Histoire de la robotique en chirurgie : une évolution progressive vers une révolution chirurgicale

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Histoire de la robotique en chirurgie : une évolution progressive vers une révolution chirurgicale

Histoire de la médecine

Presse Med. 2012; 41: 427–433 ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

David R. Yates, Christophe Vaessen, Emmanuel Chartier-Kastler, François Richard, Alain Haertig, Marc-Olivier Bitker, Morgan Rouprêt

Assistance Publique–Hôpitaux de Paris, université Paris VI, faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, service d’urologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 12 novembre 2011

Morgan Rouprêt, hôpital Pitié-Salpétrière, service d’urologie, 47–83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. [email protected], [email protected]

History of robotic surgery in surgery: A progressive evolution towards a surgical revolution

L’étymologie du mot « robot » est relativement récente si l’on regarde en détail la chronologie de l’apparition des « soidisant » robots (figure 1). « Robota » est le mot tchèque qui désigne un travail répétitif ou pénible et obligatoire. Ce terme fût d’ailleurs employé pour décrire des hommes artificiels (« roboti ») en 1920 dans une pièce tchèque intitulée « Rossum’s Universal Robots » (R.U.R) et écrite par Karel Capek. La « robotique » décrit l’univers des robots et est un terme qui a été écrit pour la première fois en 1942 par un auteur de sciencefiction, Isaac Asimov. Pour autant, l’histoire des robots commence bien amont de ces anecdotes, plusieurs centaines d’années auparavant. Cette histoire est d’autant plus intrigante qu’elle couvre toutes les cultures, tous les continent et les siècles. Dans la Chine ancienne (1023–957 avant Jésus-Christ), un artificier (ingénieur mécanicien) du nom de Yann Shi, élabora pour le roi Zhou Mu Wang, une représentation humaine et articulée, tout en tôle et à taille réelle. Au quatrième siècle après Jésus-Christ (428–347), Archytas de Tarente, un mathématicien grec, construisit un premier oiseau mécanique (« le pigeon ») qui était mû par la vapeur. Plusieurs autres ancêtres des automates ont été décrits à Alexandrie, lorsque l’Égypte ptolémaïque était une province romaine. La ‘clepsydre’,

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horloge à eau automatique fonctionnant avec le même principe que le sablier, a été inventée par l’ingénieur Ctésibios d’Alexandrie (250 av. JC). Héron d’Alexandrie (10–70 après JC) fit quant à lui de nombreuses innovations dans le domaine des automates, notamment avec un modèle qui aurait presque pu parler. Le fameux philosophe grec, Aristote, se référant à l’Iliade d’Homère, dans son livre « politique » (Tome 4, 322 après JC) disait que « si chaque outil, lorsqu’il est commandé, ou même de son propre gré pouvait faire seul le travail pour lequel il est dédié, alors il n’y aurait plus besoin d’apprentis pour les artisans, ni même d’esclaves pour les seigneurs ». Plus tard, Al-Jazari (1136–1206), un inventeur arabe, a conçu et construit un nombre conséquent de machines automatiques et le premier robot humanoïde programmable, avec un bateau dotés de musiciens automatisés, utilisés pour distraire les invités pendant les cocktails donnés à la cour du roi. L’intérêt pour les automates était singulièrement faible en Europe médiévale. La raison pour laquelle on se réfère désormais au robot « Da Vinci » est liée aux illustrations d’un robot humanoïde faites par le génial sculpteur, peintre, architecte, ingénieur, anatomiste et mathématicien, Léonard de Vinci, en 1495. Dans les notes de Léonard de Vinci, redécouvertes au milieu des années 1950, des schémas détaillés d’un che-

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Histoire des robots

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Figure 1 428

Chronologie de l’histoire des robots au travers des siècles tome 41 > n84 > avril 2012

Histoire des robots en chirurgie Les outils robotiques ont été développés sous différentes aspects pour des tâches bien spécifiques. Ils ont été utilisés dans plusieurs disciplines chirurgicales dont l’orthopédie, la neurochirurgie, l’urologie, la chirurgie cardiothoracique, la chirurgie digestive ou la gynécologie. Le premier robot chirurgical au monde fût l’ « arthrorobot », conçu pour assister les orthopédiste au cours des interventions et utilisé initialement à Vancouver, au Canada en 1983. En 1985, le PUMA 560 (Unimate), le premier outil robotique non coelioscopique, a été élaboré pour guider avec précision le passage de l’aiguille lors des biopsies percutanées du cerveau. Ces premiers outils ont été suivi par ROBODOC en 1988 (Integrated Surgical Systems), un système dédié à la prothèse totale de hanche pour planifier précisément les étapes en préopératoire [1]. La première application de la robotique en urologie a été rapportée en 1988 au Collège Impérial de Londres avec la description du PROBOT utilisé dans certains essais thérapeutiques pour réaliser de la chirurgie endoscopique transuréthrale [2]. En 1993, la compagnie Computer Motion (Santa Barbara, California, États-Unis), fondée en 1989 et qui était la première entreprise a développé des robots médicaux, lança Automated tome 41 > n84 > avril 2012

Endoscope System for Optimal Positioning (AESOPW), un bras robotique téléguidé pour assister le chirurgien laparoscopiste à tenir la caméra et à la positionner de façon optimale. Le modèle initial (1000) était contrôlé au pied mais d’autres modèles plus sophistiqués apparurent ensuite avec un contrôle vocal (AESOPW2000 ; 1996) ou davantage de degrés de liberté (AESOP W3000 ; 1998) [3]. Le CyberKnifeW (Accuray), introduit en 1994 pour des indications de neurochirurgie, a été utilisé pour des interventions de stéréotaxie [4]. En 1998, le système robotique ZEUSW (Computer Motion, Inc.) a été utilisé pour la première intervention laparoscopique entièrement robotisée (anastomose trompe de Fallope, Cleveland, États-Unis). Ce système est sous contrôle d’un chirurgien via un centre de commande et animé par trois bras robotiques [5]. La même année, la première chirurgie robot-assistée par le da VinciW (Intuitive Surgical, Inc.) a été réalisée : un pontage coronarien à Leipzig, en Allemagne [6]. En 2000, le robot da VinciW a obtenu l’agrément de la Federal Drug and Administration (FDA) aux États-Unis pour une utilisation dans les interventions de laparoscopie au moment où le premier cas de prostatectomie totale robot-assistée était faite à Paris, France [7]. La chirurgie à distance, avec le patient et le chirurgien localisées dans deux endroits distincts, a été effectuée en 2011 avec le système ZEUSW. Une jeune femme endormie au bloc opératoire de Strasbourg a été opéré d’une cholécystectomie, alors que son chirurgien français se trouvait à New York, États-Unis [8]. La compagnie Intuitive Surgical, Inc. a racheté Computer Motion, Inc. en 2003 pour la modique somme de 150 millions de dollars après une bataille juridique acharnée et est dorénavant l’unique entreprise sur le marché investie dans la vente de système robotique en urologie. Actuellement, la chirurgie robot-assistée est quasiment devenu la chirurgie da VinciW, puisque toutes les interventions et toutes les publications scientifiques se réfèrent désormais à cet unique robot.

Robot Da VinciW La compagnie Intuitive Surgical, Inc (Sunnyvale, California, États-Unis) a été fondée en 1995 et le premier robot da VinciW (standard) a été mis sur le marché en 1999. La technologie du robot da VinciW inclus une vision en 3D, des instruments et accessoires EndowristW, des mouvements avec six degrés de liberté, une ergonomie incomparable et une précision chirurgicale stable dans le temps. Tous ces avantages ont permis de surmonter les difficultés inhérentes à la prostatectomie totale par voie laparoscopique pure et ainsi permettre la diffusion de cette technique dans le monde entier. La première actualisation du système a été proposée en 2003, avec l’addition d’un quatrième bras robotique, permettant au chirurgien assis à la console un meilleur contrôle au cours de la dissection mais surtout une moindre dépendance vis-à-vis des assistants sur le champ opératoire. En 2006, le système da VinciW S a été annoncé et a permis d’offrir une vision 3D en haute définition

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valier mécanique qui représentent très probablement une extension de ses réflexions et de ses planches anatomiques décrites dans son « homme de Vitruve ». Néanmoins, la révolution industrielle à la fin du 18e siècle a été la période la plus importante en termes d’avancée dans le champ de la robotique, puisqu’elle a vu apparaître nombre de facteurs clés que sont notamment l’électricité et la mécanique complexe et la perspective d’une utilisation future de la robotique dans le champ de la chirurgie. Un premier concept important dans le domaine de la robotique chirurgicale a été celui de la « téléprésence », un terme désignant la sensation que nous sommes à un endroit, alors que nous sommes en réalité ailleurs. Les bras robotisés de téléprésence, un ancêtre direct, de ce que nous appelons aujourd’hui un robot chirurgical, ont été développés dans les années 1950. Ces premiers manipulateurs maître/esclave ont été d’abord utilisés dans des environnements dangereux, tels que les profondeurs océaniques, dans l’espace ou pour déplacer des produits toxiques. Plusieurs avancées importantes pour la robotique eurent ensuite lieu dans les années 1980 avec le développement de puces électroniques et l’invention d’un dispositif à couplage de charge (charge coupled device « CCD ») requis pour la création d’images digitales, de vidéos électroniques et pour la technologie d’affichage. La vision d’un programme de télé-chirurgie dédié au champ de bataille et financé par l’agence américaine de défense Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), a été la première pierre dans le jardin du développement de robots utiles et propices à la réalisation d’une chirurgie moderne.

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ainsi que TileProW, un système multi-écran pour visionner la procédure. Le tout dernier modèle, le da VinciW Si (2009), a une double console, comparable aux commandes d’une voiture d’auto-école, facilitant ainsi l’enseignement et le compagnonnage chirurgical. La compagnie Intuitive Surgical, est l’une des entreprises qui rencontre un développement constant et un succès économique qui ne faillit pas avec un revenu approximatif de l’ordre de un milliard de dollars en 2009, chiffre en progression de plus de 20 % par rapport à 2008. À ce jour, 1661 systèmes da VinciW systems ont été vendus et installés dans les blocs opératoires du monde entier (1228 États-Unis ; 292 Europe ; 141 reste du monde) et le nombre total d’interventions chirurgicales robot-assistée réalisé dans le monde entre 2007 et 2009 a triplé, passant de 80 000 à 205 000 [9]. Pendant cette période, le nombre de robot da VinciW installé aux ÉtatsUnis a connu une augmentation d’environ 75 %. Avec une croissance du nombre d’interventions robot-assistée de 35 % entre 2010 et 2009, la compagnie a pour objectif de voir se réaliser au moins 1,8 millions d’interventions robot-assistée dans le monde, toutes disciplines chirurgicales confondues (données d’Intuitive Surgical, Inc., Sunnyvale, CA, États-Unis).

Histoire des robots en urologie L’urologie est la discipline chirurgicale dans laquelle on utilise le plus le système Da Vinci dans le monde actuellement. Les voies d’abord mini-invasive, la laparoscopie et la robotique sont potentiellement utiles pour de nombreux actes d’urologie, mais trouvent en réalité un maximum d’application dans la chirurgie de la prostate, du rein et de la vessie. Les deux voies d’abord ont les avantages bien établis de la chirurgie mini-invasive, à savoir, un saignement moindre, un taux de transfusion diminué, un séjour hospitalier plus bref, un retour précoce à ses activités, une utilisation moindre des antalgiques et un bénéfice esthétique [9,10]. Nous détaillons plus bas les progrès substantiels qui ont été faits tant pour la prostatectomie totale, que pour la chirurgie rénale ou pour la cystectomie dans le domaine de la chirurgie laparoscopique robot-assistée.

Prostate

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Depuis la première description de la prostatectomie par voie périnéale en 1905 par Hugh Hampton Young [11] et de la prostatectomie par voie rétropubienne en 1945 par Terence Millin [12], il y a eu bien des évolutions, des changements en rapport avec la meilleur connaissance anatomique et de nouvelles techniques dans le traitement du cancer de la prostate. Sans oublier le débat en cours sur le « sur-traitement » et la controverse pour savoir si, oui ou non, trop de cancer de la prostate sont opérés, il faut déjà accepter l’idée qu’il n’existe actuellement pas de consensus sur la voie d’abord à effectuer pour faire une prostatectomie totale. De la même manière, les trois voies d’abord ont constamment évolué : la prostatectomie totale par voie incisionnelle depuis Millin (1945) [12] jusqu’à

Walsh (1983) [13], la prostatectomie totale laparoscopique pure depuis Schuesller (1992) [14] jusqu’à Guillonneau (2000) [15] et la prostatectomie totale laparoscopique robot-assistée depuis Abbou (2000) [7] jusqu’à Menon (2007) [16]. Plusieurs éditoriaux récents ont souligné à grand bruit combien l’expérience du chirurgien dictait la morbidité périopératoire et les résultats et pas seulement la voie d’abord [17]. La littérature médicale au sujet de la prostatectomie robotassistée abonde et ne cesse de prôner ses vertus par rapport à la chirurgie ouverte ou à la laparoscopie pure, mais force est de constater que le niveau de preuve des séries est faible et par conséquent, objectivement peu convaincant [18]. Il est logique de croire que la voie d’abord laparoscopique (robotique ou non) contribue à une diminution du saignement et du taux de transfusion mais il est honnête de reconnaître que ce phénomène semble être davantage la conséquence du pneumopéritoine plutôt que d’une finesse chirurgicale permettant une hémostase de meilleure qualité pendant une procédure mini-invasive. Lorsqu’on se focalise sur les résultats du « trifecta » après prostatectomie (contrôle carcinologique, continence urinaire, puissance sexuelle), il n’y a à ce jour aucune preuve que la robotique fasse mieux que la voie ouverte, même si quelques éléments suggèrent sa supériorité à la laparoscopie pure [17,19]. Dans un article de revue systématisée concernant les 75 premières publications dédiées à la prostatectomie totale robotassistée, Kang et al. concluaient que la littérature actuelle se limitait à des études observationnelles de faible qualité méthodologique remettant en cause toutes les conclusions infondées selon lesquelles la robotique serait largement supérieure aux autres voies d’abord [20]. Bien évidemment, au même titre qu’il existe de fervents défenseurs de la robotique, il en existe également de nombreux détracteurs dont le scepticisme se base sur plusieurs éléments : l’absence de série convaincante avec une niveau de preuve acceptable, le coût exorbitant de cette technologie, l’influence d’un marketing agressif, la publication d’éditoriaux dans des journaux scientifique à impact factor élevé soulignant le côté sombre de la robotique (notamment un taux de regret élevé dans la population de patients et un taux de complications plus élevé) [21,22]. Malgré cela, les faits parlent d’eux-mêmes. Aux États-Unis, en 2007, 79 875 prostatectomies ont été faite au robot, représentant 60 à 70 % des prostatectomies totales [23]. Les bénéficiaires du plan « Medicare » (âge > 65 ans) qui ont été diagnostiqués avec un cancer de la prostate en 2005 avaient 14 % plus de chance d’être traités par chirurgie que leurs alter ego diagnostiqués avec la même maladie trois ans plus tôt. À ce rythme, si toutes les chirurgie d’exérèse pour cancer de la prostate étaient effectués au robot, il en coûterait de 1,1 à 2,5 milliards de dollars en sus en frais de santé chaque année [24]. Les bénéfices prouvés de la voie mini-invasive, couplés à la courbe d’apprentissage extrêmement longue de la voie tome 41 > n84 > avril 2012

Rein Chirurgie rénale conservatrice La chirurgie rénale conservatrice par voie ouverte a été initiée dans les années 1950 et Vincent Vermooten décrivait la situation de façon assez éloquente « il existe certaines circonstances, pour un patient bien portant, dans lesquelles il est inapproprié de faire une néphrectomie, même s’il existe une tumeur envahissant le rein. Cela peut également être le cas quand la fonction rénale risque d’être définitivement altérée par la néphrectomie au point de générer une urémie fatale. Lorsqu’il n’y a pas de preuve de métastase et que le cancer envahit seulement le cortex du rein, l’excision chirurgicale de la seule tumeur doit se poser. La question est de savoir si une telle décision peut être prise (tumorectomie) lorsque le rein controlatéral est normal. J’ai tendance à croire que dans certaines circonstances, cela pourrait être le cas » [26]. Depuis lors, la chirurgie rénale conservatrice par voie ouverte est devenue le traitement de référence pour les tumeurs de petite taille. Dorénavant, le débat est ouvert pour savoir quel pourrait être l’apport potentiel des voies d’abord mini-invasives dans ces indications. La tumorectomie par voie laparoscopique pure a été décrite en 1993 [27], mais là encore, cette technique a été assez peu adopté compte-tenu de la difficulté technique tome 41 > n84 > avril 2012

de cette intervention. Tout particulièrement, la difficulté de suturer en coelioscopie pour faire l’hémostase, pour refermer les cavités excrétrices et le parenchyme lui même a conduit à des temps d’ischémie chaude prolongé et des taux de saignements plus élevés qu’en chirurgie ouverte [28]. La première tumorectomie rénale robot-assistée a été rapportée en 2004 [29]. Il existe aujourd’hui des éléments qui laissent à penser que la robotique procure des résultats supérieurs à la laparoscopie pure en termes de durée de séjour, de saignement et de durée d’ischémie alors qu’elle est équivalente d’un point de vue carcinologique [28]. Les améliorations constatées avec le robot sont probablement dû à une combinaison heureuse entre la facilité de suture que procure le robot et des techniques autorisant le clampage sélectif, voir même l’absence de clampage [30]. Naturellement, l’apport bénéfique du robot dans la chirurgie rénale conservatrice a conduit à une augmentation du seuil de la taille pour laquelle une chirurgie partielle est envisagée. La robotique permet de retirer en sécurité des masses plus larges, plus complexes ou intrahilaires ce qui n’était pas envisageable en routine en laparoscopie pure. Certains enthousiastes voient déjà la robotique comme le nouveau traitement de référence au détriment de la voie ouverte [31]. Il a été démontré que la courbe d’apprentissage était réduite considérablement pour les chirurgiens qui passaient à la tumorectomie au robot avec une expérience préalable de chirurgie robotique pour d’autres indications [32]. Pyéloplastie La pyéloplastie classique par voie ouverte a été décrite par Anderson et Hynes en 1949 [33] et reste à ce jour le traitement de référence pour traiter l’obstruction due à un syndrome de la jonction péylourétérale avec plus de 95 % de succès. C’est à cette technique que toute voie d’abord chirurgical mini-invasive doit se comparer. En 1993, Schuessler et al. ont rapporté avoir réalisé la première pyéloplastie par voie laparoscopique [34] et dans des mains expérimentés, la laparoscopie est équivalente à la voie ouverte [35]. Néanmoins, les difficultés liées à la dissection et à la suture intracorporelle sont telles qu’elles peuvent dissuader des non-experts et surtout diminuer la qualité des résultats à longterme. Comme toutes les procédures de reconstruction, le succès de la pyéloplastie est dépendant de la qualité de la suture, un critère qui répond bien à la facilité procurée par le robot. La faisabilité de la pyéloplastie robot-assistée a été décrite sur un modèle animal porcin en 1999 [36], puis chez l’homme [37] et peut effectivement être faite par voie trans- ou rétropéritonéale. Dans une méta-analyse d’articles de revue systématisée comparant la laparoscopie pure et l’accès robotique, Braga et al. ont démontré que le robot réduisait le temps opératoire et le temps de séjour hospitalier en offrant un taux de complication équivalent et des résultats au moins identiques [38]. Cependant, la qualité des données publiées est relativement

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exclusivement laparoscopique, ont ainsi contribué au développement extraordinaire, tant dans sa célérité que dans la pénétration du marché, de la prostatectomie robot-assistée. Un marketing intelligent et extrêmement habile de la société Intuitive Surgical, Inc. a également eu un rôle non négligeable dans ce phénomène. Toutefois, les coûts élevés associés avec la prostatectomie robot-assistée doivent être pris en considération. Avec un coût à l’achat de l’ordre de 1,4 à 2,2 millions de dollars par robot, une maintenance annuelle représentant 100 000 à 200 000 $ et de 1000 à 2000 $ de consommables par intervention (et donc par patient), il n’est pas étonnant que de nombreux établissements publiques aient quelques réticences à acquérir le système. Il semble qu’il faille devoir réaliser plus de dix interventions par semaine ou au moins 250 cas par an pour avoir des coûts acceptables et de l’ordre de ceux de la prostatectomie par voie incisionnelle [25]. Il faut bien sûr garder à l’esprit que le robot chirurgical da VinciW n’a pas été seulement conçu pour la prostatectomie totale, mais dès que la technologie a été disponible et que cette niche dans le marché fût identifiée, la prostatectomie est devenue une cible prioritaire. Pour une maladie indolente, qui, la plupart du temps, pourrait ne pas être traitée (mais l’est en pratique), pour une intervention qui altère a qualité de vie et eu égard aux coûts exponentiels que le robot génère en termes de soins de santé, d’aucuns pourraient penser que le robot da VinciW n’aurait jamais eu un tel succès si les règles pour la mise en place de dispositifs chirurgicaux étaient aussi strictes que celles qui existent pour l’industrie pharmaceutique.

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pauvre et il n’y a pas d’étude comparative randomisée et prospective qui puisse permettre d’émettre des recommandations en faveur du robot. Quoi qu’il en soit, il est prévisible qu’avec l’équipement progressif des blocs opératoires et la facilité que procure le robot pour les anastomoses, que la pyéloplastie pourra certainement procurer d’excellents résultats à long terme avec une réduction potentiel de la durée de mise en place de la sonde double J.

Vessie Les premières publications à propos de la cystectomie par voie ouverte pour traiter le cancer de la vessie datent de la fin des années 1800, mais les principaux principes carcinologiques de la cystectomie dont nous avons hérité ont été publié par Marshall et Whitmore en 1949 [39]. À partir du moment où certaines équipes avaient démontré que la prostatectomie pouvait être effectuée par voie laparoscopique, il était évident que, tôt ou tard, que cette voie d’abord serait essayée pour l’ablation de la vessie. Le premier article de cystectomie par voie laparoscopique a donc été écrit en 1995 par Sanchez de Badajoz et al. [40], puis fût suivi par de nombreuses autres publications rapportant la faisabilité technique du geste par laparoscopie ou du curage ganglionnaire pelvien étendu, puis de la dérivation urinaire que ce soit par voie endo- ou extracorporelle [41,42]. Toutefois, la voie ouverte reste à ce jour la voie de référence en cas de tumeur de vessie infiltrant le muscle. La cystectomie laparoscopique est une opération très chronophage, même dans les mains de chirurgiens experts, avec des questions quant à la qualité du curage proposé, de la nécessité de faire une incision pour dériver les urines et d’imposer un pneumopéritoine prolongé dans une population souvent âgé et avec des co-morbidités importantes [43]. La technique de cystectomie par voie laparoscopique robotassistée a été décrite en 2003 par Menon et al. [44] et elle apparaît comme techniquement faisable et ce, quel que soit le type de dérivation urinaire choisi [45]. Lorsque l’on prend en considération tous les critères qualitatifs pour réaliser une

cystectomie de bonne qualité et la marge de progression qu’il existe pour améliorer la morbidité de cette intervention ainsi que la survie, on comprend pour de nombreuses équipes explorent l’intérêt potentiel de la cystectomie par voie robot-assistée. Il existe quelques éléments qui laissent à penser que le robot aurait une influence positive sur l’amélioration de nombre de ces éléments incluant notamment la morbidité périopératoire (diminution du saignement, baisse du taux de transfusion, durée de séjour), nombre de ganglions retirés, taux de marges positives, taux de complication périopératoire, taux de récidive local, durée opératoire et même coût [46]. Le consortium international de la cystectomie par voie robotique a publié un certain nombre d’articles concernant la courbe d’apprentissage de cette intervention. Les auteurs affirment qu’un niveau acceptable est acquis dès le 30e cas lorsqu’on se fixe des objectifs qualitatifs pour l’exérèse [47]. Ils ont également montré que le nombre de cystectomie fait dans le centre est directement lié à la réduction du temps opératoire, du volume de perte sanguine et du nombre de ganglions dans le curage [48]. Ainsi, si la cystectomie par voie ouverte demeure la référence, l’expérience grandissante de la robotique et la progression rapide de données disponible pourrait à terme mener à réviser cet état de fait.

Conclusion Il est réellement fascinant de voir que le robot chirurgical que l’on utilise aujourd’hui a des connections indirectes avec les automates décrits il y a plus de 3000 ans. L’insatiable désir d’innovation de l’homme est la raison pour le développement d’une telle technologie. À défaut d’arguments scientifiques puissants, on perçoit bien que cette révolution robotique va se poursuivre inéluctablement, pour asseoir définitivement les robots dans les champ de la chirurgie moderne. Déclaration d’intérêts : Christophe Vaessen est occasionnellement contractualisé avec la compagnie Intutitiveß ; les autres auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt à déclarer en relation avec cet article.

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Histoire de la médecine

Histoire de la robotique en chirurgie : une évolution progressive vers une révolution chirurgicale