Hépatite aiguë cholestatique à la Glucosamine forte®

Hépatite aiguë cholestatique à la Glucosamine forte®

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Gastroenterol Clin Biol 2007;31:449-450 HÉPATITE MÉDICAMENTEUSE LETTRE À LA RÉDACTION Hépatite a...

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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Gastroenterol Clin Biol 2007;31:449-450

HÉPATITE MÉDICAMENTEUSE

LETTRE À LA RÉDACTION

Hépatite aiguë cholestatique à la Glucosamine forte®

L

es hépatites médicamenteuses sont un problème croissant de santé publique. Pour la plupart des médicaments, la fréquence de l’hépatotoxicité est comprise entre 1/10 000 et 1/100 000. Les hépatites médicamenteuses représentent 9 % des hospitalisations en hépato-gastroentérologie [1]. À notre connaissance, nous rapportons le premier cas, d’hépatite cholestatique imputable à la glucosamine sulfate, médicament largement prescrit dans les lombalgies et diverses affections ostéo-articulaires.

Observation Un homme de 52 ans consultait le 29 août 2005 pour ictère avec prurit généralisé, des arthromyalgies et une asthénie évoluant depuis une semaine. Il ne consommait pas d’alcool et n’avait jamais été usager de drogue. Il ne prenait aucun médicament pour une pathologie chronique et n’avait jamais été transfusé. Son dernier voyage à l’étranger (Népal) datait d’octobre 2004. Il avait reçu du 2 au 21 août 2005 trois capsules par jour de Glucosamine forte® pour lombalgies. Le malade était apyrétique et l’examen clinique ne trouvait que l’ictère. Le bilan biologique montrait un taux d’hémoglobine à 14,2 g/dL, une leucocytose à 6,28 g/L avec 1 140/mm3 éosinophiles (N < 600), des plaquettes à 435 g/L, un taux de prothrombine à 100 %, une activité sérique de l’ALAT, de l’ASAT et de la gamma glutamyl transférase respectivement à 263 UI/L (N < 41), 63 UI/L (N < 37) et 240 UI/L (N < 61). La bilirubine totale était à 186 µmol/L (conjuguée à 112 µmol/L) et les phosphatases alcalines à 714 UI/L (N < 270). Les sérologies des hépatites virales A, B, C, E, du cytomégalovirus, de l’Epstein Barr Virus, de l’Herpes Simplex Virus, de la leptospirose et du virus de l’immunodéficience humaine étaient négatives. Les anticorps antinucléaires, antimitochondrie, antimuscle lisse, anti-LKM1 et anticytosol étaient absents du sérum. Les dosages de la ferritinémie, de l’alpha-1 antitrypsine, de la céruléoplasmine, de la cuprémie et de la cuprurie étaient normaux. La tomodensi-tométrie et l’échographie abdominale étaient normales. Le 1er septembre, la bilirubine totale était à 238 µmol/L. La bili-IRM était normale. L’examen histologique de la ponction biopsie hépatique montrait des lésions centro et médio-lobulaires, associant une cholestase canaliculaire modérée, des hépatocytes nécrotiques, une discrète inflammation avec un microgranulome lympho-histiocytaire et quelques polynucléaires éosinophiles, pouvant être compatibles avec une origine médicamenteuse (figure 1). L’évolution était marquée par une amélioration clinique rapide et une régression lente de la cholestase (figure 2). Les tests hépatiques se normalisaient le 15 novembre, soit 8 semaines après l’arrêt de la Glucosamine forte®. Quatre mois plus tard, le malade était toujours asymptomatique et les tests hépatiques étaient normaux.

Fig. 1 – Biopsie hépatique : lésions aiguës centro et médio-lobulaires, granulome lympho-histiocytaire avec cholestase hépato-canaliculaire et polynucléaires éosinophiles. Liver biopsy: acute centro and medio lobular lesions, lympho histiocyte granuloma with hepatocanalicular cholestasis and eosinophil leukocytes.

800 700 600 500 400 300 200 100

ALAT

Discussion

(UI/L)

ASAT (UI/L)

GGT (UI/L)

BLT : Bilirubine PAL : Phosphatases alcalines

Nous rapportons la première observation d’hépatite cholestatique chez un malade traité par sulfate de glucosamine, aminomonosaccharide naturel extrait de carapaces de crusta-

Fig. 2 – Évolution des valeurs des tests hépatiques. Time course of biochemical liver tests.

449

BLT

(µmol/L)

15/11/05

08/11/05

01/11/05

25/10/05

18/10/05

11/10/05

04/10/05

27/09/05

20/09/05

13/09/05

06/09/05

30/08/05

0

PAL(UI/L)

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critères internationaux d’imputabilité. Notre observation rapporte le premier cas d’hépatite cholestatique au sulfate de glucosamine.

cés servant de substrat préférentiel pour la biosynthèse de glycoaminoglycans et la production de protéoglycans du cartilage humain. Les effets indésirables de cette molécule sont habituellement des troubles digestifs à type de nausées, vomissements, épigastralgies, des troubles de sommeil, céphalées, tachycardie, des réactions cutanées et d’hypersensibilité avec un œdème de Quincke. Une alerte récente de la base de pharmacovigilance australienne de décembre 2005 rapporte 51 observations de réactions allergiques, essentiellement cutanées, lors de l’administration de glucosamine obtenue à partir de crustacées et souligne un risque de réaction majoré chez les sujets allergiques aux fruits de mer du fait de sa composition [2]. Cependant aucune toxicité hépatique n’a été rapportée avec aucune molécule de la même classe (Chondrosulf®, Art® 50). D’après les critères d’imputabilité internationaux [3, 4], cette hépatite aiguë cholestatique peut être probablement attribuée à la Glucosamine forte® avec un score d’imputation à 6, sur les arguments suivants : le délai de survenue de l’atteinte hépatique était inférieur à 30 jours et sa régression en moins de trois mois après l’arrêt du traitement, l’absence de toute autre cause et l’aspect histologique des lésions hépatiques. Dans notre observation, le délai de survenue, l’hyperéosinophilie, la présence de polynucléaires éosinophiles dans l’infiltrat inflammatoire hépatique et l’évolution favorable sont en faveur d’un mécanisme immuno-allergique [5].

Roch Anicet OSSENDZA (1), Philippe GRANDVAL (1), Farid CHINOUNE (1), Fanny ROCHER (2), Françoise CHAPEL (3), David BERNARDINI (1) (1) Service d’Hépato-Gastroentérologie ; (2) Centre Régional de Pharmacovigilance et d’Information sur le Médicament, Hôpital de Cimiez, CHU, 06003 Nice Cedex ; (3) Service d’Anatomopathologie, Hôpital Front-Pré, 83056 Toulon Cedex.

RÉFÉRENCES

1. Larrey D. Drug-induced liver diseases. J Hepatol 2000;32:77-88. 2. Australian Adverse Drug Reactions Advisory Committee. Skin reactions with glucosamine. Australian Adverse Drug Reactions Bulletin 2005;24:23.

3. Danan G. Atteintes hépatiques aiguës médicamenteuses. Qu’apportent les échelles diagnostiques ? Gastroenterol Clin Biol 2003;27: B21-B25.

Conclusion

4. Benichou C. Criteria of drug-induced liver disorders. Report of an

Le diagnostic d’hépatite médicamenteuse cholestatique est souvent difficile et s’appuie sur une chronologie établie selon les

5. Mallat A. Hépatites médicamenteuses : diagnostic et prise en charge.

international consensus meeting. J Hepatol 1990;11:272-6. Gastroenterol Clin Biol 1999;23:906-21.

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