Fragments de l'arithmétique et fonctions de couplage

Fragments de l'arithmétique et fonctions de couplage

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 333, Série I, p. 817–820, 2001 Logique/Logic Fragments de l’arithmétique et fonctions de couplage Yerzhan BAISALOV Faculté...

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 333, Série I, p. 817–820, 2001 Logique/Logic

Fragments de l’arithmétique et fonctions de couplage Yerzhan BAISALOV Faculté de mécanique et mathématiques, Université nationale du Kazakhstan, Masanchi, 39/47, Almaty, Kazakhstan Courriel : [email protected] (Reçu le 14 juillet 2001, accepté après révision le 19 septembre 2001)

Résumé.

On démontre une conjecture de I. Korec [4] sur la décidabilité de certains fragments de l’arithmétique avec une fonction de couplage ; comme conséquence, on donne une axiomatisation du fragment de l’arithmétique avec la fonction de couplage de Cantor en précisant le résultat de [5].  2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

Fragments of arithmetic and pairing functions Abstract.

We prove a conjecture of I. Korec [4] on decidability of some fragments of arithmetic equipped with a pairing function; as consequence, we give an axiomatization of the fragment of arithmetic equipped with Cantor pairing function, precising a result of [5].  2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

Soit N = N ; =, +, · le modèle standard de l’arithmétique. La structure M = N ; f1 , f2 , . . . , fm , ϕ1 , ϕ2 , . . . , ϕn  est un fragment de l’arithmétique si toutes les fonctions fi et toutes les relations ϕi sont définissables dans N. Une fonction de couplage est une bijection de N 2 dans N . Une telle fonction f est dite localement libre si, pour tout terme t(x1 , . . . , xk ) formé à partir de f qui n’est pas une simple variable et pour tout n1 , . . . , nk de N , on a : t(n1 , . . . , nk ) = n1 . A.I. Mal’tsev [1] a montré que toutes les fonctions de couplage localement libres sont élémentairement équivalentes. Il est aussi utile de considérer les deux fonctions g et h, définissables dans le langage L = {=, f }, telles que : f (x, y) = z ↔ g(z) = x ∧ h(z) = y. La théorie des fonctions de couplage localement libres possède une axiomatisation dans le langage L∗ de ces deux fonctions g et h (nous appelons cotermes les termes de ce dernier langage) : 1. x → (g(x), h(x)) est une bijection de N dans N 2 . 2θ . θ(x) = x, où le coterme θ(x) n’est pas réduit à la seule variable x. Note présentée par Gérard H UET. S0764-4442(01)02151-6/FLA  2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

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De plus, il a été montré [2] que la théorie des fonctions de couplage localement libres élimine les quanteurs dans ce langage dual. 1. Démonstration de la conjecture de Korec Soit f une fonction de couplage telle que : f (x, y) > max{x, y} si x > n ou y > n, pour un certain entier n fixé. Soit L∗n = {=, g, h, 0, 1, 2, . . ., n} le langage dual augmenté par les symboles de constante 0, 1, 2, . . ., n. La théorie Tn∗ du langage L∗n se décrit par la liste d’axiomes suivante : Ax∗ 1. x → (g(x), h(x)) est une bijection de N dans N 2 . Ax∗θ,n 2. θ(x) = x → (x = 0 ∨ x = 1 ∨ . . . ∨ x = n), où θ(x) est un coterme qui n’est pas réduit à la seule variable x. Ax∗n 3. Les graphes de g et de h sur {0, 1, . . . , n}, i.e. la liste de toutes les équations des formes g(i) = j et h(i) = k pour i  n. T HÉORÈME 1. – Toute formule (du premier ordre) de L∗n est équivalente à une formule libre de L∗n , i.e. on a l’élimination des quanteurs modulo Tn∗ , et donc Tn∗ est la théorie du modèle M∗n = N ; =, g, h, 0, 1, 2, . . .n. Démonstration. – La preuve du théorème répète celle de l’élimination des quanteurs [2] de la théorie des fonctions de couplage localement libres (l’élimination des quanteurs implique la complétude de la théorie) ; on utilise la méthode de « va-et-vient » présentée dans le chapitre 5 de [3], en remarquant que les entiers non standard se conduisent comme les éléments d’une algèbre localement libre au-dessus de la partie standard (comme d’habitude, la partie standard d’un modèle de langage arbitraire est la clôture rationnelle de l’ensemble des constantes). En effet, chaque modèle des axiomes peut être considéré comme une extension du modèle M∗n = N ; =, g, h, 0, 1, 2, . . ., n standard. Pour commencer le « va-et-vient » entre deux modèles saturés il n’y a aucun obstacle, car toutes les choses contredisant l’axiome 2θ appartiennent déjà à la partie standard (voir Ax∗θ,n 2 ci-dessus). D’abord, exactement comme dans [2], nous voyons que chaque formule est équivalente à une combinaison booléenne de formules des formes θ(x) = m et θ (y) = θ (z). Puis, si C(k, ) = m et k < m,  < m, alors θ(x) = m est équivalente à la formule g(θ(x)) = k ∧ h(θ(x)) = . ✷ Comme conséquence immédiate, on voit que Tn∗ est stable et que la théorie du modèle M = N ; =, f  l’est aussi ; donc ni l’addition ni la multiplication des entiers naturels ne sont définissables (même par formules à paramètres dans N !) à partir de f . Il est facile de voir que les axiomes Ax∗ 1–3 se traduisent en langage Ln = {=, f, 0, 1, . . ., n} comme suit : Ax 1. f est une bijection de N 2 dans N . Axt,n 2. t(x1 , x2 , . . . , xm ) = xi → (xi = 0 ∨ xi = 1 ∨ . . . ∨ xi = n), où le terme t est non trivial, i.e. il contient au moins une variable et il n’est pas réduit à une seule variable, pour 1  i  n. Axn 3. Le graphe de f sur {0, 1, . . ., n}, i.e. la liste de toutes les équations de la forme f (i, j) = k avec k  n.

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C OROLLAIRE 2. – Les axiomes Ax 1–3 axiomatisent la théorie Tn de Mn = N ; =, f, 0, 1, . . ., n. La théorie Tn est décidable. Ce corollaire confirme la conjecture de I. Korec sur la décidabilité de la théorie Tn . Dans [5], la décidabilité de la théorie T du modèle N ; =, C, où : C(x, y) =

(x + y)(x + y + 1) +y 2

est la fonction de couplage de Cantor, est montrée. Évidemment, cette fonction satisfait la condition de Korec pour n = 1. Donc, comme une autre conséquence du théorème 1, nous avons une axiomatisation de cette théorie dans le langage L1 = {=, C, 0, 1} : c’est la liste de Ax 1, Axt,1 2, Ax1 3 pour, bien sûr, f = C. 2. Un exemple Ici je donne un exemple d’une fonction de couplage ◦, définissable dans N, telle que : x ◦ y > max{x, y} si x > 0 et y > 0,

(*)

dont la théorie est définissablement maximale (= « déf-strongest » dans [4], c’est-à-dire permet de définir la somme et le produit des entiers) : Pr 1. 0 ◦ 0 = 0 et 0 est le seul qui satisfait la formule x ◦ x = x. Pr 2. Pour chaque entier x ∈ N , (5x + 4) ◦ 0 = 5x + 3; (5x + 2) ◦ 0 = 5x + 1; (5x + 3) ◦ (5x + 1) = 5x + 4. Pr 3. Pour chaque paire d’entiers naturels x > 0, y > 0 et x = y, nous posons : x ◦ y = 5C(x, y) + 2 si (x − 1) ∈ (y − 1); x ◦ y = 5C(x, y)

si (x − 1) ∈ / (y − 1)

et, pour tout z ∈ N , (x, y) = (5z + 3, 5z + 1), où ∈ désigne l’appartenance d’Ackerman. Pr 4. Pour chaque entier x ∈ N , 0 ◦ x = 5C(0, x). Pr 5. Si x = 5y + 4 et x = 5y + 2 pour tout y ∈ N , alors : x ◦ 0 = 5C(x, 0). Pr 6. Il reste un ensemble infini d’entiers de la forme 5k + 2 et un ensemble infini d’entiers de la forme 5k qui n’ont pas encore d’images par ◦. Nous associons injectivement à ces entiers les paires de la forme (x, x) en satisfaisant la condition suivante : x ◦ x < y ◦ y si x < y.

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Il est facile de voir que 1 ◦ 1 = 2, donc nous avons une bijection (définissable, bien sûr !) de N 2 dans N satisfaisant (*). On remarque maintenant que 0 est définissable par x ◦ x = x, et les entiers de la forme 5k + 2 sont définissables par une formule   ∃y (y ◦ 0) ◦ (x ◦ 0) = y ∧ x = 0. Notons cette formule ϕ(x). En effet, si x = 0 alors x ◦ 0 > 0 et l’égalité (y ◦ 0) ◦ (x ◦ 0) = y implique y = 0 et y ◦ 0 > 0. Puis, si x = y, alors (y ◦ 0, x ◦ 0) = (5z + 3, 5z + 1) implique   (y ◦ 0) ◦ (x ◦ 0)  5C(y ◦ 0, x ◦ 0)  5 (y ◦ 0) + (x ◦ 0)  5(y − 1 + 1) = 5y. Donc, dans ce cas, il faut que (y ◦ 0, x ◦ 0) = (5z + 3, 5z + 1) ou x = 5z + 2 et y = 5z + 4. Si x = y, alors il suffit de montrer que l’égalité (x ◦ 0) ◦ (x ◦ 0) = x a une seule solution x = 2. Le fait (x ◦ 0) ◦ (x ◦ 0) > x ◦ 0  x − 1 implique que x = 5z + 2 ou x = 5z + 4. On vérifie maintenant : 0 ◦ 0 = 0,

2 ◦ 0 = 1,

1 ◦ 1 = 2,

4 ◦ 0 = 3,

3 ◦ 1 = 4,

0 ◦ 1 = 5,

7 ◦ 0 = 6,

2 ◦ 2 = 7;

donc, pour x > 2 on a (x ◦ 0) ◦ (x ◦ 0) > (x ◦ 0) + 5  x + 4. Finalement, on voit que sur l’ensemble des entiers positifs N  {0} = {1, 2, 3, . . .} la relation (x − 1) ∈ (y − 1) est définissable par la formule x = y ∧ x = 0 ∧ y = 0 ∧ ϕ(x ◦ y). Donc, à partir de ◦ on peut définir sur N l’addition et la multiplication des entiers naturels. Références bibliographiques [1] Mal’tsev A.I., Axiomatizable classes of locally free algebras of certains types, Sibirsk. Mat. Zh. (1962) 729–743. [2] Bouscaren E., Poizat B., Des belles paires aux beaux uples, J. Symb. Logic 53 (1988) 434–442. [3] Poizat B., Cours de théorie des modèles, Nur Al-Mantiq Wal-Ma’rifah, Villeurbanne, France, 1985. [English translation: Springer, 2000.] [4] Korec I., A list of arithmethical structures strongest with respect to the first-order definability, Preprint N 33/1996, Math. Inst., Slovak Acad. Sci., Bratislava. [5] Cégielski P., Grigorieff S., Richard D., La théorie élémentaire de la fonction de couplage de Cantor des entier naturels est décidable, C. R. Acad. Sci. Paris, Série I 331 (2000) 107–110.

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