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NPG-457; No. of Pages 5
NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2014) xxx, xxx—xxx
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RÉFLEXIONS ET PERSPECTIVES
Hypnose et neuropsychologie : quelles perspectives cliniques ? Hypnosis and attention: What clinical perspectives? A. Coutté a,∗, A. Bioy b a
Laboratoire d’anthropologie et de psychologie cognitives et sociales, « Maison des sciences de l’homme et de la société Sud-Est », université de Nice-Sophia Antipolis, pôle universitaire Saint-Jean-d’Angely, 3, boulevard Franc¸ois-Mitterrand, 06357 Nice cedex 4, France b Laboratoire de psychopathologie et de psychologie médicale, université de Bourgogne, 21000 Dijon, France
MOTS CLÉS Hypnose ; État modifié de conscience ; Suggestion ; Neuropsychologie ; Attention ; Fonctions exécutives
KEYWORDS Hypnosis; Modified state of consciousness;
∗
Résumé Dans le prolongement des recherches montrant l’efficacité de l’hypnose dans l’accompagnement thérapeutique de la douleur, le développement de l’imagerie cérébrale a récemment permis des avancées dans la compréhension des processus cognitifs sous-jacents au phénomène hypnotique. Il en ressort notamment que le fonctionnement attentionnel et exécutif peut être modulé de fac ¸on importante grâce : à l’induction hypnotique en état de conscience modifiée ; aux suggestions hypnotiques utilisées par l’hypnothérapeute. L’objectif de cet article est de présenter de fac ¸on critique les travaux menés chez des sujets sains, afin de discuter de l’applicabilité et de l’utilité de l’hypnose pour les patients présentant des troubles de l’attention et/ou des fonctions exécutives, voire chez des patients âgés atteints de démence à un stade léger ou modéré. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Efficiency of hypnosis has been widely highlighted in the framework of pain therapies. In line with such research, the development of cerebral imagery has improved our understanding of the cognitive processes that underpin hypnosis. More precisely, attention and executive functions can be modulated by: hypnotic induction of a modified state of
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Coutté).
http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.07.003 1627-4830/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Coutté A, Bioy A. Hypnose et neuropsychologie : quelles perspectives cliniques ? Neurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.07.003
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A. Coutté, A. Bioy
Suggestion; Neuropsychology; Attention; Executive functions
consciousness; hypnotic suggestions of the hypnotherapist. This paper aims to present studies on normal subjects, in order to discuss using hypnosis for patients with attentional and executive disorders, even in elderly patients with dementia at mild or moderate stage. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
La redécouverte de l’efficacité de l’hypnose dans la prise en charge de la douleur a motivé la récente multiplication des études visant à mieux la comprendre [1]. Certaines de ces études ont notamment mis en exergue la pertinence de l’utilisation de cet outil en gériatrie, en particulier chez les patients déments : en réduisant l’anxiété et la dépression, l’hypnose permettrait une meilleure disponibilité des ressources cognitives des patients [2]. Cependant, l’hypothèse selon laquelle l’hypnose permettrait d’agir directement sur le fonctionnement attentionnel et exécutif à des fins de remédiation cognitive pour des patients âgés est rarement discutée dans la littérature. Cet article vise à dresser un état des recherches menées auprès des sujets sains afin de discuter des applications et des indications possibles de l’hypnose chez des patients présentant des troubles attentionnels et/ou exécutifs, voire chez des patients âgés atteints de démence à un stade léger ou modéré.
Présentation de l’hypnose Définition La diversité des définitions qui ont été accolées au terme d’hypnose est à l’image de la variété des théories qui ont été proposées pour en expliquer les causes. Cet aspect polymorphe est encore accentué dans le quotidien de la pratique clinique, par la nécessité d’adapter sa pratique de l’hypnose aux spécificités de chaque patient. Malgré tout, il existe un relatif consensus sur les outils techniques qui permettent « d’hypnotiser » un sujet ou un patient. Dans cette perspective, l’American Psychological Association a proposé de définir l’hypnose comme « une procédure durant laquelle un professionnel ou un chercheur suggère à un patient ou un sujet des changements de sensations, de perceptions, de pensées ou de comportements ». Les suggestions utilisées par le praticien ne sont pas nécessairement verbales : tout l’arsenal communicationnel d’un individu peut servir à formuler une suggestion [3].
Vecteurs d’influences de l’hypnose La question des mécanismes sous-jacents à l’influence de l’hypnose sur la cognition fait l’objet de débats animés. Il existe cependant une certaine convergence de points de vue sur le fait que l’hypnose module le fonctionnement cognitif d’un sujet à deux niveaux [4]. D’une part, une procédure d’induction hypnotique peut susciter une modification active des perceptions et de la dynamique des interactions avec l’environnement, amenant
alors à un état de conscience et d’attention modifiées par rapport aux états de veille et de sommeil. D’autre part, l’hypnose modifie conjointement la dynamique des influences réciproques qui caractérise la communication entre le sujet et le thérapeute/expérimentateur. Ainsi lors d’une séance d’hypnose, le sujet est caractérisé par une suggestibilité accrue : son expérience subjective, ses sensations, émotions, pensées et comportements sont plus facilement influencées par les suggestions formulées par le praticien. Ces deux dimensions clés de l’hypnose (i.e., la modification de l’état de conscience et la modulation de l’influence des suggestions) sont fortement liées. Elles ne sont toutefois pas superposables : une suggestion verbale peut fonctionner sans qu’un sujet ne soit en « transe hypnotique », et réciproquement, un sujet peut être dans un état de conscience modifiée sans qu’un thérapeute présent n’use de suggestion particulière (dans le cas de l’autohypnose, le sujet utilise des techniques spécifiques lui permettant d’entrer en transe hypnotique en l’absence du thérapeute).
Hypnotisabilité et sensibilité à la suggestion De nombreuses recherches ont été menées auprès de sujets exempts de troubles cognitifs afin d’étudier leur réceptivité à l’hypnose. La plupart des personnes sont « hypnotisables » dans le sens où l’état de conscience modifiée caractéristique de l’hypnose peut être atteint à des degrés divers par la plupart des individus. Cependant, la sensibilité à la suggestion varie grandement d’une personne à l’autre. Cette sensibilité à la suggestion peut être évaluée grâce à des échelles qui mesurent la réponse des sujets à une liste de suggestions standardisées. À titre d’exemple, la forme A de l’échelle standardisée de susceptibilité hypnotique de Stanford (SHSS : A) [5] comporte 12 suggestions qui visent à influencer tantôt le comportement moteur (induire une rigidité des membres, etc.), tantôt le fonctionnement cognitif (induire une hallucination, etc.). Un score compris entre 0 (le sujet n’a répondu à aucune suggestion) et 12 (le sujet a répondu à toutes les suggestions) peut alors être attribué à chaque individu. La sensibilité à la suggestion d’un individu, bien que généralement relativement stable, n’est pas pour autant figée. Elle est notamment connue pour varier tout au long de la vie. Plus précisément, la suggestibilité est élevée durant l’enfance, puis diminue à l’adolescence pour finalement se stabiliser durablement à l’âge adulte à un niveau plus ou moins élevé suivant les individus [6,7]. Outre ces variations longitudinales, la sensibilité à la suggestion peut également être modulée par divers facteurs comme l’entraînement à
Pour citer cet article : Coutté A, Bioy A. Hypnose et neuropsychologie : quelles perspectives cliniques ? Neurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.07.003
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Hypnose et attention la relaxation ou à l’autohypnose [8], ou par des variables psychosociales [9]. Plusieurs études ont tenté de mettre en exergue les facteurs prédictifs de la sensibilité à la suggestion d’une personne adulte. Ainsi, dans une étude portant sur 154 adultes (25 ans d’âge moyen), Ludwig et al. [10] ont montré que la sensibilité à la suggestion serait positivement corrélée à l’occurrence de certains traits comportementaux comme l’impulsivité1 , généralement associés à un « fonctionnement cognitif hypofrontal » (autrement dit un fonctionnement moins important des lobes frontaux et une moindre efficience des mécanismes exécutifs). De même, dans une étude [11] portant sur 24 adultes (ayant entre 18 et 35 ans), il a été montré que l’altération du fonctionnement du cortex préfrontal dorsolatéral gauche (associé aux fonctions exécutives et aux processus de planification) via la stimulation magnétique transcrânienne augmentait la suggestibilité d’un sujet sain. L’hétérogénéité des données empiriques actuellement publiées ne permet toutefois pas d’affirmer sans équivoque qu’il existe une relation linéaire entre sensibilité à la suggestion d’une part, et fonctionnement attentionnel et exécutif d’autre part [10]. Par ailleurs, ces travaux s’appuient généralement sur une vision unitaire de la suggestibilité : des études complémentaires sont nécessaires pour explorer la pertinence d’envisager la suggestibilité comme un concept multidimensionnel.
Hypnose, attention et fonctions exécutives État modifié de conscience et fonctionnement cérébral Certains travaux ont étudié les corrélats neuronaux de l’état modifié de conscience associé à l’hypnose. Dans une étude en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) menée auprès de 18 adultes sains, McGeown et al. [12] ont étudié l’influence d’une induction hypnotique « sèche » (sans autre objectif que celui de mettre le sujet dans un état modifié de conscience) sur ce qu’ils désignent comme étant « le mode cérébral par défaut » (autrement dit, selon ces auteurs, l’activité spontanée du cerveau quand un sujet ne réalise pas de tâche particulière). Ces sujets étaient soit très sensibles à la suggestion (TS), soit peu sensibles (PS) à la suggestion. Le protocole incluait trois phases successives : une induction hypnotique, une attente passive de 20 secondes et une tâche d’observation visuelle. Les sujets comme l’expérimentateur étaient naïfs quant au fait que les enregistrements pertinents pour l’étude portaient sur la période d’intervalle. Ces enregistrements étaient alors comparés à d’autres périodes d’attente sans induction hypnotique préalable. Ils ont ainsi pu mettre en évidence que chez les sujets TS (aucun effet significatif n’a été observé chez les sujets PS), l’induction hypnotique module l’activité spontanée du 1 L’impulsivité est la propension à agir sous la férule d’impulsions qui n’engagent pas de réflexion particulière.
3 cerveau. Plus précisément chez un sujet TS sous hypnose qui attend passivement le début de la tâche, l’activation du cortex cingulaire antérieur, du cortex préfrontal dorsal et du cortex préfrontal ventromédian est plus faible que chez le même sujet TS qui n’est pas sous hypnose. Selon ces auteurs [12], ces variations d’activations cérébrales consécutives à une induction hypnotique reflèteraient la capacité des sujets TS à inhiber les activités cognitives spontanées non pertinentes dans ce contexte de transe hypnotique. Il en résulterait chez eux une diminution de l’interférence issue de pensées volontaires spontanées, probablement en anticipation de la tâche annoncée par la consigne.
Influence des suggestions sur le fonctionnement cérébral Parallèlement à l’étude des états modifiés de conscience, certains auteurs se sont intéressés à l’influence que peuvent avoir les suggestions hypnotiques sur la perception visuelle [13] et la gestion des conflits cognitifs [14]. Dans une étude récente [13], 18 adultes sains (TS ou PS) devaient regarder un panneau composé de formes géométriques tantôt colorées, tantôt teintées de nuances de gris (les activations cérébrales étaient mesurées grâce à l’IRMf). Dans la première condition expérimentale, aucune suggestion relative à la couleur n’était formulée par l’expérimentateur. Dans la seconde, les sujets devaient regarder les panneaux après que l’expérimentateur ait formulé des suggestions spécifiques (sans induction hypnotique au préalable). Dans la troisième, les mêmes suggestions étaient formulées après une induction hypnotique. Ces suggestions formulaient l’idée selon laquelle : • le panneau en nuances de gris était en couleurs ; • le panneau en couleurs était en nuances de gris. Aucun effet significatif n’a été observé chez les sujets PS. Par contre, les sujets TS ont rapporté que leur perception des couleurs était modifiée : consécutivement aux suggestions (avec ou sans « transe hypnotique »), les nuances de gris étaient perc ¸ues en couleur et les couleurs étaient perc ¸ues en nuances de gris. De surcroît, les enregistrements en IRMf confirment que suite aux suggestions, l’activité neuronale dans les aires associées à la couleur (le gyrus fusiforme et les aires visuelles primaires du cortex occipital) a été modifiée. Selon ces auteurs, les suggestions formulées par le thérapeute amènent les sujets TS à réorienter leur attention et à solliciter leur imagination, modifiant ainsi la construction perceptive des stimuli. L’état de conscience modifiée, quant à lui, amplifie cette dynamique cognitive provoquée par l’influence des suggestions mais n’est pas indispensable. Cette modulation de la perception visuelle consécutive à des suggestions est intéressante à considérer à la lumière des travaux traitant de l’influence de l’hypnose sur l’effet Stroop. Lors d’une tâche de Stroop, les sujets doivent dénommer la couleur de l’encre d’un mot qui lui-même désigne une couleur : les réponses sont généralement plus rapides lorsque l’encre et le mot sont congruents (« rouge » écrit en rouge) que lorsqu’ils ne le sont pas (« rouge » écrit en bleu). Cette interférence est la conséquence d’un conflit cognitif entre : • les processus automatiques associés à la lecture du mot ;
Pour citer cet article : Coutté A, Bioy A. Hypnose et neuropsychologie : quelles perspectives cliniques ? Neurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.07.003
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• les processus contrôlés associés à la dénomination de la couleur. Dans une étude couplant l’IRMf aux potentiels évoqués [14], l’expérimentateur induisait les 16 sujets adultes (27 ans en moyenne) en état hypnotique et formulait une suggestion post-hypnotique (une suggestion post-hypnotique est formulée pendant l’état hypnotique, mais vise à modifier la cognition et/ou le comportement après la fin de la transe hypnotique). Cette dernière suggérait notamment que tous les mots vus par le sujet étaient similaires à ceux d’une langue inconnue. Après sa sortie de l’état hypnotique, le sujet devait réaliser une tâche de Stroop. Les résultats montrent que chez les sujets TS (chez les sujets PS, la suggestion post-hypnotique n’a pas d’effet significatif), la suggestion post-hypnotique provoque une diminution importante de l’interférence au niveau des temps de réaction, sans que les sujets ne répondent plus lentement pour autant. De surcroît, les activations cérébrales au niveau du cortex cingulaire antérieur et des aires visuelles sont plus faibles lorsqu’une suggestion post-hypnotique a été préalablement formulée par rapport à lorsque cela n’a pas été le cas. En d’autres termes, selon ces auteurs, la suggestion post-hypnotique a modulé précocement le fonctionnement attentionnel des sujets, d’où la modification du fonctionnement des aires visuelles face aux stimuli de la tâche Stroop. Il en a résulté une modulation de l’interférence entre la lecture des mots et la dénomination de la couleur de l’encre, diminuant ainsi l’activation du gyrus cingulaire antérieur impliqué dans la détection des conflits cognitifs.
Perspectives en neuropsychologie clinique Les études investiguant les applications de l’hypnose dans le champ de la clinique des troubles attentionnels et exécutifs restent pour l’instant anecdotiques. Face à ce constat, il convient donc de partir des observations issues des sujets sains pour tenter de répondre à deux questions. Premièrement, dans quelle mesure l’hypnose est-elle applicable chez des patients présentant des troubles attentionnels et/ou exécutifs, voire en cas de troubles cognitifs débutants ? Deuxièmement, quelle amélioration est à attendre de l’utilisation de l’hypnose chez ce type de patients, du point de vue de leur fonctionnement attentionnel et/ou exécutif ?
Applicabilité de l’hypnose De fac ¸on générale, au vu de la littérature, l’hypnose pourrait se révéler être un outil particulièrement efficace et spécifiquement indiqué pour la prise en charge des individus très sensibles à la suggestion [5—7]. Pour les individus présentant une faible sensibilité à la suggestion, le recours préalable à des protocoles d’entraînements spécifiques (relaxation, autohypnose, etc.), couplés à une personnalisation de la prise en charge, permettrait d’augmenter progressivement l’efficacité de l’hypnose et des suggestions utilisées [4—8]. Dans le cas plus spécifique des patients présentant des troubles attentionnels et/ou exécutifs, il n’existe à notre connaissance aucune étude empirique investiguant leur réceptivité à la suggestion. Toutefois, certaines recherches montrent que chez les adultes sains, la sensibilité à la
suggestion serait positivement corrélée à des profils de fonctionnement cognitif hypofrontaux (plus un sujet est impulsif, moins ses capacités d’inhibition sont importantes et plus sa sensibilité à la suggestion est importante) [10,11]. En d’autres termes, l’hypnose serait applicable à minima chez des patients présentant des atteintes exécutives et/ou attentionnelles légères ou modérées. Dans le cas d’atteintes plus lourdes, comme chez certains patients atteints de pathologies neurodégénératives (maladie d’Alzheimer, démences fronto-temporales, etc.), les difficultés de ces patients à focaliser durablement leur attention ainsi que les troubles comportementaux et communicationnels qui caractérisent l’évolution de la démence peuvent rendre l’utilisation de l’hypnose plus difficile. Burlaud [2] souligne cependant qu’une communication adéquate ainsi qu’une pratique prenant en compte les spécificités du patient et de sa symptomatologie permettrait d’utiliser l’hypnose auprès de ces patients. Des études empiriques portant spécifiquement sur cette question de l’applicabilité de l’hypnose chez les patients déments sont à envisager afin d’alimenter ce débat.
Quels outils pour quels objectifs thérapeutiques ? Comme nous avons pu le voir précédemment, plusieurs études ont montré que l’hypnose permet de modifier le fonctionnement cognitif des sujets sains. D’une part, l’émergence d’un état de conscience modifiée hypnotique chez des sujets TS aurait comme corollaire une diminution des interférences consécutives à des pensées volontaires spontanées [12]. Ces résultats suggèrent donc que la mise en place de séances régulières d’hypnose (ainsi qu’une formation à l’autohypnose) chez des patients présentant des troubles exécutifs et attentionnels (par exemple chez des patients âgés atteints de démence à un stade léger ou modéré), pourrait leur permettre de mieux gérer les symptômes cognitifs et les comportements consécutifs à un défaut des mécanismes d’inhibition. D’autre part, un usage approprié des suggestions est connu pour permettre de moduler de fac ¸on dynamique le contrôle attentionnel qui préside à la construction d’une perception efficace de l’environnement [13,14]. Dans la perspective de la prise en charge de patients ayant des troubles attentionnels et exécutifs (par exemple chez des patients atteints de démence fronto-temporale à un stade précoce ou modéré), le recours à des suggestions posthypnotiques adéquates pourrait permettre une meilleure gestion des conflits cognitifs (et des symptômes comportementaux associés), ainsi qu’une amélioration de l’efficacité du contrôle attentionnel de ces patients. À l’aune de ces considérations, plusieurs pistes de recherches sont donc potentiellement prometteuses pour envisager une pratique de l’hypnose qui permettrait une prise en charge des troubles attentionnels et exécutifs (notamment chez les patients âgés atteints de démences).
Conclusion De nombreuses recherches sont actuellement menées pour évaluer plus précisément l’efficacité de l’hypnose
Pour citer cet article : Coutté A, Bioy A. Hypnose et neuropsychologie : quelles perspectives cliniques ? Neurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.07.003
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Hypnose et attention dans la prise en charge de diverses maladies (douleurs, troubles gastro-intestinaux, pathologies dermatologiques, addictions, dépression, etc.) [15] : c’est notamment dans la médecine de la douleur et la clinique de l’anxiété que les indications de l’hypnose font l’objet du plus large consensus [2]. Il nous semble toutefois que le développement d’une pratique de l’hypnose en neuropsychologie, soutenue par des recherches fondamentales et cliniques, pourrait être tout particulièrement profitable pour la prise en charge des patients atteints de troubles attentionnels et exécutifs, notamment ceux atteints de pathologies neurodégénératives. Complémentairement à l’objectif thérapeutique d’intervenir sur les éléments de comorbidités (troubles du comportement, anxiété, dépression, etc.) qui souvent interagissent avec ces troubles cognitifs, l’hypnose pourrait ainsi devenir un outil permettant d’améliorer spécifiquement l’efficience cognitive et comportementale des patients.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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Pour citer cet article : Coutté A, Bioy A. Hypnose et neuropsychologie : quelles perspectives cliniques ? Neurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.07.003