Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances

Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances

Modele + JGYN-1412; No. of Pages 7 ARTICLE IN PRESS Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2016) xxx, xxx—xxx Dispo...

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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2016) xxx, xxx—xxx

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TRAVAIL ORIGINAL

Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances Pregnancy in women with spinal cord injuries: State of knowledge B. Boisseau a, B. Perrouin-Verbe b, N. Le Guillanton a, I. Derrendinger a, A.-S. Riteau d, B. Idiard-Chamois c, N. Winer d,∗ a

École de sages-femmes de Nantes, hôpital Mère—Enfant, CHU de Nantes, 38, boulevard Jean-Monnet, 44093 Nantes cedex 1, France b Pôle de médecine physique et de réadaptation, hôpital Saint-Jacques, CHU de Nantes, 85, rue Saint-Jacques, 44093 Nantes cedex 1, France c Département Mère—Enfant, institut mutualiste Montsouris, 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris, France d Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Mère—Enfant, CHU de Nantes, 38, boulevard Jean-Monnet, 44093 Nantes cedex 1, France Rec ¸u le 12 d´ ecembre 2015 ; avis du comité de lecture le 27 juillet 2016 ; définitivement accepté le 30 aoˆ ut 2016

MOTS CLÉS Lésions médullaires ; Tétraplégie ; Paraplégie ; Handicap ; Grossesse ; Accouchement



Résumé Objectifs. — Mise à jour des connaissances des professionnels de santé à propos des femmes enceintes présentant des lésions médullaires. Aménagement des maternités pour les rendre accessibles aux femmes enceintes blessées médullaires afin d’améliorer leur prise en charge en pré-, per- et post-partum. Méthodes. — Étude déclarative transversale à l’aide d’un questionnaire distribué aux professionnels de santé de la maternité du CHU de Nantes et aux sages-femmes libérales de l’agglomération nantaise, basé sur leurs connaissances, leurs difficultés et leurs attentes relatives au suivi obstétrical des femmes blessées médullaires. Un état des lieux a parallèlement été réalisé à la maternité du CHU de Nantes. Résultats. — Soixante-douze pour cent des professionnels de santé interrogés jugent leur niveau de connaissances sur les lésions médullaires insuffisant voire inexistant. Parmi les répondants, 84,8 % ont déclaré avoir rencontré des difficultés lors de la prise en charge de femmes blessées médullaires. La principale difficulté citée est liée au matériel ou aux locaux non adaptés, obstacle effectivement retrouvé lors de l’état des lieux de la maternité.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Winer).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.08.017 0368-2315/© 2016 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : Boisseau B, et al. Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.08.017

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B. Boisseau et al. Conclusion. — Plusieurs propositions sont envisagées, parmi lesquelles des formations spécifiques, la réalisation d’un protocole de prise en charge des femmes blessées médullaires, l’instauration d’une fiche de situation de handicap, l’aménagement des locaux des maternités, et enfin, la création de centres référents en province pour optimiser le suivi de ces patientes. © 2016 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Spinal cord injury; Quadriplegia; Paraplegia; Handicap; Pregnancy; Childbirth

Summary Objectives. — Updating knowledge of health professionals about pregnant women with spinal cord injuries. Development of maternity hospitals to make them accessible to spinal cord injured pregnant women to improve their care in pre-, per- and post-partum. Methods. — Cross-sectional declarative study based on a questionnaire distributed to health professionals in the maternity hospital of the University Hospital of Nantes and liberal midwives of Nantes conurbation, based on their knowledge, their difficulties and their expectations for obstetrical care for spinal cord injured women. An inventory was carried out in parallel at the maternity hospital of the University Hospital of Nantes. Results. — Seventy-two percent of health professionals surveyed rated their level of knowledge on spinal cord injuries insufficient or even non-existent. Among the professionals, 84.8% said they encountered difficulties to take care of spinal cord injured women. The main cited difficulty relates to unsuitable equipment or premises, obstacle indeed found during the inventory made on the maternity hospital. Conclusion. — Several proposals are being considered, including specific trainings, the execution of a management protocol for spinal cord injured women, the establishment of a situation’s form of handicap, the layout of the maternity hospitals premises, and finally, the creation of reference’s centers in the region to optimize the follow-up of these patients. © 2016 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction En 1999, l’enquête « Handicaps incapacités dépendance » menée par l’Insee estimait à environ 8 millions le nombre de personnes souffrant de déficience motrice en France, soit 13,4 % de la population générale [1]. Les personnes tétraplégiques, paraplégiques et hémiplégiques représentaient moins de 9 % de ces personnes déficientes motrices, soit moins de 1 % de la population générale. Par ailleurs, en 2003, 40 % des femmes handicapées en âge de procréer, tout handicap confondu, avaient une vie de couple, et 49,6 % de celles-ci avaient des enfants [2]. L’institut mutualiste Montsouris, maternité de type I située à Paris, représente actuellement le centre pilote en matière de suivi de grossesse chez les femmes handicapées. Depuis l’ouverture en 2006 d’une consultation « Parentalité, handicap moteur et sensoriel » dans ce centre à l’initiative entre autres de Mme Idiard-Chamois, sage-femme, plus de 40 femmes blessées médullaires d’Île-de-France mais aussi de province y ont été prises en charge, dont 14 jusqu’à leur accouchement. Parallèlement, de 2000 à 2014, 11 patientes blessées médullaires ont été suivies à la maternité du CHU de Nantes, pour un total de 15 accouchements. Nous pensons que le suivi de grossesse chez les femmes blessées médullaires présente des particularités qui peuvent mettre en difficulté les professionnels qui les prennent en charge, et ce d’autant plus que ces grossesses sont peu fréquentes. Les objectifs de notre étude sont d’identifier les éventuelles difficultés rencontrées par les professionnels de santé lors du suivi obstétrical de femmes blessées

médullaires, d’évaluer leurs connaissances en matière de lésions médullaires, et enfin de proposer des solutions afin d’améliorer la prise en charge de ces patientes en pré-, peret post-partum.

Descriptif des lésions médullaires Les lésions médullaires peuvent être d’origine traumatique ou médicale (vasculaire, tumorale, infectieuse. . .). Les causes traumatiques représentent environ 70 % des étiologies, avec une prévalence estimée à 50 000 cas en France en 2000, et une incidence de 1200 nouveaux cas par an [3,4]. Lors d’une grossesse, les femmes blessées médullaires sont plus exposées à certaines complications par rapport à la population générale. On retrouve ainsi un taux de patientes présentant une menace d’accouchement prématuré plus élevée, conduisant à environ 20 % d’accouchements prématurés, qui s’explique notamment par le fait que les contractions utérines ne sont pas ressenties par certaines de ces femmes [5—7]. Il en est de même pour l’hypotrophie fœtale, les infections urinaires, les escarres ou encore l’hyperréflexie autonome déclenchée par la douleur (HRA) [5,7—9]. Ce dernier phénomène qui est une spécificité peu connue des obstétriciens, concerne les femmes blessées médullaires dont la lésion est supérieure ou égale à T6 et se définit par une augmentation brutale de la pression artérielle systolique aiguë supérieure ou égale à 20 mmHg, accompagnée d’une bradycardie ou d’une tachycardie, pouvant rapidement mettre en jeu le pronostic vital maternel ou fœtal.

Pour citer cet article : Boisseau B, et al. Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.08.017

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Grossesse chez les femmes blessées médullaires Tableau 1 Types de difficultés rencontrées par les professionnels. Types of difficulties encountered by professionals. Types de difficultés

Pourcentage de professionnels (%)

Matériel ou locaux non adaptés Mobilisation difficile de la patiente Manque d’expérience Déficit de connaissances ou d’informations Manque de temps Problèmes d’ordre médical liés au handicap Autre raison Problèmes d’ordre relationnel avec la patiente

66,7 61,5 61,5 59 48,7 15,4 2,6 0

Concernant le mode d’accouchement, la réalisation d’une césarienne n’est pas systématique. Cependant, deux situations l’exigent néanmoins : l’existence d’une syringomyélie, qui consiste en l’existence d’une cavité liquidienne développée au sein de la moelle épinière (risque d’aggravation en cas d’efforts expulsifs), et l’impossibilité de réaliser une anesthésie locorégionale chez une femme à risque d’HRA [5,7—9].

Étude et résultats Une étude transversale a été réalisée auprès de professionnels de santé de la maternité du CHU de Nantes (aides-soignants, auxiliaires de puériculture, puéricultrices, gynécologues-obstétriciens, internes de gynécologieobstétrique, sages-femmes, médecins généralistes) présents dans des services directement en lien avec la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches. Les services de néonatalogie, de gynécologie chirurgicale et de procréation médicalement assistée ont donc été exclu de l’étude. Des sages-femmes libérales de l’agglomération nantaise ont également été interrogées. Un questionnaire anonyme a été distribué soit dans les services de la maternité pour les professionnels de santé y exerc ¸ant, soit par e-mail pour les sages-femmes libérales. Il s’intéressait à l’expérience des professionnels concernant le suivi obstétrical de femmes blessées médullaires, aux difficultés qu’ils avaient pu rencontrer lors de ces suivis, à leurs connaissances sur les lésions médullaires et à leurs attentes afin de pallier les éventuelles difficultés rencontrées. L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel EpiData version 3.1. Parmi les 200 questionnaires distribués, 68 ont été remplis, dont 8 par des gynécologues-obstétriciens et 41 par des sages-femmes hospitalières ou libérales. Parmi eux, 84,8 % des répondants ont déclaré avoir rencontré des difficultés lors de la prise en charge de ces femmes. Ils ont mentionné plusieurs sortes d’obstacles, dont la prévalence est reportée sur le Tableau 1. Il s’agit principalement de problèmes techniques liés aux locaux (peu adaptés aux personnes présentant un handicap moteur),

3 aux patientes (transferts pouvant nécessiter l’aide de plusieurs personnes) ou aux professionnels eux-mêmes (déficit de connaissances sur les lésions médullaires ou expérience trop limitée concernant le suivi de femmes blessées médullaires). L’« autre raison » mentionnée sur le Tableau 1 correspond à une « méconnaissance des pathologies découlant de [ce] handicap (HRA par exemple) ». Concernant les connaissances des répondants sur les lésions médullaires, des questions leur ont été posées afin de les évaluer. Elles portaient sur les risques possibles lors d’une grossesse, les particularités du suivi de grossesse et le mode d’accouchement chez une femme blessée médullaire. Ces questions étaient basées sur des recommandations du Professeur Perrouin-Verbe et de Mme Idiard-Chamois. Nous présenterons ici uniquement les réponses des gynécologuesobstétriciens et des sages-femmes hospitalières ou libérales. En ce qui concerne les principaux risques pouvant survenir lors de la grossesse, la plupart des répondants connaissent les risques de thromboses (78 %), d’escarres (86 %) et d’infections urinaires (96 %). Ils sont moins nombreux à connaître les risques d’hyperréflexie autonome (37 %), de prématurité (41 %) et d’hyperactivité vésicale (43 %). Concernant le suivi de grossesse, 92 % et 86 % des professionnels pensent qu’il faut réaliser des examens cytobactériologiques des urines mensuels et mettre en place un suivi par une sage-femme à domicile à partir du 6e mois. Alors que seulement 37 % des professionnels ont répondu qu’il fallait privilégier les échographies endovaginales au lieu des touchers vaginaux et réaliser un prélèvement vaginal en début de grossesse. Enfin, en ce qui concerne les modalités d’accouchement, 35 % des répondants savent qu’il faut privilégier un accouchement par voie basse sous réserve d’avoir un lien et une communication avec les spécialistes des blessés médullaires et si la patiente ne présente pas de contre-indications. Seulement 31 % savent que les stimulations nociceptives sont délétères et que la pose d’une analgésie locorégionale de fac ¸on précoce pendant le travail est fortement recommandée afin d’éviter la survenue d’une HRA. Il existe également des différences selon les professionnels concernés. Si nous comparons les réponses des sagesfemmes avec celles des gynécologues-obstétriciens, les résultats sont similaires hormis sur le mode d’accouchement et la notion d’HRA. En effet, seulement 24 % des sagesfemmes interrogées connaissent le phénomène d’HRA contre 75 % des gynécologues-obstétriciens. Trente-quatre pour cent des sages-femmes savent qu’une hyperactivité vésicale peut survenir lors de la grossesse, contre 88 % des gynécologues-obstétriciens. Enfin, 39 % des sages-femmes ont déclaré à tort qu’une césarienne devait être réalisée de fac ¸on systématique, contre 0 % des gynécologuesobstétriciens. Suite à ces questions, tous les professionnels interrogés ont pu évaluer eux-mêmes leur niveau de connaissances sur les lésions médullaires. Soixante-douze pour cent d’entre eux jugent leur niveau insuffisant voire inexistant. Parmi eux, on retrouve 88 % des gynécologues-obstétriciens et 73 % des sages-femmes. Leurs connaissances proviennent en majorité de leur expérience professionnelle (66 % des répondants) et/ou d’enseignements rec ¸us lors de leur formation initiale (43 % des répondants).

Pour citer cet article : Boisseau B, et al. Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.08.017

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B. Boisseau et al.

Enfin, concernant les éventuels souhaits des professionnels interrogés afin d’être mieux informés sur les lésions médullaires et le suivi des femmes qui en sont atteintes, plusieurs de nos propositions ont été retenues. Parmi elles, la réalisation de sessions de formations s’intégrant dans le cadre de la formation continue intéresse 62 % des répondants. L’instauration d’un protocole de prise en charge obstétricale des femmes blessées médullaires n’est souhaitée que par 50 % des répondants. Enfin, la réalisation systématique d’enseignements spécifiques lors de la formation initiale pour toutes les professions de santé a été retenue par 38 % des répondants. Afin de compléter cette étude déclarative, nous avons réalisé un état des lieux à la maternité du CHU de Nantes, dans le but de vérifier si les locaux de la maternité sont susceptibles de mettre en difficulté les patientes blessées médullaires et/ou les professionnels de santé qui les suivent. Nous avons analysé l’accès dans les services de consultations, de suivi intensif de grossesse, de suites de couches et d’urgences gynéco-obstétricales de la maternité du CHU de Nantes. Pour chacun de ces services, nous avons repéré les difficultés rencontrées par les personnes handicapées moteur. Les normes de référence que nous avons utilisées sont basées sur l’arrêté du 8 décembre 2014 ainsi que sur les normes éditées par l’AP—HP [10]. Nous avons ainsi observé que les salles d’eau présentes dans les salles d’examen sont trop petites, ne permettant pas la rotation d’un fauteuil roulant. Les tables d’examen gynécologiques ne se baissent pas suffisamment pour que les patientes blessées médullaires réalisent leurs transferts de fac ¸on autonome, et ne permettent pas de soutenir les jambes de ces patientes. Les portes des services sont souvent difficiles à ouvrir. Les pèse-personnes présents dans les services ne sont pas utilisables par des personnes en fauteuil. Enfin, les meubles de puériculture présents dans les chambres du service de suites de couches (comprenant le tapis de change, la baignoire. . .) empêchent le passage d’un fauteuil en dessous et sont souvent trop hauts pour les patientes en fauteuil.

Discussion Notre étude présente un double intérêt. Nous mettons le doigt sur une spécificité de prise en charge pluridisciplinaire mal connue et des nécessités techniques matérielles d’accès aux soins. Certes, elle présente des limites car basée sur un questionnaire. Tout d’abord, le faible effectif de répondants, avec seulement 68 questionnaires recueillis et analysés, ne permet pas une généralisation. Par ailleurs, il existe un possible biais de mémorisation chez les répondants : certains d’entre eux ont, par exemple, pu occulter d’éventuelles difficultés auxquelles ils ont été confrontés lors de la prise en charge de femmes blessées médullaires. Une autre limite est constituée par le fait que la plupart des résultats sont subjectifs, s’appuyant uniquement sur les déclarations des professionnels. Enfin, les questions destinées à évaluer les connaissances des professionnels étaient les mêmes quelle que soit leur profession, or il est probable que les réponses données varient selon les spécificités de chaque profession. Nous avons donc choisi de présenter uniquement les résultats des gynécologues-obstétriciens et des

sages-femmes qui sont en première ligne lorsqu’il s’agit de définir des conduites à tenir obstétricales. Les résultats de l’étude montrent que les répondants se jugent trop peu informés sur ce sujet. Ce déficit de connaissances a également été retrouvé dans plusieurs autres études [9,11,14]. Celles-ci montrent qu’en plus de mettre en difficulté les professionnels de santé, ce déficit d’expertise peut conduire à un manque d’information délivrée aux patientes. Une première solution serait de prévoir ce module d’enseignement lors de la formation initiale. La loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » va d’ailleurs dans ce sens [15]. Elle précise que « les professionnels de santé et du secteur médico-social rec ¸oivent, au cours de leur formation initiale et continue, une formation spécifique concernant l’évolution des connaissances relatives aux pathologies à l’origine des handicaps [. . .], l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées, ainsi que l’annonce du handicap » [16]. Cet article stipule également l’obligation d’intégrer des modules relatifs au handicap au programme de formation continue des professionnels de santé, permettant ainsi d’actualiser et d’approfondir les connaissances acquises lors de la formation initiale. Une deuxième solution pourrait être la rédaction de protocoles de prise en charge des femmes blessées médullaires, tel que celui proposé ici (Annexe A), comme le souhaitent certains répondants de l’étude. L’objectif serait de préciser les spécificités du suivi pluridisciplinaire de ces patientes, allant de la période pré-conceptionnelle jusqu’au postpartum. De tels protocoles pourraient être mis en place dans les maternités mais également auprès des professionnels libéraux. En ce qui concerne l’état des lieux que nous avons effectué, il a permis de mettre en évidence des obstacles à une bonne prise en charge des femmes blessées médullaires. Ces résultats concordent avec les déclarations des professionnels interrogés dans notre étude, dont la principale difficulté lors de la prise en charge de ces femmes était liée à des problèmes matériels ou aux locaux inadaptés du lieu d’exercice. Ce type de difficulté a également été rapporté dans plusieurs autres études [11—14]. Il semble donc y avoir une nécessité d’aménagement des locaux et d’adaptation du matériel pour améliorer le suivi de ces femmes en situation de handicap moteur. Rappelons que les exigences en matière d’accessibilité des établissements recevant du public sont définies dans le Code de la construction et de l’habitation [17]. Elles ont été introduites par la loi du 11 février 2005 qui stipule notamment que « les dispositions architecturales, les aménagements et équipements [. . .] des établissements recevant du public [. . .] doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique [. . .] ». Initialement prévu au 1er janvier 2015, le délai limite de mise en accessibilité de ces établissements peut désormais faire l’objet de dérogations permettant de reculer cette échéance d’au moins trois ans. Suite à ce constat, nous proposons donc quelques exemples d’aménagements réalisables dans la plupart des

Pour citer cet article : Boisseau B, et al. Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.08.017

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Figure 2 Poste de change et de soins pour les personnes à mobilité réduite LOXOS Mobilmat. Height-adjustable station for people with reduced mobility LOXOS Mobilmat.

Figure 1 Fauteuil d’examen gynécologique à hauteur variable MEDIFA 400570. Height-adjustable gynecological examination chair MEDIFA 400570.

maternités afin de faciliter le déplacement des patientes en fauteuil roulant, et de réduire les difficultés des professionnels ou des patientes elles-mêmes lors des mobilisations (installation sur une table d’examen, dans le lit d’hospitalisation, . . .) ou des gestes quotidiens (toilette, soins de puériculture, . . .). Les principaux aménagements possibles sont l’installation de tables d’examen gynécologique adaptées (Fig. 1), des salles d’eau plus grandes dans les salles de consultation, des portes de services à ouverture automatique, des chaises pèse-personne et des fauteuils de douche mis à disposition dans les services, du mobilier de puériculture permettant le passage d’un fauteuil roulant en dessous (Fig. 2), voire un système de lève-personnes fixé au plafond des chambres d’hospitalisation. Par ailleurs, il nous semble important que les capacités et incapacités de chaque patiente blessée médullaire soient connues de tous les professionnels de santé impliqués dans sa prise en charge. Nous proposons donc l’utilisation d’une fiche de situation de handicap qui pourrait être remplie lors d’une consultation pré-conceptionnelle. Sur le modèle de la fiche actuellement utilisée à l’institut mutualiste Montsouris, elle résumerait notamment le type de handicap de la patiente, le type de fauteuil roulant qu’elle utilise, son autonomie lors des divers gestes quotidiens (toilette, habillement, . . .), et les éventuels soins spécifiques dont elle pourrait avoir besoin lors d’une hospitalisation. Enfin, la création en province de centres référents en matière de suivi de grossesse chez les femmes blessées médullaires, associant différentes expertises (obstétricale, médecine physique et réadaptation spécialisée dans la

prise en charge des lésions médullaires, anesthésique), permettrait de proposer une offre de soins adaptée à ces patientes, sans qu’elles ne ressentent le besoin de se déplacer en Île-de-France, ce qui, à ce jour, est souvent le cas. Ceci impliquerait pour chaque centre ciblé une collaboration étroite entre un service de médecine physique et de réadaptation, sous réserve qu’il soit spécialisé dans le domaine des lésions médullaires, et une maternité, supposant la formation préalable des professionnels de santé qui y exercent, et l’aménagement des locaux de cette maternité afin qu’elle soit entièrement adaptée aux personnes handicapées moteur.

Conclusion Le but de ce travail était d’évaluer le vécu et la notion de connaissances des professionnels de santé lors du suivi de grossesse chez des femmes blessées médullaires. Les résultats de notre étude suggèrent que la majorité d’entre eux rencontrent des difficultés lorsqu’ils sont confrontés à ces situations, notamment liées à un manque de connaissances sur les lésions médullaires et à des locaux non adaptés aux personnes handicapées moteur. Le renforcement de la formation et de l’information donnée aux professionnels sur ces pathologies, ainsi que l’aménagement des maternités devraient permettre de réduire l’incidence de ces difficultés, et ainsi améliorer la prise en charge obstétricale des femmes blessées médullaires.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements À tous les professionnels qui ont répondu au questionnaire.

Pour citer cet article : Boisseau B, et al. Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.08.017

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B. Boisseau et al.

Annexe A. Protocole de prise en charge des femmes blessées médullaires en pré, per et post-partum Grossesse, accouchement et post-partum chez les femmes blessées médullaires Niveaux de lésion clés → ≥ T6 : risque d’hyperréflexie autonome (HRA) → > T10 voire T12 : anesthésie de l’utérus donc mouvements actifs fœtaux (MAF) et contractions utérines (CU) non ressenties → < S2 : anesthésie du périnée donc expulsion non ressentie Principales conséquences gravidiques d’une lésion médullaire → HRA : hypertension artérielle brutale ≥ 20 mmHg associée à une tachycardie ou une bradycardie, nombreux facteurs déclenchants (infection urinaire, CU, constipation, toucher vaginal, escarre, . . .), mise en jeu du pronostic vital maternel et fœtal → Risques maternels augmentés : infections urinaires, constipation, troubles respiratoires, thromboses veineuses profondes, escarres → Risques fœtaux augmentés : prématurité, hypotrophie Consultation pré-conceptionnelle → Choisir un gynécologue-obstétricien référent, une sage-femme référente, et un médecin de MPR référent → Programmer un bilan urinaire, une IRM (recherche d’une syringomyélie), voire un bilan neuro-orthopédique ou un écho-doppler veineux → Adapter les traitements médicamenteux → Rechercher des contre-indications à une anesthésie locorégionale → Déterminer la prise en charge au 3e trimestre, le mode d’accouchement, les modalités du retour à domicile → Faire le point sur les besoins en aide humaine, matérielle et financière → Contacter d’autres professionnels si besoin (PMI, assistante sociale, associations, . . .) Suivi de grossesse → Collaboration entre l’équipe obstétricale et l’équipe de médecine physique et de réadaptation → Regrouper certaines consultations le même jour si possible → Récupérer les comptes rendus opératoires et d’hospitalisation et les clichés radiologiques en début de grossesse → PV et NFS ferritine en début de grossesse, ECBU mensuels → Débuter une antibioprophylaxie (prévention des infections urinaires) → Préférer les échographies vaginales aux touchers vaginaux → Surveiller la surface cutanée à chaque consultation (recherche d’escarres) → Monitoring hebdomadaire par une sage-femme à domicile à partir du 6e mois → Examen cervical hebdomadaire à partir de 28 SA

→ Consultation d’anesthésiste précoce (dès la fin du 2e trimestre) → Contacter le service de suites de couches pour réserver une chambre adaptée → Visite de la maternité par la patiente pour prévoir d’éventuels aménagements → Réaliser un staff pluridisciplinaire pour envisager les modalités d’accouchement (gynécologues— obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes—réanimateurs, rééducateurs, puéricultrices, . . .) → Hospitalisation vers 36 SA en cas d’absence totale de ressenti des CU En cas d’hospitalisation → Prévenir l’apparition d’escarres (matelas antiescarres, mobilisation, massages, . . .) → Prévenir la survenue d’HRA (cycle de tension plusieurs fois par jour, éviter les stimuli nociceptifs) → Prévenir l’apparition d’infections urinaires (ECBU au début de l’hospitalisation, sondages intermittents toutes les 3—4h) Déroulement du travail et de l’accouchement → Prévenir le service de réanimation si lésion ≥ T6 et/ou insuffisance respiratoire afin de pouvoir envisager un transfert si besoin → Prévenir le gynécologue-obstétricien de garde → Prévenir le service de suites de couches pour préparer la chambre adaptée → Monitorage continu (pouls, tension artérielle, +/saturation, ERCF, tocographie) → Anesthésie locorégionale dès le début du travail si lésion ≥ T6 (prévention de l’HRA) → Privilégier les sondages intermittents en cas d’accouchement par voie basse → Limiter les touchers vaginaux, ne pas distendre manuellement le périnée lors de l’expulsion Surveillance en post-partum → En cas de sonde à demeure, la retirer maximum 6h après l’accouchement → Allaitement maternel possible (sauf si traitements maternels incompatibles ou niveau lésionnel mamelonnaire) → Prévenir l’apparition d’infections urinaires (BU voire ECBU le 2e jour) → Prévenir la survenue d’escarres (matelas antiescarres, mobilisation, massages, . . .) → Prévenir l’apparition d’HRA possible jusqu’à 24—48h de post-partum (cycle de tension plusieurs fois par jour, éviter les stimuli nociceptifs non indispensables) → Contacter les professionnels sollicités par la patiente (kinésithérapeute, assistante sociale, psychologue, sage-femme à domicile, PMI, . . .)

Références [1] Mormiche P. Le handicap se conjugue au pluriel. Paris: Insee Première; 2000. p. 742. [2] Branchet F. La prise en charge obstétricale : réponses d’une ¸ois équipe hospitalière. In: Siegrist D, Izard V, Denys P, Franc N, editors. Vie de femme et handicap moteur — sexualité et maternité. Actes du 1er colloque Vie de femme et handicap moteur. Paris: AP—HP; 2003. p. 55—7.

Pour citer cet article : Boisseau B, et al. Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.08.017

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Pour citer cet article : Boisseau B, et al. Grossesse chez les femmes blessées médullaires : état des connaissances. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.08.017