ans de suivi, aucune récidive n’était observée. 3. Discussion La fibrose médiastinale est une maladie inflammatoire chronique caractérisée par la présence de tissu fibreux dense au sein du médiastin. On peut observer des foyers de prolifération fibroblastique et quelques cellules inflammatoires. Si la fibrose médiastinale peut souvent être suspectée après la réalisation d’un scanner ou d’une IRM thoracique, la réalisation d’une biopsie par médiastinoscopie reste nécessaire non seulement pour confirmer le diagnostic mais aussi pour exclure une maladie infectieuse ou néoplasique associée. De nombreux agents infectieux ont été associés à la fibrose médiastinale. L’association la plus reconnue et surtout diagnostiquée aux États-Unis est l’histoplasmose, mais celle-ci est rare dans nos régions. Citons aussi l’aspergillose, les mucormycoses, la cryptoccocose ou la tuberculose. À l’exemple de l’histoplasmose ou de la tuberculose, la mise en évidence de ces agents infectieux nécessite des prélèvements de qualité et n’est pas toujours possible, ce qui a conduit certains auteurs à proposer des traitements d’épreuve, tenant compte des données épidémiologiques locales [7]. En présence d’une masse médiastinale, il est nécessaire d’exclure une pathologie néoplasique telle qu’un cancer pulmonaire, un lymphome, un sarcome, un tératome, un thymome ou une infiltration métastatique. Il faut aussi rechercher une néoplasie associée à une fibrose médiastinale comme peut l’être un lymphome de Hodgkin [3]. Ces cancers pouvant contenir des zones de fibroses, de multiples biopsies ont été réalisées par médiastinoscopie plutôt qu’une simple aspiration percutanée à l’aiguille fine. Il faut envisager l’existence d’une maladie auto-immune (Behc¸et, lupus disséminé, polyarthrite rhumatoïde) mais aucun élément clinique ou biologique ne supportait cette hypothèse chez la patiente. La possibilité d’une fibrose idiopathique multifocale, associant plusieurs processus fibrosants tels qu’une fibrose rétropéritéonéale, une thyroïdite de Riedel, une pseudotumeur orbitaire, une cholangite sclérosante ou une sclérose mésentérique a été envisagée. Mais le bilan réalisé n’a pas mis en évidence

d’autres localisations de fibrose. Des observations de fibrose ont aussi été décrites après radiothérapie thoracique ou traumatisme hémorragique du médiastin. Certains médicaments (le méthysergide, l’ergotamine [1,8]) ont été incriminés dans la survenue de fibrose médiastinale. Aucune association entre la mirtazapine et l’apparition d’une fibrose médiastinale n’a été décrite à ce jour. Mais en l’absence d’autre étiologie et face à une pathologie qui peut être induite par un médicament, ce traitement a été interrompu. La disparition radiologique de la fibrose après l’arrêt de la mirtazapine suggère une relation entre celle-ci et l’apparition de cette fibrose médiastinale. Le traitement avait débuté six ans avant l’apparition des premiers symptômes, ce qui suggère que son instauration précède l’apparition de la fibrose bien qu’on ne puisse pas formellement l’affirmer. Le calcul d’un score de Naranjo [9] (qui établit la probabilité qu’un événement pathologique soit induit par un médicament plutôt que par un autre facteur) donne dans ce cas un score de 6 tandis que le test d’imputabilité des effets inattendus ou toxiques des médicaments [10] est de 2, ce qui établit qu’un lien entre la mirtazapine et cette fibrose est plausible, voire probable. La mirtazapine est un antidépresseur qui agit comme antagoniste des récepteurs ␣2 présynaptiques adrénergique et comme antagoniste des récepteurs 5-hydroxytryptamine-2 (5-HT-2) et 5-HT-3. À notre connaissance, il n’y a pas actuellement d’élément permettant de comprendre par quel mécanisme la mirtazapine pourrait stimuler un processus fibrosant chez certains patients. Au contraire, des modèles expérimentaux ont montré que des antagonistes des récepteurs 5-HT-2 pouvaient réduire des fibroses hépatiques ou pulmonaires [11,12]. Toutefois, cette observation suggère la possibilité qu’en cas de fibrose médiastinale chez un patient traité par mirtazapine, l’arrêt de ce médicament pourrait avoir un effet favorable sur la maladie fibrotique. Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont pas transmis de conflit d’intérêt. Références [1] Light AM. Idiopathic fibrosis of mediastinum: a discussion of three cases and review of the litterature. J Clin Pathol 1978;31:78–88. [2] Mole TM, Glover J, Sheppard MN. Sclerosing mediastinitis: a report on 18 cases. Thorax 1995;50:280–3. [3] Rossi SE, McAdams HP, Rosado-de-Christenson ML, Franks TJ, Galvin JR. Fibrosing mediastinitis. Radiographics 2001;21:737–57. [4] Madan R, Solanki RS, Narula MK, Kapoor G. Clinicoradiological findings in a patient with fibrosing mediastinitis and anti-phospholipid antibody syndrome. Ind J Radiol Imag 2006;3:295–7. [5] Savelli BA, Parshley M, Morganroth ML. Successful treatment of sclerosing cervicitis and fibrosing mediastinitis with tamoxifen. Chest 1997;111:1137–40. [6] Doyle TP, Loyd JE, Robbins IM. Percutaneous pulmonary artery and vein stenting: a novel treatment for mediastinal fibrosis. Am J Respir Crit Care Med 2001;164:657–60. [7] Rajput AK, Rajan KE, Vardhan V, Tewari SC, Borcar JM. Mediastinal fibrosis. Med J Armed Forces India 2000;56:82–4. [8] Klisnick A, Fourcade J, Ruivard M, Baud O, Souweine B, Boyer L, et al. Combined idiopathic retroperitoneal and mediastinal fibrosis with pericardial involvement. Clin Nephrol 1999;52:51–5. [9] Naranjo CA, Busto U, Sellers EM, Sandor P, Ruiz I, Roberts EA, et al. A method for estimating the probability of adverse drug reactions. Clin Pharmacol Ther 1981;30:239–45. [10] Bégaud B, Evreux JC, Jouglard J, Lagier G. Imputabilité des effets inattendus ou toxiques des médicaments. Actualisation de la méthode utilisée en France. Therapie 1985;40:111–8. [11] Ruddell RG, Oakley F, Hussain Z, Yeung I, Bryan-Lluka LJ, Ramm GA, et al. A role for serotonin (5-HT) in hepatic stellate cell function and liver fibrosis. Am J Pathol 2006;169:861–76. [12] Fabre A, Marchal-Sommé J, Marchand-Adam S, Quesnel C, Borie R, Dehoux M, et al. Modulation of bleomycin-induced lung fibrosis by serotonin receptor antagonists in mice. Eur Respir J 2008;32:426–36.