Pour citer cet article : Houchi H, Nguyen-Khac E. . Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.05.013 Presse Med. 2018; //: ///
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L'hépatite alcoolique aiguë sévère Hakim Houchi 1, Eric Nguyen-Khac 2
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1. CHU Amiens, université de Picardie Jules-Verne (UPJV), centre universitaire de recherche en santé (CURS), équipe Inserm U1247, groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances (GRAP), avenue Laennec, 80054 Amiens, France 2. CHU Amiens-Picardie, service hépato-gastroentérologie, équipe Inserm U1247, groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances (GRAP), hôpital sud, 80054 Amiens, France
Correspondance : Hakim Houchi, CHU Amiens, université de Picardie Jules-Verne (UPJV), centre universitaire de recherche en santé (CURS), équipe Inserm U1247, groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances (GRAP), avenue Laennec, 80054 Amiens, France.
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Points essentiels Tout patient consommateur chronique et excessif d'alcool avec un ictère récent doit être évalué par le score de Maddrey, à la recherche d'une hépatite alcoolique aiguë sévère. Les corticostéroïdes représentent le traitement de première ligne, associes à un soutien nutritionnel adapté et à une abstinence alcoolique. La réponse au traitement est évaluée au septième jour, par la baisse de la bilirubine ou un score de Lille inferieur à 0,56. L'association corticostéroïdes–N-acétylcystéine améliore la survie à court terme par rapport aux corticostéroïdes seuls, constituant une option thérapeutique de première ligne.
Key points Severe acute alcoholic hepatitis All chronic and excessive consumer of alcohol with recent jaundice should be assessed using a Maddrey's score for severe acute alcoholic hepatitis. Corticosteroids are the first line of treatment, associated with an appropriate nutritional support and alcohol abstinence. The response to treatment is evaluated after the seven days treatment, using the decrease of bilirubin or a Lille score below 0,56. The corticosteroid-N-acetylcysteine combination improves short-term survival over corticosteroids alone, an could be proposed as a first line treatment.
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tome xx > n8x > xx 2018 https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.05.013 © 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Pour citer cet article : Houchi H, Nguyen-Khac E. . Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.05.013
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H. Houchi, E. Nguyen-Khac
INTRODUCTION La maladie alcoolique du foie (MAF) suit une trajectoire chronique incluant un spectre de troubles de la fonction hépatique allant de la stéatose à l'hépato-carcinome cellulaire en passant par les stades de stéatohépatite alcoolique, de fibrose progressive et de cirrhose. La consommation d'alcool (20–25 g/jour pour les femmes et 40 g/jour pour les hommes) et la variabilité interindividuelle des facteurs géniques et environnementaux sont les principales causes qui peuvent orienter l'évolution et le pronostic de la MAF. En effet, 90 à 95 % des consommateurs ayant une utilisation chronique d'alcool présenteront une stéatose, 20 à 40 % évolueront vers une fibrose, 8 à 20 % vers une cirrhose [1], alors que 15 % à 30 % développeront une hépatite alcoolique. Enfin, 3 à 10 % de ces consommateurs à risques développent un carcinome hépatocellulaire. L'évolution et la trajectoire de la MAF se fait au gré des épisodes d'hépatites alcooliques intercurrentes parfois infra-cliniques et réversibles à l'arrêt de la consommation ou au contraire pouvant évoluer vers une hépatite alcoolique aiguë, une des formes les plus sévères et cliniquement bruyante de décompensation des hépatopathies alcooliques. L'hépatite alcoolique aiguë (HAA) sévère est la forme la plus grave de la MAF. Elle se développe sur une consommation excessive et chronique d'alcool (150 à 400 g/jour durant plusieurs semaines), et pour laquelle on retrouve régulièrement des épisodes récents de consommation massive faisant décompenser la pathologie. Son incidence en France est évaluée à 50 à 60 cas par million d'habitants en 2008 [2]. L'HAA sévère engage le pronostic vital du patient à court et moyen terme, avec une mortalité proche de 25 % à 1 mois et 50 % à 6 mois [3]. À noter, qu'en l'absence de traitement une méta analyse de 2011 montre une moralité évaluée à 28 jours comprise entre 34,9 % et 44 % [4]. Cliniquement, la symptomatologie de l'HAA est très bruyante. Elle se manifeste par l'apparition rapide d'un ictère, d'une fièvre modérée, de douleurs de l'hypocondre droit ainsi que différents signes d'insuffisances hépatocellulaire, de cholestase et de cytolyse qui traduisent une cirrhose sous-jacente fréquente et régulièrement associée à une décompensation oedématoascitique.
PHYSIOPATHOLOGIE
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Les mécanismes physiopathologiques de l'hépatite alcoolique ne sont pas encore entièrement élucidés. Cependant des voies candidates semblent émerger des mécanismes déjà décrits, et notamment le stress oxydatif lié au métabolisme hépatique de l'éthanol, la baisse du glutathion mitochondrial, l'augmentation de la perméabilité de la barrière intestinale avec le passage du lipopolysaccharide (LPS) dans la circulation portale, l'activation de l'immunité innée, l'infiltration hépatique par les
polynucléaires neutrophiles (PNN), la mort de l'hépatocyte et la variabilité interindividuelle des facteurs génétiques.
Métabolisme de l'alcool Le métabolisme de l'éthanol génère un stress oxydatif avec la production d'espèces réactives à l'oxygène (ROS). Ainsi la toxicité cellulaire est due à l'acétaldéhyde qui est le principal métabolite de l'alcool produit presque exclusivement par l'alcool déshydrogénase cytosolique (ADH) des hépatocytes, et accessoirement par le cytochrome P450 dans le microsome, ou encore par la catalase dans les peroxysomes [5].
Le stress oxydatif Les autres causes de la majoration du stress oxydatifs sont la peroxydation lipidique sur un foie stéatosique, et une diminution du glutathion mitochondrial et de la S-adénosine méthionine [6], largement consommés par la production concomitante de ROS. L'acétaldéhyde est ensuite transformé dans la mitochondrie en acétate, qui donnera finalement en dehors de l'hépatocyte dans d'autres organes du dioxyde de carbone (CO2). Dans ce contexte d'alcoolisation chronique, la baisse du stock intra-mitochondrial de glutathion (GSH) est démontrée dans les modèles animaux, attribuée à un défaut de transport du GSH du cytosol vers la mitochondrie [8]. Ce déficit en GSH précède les lésions hépatiques chez la souris exposée à l'alcool [7]. Les conséquences sont une baisse des capacités antioxydantes hépatocytaires, le GSH mitochondrial étant un mécanisme majeur de détoxification de l'excès de peroxyde d'hydrogène (H2O2) et des radicaux libres. Il a également été suggéré qu'une baisse du GSH mitochondrial pourrait rendre l'hépatocyte plus sensible au tumor necrosis factor-a (TNF-a) induisant la mort cellulaire [9].
Les processus inflammatoires Parallèlement, la cellule de Kupffer est stimulée [10] par les lipopolysaccharides (LPS/endotoxinémie), constituants principaux de la membrane externe des bacilles à Gram négatif, en provenance du tube digestif, dont la perméabilité est augmentée par les épisodes répétés de consommation importante d'alcool [11]. Les LPS circulent avec leurs protéines porteuse de la LPS binding protein (LBP) et activent une cascade inflammatoire induite par la voie des récepteurs Toll intracellulaire et les récepteurs TLR4 à la surface la cellule de Kupffer [12]. Son activation induit la production de ROS, de cytokines pro-inflammatoires et de TNF-a. Des données récentes suggèrent également une activation de la cellule de Kupffer par le complément C3 et C5 [1,13]. Le TNF-a induit des lésions hépatiques par l'intermédiaire de deux récepteurs membranaires TNFR1 et TNFR2. Le récepteur TNFR1 a un rôle prédominant, comme le montre l'absence de lésion hépatique chez la souris knockout TNFR1 exposée à l'alcool [14]. À l'inverse, l'activation de la cellule de Kupffer produit un effet cytoprotecteur via l'interleukine-6 (IL-6) et l'IL-10 [15]. Ces deux cytokines anti-inflammatoires activent le facteur de transcription STAT3 de l'hépatocyte,
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LE DIAGNOSTIC Les définitions Cliniquement, le diagnostic d'une HAA est abordé chez un patient ayant notablement majoré sa consommation d'alcool et devant un ictère d'installation progressive associé un cortège de symptômes de décompensation hépatique dont le plus notable est la décompensation oedémato-ascitique, on note également de manière inconstante une encéphalopathie hépatique. Un ictère, une hyperthermie, associé une douleur abdominale de l'hypochondre droit peuvent orienter vers le diagnostic de stéatohépatite alcoolique, cependant l'absence de spécificité des symptômes rendent l'examen clinique peu sensible le différentiel diagnostic. Alors que le diagnostic de certitude se pose sur les preuves histologiques, la distinction entre l'HAA (ou stéatohépatite alcoolique) et les autres formes de stéatohépatite génère une ambiguïté nuisant à la prise en charge précoce. La question du diagnostic différentiel de la stéatohépatite malgré une consommation d'alcool est essentielle, dans la mesure où la plupart des HAA sont effectivement corrélées à une stéatohépatite alcoolique alors que moins de la moitié des stéatohépatites alcooliques suggérées cliniquement sont confirmés par des arguments histologiques [21]. Ainsi, la stéatohépatite alcoolique est définie histologiquement, par la présence simultanée d'une stéatose, une souffrance hépatocytaire caractérisée par la ballonisation cellulaire et d'un infiltrat lobulaire par des
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leucocytes polynucléaires neutrophiles. Dans ce contexte, les données épidémiologiques de la stéatohépatite alcoolique reste à préciser, d'autant plus qu'en pratique, seules 25 % des Ponctions Biopsie Hépatiques (PBH) présentent effectivement des signes histologiques d'une stéatohépatite alcoolique histologique, sur une série française de patients admis pour un sevrage alcoolique avec ou sans MAF [21]. Comme remarqué dans les recommandations 2012 de l'EASL, l'HAA est une entité syndromique définie par des arguments cliniques et biologiques qu'il est maintenant recommandé de différencier de stéatohépatite alcoolique qui se définit par des arguments anatomopathologiques associé au tableau clinique de la HAA [33]. Il est à noter également que la corticothérapie de référence dans une HAA avérée est contre indiquée dans d'autres formes de stéatohépatite et notamment sur une étiologie infectieuse. En l'absence de PBH, parfois contre indiquée, et d'arguments histologiques, les données biologiques montées en algorithme permettent une orientation diagnostic statistiquement fiable. En effet, au niveau biologique, prise seul, aucune donnée biologique seule n'est aujourd'hui suffisante pour égaler la preuve histologique dans l'orientation diagnostic.
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des cellules endothéliales et des macrophages, à l'origine de la transcription de facteurs anti-apoptotiques, antioxydants et prooncogéniques. La régulation entre les facteurs délétères proinflammatoires et protecteurs anti-inflammatoires reste à éclaircir [15]. L'infiltration par des PNN autour d'hépatocytes en cours de souffrance ou de mort cellulaire est l'image histologique caractéristique de l'hépatite alcoolique, attirés par chimiotactisme lié à une augmentation d'IL-8, de CXCL1 et d'IL-17, et aussi d'IL-1, de TNF-a et d'ostéopontine [15]. Cependant, le rôle exact des PNN n'est pas bien connu. Enfin, l'hépatite alcoolique reste une maladie multifactorielle car, à durée et quantité de consommation d'alcool égales, tous les patients ne développeront pas la maladie, suggérant un terrain de vulnérabilité génétique [16]. Les données concernant les singles nucléotides polymorphismes (SNP) sont nombreuses [17], mais non concluantes [18]. Les données sur l'adiponutrine (Patatin-like phospholipase domain-containing protein3, PNPLA3) semblent plus robustes. Chez des patients éthyliques chroniques, le polymorphisme rs738409 C > G est associé à un risque accru de stéatose, et de cirrhose en cas d'homozygotie G/G [19]. Dans une série récente, la présence de l'allèle muté G était plus fréquente chez des patients ayant une hépatite alcoolique sévère par rapport à un groupe témoin sain, et était associée à une survie plus courte[20].
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Les scores pronostiques La fonction discriminante de Maddrey (DF) permet de d'identifier les patients ayant une hépatite alcoolique sévère. Publiée initialement en 1978 [22], et modifiée par Carithers et al. en 1989 [23], elle est calculée selon la formule : [4,6 (temps de prothrombine [TP] en seconde) patient–TPtémoin] + bilirubine totale (M)/17,1. Dans une analyse rétrospective réalisée sur les groupes placebo de trois essais randomisés, le groupe des patients avec une DF supérieure ou égale à 32 avait une survie spontanée à 28 jours significativement plus basse de 67,6 7,1 % versus 93,2 3,8 % pour les malades avec une DF inférieure à 32 (p = 0,003) [3]. Ce score est simple et facile à calculer au lit du patient. D'autres scores plus récents, issus d'analyses multivariées, ont été investigués. Le score de MELD (model for end-stage liver disease) décrit initialement pour évaluer le pronostic des patients cirrhotiques avec une hypertension portale a été évalué chez des patients avec une hépatite alcoolique [24,25]. Dans ces études, le MELD était associé à la mortalité des patients, avec des aires sous la courbe ROC (receiver operating characteristic) comprises entre 0,76 à 0,97. Cependant, les cut-offs étaient variables d'une série à l'autre, sans différence statistique avec la DF de Maddrey. Le Glasgow Alcoholic Hepatitis Score (GAHS) comporte cinq variables indépendamment associées à la mortalité (âge, globules blancs, temps de prothrombine, bilirubine), auxquelles des points croissants sont alloués selon la gravité (1 à 3 points par variable). Ce score a été construit sur une population de 241 patients alcooliques. Avec un GAHS supérieur ou égal à 9, la
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survie était significativement inférieure à 28 et 84 jours par rapport au groupe ayant un score inférieur à 9[26]. La même équipe a ensuite testé l'impact d'un traitement par corticostéroïdes selon le GAHS. Les patients avec un GAHS supérieur ou égal à 9 avaient une meilleure survie lorsqu'ils étaient traités par corticostéroïdes par rapport à ceux traités par placebo, alors que les corticostéroïdes n'amélioraient pas la survie chez les patients avec un GAHS inférieur à 9 par rapport au placebo [27]. Plus récemment, le score ABIC (age, serum bilirubin, INR [international normalized ratio] and serum creatinine) a été décrit sur une population de 103 patients consommateurs excessifs d'alcool, avec une biopsie hépatique, et un traitement par corticostéroïdes appliqué chez 46 % des patients. Le score est calculé avec quatre paramètres indépendamment associés à la mortalité : (âge 0,1) + (bilirubine 0,08) + (INR 0,8) + (créatinine 0,3) [28], définissant trois sous-groupes. Le groupe avec un score ABIC inférieur à 6,71 avait une survie de 100 % à 90 jours, alors que le groupe avec un score ABIC supérieur ou égal à 9 avait la plus mauvaise survie à seulement 25 % à 90 jours. Le troisième groupe, avec un score ABIC entre 6,71 à 9, avait une survie intermédiaire à 70 % (p < 0,0001). L'aire sous la courbe ROC était significativement supérieure à celle de la DF de Maddrey dans la population de construction du modèle, mais le score ABIC était comparable au score MELD, à la DF et au GAHS dans la population de validation. De plus, dans une série indépendante, les patients, avec le meilleur pronostic avec un score ABIC inférieur à 6,71, avaient finalement une mortalité de 17,8 % à 84 jours [29]. Ces nouveaux scores MELD, GAHS et ABIC manquent encore de validations indépendantes. Les récentes recommandations des sociétés américaine [30] et européenne [31] ont ainsi indiqué l'usage de la DF de Maddrey en première intention, en cas de présomption d'hépatite alcoolique, pour estimer le pronostic.
Les arguments histologiques
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La confirmation histologique de l'hépatite alcoolique est souhaitable chez les patients avec une fonction discriminante de Maddrey supérieure à 32 [30,31]. Cela nécessite une PBH réalisée le plus souvent par voie transjugulaire, en raison des anomalies de la coagulation. Du fait des risques hémorragiques, la pratique d'une biopsie systématique est discutée [32]. La décision de pratiquer la biopsie hépatique doit tenir compte du contexte clinique et des possibilités techniques locales. Les informations apportées par l'histologie sont d'ordre diagnostique, avec la présence d'une ballonisation hépatocytaire, des corps de Mallory et une infiltration de PNN autour d'hépatocytes en voie de nécrose ou d'apoptose [33]. L'histologie précise également la présence et l'extension de la fibrose, la plupart du temps au stade de cirrhose. Dans 20 à 30 % des cas, les signes d'hépatite alcoolique ne sont pas trouvés sur la biopsie hépatique de patients avec un score de Maddrey supérieur à 32 [34].
L'ensemble de ces données histologiques permettrait d'optimiser le classement des patients les plus sévères, pouvant bénéficier du traitement médical. Un facteur limitant est l'accessibilité à la technique de la biopsie transjugulaire, ce qui fait que seul un tiers des patients ont réellement une biopsie hépatique dans deux études d'observations des pratiques dans la vie réelle [35]. Des alternatives non invasives à la biopsie hépatique ont été étudiées, comme l'AshTest® ou le dosage sérique de la laminine, mais manquent encore de validations indépendantes [36,37].
LES TRAITEMENTS Actuellement le traitement de l'HAA nécessite une prise en charge associant des soins intensifs en milieu hospitalisé et une couverture pharmacologique permettant de limiter la morbi-mortalité à court terme. Au long terme la stratégie de prise en soins passe par suivi addictologique en vue d'obtenir une abstinence efficace et prolongée, associée à un suivi nutritionnel rigoureux chez des patients souvent carencés du fait de du mode de consommation chronique.
La part addictologique La prise en charge addictologique est communément admise comme étant essentielle dans l'HAA [31], cependant peu d'études se sont intéressées à l'évaluer tant elle est implicitement recommandé alors que dans les faits, compte tenu du pronostic vital engagé la part somatique éclipse souvent la part addictologique. Ainsi, les traitements addictolytiques de référence (acamprosate et naltrexone) n'ont pas bénéficié d'évaluation dans la HAA, même si le baclofène, une ancienne molécule remise au gout de l'addictologie, a été testé dans une étude randomisée en double aveugle contrôlée versus placebo chez 84 patients cirrhotiques, dont 66 % étaient au stade C du score de Child-Pugh avec des niveaux maximaux de bilirubine à 56 mol/L et un INR à 2,7 [38]. Le groupe traité par baclofène pendant 12 semaines avait 71 % des patients abstinents versus 29 % dans le groupe placebo (OR : 6,3 ; IC : 2,4–16,1 ; p = 0,0001), avec une bonne tolérance. Il n'y a pas à ce jour de données chez des patients cirrhotiques « Child-Pugh C » avec une hépatite alcoolique sévère.
La part nutritionnelle La supplémentation nutritionnelle est un point essentiel de la stratégie globale de prise charge de l'HAA sévère. L'apport calorique de l'alcool, les volumes ingérés, sont anorexigènes et la malnutrition qui en découle est aggravée par la toxicité de l'alcool sur la barrière intestinale. De plus l'alimentation per os souvent altéré chez ces patients. Ainsi les patients consommant moins de 21,5 kcal/kg/jour ont un taux de survie plus faible [39]. Sur ce type de patient, les corrections nutritionnelles nécessaires doivent atteindre 1,5 g de protéines/kg et 30–40 kcal/kg de poids corporel par jour. Plusieurs essais ont montré que la
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La part pharmacologique Corticothérapie En pratique, sur une HAA dont la fonction discriminante de Maddrey (MDF) est supérieure à 32, la stratégie pharmacologique vise à lutter contre les processus pro-inflammatoire par l'emploi d'une corticothérapie qui a fait ses preuves en termes de survie à 1 mois mais qui reste discutable à 3 mois et 6 mois [46]. Malgré les résultats controversés, l'usage de corticoïdes reste largement répandu [47]. Plus précisément, Thurz et collaborateurs ont montré dans leur essai une amélioration de la réponse à la corticothérapie à court terme (28 jours) comparée au placebo (p = 0,06) mais aucun bénéfice en terme de mortalité à 90 jours ou 1 an [46]. Le taux de mortalité à court terme dans le groupe placebo de patients ayant un score MDF d'au moins 32 était de 17 %, contre 35 % dans l'essai multicentrique américain, ce qui est attribuable à l'amélioration des meilleures pratiques de soins dans l'essai STOPAH [46]. Les groupes de cette étude ayant reçu de la pentoxifylline (PTX) seule et la prédnisolone seule ont respectivement montré une mortalité à 28 jours de 19 % et 14 %, alors que pour le traitement combiné la mortalité à 28 jours était de 13 %. Les patients ont été recrutés sur la base d'une hépatite alcoolique clinique sans PBH, et étant donné l'absence de diagnostic de certitude, il est possible que la variabilité de a réponse au traitement par corticoïdes ait été influencée par d'autres facteurs confondants tels qu'un mauvais diagnostic sur un nombre de patients inclus qualifié de restreint. Cependant, une partie non négligeable des patients (25 %) ont une contre-indication à l'usage de glucocorticoïde du fait d'une
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infection active, de trouble de la fonction rénale ou pancréatique ; à cela s'ajoutent également les patients qui ont une corticorésistance [48]. Les raisons de l'absence de réponse aux stéroïdes sont de mieux en mieux comprises, bien que le mécanisme spécifique de l'hépatite alcoolique reste spécifiquement inconnu. La résistance aux glucocorticoïdes est supposée se produire par divers mécanismes moléculaires [49]. Cependant, les outils d'évaluation de l'efficacité thérapeutique prennent donc toute leur importance, tant pour prédire la réponse au traitement que pour décider de l'arrêt en cas de non-réponse. La plupart des travaux ont été menés chez des patients traites par corticostéroïdes. Dans une étude rétrospective, la baisse précoce de la bilirubine au septième jour de traitement, définie par une valeur absolue à j7 inferieure, était associée à une survie de 82,8 3,3 % à six mois versus seulement 23 5,8 % en l'absence de baisse [59]. La baisse précoce de la bilirubine au septième jour entait dans cette étude un facteur pronostique indépendant de la survie à six mois. Dans une autre étude, les facteurs associes à la survie au sixième mois ont été analysés chez 295 patients avec une hépatite alcoolique sévère [60]. Six variables indépendantes, l'âge, l'albuminémie, la bilirubine à j0 et à j7, l'insuffisance rénale, et le temps de prothrombine, entaient incorporées dans un score nommé modelé de Lille. Avec un cut-off à 0,45, le modelé de Lille permettait de prédire la survie au sixième mois avec une sensibilité de 76 % et une spécificité de 85 %. En utilisant la baisse précoce de la bilirubine à j7, ou le modelé de Lille inferieur à 0,45, 73,2 % et 62 % des patients respectivement pouvaient être classés comme étant répondeurs au traitement, avec la meilleure survie prévisible. A contrario, les patients non répondeurs étaient définis par l'absence de baisse de la bilirubine à j7 ou par un modèle de Lille supérieur ou égal à 0,45. Chez ces patients, la survie à six mois était plus faible, mais intéressait tout de même 23 5,8 % à 25 3,8 % [59]. Seuls les patients avec un modèle de Lille supérieur à 0,56 ne tiraient aucun bénéfice du traitement par corticostéroïdes par rapport aux mêmes patients non traités par corticostéroïdes. Un modelé de Lille supérieur à 0,56, correspondant à la réponse nulle, pourrait représenter le cut-off décisionnel pour envisager l'arrêt des corticostéroïdes au septième jour.
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nutrition entérale était comparable aux glucocorticoïdes pour réduire la mortalité à 28 jours et plus efficace pour réduire la mortalité à long terme [40,41]. Alors qu'une autre étude récente suggère que la combinaison d'une nutrition entérale intensive par sonde nasogastrique (SNG) avec des glucocorticoïdes n'est pas plus efficace que celle des glucocorticoïdes seuls [42] mais l'étude est limitée par un manque de puissance. Les apports protéiniques ont fait la preuve de leur innocuité et n'augmentent pas le risque d'encéphalopathie dans l'hépatite alcoolique. Même si la SNG est préférable à l'alimentation parentérale, elle n'est toujours pas recommandée, probablement du fait des complications liées à la tubulure [42]. Cependant la nutrition entérale reste une stratégie intéressante dans la mesure où des arguments sont en faveur de son implication dans le renforcement de la muqueuse intestinale et dans la diminution l'endotoxémie. Ces mécanismes pourrait jouer un rôle dans la pathogenèse de l'hépatite alcoolique [43]. Les probiotiques et le zinc sont une autre option dans la stratégie nutritionnelle. Sans réelle preuve en faveur de leur intérêt dans l'HAA [44], certaines données suggèrent que le zinc améliore également la santé de la muqueuse intestinale en stabilisant la fonction intestinale [45].
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Pentoxifylline (PTX) Cet inhibiteur de la phosphodiestérase est une autre option de première ligne dans le traitement pharmacologique de l'HAA ; s'il a déjà démontré une amélioration de la survie à court terme, une méta-analyse de cinq essais n'ait montré aucun bénéfice sur la mortalité [50]. De la même manière la série STOPAH ne montrait de bénéfice sur la mortalité de la molécule PTX [46]. Une méta-analyse a indiqué un effet marginal du traitement par PTX sur la mortalité, mais la qualité de certaines études limite la portée de ce résultat et son éventuelle indication comme
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traitement de référence et notamment vis à vis de l'intérêt de la corticothérapie [51]. Malgré tout il existe un intérêt à l'utilisation de la PTX, notamment dans la prévention du syndrome hépatorénal, ainsi que les patients présentant des contre-indications aux glucocorticoïdes [52]. Autres options D'autres options pharmacologiques dans la prise en charge de la HAA ont été envisagées. Les antioxydants comme la vitamine E et la N-acétylcystéine (NAC) ne sont pas efficaces lorsqu'ils sont utilisés seuls ou en combinaison comme « cocktail » d'antioxydants, mais un essai combinant la NAC et la prednisolone suggère un certain avantage à réduire le risque d'infection. L'excès d'espèces réactives à l'oxygène et la diminution des capacités anti-oxydantes de l'hépatocyte dans l'hépatite alcoolique sévère caractérisent le stress oxydatif à l'origine de lésions membranaires et de nécroses cellulaires. La stratégie thérapeutique antioxydant vise à diminuer les substances pro-oxydantes circulantes et à restaurer les défenses anti-oxydantes. Cette option a été testée soit seule en monothérapie, soit combinée aux corticostéroïdes. En monothérapie, un essai randomisé a été arrêté à l'analyse intermédiaire car l'utilisation d'un cocktail antioxydant donné pendant 28 jours à la fois par voie orale et en perfusion était significativement inférieure à la prednisolone à 30 mg par jour, pour la survie à un mois[53]. Dans une autre étude, la N-acétylcystéine en perfusion pendant 14 jours plus une nutrition orale et entérale était comparée à la nutrition orale et entérale seule. Le groupe N-acétylcystéine avait à six mois une survie comparable à celle du groupe nutrition seule [54].
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Combinaison d'une stratégie anti-oxydante avec une stratégie anti-inflammatoire Elle aurait l'avantage d'agir à la fois sur les deux phénomènes physiopathologiques, le stress oxydatif et l'excès de TNF alpha. Dans un essai randomisé, la perfusion de N-acétylcystéine pendant une semaine avec un cocktail anti-oxydant par voie orale pendant six mois plus corticostéroïdes n'améliorait pas la survie par rapport au groupe placebo plus corticostéroïdes [55]. Dans une autre étude multi-centrique, 174 patients ayant une hépatite alcoolique sévère ont été randomisés entre une combinaison de N-acétylcystéine perfusée pendant cinq jours plus 40 mg de prednisolone par voie orale pendant un mois versus une perfusion de cinq jours de glucosé 5 % plus prednisolone pendant un mois [56]. Dans le groupe des patients traités par la combinaison thérapeutique, la mortalité était significativement moins importante à un mois (8 % versus 24 % ; p = 0,006), à deux mois, mais pas à six mois (p = 0,07) qui était l'objectif principal. Le nombre de décès par syndrome hépatorénal était significativement plus faible dans le groupe N-acétylcystéine + corticostéroïdes versus dans le groupe corticostéroïdes seuls (9 % versus 22 % ; OR : 2,79 ; IC [95 %] : 1,08–7,42 ; p = 0,02). Ces résultats sont en faveur d'un gain de survie précoce avec
cette nouvelle stratégie thérapeutique, qui a reçu une recommandation européenne comme traitement de première ligne possible dans l'hépatite alcoolique sévère [31]. Inhibiteurs de TNF-alpha Leur intérêt est basé sur l'hypothèse de taux élevés de TNFalpha chez les patients HAA sévères, une stratégie de lutte contre les processus inflammatoires a ciblé les inhibiteurs de TNF-alpha. Cependant cette stratégie était inefficace pour réduire la mortalité et entraînait un taux d'infection plus élevé lorsqu'il était associé à la corticothérapie [57]. Plusieurs autres approches de traitement de l'HAA sont actuellement à l'étude. Ceux-ci comprennent les antibiotiques (rifaximine et amoxicilline/clavulanate), les bloqueurs des récepteurs de l'interleukine 1, la kinase régulatrice du signal de l'apoptose (ASK-1), les inhibiteurs de la caspase, l'interleukine 22 et plusieurs autres petites molécules ciblées sur la réponse immunitaire innée. Transplantation de microbiote fécale Du fait que le foie reçoit la plus grande partie de son apport sanguin directement à partir de l'intestin chargé de microbiote, le microbiome hôte et le donneur sont intrinsèquement liés. Le microbiote intestinal est impliqué dans la pathogenèse et la progression de la maladie alcoolique du foie, en faisant un candidat thérapeutique potentiel qui mérite d'être approfondi. Ainsi la modulation du microbiome intestinal pourrait offrir de nouvelles cibles thérapeutiques. Il existe une multitude de données qui relient désormais la MAF avec un microbiome intestinal. La MAF est associée au développement de la dysbiose intestinale, avec une sur-représentation des bactéries pathogènes et de la croissance bactérienne de l'intestin grêle, avec notamment une majoration des espèces de Bifidobacteria and Streptococci dans l'hépatite alcoolique [58]. L'amélioration de la dysbiose ou « rebiosis » pourrait potentiellement être obtenue par la manipulation du microbiote par des changements diététiques ou éventuellement par des transplantations de microbiote entier sous la forme de transplantation de microbiote fécale qui aurait l'avantage de recoloniser l'ensemble du milieu digestif dysbiotique, mais la voie d'administration optimale, la durée du traitement et la durabilité de la réponse restent à déterminer.
CONCLUSION Le traitement des patients atteints d'HAA sévère reste difficile et controversé. Bien que les corticostéroïdes montrent clairement une amélioration de la survie à court terme (1 mois), le mécanisme d'action reste à élucider, d'autant plus que la variabilité interindividuelle explique fait que la corticothérapie n'est pas forcément adaptée à tous les patients HAA. L'HAA sévère doit être reconnue par une DF de Maddrey supérieure ou égale à 32, et au mieux authentifiée par une histologie hépatique obtenue par voie transjugulaire. Les infections bactériennes, très fréquentes dans ce contexte, doivent être dépistées systématiquement. Les corticostéroïdes ou la pentoxifylline
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Pour citer cet article : Houchi H, Nguyen-Khac E. . Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.05.013 L'hépatite alcoolique aiguë sévère
représentent le traitement de première ligne, associes à un soutien nutritionnel adapté et à une abstinence alcoolique. L'association : corticostéroïdes plus N-acétylcystéine améliore la survie à court terme par rapport aux corticostéroïdes seuls, constituant une option thérapeutique de première ligne. La réponse au traitement est évaluée au septième jour par la baisse de la bilirubine ou un modelé de Lille inferieur à 0,56. Chez les patients non répondeurs aux corticostéroïdes, la
transplantation hépatique précoce, chez des patients sélectionnes, améliore la survie significativement. La manipulation du microbiote intestinal reste une alternative séduisante, mais les données actuelles non pas le recul suffisant.
Mise au point
DOSSIER ALCOOLOD EPENDANCE -- 2 EME PARTIE
Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
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