Histoire des hépatites au cours du xxe siècle

Histoire des hépatites au cours du xxe siècle

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Mid Ma! Infect 2000 ; 30 Suppl 1 : 5-7 0 2000 Editions scientifiques et mCdicales Elsevier

SAS.

Tow droits rQerv&

Histoire des hbpatites au cows du xxe si&cle M. Micoud Universite’

scientifique

et mkdicale

de Grenoble,

L’histoire des sciences ne se raconte pas, elle s’inscrit. C’est dire que les quelques propos que je tiendrai pour introduire ce colloque, consacre a l’hepatite C et se rapportant a l’histoire des hepatites au xx” sibcle, feront un emprunt massif aux publications anterieures et plus particulibement aux travaux de Claude Chaste1 [I]. 11aura done fallu un siecle pour que l’lkterus, la jaunisse, l’ictere catarrhal d’Hippocrate, l’hepatite Cpidtmique redoutee des campagnes militaires se decline en virologie plurielle et s’inscrive dans une maladie a la Mozart, un abtcedaire dont nous ne serions qu’au debut de la declinaison : A, B, C, D, E, G... L’histoire de ces hepatites, ayant en communaute une Ctiologie virale et une atteinte hepatique predominante au titre de l’infectiosite directe, est Ctroitement lice aux avan&es scientifiques du siecle, s’accelerant depuis 1965 eu Cgard en particulier a la microscopic electronique, a la radio-immunologie, a l’immunoenzymologie, a l’ultracentrifugation, a la chromatographie, et a toute la biologie moltculaire permettant isolement, caracterisation, clonage des genes, stquencage automatise des acides nucltiques et des protbines, bref, tout l’arsenal pour identifier les virus, fusse de facon virtuelle. Bien que les epidemiologistes aient suivi de nombreuses Cpidemies de jaunisse depuis 1’Historia Zcterorum Epidemicorum de Martin Lange, en 179 1, les premieres descriptions cliniques precises datent seulement du xx’ siecle. Bien qu’en 1843, le baron Karl Rokitanski ait dtcrit l’anatomopathologie des hepatites, la theorie mtcanistique du bouchon muqueux a prevalu jusqu’a l’irremplac;able ponction-biopsie hepatique initiee par Giorg,io Menghini. Cette approche autorisera essentiellement le suivi aise des atteintes hepatiques et les dtmarches diagnostiques et therapeutiques likes aux stades Cvolutifs de l’htpatite plus qu’aux grades histologiques [2]. La responsabilitt virale des hepatites a eu beaucoup de peine a Cmerger des concepts biologiques au meme titre

Domaine

de la Merci,

38000 Grenoble,

France

d’ailleurs que la virologie a eu beaucoup de difficult& durant ce siecle a devenir une discipline autonome. N’oublions pas qu’en 1950, nous en &ions encore a nous enivrer de la notion <>et a enseigner la virologie a travers la leucemie experimentale des poules faisant reference a la filtration sur bougie alors que la microscopie tlectronique et les cultures cellulaires ouvraient le chemin du savoir. Cette Cpoque marque une nouvelle ere pour les hepatites dont les premieres connaissances referentielles seront rapportees, en 1968, au premier Congrbs international de virologie a Helsinki. En fait, c’est avec l’idee qu’il y avait plusieurs types d’hepatites infectieuses, qu’il y avait une preponderance possible des etiologies virales et que l’on butait sur le modble experimental que peu a peu les esprits ont accepte l’idte du volontariat humain. D’autant qu’a cette epoque, l’hepatite n’etait pas consideree comme une maladie habituellement grave, elle ne s’affichait pas comme un problbme de Sante publique, nous &ions au cceur de la seconde guerre mondiale. Ainsi Voegt, en 1942, en Allemagne, Mac Callum et Bradley, en 1946, en Angleterre experimenteront sur des <>et dtmontreront la transmissibilite des hepatites, confirmant ainsi la premiere description par Ltirrnan d’une Cpidemie d’icteres apres vaccination antivariolique pratiquee bras a bras chez les employ& d’un chantier naval de BrCme [3]. Faisant suite a d’autres etudes epidemiologiques, en 1947, Mac Callum proposa alors de distinguer deux types d’hepatites et d’appeler les hepatites Cpidemiques a incubation courte hepatite A, nommant hepatite B les hepatites dites striques (deja hepatites de la seringue) a incubation longue. Ce ne sera pourtant qu’en 1967 que Krugman publiera, dans le JAMA, <
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M. Micoud

accord des parents mais sur des enfants handicap& mentaux dans une institution new yorkaise entre 1964 et 1967. Absentes des recherches biologiques a l’epoque des ultravirus de 1892 a 1934, les hepatites ne seront pas les vedettes de la revolution virologique des annees 1935 1965 mais elles se rattraperont largement apres l’explosion scientifique lice a la decouverte par Blumberg, en 1965, de l’antigene Australia [4]. Ce sera le debut de la maturite de la virologie scientifique entrainant une impulsion des connaissances en termes de prophylaxie directe et indirecte comme en proposition de produits antiviraux. La decouverte fortuite de l’antigene Australia constitue une &ape decisive dans la connaissance des hepatites virales, d&s lors on dispose d’un marqueur fiable et specifique. C’est le debut du demembrement virologique des hepatites virales dont l’importance mondiale est alors Cvidente (300 millions de porteurs d’hepatite B dans le monde, un million de d&es par an), du depistage des sujets a risque, du developpement des premiers vaccins contre l’hepatite B par Maupas et ses collaborateurs en 1976 [5]. La decouverte de l’antigene de surface du virus B, antigbne Australia, precedera de quelques annees la description morphologique en microscopic Clectronique du virus B auquel s’attache en 1970 les noms de Dane et Price [6]. Le virus de l’hepatite B est un virus ADN dont I’origine n’est pas encore clairement Ctablie, appartenant a la famille des Hepadnaviridae, genre hepadnavirus (six genotypes A-F), qui compte d’autres representants chez l’anima1 (canard, marmotte, tcureuil.. .). Par effet d’alternance XCsi ce n’est toi c’est done ton f&e >>,la caracterisation du virus A de la famille des Picornaviridae, genre heparnavirus, un seul serotype, mais plusieurs genotypes suivra rapidement de m&me que la mise au point d’un vaccin inactive [7]. C’est en 1977, a partir de feces que Feinstone visualisa en microscopic electronique la particule virale que l’on decouvrira avec l’interet d’une mise au point car depuis les travaux de Deinhardt ayant reussi a infecter experimentalement le marmouset en 1967, et les travaux Cpidemiologiques de Krugman, l’hepatite A cliniquement et epidemiologiquement Ctait bien identifiee. Sa diffusion restera cependant tout a fait d’actualite et en 1988 la demonstration en sera faite par l’epidemie de Shangai’ pendant laquelle 300 000 personnes furent identifiees comme malades suite a une ingestion de mollusques. Les virus A et B identifies, les etudes epidemiologiques montrerent rapidement qu’une partie settlement de la problematique Ctait reglee, il Ctait manifeste que de nombreuses hepatites post-transfusionnelles d’apparence virale ne se rattachaient ni au virus A ni au virus B. Bien que Mario Rizetto, en 1977, ait decouvert un nouvel antigene, l’antigene delta-virus D, present a la fois

dans le tissu htpatique et le serum de malades atteints d’hepatite B chronique (ARN simple brin circulaire de 1 700 nucleotides ayant besoin du virus B pour se repliquer) entre 1970 et 1980 deux problemes persistaient essentiellement : la gestion des derives du sang initiateur d’hepatites dites non A non B pour la France et d’importantes epidemics d’hepatites non identifiees a transmission hydrique dans les pays a forte densite de population soumise a une absence d’hygiene collective. L’immunite homologue et non heterologue des virus A et B suggerait l’existence au moins d’un troisibme virus que la clinique identifiait dans une nouvelle population a haut risque dominee entre autres par les transfuses, les hemodialyses et les droguts par voie veineuse. MalgrC l’apport de tout I’arsenal scientifique, bien que les etudes experimentales aient pu se realiser sur le chimpanze depuis 1978, I’tchec Ctait au rendez-vous des nombreuses tentatives d’individualisation de ce ou ces nouveaux virus non A non B [8]. Ce fut en 1989 le triomphe des techniques de biologie moleculaire et de la collaboration entre recherche publique et privee (Michael Hougton pour Chiron, Daniel Bradley pour le CDC) qui permirent la reconstruction artificiellement de ce nouveau virus : le virus C [9]. C’est a partir du genome ARN presume du virus C hypothetique present dans le plasma des chimpanzes inocu16s qu’ils obtinrent d’abord une copie ADNc. Celle-ci fut ensuite clonee dans un phage lequel exprima une proteine non structurale reagissant avec le serum de malades atteints d’hepatite non A non B post-transfusionnelle. Ainsi selon H.J. Alter, c’etait Descartes avant le cheval : ccje clone done je suis >>. Dans les suites immediates, les premiers tests de depistage du virus C sont proposes aux cliniciens, debut des multiples etudes biologiques, serologiques, epidemiologiques, cliniques sur l’hepatite C, virus ADN de la famille des Flaviridae a l’hepatotropisme bien etabli. Le virus C represente un genre nouveau : htpacivirus avec six genotypes majeurs et une cinquantaine de sous-types ce qui rendra difficile la mise au point d’un vaccin [lo]. L’indentification biologique de l’hepatite C a eu un retentissement considerable dans la connaissance des hepatites chroniques et de leurs consequences cirrhogenes et carcinomateuses. De meme, une nouvelle approche diagnostique s’est faite jour, like a l’expression non hepatique de cette infection virale en particulier pour des maladies B mediation immune preponderante. Enfin, la decouverte du virus de l’htpatite C est venue conforter les nouveaux champs de la recherche therapeutique ouverts par le sida. Ces deux infections, dont la coexistence est frequente dans certaines populations, ont donne une nouvelle dimension a la politique de Sante publique suite aux nombreux debats politiques, sociaux, ethiques qu’elles ont provoques.

Histoire

des hepatites

Le mode de transmission du virus de I’hepatite C n’est pas entibrement connu et sa participation dans les risques nosocomiaux ou iatrogeniques peut nous reserver bien des surprises. C’est ainsi qu’il faut interpreter les propos de Thomas Strickland proposant un lien possible entre les t&s nombreux traitements injectables contre la bilharziose ces vingt demieres anntes et l’importance de l’htpatite C en Egypte, un tgyptien sur cinq &ant porteur du virus. Au titre de la Sante publique et done du cot& l’importance de l’htpatite C est probablement a venir. Si l’on admet que, depuis le debut probable de l’epidemie en France, en 1950, seulement 150 000 porteurs du virus sur les possibles 600 000 infect& (1 % de la population) ont CtC identifies, le veritable probleme de Sante publique en est a son debut compte tenu de l’importance des formes asymptomatiques et de la longue evolution silencieuse de cette hepatite avant que les effets pathogenes ne se revelent. La facilite et la specificite du diagnostique biologique par test type Elisa ou mesure de 1’ARN par PCR devrait engendrer des attitudes preventives au regard du risque potentiel correlt a la chronicite de I’affection. Parmi les hepatites inventoriees, ce sont certainement les travaux inherents a l’hepatite C qui auront le plus participe a la revolution methodologique like au developpement de la biologie moleculaire. Pour la premiere fois, un agent pathogene aura CtC identifie’ directement par une methode reposant integralement sur le genie genetique sans caracttrisation prealable d’un systbme d’identification antigenique, morphologique ou cytopathique en culture. Pour majeur que soit le virus de l’hepatite C aujourd’hui et plus particulierement en France, les progres qu’il aura g&k& par les etudes qui lui ont CtC consacrees resteront probablement un fait essentiel dans la connaissance des hepatites virales. Selon les memes principes Reyes et Bradley ont ainsi caracterise le virus E [ 111, calicivirus, dont le territoire Cpidemiologique est largement circonscrit aux pays sanitairement peu developpts oti le probleme de l’eau potable reste entier. Un seul serotype, plusieurs genotypes, voila qui devrait faciliter la mise au point d’un vaccin a venir. Vaccin attendu, en particulier, par les femmes enceintes chez qui le virus est responsable d’une forte mortalite. Ainsi, alors que le xxe siecle s’acheve, l’histoire des hepatites aura probablement marque la seconde moitie de ce siecle autant par les decouvertes specifiques qui leurs sont rapportees que par l’apport de nouvelles technologies biologiques qu’elles ont gentrees. 11est evident que d’autres virus responsables d’hepatites seront identifies dans les temps a venir ne sera.it ce que pour identifier les 20 % des hepatites supposees virales,

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au tours du XXe siecle

post-transfusionnelles, non A non B non C non E. Deja se profilent les virus G et le VTT (virus transmis par transfusion) responsables de viremies prolongees dont le pouvoir pathogene possible chez l’homme n’est pas encore Clucide... A moins que, heureuse ddcouverte, ces virus aient un effet benefique sur l’evolutivite d’autres virus pathogbnes comme par exemple le VIH [ 121.11 reste done beaucoup a faire au xxle siecle, l’histoire des hepatites virales nous ayant fortement CloignC de la pensee unique. Pour l’historien, les hepatites virales auront joue un role important dans la transformation du concept infectieux ; d’abord symptomes, puis syndromes, puis consequences d’une agression biologique, les htpatites comme beaucoup de maladies infectieuses se sont redefinies oubliant l’agresseur au travers des modalitts reactionnelles de l’organisme humain et a partir de la similitude des effets provoques. L’histoire de ces maladies aura ttt un bon revelateur de notre societt m&me si nous sommes rent& dans l’ere d’une virologie sans virus. L’alcoolisme, la tuberculose, la syphilis souvent tumults furent les maladies sociales du XIX~ sibcle. 11est probable que dans le registre infectieux les hepatites, le sida et les infections nosocomiales prendront une part importante dans la memoire collective que l’histoire retiendra au titre de la responsabilite collective et medicale, au titre de l’evolution technologique dans l’etude du vivant, au titre d’un nouvel apprentissage de la mort annoncee. ~~FI?RENCES Chaste1 C. Histoire des virus : de la variole au sida. Paris : Edition Bombee ; 1992. p. 1-143. Valla DC. L’hepatite virale C. Paris : John Libbey Eurotext ; 6 (hors s&e) 1999. Purcell RH. The discovery of the hepatitis viruses. Gastroenterology 1993 ; 104 : 955-63. Hussey H. The hepatitis B saga. JAMA ; 245 : 1317-8 Maupas P, Goudeau A. Hepatitis B vaccine; effacicy in high risk settings, a two years study. Intervirology 1978 ; 10 : 196-208. Bollyki PL, Holmes EC. Reconstructing the complex evolutionnary history of hepatitis B virus. J Mol Evol 1999 ; 49 : 130-41. Melnick JL. History and epidemiology of hepatitis E virus. J Infect Dis 1995 ; 171 Suppl 1 : 52-8. Sherlock S. Hepatitis virus C: a historical perspective. Dig Dis Sci 1996 ; 12 : 3-5. Choo QL, Quon G, Overby LR, Bradley DW, Hougton M. Isolation of a cDNA clone derived from a blood borne non A non B viral hepatitis genome. Science 1989 ; 244 : 359-61. 10 Simmons P, Alberti A, Alter HJ. Nomenclature for genotype of hepatitis C virus. Hepatology 1999 ; 19 : 1321-4. 11 Reyes GR, Purdy MA, Kim JP, Ka-Chung Lu K, La Vonne M. Young, Kirke F. Science 1990 ; 247 : 1335-9. 12 Heringlake S, Ockenga J, Tillmann HL, Trautwein C, Meissner D, Stoll M. J Infect Dis 1998 ; 177 : 1723-6.