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somes. Les anomalies géniques de ClCN5 peuvent donner 3 phénotypes différents : un syndrome de Fanconi, une hypercalciurie liée à l’X avec lithiase rénale et/ou néphrocalcinose, un rachitisme hypophosphatémique lié à l’X ; ○ CTNS ou cystinosine est un transporteur de la cystine produite par la dégradation protéique dans les lysosomes ; c’est le gène de la cystinose ; ○ le déficit en anhydrase carbonique II (Car2) est responsable d’une ostéopétrose et d’un syndrome de Fanconi ; ● des anomalies de la production énergétique dans le syndrome de Bickel-Fanconi par défaut d’alimentation cellulaire en glucose (SLC5A2) et dans le syndrome de Pearson par une délétion de l’ADN mitochondrial affectant la production des métabolites énergétiques ; ● une intoxication endogène (cuivre pour la maladie de Wilson, tyrosine, galactose, fructose-1-phosphate) ; ● des formes primaires et syndromiques (arthrogrypose, cholestase) dont le gène n’a pas été encore reconnu. Les principales circonstances de découvertes d’une insuffisance tubulaire proximale sont l’insuffisance de croissance staturale secondaire à l’hémoconcentration chronique, les lésions de rachitisme avec des déformations osseuses et la polyurie. La symptomatologie biologique affecte toutes les fonctions du tube proximal : l’hémoconcentration par perte de sodium et l’acidose tubulaire proximale sont des détérminants importants mais pas exclusifs de la cassure de croissance staturale, et s’accompagne d’une glucosurie orthoglycémique, d’une aminoacidurie, d’une hypo-uricémie et d’un trouble de la concentration urinaire responsable de la polyurie. L’hypophosphatémie est secondaire à un abaissement du taux de réabsorption tubulaire des phosphates. L’insuffisance de la 1α-hydroxylation de la vitamine D n’a été formellement démontrée que dans la cystinose et suggérée dans le syndrome de Lowe [3, 4]. Le traitement de l’hypophosphatémie et des lésions de rachitisme de toutes les causes de syndrome de Fanconi est calqué sur celui de la cystinose : il fait classiquement appel à une supplémentation en sels de phosphate (équivalent phosphore–élément : 2–5 mmol/kg par jour ou 50–150 mg/kg par jour) et en vitamine D hydoxylée : alfacalcidol (Un-Alfa® 0,5 à 1,5 μg/jour en cas de lésions de rachitisme ; 0,25 μg/jour en traitement préventif) [5]. Les cibles de phosphatémie sont comprises entre 0,8 et 1,5 mmol/L et celles de calcémie ionisée à 1,20 mmol/L. Une étude systématique de la fonction 1α-hydroxylation du tube proximal dans les causes les plus fréquentes du syndrome de Fanconi reste à entreprendre pour valider la double supplémentation en phosphate et en alfacalcidol. Références [1] Nomenclature internationale des transporteurs de solutés (SLC) : http:// www.tcdb.org/hgnc. [2] Rowe PS. The wrickkened pathways of FGF23, MEPE and PHEX. Crit Rev Oral Biol Med 2004;15:264–81.
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[3] Steinherz R, Chesney RW, Schulman JD, et al. Circulating vitamin D metabolites in nephropathic cystinosis. J Pediatr 1983;102:592–4. [4] Chesney RW, Rosen JF, Hamstra AJ, et al. Serum 1,25-dihydroxyvitamin D levels in normal children and in vitamin D disorders. Am J Dis Child 1980;134:135–9. [5] Loirat C. Symptomatic therapy. In: Broyer M, editor. Cystinosis. Elsevier Paris; 1999. p. 97–102.
G. Deschênes Assistance publique–Hôpitaux de Paris, Paris, France Adresse e-mail :
[email protected] (G. Deschênes). Disponible sur internet le 12 mai 2006 0929-693X/$ - see front matter © Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2006.03.109
Hypophosphatémies aiguës : prise en charge Management of acute hypophosphatemia Mots clés : Hypophosphatémie aiguë ; Syndrome de renutrition ; Acidocétose diabétique ; Anorexie mentale Keywords: Acute hypophosphatemia; Renutrition syndrome; Diabetic keto acidosis; Anorexia nervosa
Le phosphore a, dans l’organisme, une distribution très large rendant compte de son rôle essentiel dans le métabolisme cellulaire, mais également des conséquences que peut avoir sa carence. De nombreuses situations peuvent induire une déplétion phosphorée aiguë dont la réalité n’a été reconnue en pédiatrie que depuis une vingtaine d’années [1,2], peu d’études étant par ailleurs réalisées sur ce thème. 1. Causes (Tableau 1) L’existence d’une hypophosphatémie aiguë peut relever de 3 mécanismes : 1.1. Carence d’apports et défauts d’absorption Les carences d’apport sont devenues exceptionnelles : prématuré nourri au lait de femme sans supplément en phosphore, enfant présentant une malnutrition protéinocalorique, en particulier s’il existe une diarrhée, nutrition parentérale prolongée avec apport inadapté en phosphate. L’absorption de grandes quantités d’hydroxyde d’alumine dans l’insuffisance rénale pourrait entraîner une hypophosphatémie sévère de même qu’une épuration extrarénale excessive par hémodialyse.
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Tableau 1 Causes principales et mécanismes des hypophosphatémies aiguës Causes Dénutrition Traitement par les diurétiques Excès de chélateurs (hydroxyde d’alumine) Carence d'apport En phosphore Nutrition parentérale Corticothérapie Pathologies aiguës Alcalose ventilatoire Choc septique Accès palustre Chirurgie lourde Traumatisme crânien Brûlures graves Acidocétose traitée Syndrome de renutrition
Mécanisme(s) Carence d'apport Perte rénale Baisse de l'absorption digestive
Absorption digestive réduite Quantité limitée de phosphore dans les préparations Baisse de l'absorption digestive Transfert cellulaire Indéterminé (cytokines) Fuite rénale Multifactoriel Perte rénale Multifactoriel Transfert Transfert intracellulaire
1.2. Pertes rénales Pertes rénales dans le cadre de situations induisant une diurèse excessive (acidocétose diabétique, traumatisme crânien) 1.3. Transferts Transferts de phosphates libres du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire. Il se produit lorsque les activités de phosphorylation intracellulaire subissent une majoration importante, lors de l’accélération de la glycolyse, d’une phosphorylation oxydative, de la synthèse de protéines. Un tel transfert et donc la diminution de la phosphatémie s’observent au cours des alcaloses respiratoires, de l’acidocétose diabétique et des renutritions. Dans le diabète sucré, les phosphates sont d’abord mobilisées vers le secteur extracellulaire, mais l’insulinothérapie, en favorisant la pénétration intracellulaire du glucose et les réactions de phosphorégulations intracellulaires, va entraîner un effondrement de la phosphatémie. La renutrition des enfants dénutris, adolescents avec anorexie mentale, ou la phase de récupération des brûlés graves, sont des situations où la reprise de l’anabolisme entraîne des hypophosphatémies. 2. Manifestations cliniques [3] On attribue les manifestations cliniques de l’hypophosphatémie à une baisse de la concentration intracellulaire des ions phosphates, cela conduisant à une baisse des nucléotides (ATP, AMP), pouvant conduire à la mort cellulaire. Autre conséquence : la baisse du 2-3 diphosphoglycérate (2-3 DPG) lié à l’hémoglobine et qui favorise la dissociation de l’oxygène et de l’hémoglobine. Cette baisse accentue la liaison Hb-02 déplaçant la courbe de saturation de l’hémoglobine vers la gauche, faisant diminuer le P50 et donc la libération d’oxygène au niveau des tissus.
Les manifestations cliniques peuvent apparaître chez l’enfant pour des phosphatémies inférieur à 0,6 mmol/l (20 mg/l), et inférieur à 1 mmol/l (30 mg/l) chez le nouveau-né. Elles peuvent être : ● Musculaires : en cas d’hypophosphatémie aiguë, on peut observer une rhabdomyolyse. Il peut s’agir également de baisses des performances myocardiques, pouvant induire un collapsus cardiogénique, voire une insuffisance respiratoire par altération de la musculature thoracique ; ● Neurologiques : le profil peut être de type « encéphalite » avec irritabilité, dysarthrie, confusion, voire coma, ou celui d’un syndrome de Guillain-Barré, observé au cours de la renutrition des situations de dénutritions protéinocaloriques (kwashiorkor) ; ● Hématologiques : la baisse de l’ATP et du 2-3 DPG érythrocytaires entraîne un raccourcissement de la durée de vie des hématies, les fonctions des polynucléaires neutrophiles étant altérées ; ● Gastro-intestinales : la déplétion de l’ATP et du 2-3 DPG affecte la musculature lisse du tractus digestif avec dysphagie, iléus intestinal ; ● Rénales : l’hypercalciurie est une conséquence de l’hypophosphatémie. Elle est en partie d’origine tubulaire, résultant également de l’ostéolyse et de l’augmentation de synthèse du 1-25 OHD, qui majore l’absorption intestinale du calcium. Elle peut induire une néphrocalcinose ; ● Effet sur la calcémie : une hypercalcémie, conséquence de l’ostéolyse et de l’augmentation de synthèse de 1-25 OHD, survient en particulier chez le nouveau-né. 3. Traitement (Tableau 2) Les objectifs théoriques de la supplémentation dans la situation d’hypophosphatémie aiguë sont multiples : réduire l’incidence des troubles du rythme cardiaque, corriger une incompétence myocardiaque, améliorer le transport et la délivrance tissulaire de l’oxygène, réduire les symptômes neuromusculaires et améliorer les fonctions granulocytaires [4]. Une supplémentation préventive doit être envisagée dans 2 circonstances : l’alimentation parentérale et le traitement de la dénutrition grave. La prise de conscience des besoins élevés en phosphates chez le prématuré, et leur compensation systématique par le recours à une alimentation parentérale adaptée mais aussi à la supplémentation en phosphates du lait maternel, a considérablement réduit l’incidence de ce trouble biologique [5]. Au cours de l’alimentation parentérale totale de l’enfant, les besoins quotidiens de phosphore sont de 1,3 mmol/kg pour un apport azoté de 400 mg/j et de calcium de 0,4 à 0,6 mmol/kg par jour, le monitorage comportant les contrôles réguliers de calcium urinaire qui ne doit pas dépasser 5 mg/kg par 24 heures, et la mesure de l’activité des phosphatases alcalines [6].
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Tableau 2 Différentes formes galéniques utilisables dans les hypophosphatémies (Vidal 2005) Phosphoneuros® Potion de Joulié Phosphore Medifa® Intraveineux Phosphate dipotassique
Per os Soluté buvable d'acide phosphorique, de phosphate mono et dicalcique, et de glycérophosphalide magnésium Phosphate disodique 34 g phosphate monosodique 17 g QSP 250 ml Manganèse glycerophosphate––phosphate monopotassique
1 cp effervescent apporte 750 mg de phosphore élément 1 ml = 1 mmol = 17 mg de phosphore élément 1 ml = 0,33 mmol = 10 mg de phosphore élément
Glucose 1 phosphate disodique (Phocytan®)
Chez l’enfant dénutri, et c’est le cas aussi dans l’anorexie mentale, la prévention du syndrome de renutrition justifie également une supplémentation systématique. En effet, le risque d’hypophosphatémie survient au cours de la première semaine, justifiant d’une surveillance de la phosphorémie et d’une supplémentation orale de l’ordre de 30 à 60 mg/kg par jour en 3 prises [7]. Le traitement de l’hypophosphatémie de transfert est plus discutable car, en l’absence de carence phosphorée sousjacente, la phosphatémie se corrige dès l’arrêt du mécanisme de déclenchement. Au cours de l’acidocétose diabétique, par exemple, des essais comparatifs ont montré que l’hypophosphatémie régressait de manière équivalente avec le seul traitement symptomatique alors qu’il a été cependant montré qu’une supplémentation phosphorée diminuait l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène, améliorant ainsi sa délivrance tissulaire [8]. Il n’existe, enfin, pas d’étude contrôlée ayant documenté l’intérêt d’une supplémentation phosphorée chez l’enfant septique ou en situation postopératoire. Cependant, la majorité des auteurs considèrent que des hypophosphatémies inférieur à 0,3 mmol/l (10 mg/l) s’accompagnent d’une déplétion et doivent être traitées [4]. Chez le nouveau-né, en particulier prématuré, l’hypophosphatémie inférieur à 0,6 mmol/l (20 mg/l) s’accompagnant d’une hypercalcémie nécessite sa correction. L’administration de phosphore par voie veineuse s’impose dans les hypophosphatémies sévères de l’enfant. On dispose de phosphate dipotassique, utile en cas d’hypokaliémie associée, mais d’utilisation mal aisée (si des sels de calcium doivent être simultanément administrés du fait du risque de précipitation), et du glucose 1 phosphate disodique. La posologie est de l’ordre de 0,3 à 0,7 mmol/kg à administrer lentement en 12 heures [9]. Le risque de précipitation de sels de calcium dans les tissus mous doit être considéré, surtout en cas d’hypercalcémie associée.
10 gouttes apportent 78,8 mg de phosphore élément 10 ml apportent 340 mg de phosphore élément
Références [1] Miller RR, Menke JA, Mentser MI. Hypercalcemia associated with phosphate depletion in the neonate. J Pediatr 1984;105:814–7. [2] Mezoff AG, Gremse DA, Farell MK. Hypophosphatemia in the nutritional recovery syndrome. Arch J Dis Child 1989;143:1111–2. [3] Dumas R. Hypophosphatémies du nourrisson et de l’enfant. In: Garabedian M, Dumas R, David L, Mallet E, editors. Métabolisme phosphocalcique et pathologie chez l’enfant. Paris: Flammarion; 1993. p. 41–5. [4] Thomas C, Fourrier F. Hypophosphatemia in the ICU. Reanimation 2003; 12:280–7. [5] Salle B, David L. Troubles du métabolisme phosphocalcique en période néonatale. In: Garabedian M, Dumas R, David L, Mallet E, editors. Métabolisme phosphocalcique et pathologie chez l’enfant. Paris: Flammarion; 1993. p. 56–65. [6] Goulet O, Navarro J. Nutrition parentérale chez l’enfant. In: Navarro J, Schmitz J, editors. Gastro-entérologie pédiatrique. Paris: Flammarion; 2000. p. 699–710 (2e édition). [7] Ornstein RM, Golden NH, Jacobson MS, et al. Hypophosphatemia during nutritional rehabilitation in anorexia nervosa: implications for refeeding and monitoring. J Adolesc Health 1998;66:138–9. [8] Mallet E, Czernichow P. Troubles du métabolisme phosphocalcique et diabète de l’enfant. In: Garabedian M, Dumas R, David L, Mallet E, editors. Métabolisme phosphocalcique et pathologie chez l’enfant. Paris: Flammarion; 1993. p. 137–40. [9] Leke L, Kochert F, Krim G, et al. Hypophosphatémies. Conséquences cliniques et biologiques, stratégies diagnostiques. Arch Fr Pediatr 1991;45: 495–505.
E. Mallet Département de pédiatrie médicale, CHU C.-Nicolle, 76000 Rouen, France Adresse e-mail :
[email protected] (E. Mallet). Disponible sur internet le 12 mai 2006 0929-693X/$ - see front matter © Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2006.03.110