Imagerie des voies optiques préchiasmatiques

Imagerie des voies optiques préchiasmatiques

Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 979—991 FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . . Imagerie des voies optiqu...

5MB Sizes 380 Downloads 427 Views

Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 979—991

FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . .

Imagerie des voies optiques préchiasmatiques夽 N. Menjot de Champfleur ∗, N. Leboucq , S. Menjot de Champfleur , A. Bonafé Service de neuroradiologie, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France

MOTS CLÉS Nerf optique ; Orbites ; IRM

Résumé L’atteinte du nerf optique (NO) se caractérise par une baisse d’acuité visuelle. Les lésions du nerf optique dans sa portion préchiasmatique peuvent être d’origine traumatiques, congénitales, tumorales (méningiome, gliome), inflammatoires ou vasculaires. Dans tous les cas, l’IRM est l’exploration de choix, réalisée avec des coupes axiales et coronales de 2,5—3 mm d’épaisseur en pondération T1 écho de spin et T2 écho de spin. Les coupes coronales pourront être réalisées avec saturation du signal de la graisse pour une étude élective de la taille du NO dans sa portion rétrobulbaire. © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Le nerf optique (NO) fait partie du système nerveux central. Les axones des neurones ganglionnaires rétiniens convergent au niveau du disque optique, traverse la sclère pour former le NO. Le segment orbitaire va de la partie postérieure du globe à l’apex orbitaire. Dans ce segment, le nerf est bien visualisé en IRM entouré de liquide cérébrospinal et d’une gaine périphérique duremérienne. Dans ce segment, le NO est bien visible en coupes coronales pondérées T2 avec saturation du signal de la graisse ou dans le plan axial sur des coupes réalisées selon le plan neuro-oculaire. Les données morphologiques dérivées de l’imagerie scanner [1] ou IRM [2] chez l’adulte ou l’enfant [3] sont rares. Chez l’adulte le diamètre moyen du complexe NO — gaine du

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.06.001. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : nicolasdechampfl[email protected] (N. Menjot de Champfleur). 夽

2211-5706/$ — see front matter © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.04.004

980 NO dans le plan axial, en pondération T1 mesuré à midistance entre la partie postérieure du globe et l’apex orbitaire, est de 4,4 mm (3,4—5,5 mm) sans différence significative de taille selon le côté ou le sexe [2]. Le segment intracanalaire, dans le canal optique, sur une longueur de 5 mm et un diamètre de 3 à 4 mm, conduit le NO accompagné de ses graines méningées de la cavité orbitaire à la région suprasellaire. Le segment intracrânien va du foramen optique au chiasma sur une longueur d’environ 10 mm, orienté en haut, en arrière et en dedans, entouré de piemère. À sa sortie du canal optique, le NO surcroise l’artère carotide interne et passe au-dessous du segment A1 de l’artère cérébrale antérieure. Les nerfs optiques convergent sur la ligne médiane pour former le chiasma optique où les fibres provenant des hémirétines nasales croisent la ligne médiane, alors que celles provenant hémirétines temporales poursuivent leur trajet homolatéral.

N. Menjot de Champfleur et al.

Lésions traumatiques du nerf optique Les lésions traumatiques du nerf optique résultent soit de plaies pénétrantes de l’orbite ou de lésion traumatique de la base du crâne avec embrochage du NO par des esquilles osseuses. La zone la plus vulnérable est le passage du NO dans le canal optique. Le scanner est la modalité de choix pour mettre en évidence des lésions osseuses du cadre orbitaire, des parois du canal optique, (petite aile du sphénoïde, jugum sphénoïdal) ; d’éventuel corps étranger intra-orbitaire ; un hématome intraconique ou un hématome sous-périosté responsable d’une compression indirecte du NO. L’IRM ne doit pas être proposée avant d’avoir dédouané l’éventualité d’un corps étranger métallique par scanner [4].

Malformations congénitales — pathologies dégénératives Sémiologie clinique L’atteinte du NO se caractérise par une baisse d’acuité visuelle sous la forme d’un scotome central et/ou d’une amputation sectorielle quadrantique du champ visuel. Les modalités d’installation des troubles visuels sont variables : lentement progressives ; elles orientent vers une pathologie tumorale ; d’installation brutale elles font évoquer un processus inflammatoire.

Modalités d’exploration L’étude du NO fera appel aux ultrasons (utiles pour explorer des lésions du globe oculaire et leurs extensions à la tête du NO). Au scanner X, réalisé en acquisition hélicoïdale avec reconstructions multiplanaires ; épaisseur de coupes de 0,5 mm, avec étude en fenêtre osseuse et fenêtre tissulaire. L’angioscanner peut présenter un intérêt pour l’étude des lésions tumorales et les malformations vasculaires de l’orbite. L’IRM est l’exploration de choix et doit être réalisée selon les préconisations du guide de bon usage et édicté par la SFR, avec réalisation de coupes axiales et coronales de 2,5—3 mm d’épaisseur en pondération T1 écho de spin et T2 écho de spin. Les coupes coronales pourront être réalisées avec saturation du signal de la graisse pour une étude élective de la taille du NO dans sa portion rétrobulbaire. Les séquences T1 après injection intraveineuse de gadolinium devront être réalisées dans les plans axial et coronal avec saturation du signal de la graisse pour une mise en évidence élective des prises de contraste du NO, des gaines méningées, du contenu rétrobulbaire de l’orbite, du cône musculo-aponévrotique et des glandes lacrymales. Une angioRM TOF 3D ou T1 dynamique après injection intraveineuse de gadolinium seront proposées en cas de suspicion de malformation vasculaire à flux rapide. Une exploration IRM encéphalique (au minimum séquence flair et 3D T1 gadolinium) sera réalisée de manière systématique en cas de lésions inflammatoire, infectieuse ou tumorale des voies visuelles antérieures.

Colobomes Il s’agit d’un défaut de fermeture de la fissure embryonnaire ou fente colobomique. Anomalie isolée ou associée à des anomalies de l’iris, du cristallin et des trois tuniques membranaires du globe. Les colobomes représentent 2 % des malformations congénitales oculaires isolées ou associées dans le cadre de syndromes polymalformatifs. En IRM, le colobome rétinien prend un aspect de dilatation kystique de la tête du NO se prolongeant le long du NO intra-orbitaire sur une distance variable, avec formation de poche liquidienne diverticulée pouvant comprimer le NO. La mise en évidence d’un colobome doit faire rechercher un syndrome de CHARGE (Fig. 1) (atrésie des choanes, agénésie des bulbes olfactifs [5], malformation de l’oreille interne ou externe [6], etc.).

Atrophie optique dominante Les neuropathies optiques héréditaires sont des affections dégénératives des cellules ganglionnaires de la rétine entraînant une perte des axones du NO. L’atrophie optique dominante à début insidieux et d’évolution lente, et la neuropathie optique héréditaire de Leber, à début brutal et d’évolution rapide sont les deux formes non syndromiques les plus fréquentes [7]. Leur diagnostic est moléculaire (gènes OPA1 et OPA3 et mutation sur l’ADN mitochondrial). Dans 10 % des cas, il existe une atteinte multi-systémique pouvant associer surdité, ataxie, myopathie, neuropathie périphérique, paraparésie spastique, SEP-like et ophtalmoplégie externe bilatérale progressive. En imagerie, on recherchera une atrophie sévère des voies optiques (Fig. 2), des anomalies de la substance blanche, du cervelet, la présence d’un pic de lactate en spectroscopie.

Neuropathie optique héréditaire de Leber Elle a également une origine mitochondriale par déficience du complexe 1 de la chaîne respiratoire par mutation des gènes mitochondriaux ND1, ND4 et ND6. Elle est de transmission non mendélienne à pénétrance variable. La perte

Imagerie des voies optiques préchiasmatiques

981

Figure 1. Syndrome de CHARGE. Les coupes axiales passant par les orbites et rochers en séquence pondérée T2 CISS 3D (a et b) identifient des colobomes iriens (a, tête de flèche blanche) et rétiniens (a, tête de flèche noire) bilatéraux ainsi qu’un hypoplasie cochléaire (a, flèche blanche) et une agénésie des canaux semi-circulaires (b, tête de flèche blanche). Les coupes coronales réalisées sur les bulbes olfactifs (c et d) retrouvent une hypoplasie des bulbes olfactifs (flèches blanches).

de la vision débute entre 18 et 35 ans chez l’homme et vers la ménopause chez la femme. Il a été décrit de possible manifestation extra-oculaire : ataxie, surdité, dystonie, syndrome parkinsonien, trouble de la conduction cardiaque (Wolff-Parkinson-White), myopathie, syndrome SEP-like avec une atteinte de la substance blanche en IRM [8].

Tumeurs Les tumeurs du NO les plus fréquentes sont le gliome et le méningiome. Les autres tumeurs sont plus rares, il s’agit d’hémangioblastomes, d’hémangiopéricytomes et de gangliogliomes.

982

N. Menjot de Champfleur et al.

Figure 2. Atrophie optique dominante. IRM en coupes coronales pondérées T1 écho de spin sur les nerfs optiques (a) et le chiasma optique (b), et en coupes coronales T2 écho de spin avec saturation du signal de la graisse sur les nerfs optiques (c) et le chiasma optique (d). L’examen révèle une atrophie sévère des nerfs optiques (têtes de flèches noires) et du chiasma optique (têtes de flèches blanche).

Gliome du nerf optique Il s’agit d’une tumeur de l’enfant avec un pic d’incidence entre deux et huit ans. Les gliomes du NO sont des astrocytomes pilocytiques faiblement évolutifs. On distingue des formes sporadiques et des formes syndromiques qui surviennent dans le cadre de la neurofibromatose de type 1 (NF1).

Les gliomes du NO peuvent se développer sur toutes les portions intra-orbitaires, intracanalaires ou intracrâniennes du NO. Ils se caractérisent par un élargissement fusiforme et une plicature du NO et peuvent être associés ou non à un élargissement du canal optique ou une exophtalmie [9]. En IRM (Fig. 3 et 4), sur les pondérations T1 la lésion est iso-hypointense par rapport à la substance blanche avec ou

Imagerie des voies optiques préchiasmatiques

983

Figure 3. Gliome du nerf optique gauche. Les séquences pondérées T2 écho de spin dans le plan coronal (a) et axial (b et c) identifient une dilatation du nerf optique gauche dans ses portions rétrobulbaire (figure a, tête de flèche blanche), intracanalaire (b, tête de flèche blanche) et intracrânienne (c, tête de flèche blanche). Les coupes réalisées après injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse dans le plan coronal et axial révèlent une prise de contraste annulaire du nerf optique gauche intraconique (d, e et f, flèches noires) et intracanalaire.

sans composante kystique mucineuse ou nécrotique de signal très hypointense. Dans le cas des formes sporadiques, on note une extension au chiasma constante et la présence de kystes dans 54 % des cas [10]. Dans les formes syndromiques associées à la NF1 l’atteinte du NO est isolée dans 71 % des cas et il n’est pas retrouvé de composante kystique. La prolifération tumorale est la cause d’une élongation du nerf avec élargissement tubulaire et sinuosités. La prise de contraste est variable homogène ou hétérogène. Dans le cadre de la NF1, le caractère bilatéral du gliome est caractéristique ainsi que l’association avec des « objets blancs non identifiés » (noyaux gris centraux, pont, cervelet), neurofibromes plexiformes, dysplasie sphénoïdale et autres tumeurs cérébrales. L’évolutivité est faible, la régression possible. À l’inverse, les gliomes du NO qui surviennent en dehors de la NF1 ont une évolution péjorative et se propagent aux voies visuelles et en dehors au parenchyme cérébral [4,11].

Méningiome du nerf optique Les méningiomes du nerf optique surviennent chez la femme entre 30 et 50 ans. La forme bilatérale est caractéristique de

la neurofibromatose type 2. On distingue des formes primitives à partir des cellules arachnoïdiennes de la gaine du NO et des formes secondaires par extension à la gaine du NO de méningiomes parasellaires ou de l’étage moyen. Ils se présentent par une baisse d’acuité visuelle progressive, une exophtalmie, une atrophie optique et des plis rétiniens au fond d’œil. En imagerie (Fig. 5), l’aspect est soit celui d’un élargissement fusiforme, soit celui d’une formation nodulaire excentrique accolée au NO sans ou avec microcalcifications (vues au scanner). La séquence T1 après injection intraveineuse de gadolinium et saturation du signal de la graisse permet une meilleure évaluation de l’extension tumorale. L’aspect « en rail » en IRM et au scanner est évocateur : hyposignal central ou hypodensité du NO soulignée par le renforcement de signal en bandes parallèles de la gaine duremérienne du NO après injection de produit de contraste. L’effacement des espaces liquidiens péri-optiques, l’épaississement de la gaine du NO et l’hypointensité du nerf optique sont recherchés en coupes coronales T2. L’extension au canal optique, à la gouttière optique et l’extension controlatérale seront recherchés dans les plans coronal et axial en pondération T1 après

984

N. Menjot de Champfleur et al.

Figure 4. Gliome du nerf optique droit. IRM du nerf optique. Les séquences en pondération T2 écho de spin en coupes coronales (Figures a et b) identifient une augmentation de volume du nerf optique droit intra-orbitaire (a, tête de flèche noire) étendue à la portion intracrânienne (b, tête de flèche noire), sans modification de signal. Les séquence T1 écho de spin après injection intraveineuse gadolinium et saturation du signal de la graisse en coupe coronales (c et d) révèlent une prise de contraste de la portion rétrobulbaire du nerf optique (c, flèche blanche) sans extension aux portions intracrâniennes (d, flèche noire) et intracanalaire du nerf.

Imagerie des voies optiques préchiasmatiques

985

Figure 5. Méningiome du nerf optique. IRM orbitaire. Les coupes coronale pondérées T2 écho de spin avec saturation du signal de la graisse identifient une formation tumorale englobant et comprimant le nerf optique (a, tête de flèche noire), présentant au niveau de sa portion intracrânienne un hypersignal intrafasciculaire (b, tête de flèche blanche). Les séquences réalisées après injection de produit de contraste et saturation du signal de la graisse identifient une prise de contraste homogène de la masse (c, flèche blanche) avec renforcement en rail des gaines du nerf optique (d, flèche noire).

986

N. Menjot de Champfleur et al.

injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse.

associée à une pathologie infectieuse (maladie des griffes du chat).

Extension des tumeurs du globe oculaire au nerf optique

Syndrome de Devic ou neuromyélite optique

Le rétinoblastome chez l’enfant et le mélanome malin chez l’adulte sont les tumeurs malignes les plus fréquemment en cause. L’échographie et l’IRM permettent de réaliser le staging tumoral et le suivi post-thérapeutique [12].

Pathologies inflammatoires Névrite optique rétrobulbaire D’un point de vue clinique, elle se caractérise par un début brutal avec chute de l’acuité visuelle (ou rapidement progressive en 48 heures à deux semaines) associée à une douleur rétrobulbaire. Dans 10 à 15 % des cas, les troubles visuels persistent de sévérité variable. À la phase aiguë, l’IRM en pondération T2 coronale avec saturation du signal de la graisse permettra de mettre en évidence l’œdème du NO sous la forme d’un hypersignal T2 et les prises de contraste segmentaires ou en totalité du NO pouvant gagner le chiasma optique. Les signes associés sont une prise de contraste étendue aux gaines avec séquestration de liquide céphalo-rachidien en amont des zones d’étranglement dans 45 % des cas [8]. L’étude des voies optiques (Fig. 6) doit être couplée à une étude IRM encéphalique et médullaire qui permettront de retrouver les hypersignaux de la substance blanche dans 77 % des cas, une activité lésionnelle avec rupture de barrière dans 26 % des cas et des hypersignaux T2 médullaires dans 26 % des cas. Le risque de développer une sclérose en plaques (SEP) est de 40 % à dix ans et de 50 % à 20 ans [13]. Le diagnostic de SEP par IRM ne requiert plus la réalisation d’un examen de référence à j30 avec majoration de la charge lésionnelle à j180 [14]. Le diagnostic est établi sur l’examen IRM initiale si les critères de dissémination spatiale et temporelle sont réunis : • dissémination spatiale : supérieure ou égale à deux lésions en hypersignal T2 asymptomatiques distribuées sur au moins deux des quatre localisations cibles (périventriculaire, juxta-corticale, infra-tentorielle ou médullaire) ; • dissémination temporelle : une prise de contraste asymptomatique [15]. Une névrite optique rétrobulbaire est cependant non spécifique d’une SEP et peut se voir dans le cadre de vascularite autoimmune, d’une neurosarcoïdose ou être

Il associe un tableau de névrite optique rétrobulbaire et de myélite. La mise en évidence d’un auto-anticorps (NMOIgG) dirigé contre l’aquaporine 4 à permis de montrer que la malade de Devic était une maladie autoimmune autonome à médiation essentiellement humorale. Les critères diagnostiques de neuromyélite optique de Devic [16] associent myélite transverse aiguë, et névrite optique et au moins deux des critères suivants : • IRM cérébrale normale (ou non évocatrice de SEP) ; • IRM médullaire avec une lésion supérieure ou égale à trois segments vertébraux ; • sérologie NMO-IgG positive.

Processus inflammatoires de l’orbite et des voies visuelles antérieures Processus inflammatoires de l’orbite et des voies visuelles antérieures [17] : sont soit idiopathiques (« pseudotumeur » de l’orbite) soit secondaire à une maladie systémique (vascularite, granulomatose, processus lymphoprolifératifs). L’atteinte du NO caractérisée par une infiltration lymphoplasmocytaire des gaines méningées, fait partie intégrante d’un tableau plus vaste dans lequel tous les constituants de l’orbite peuvent être impliqués : atteinte musculaire (myosite), atteinte du pôle postérieure du globe (épisclérite), infiltration de la graisse rétrobulbaire, atteinte des glandes lacrymales (dacryo-adénite). Les lésions inflammatoires de l’orbite peuvent être diffuses ou monofocales (myosite, dacryo-adénite ou inflammation périneurale du NO). Le tableau radiologique est non spécifique, mais avant de retenir le diagnostic d’inflammation idiopathique de l’orbite (pseudotumeur de l’orbite) de nombreux diagnostics différentiels devront être écartés : sarcoïdose, granulomatose de Wegner, maladie de Crohn, thyroïdite autoimmune, lupus érythémateux disséminé, maladie d’Erdheim-Chester, histiocytose X, tumeur myofibroblastique. L’atteinte inflammatoire peut porter sur la loge caverneuse et réaliser le syndrome de Tolosa-Hunt (Fig. 7) caractérisée par une ophtalmoplégie douloureuse avec paralysie des nerfs oculomoteurs, atteinte du V1 et du sympathique péricarotidien. L’atteinte du NO, par extension du processus inflammatoire à l’apex orbitaire, est rare. Les formes ayant bénéficié d’un diagnostic histopathologique montrent la présence d’un granulome inflammatoire dont la mise en évidence par IRM est nécessaire pour établir un diagnostic formel [18].

Figure 6. Névrite optique rétrobulbaire droite. IRM cérébro-orbitaire. Les séquences en pondération T2 écho de spin, en coupe axiale de 3 mm d’épaisseur montrent une très discrète augmentation de taille du nerf optique intracrânien droit (a, tête de flèche blanche). Les coupes axiales T1 écho de spin après injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse identifient une prise de contraste homogène du nerf optique intracrânien sans extension au chiasma optique ou au nerf optique orbitaire (b, tête de flèche noire). Les coupes coronales T2 écho de spin retrouvent l’augmentation de taille du nerf optique intracrânien en hypersignal (c, flèche blanche) et les coupes coronales T1 après injection intraveineuse de produit de contraste identifient une prise de contraste de la portion intracrânienne du nerf (d, flèche noire). Les acquisitions encéphaliques en coupe axiale T2 FLAIR permettent la visualisation de lésions en hypersignal de la substance blanche paraventriculaire (e) et du centre ovale (figure f).

Imagerie des voies optiques préchiasmatiques

987

988

N. Menjot de Champfleur et al.

Figure 7. Syndrome de Tolosa-Hunt. IRM des sinus caverneux. Sur les séquences en pondération T2 écho de spin, dans le plan axial, la loge caverneuse droite apparaît épaissie, en hyposignal T2 (a, tête de flèche noire). Cet aspect du sinus caverneux est associé à une oblitération des espaces veineux intracaverneux du côté droit, retrouvée sur les coupes coronales T2 écho de spin après saturation de la graisse (b, tête de flèche noire). La gaine du nerf optique droit est dilatée (c, tête de flèche blanche). Les coupes axiales T1 après injection de produit de contraste et suppression du signal de la graisse permettent d’identifier une prise de contraste homogène de la loge caverneuse droite (d, tête de flèche noire).

Imagerie des voies optiques préchiasmatiques Il convient toutefois de rappeler les limites de l’imagerie IRM au diagnostic étiologique des lésions lymphoprolifératives de l’orbite sur la base des données IRM. Ainsi, les processus lymphoprolifératifs de l’orbite ne peuvent être différenciés par IRM (lymphome, hyperplasie lymphoïde réactionnelle, processus inflammatoire de l’orbite idiopathique ou secondaire et pathologie orbitaire liée aux IgG 4). Le diagnostic final repose sur la mise en œuvre de techniques immuno-histochimiques et des techniques de biologie moléculaire sur prélèvements biopsiques.

Pathologies vasculaires Neuropathie optique ischémique Survient soit dans un contexte non artéritique (imagerie non contributive), soit dans un contexte de vascularite (artérite temporale de Horton). Une imagerie 3T de la paroi vasculaire après injection de gadolinium est indiquée avant mise sous-traitement corticoïde. Le profil de prise de contraste de la paroi vasculaire permet de distinguer une plaque athéromateuse instable (prise de contraste focale, excentrique), d’une prise de contraste inflammatoire (prise de contraste diffuse, concentrique) et d’une dissection intracrânienne [19].

Fistule carotido-caverneuse Shunts artérioveineux directs (traumatique) ou indirects (fistule durale) ; d’alimentation multipédiculaire par les branches méningées du siphon carotidien et du territoire carotidien externe et le sinus caverneux ; les fistules sont responsables d’une baisse d’acuité visuelle par engorgement veineux de l’orbite avec augmentation du tonus oculaire. La baisse d’acuité visuelle est associée à une exophtalmie, un chémosis, un œdème conjonctival, un souffle intracrânien. Le diagnostic IRM (ou scanner) se fait sur la dilatation de la veine ophtalmique supérieure, l’expansion de la loge caverneuse, la visualisation de l’arborisation des pédicules artériels d’alimentation dans le sinus caverneux sur les images natives en ARM TOF 3D, et enfin sur le shunt artérioveineux confirmé sur l’angioRM T1 dynamique après injection intraveineuse de gadolinium.

989

Anévrisme intracrânien Deux localisations anévrismales avec retentissement direct sur le NO sont possibles : les anévrismes para-ophtalmiques siègent sur la terminaison carotidienne, se développent vers le haut et en dedans au contact du NO ; les anévrismes de l’artère communicante antérieure lorsque le sac anévrismal est dirigé vers le bas dans la citerne préchiasmatique compriment la face médiale du NO. Le diagnostic est évoqué sur les données de l’imagerie IRM en coupes (structure vasculaire à flux rapide vide de signal en T1 et T2). On recherchera des modifications de signal intrasacculaire liées au phénomène de thrombose spontanée : hypersignal si thrombus récent ; structuration lamellaire et hypoisointensité en bulbe d’oignon si thrombose ancienne. Une confirmation du diagnostic d’anévrisme sera apportée par ARM ou angioscanner.

Hypertension intracrânienne idiopathique Caractérisée par des céphalées invalidantes et des troubles visuels est observée préférentiellement chez les femmes obèses en âge de procréer. L’évolution peut être péjorative et peut conduire à l’atrophie optique. Le diagnostic repose sur les signes (œdème papillaire) et des symptômes rapportés à l’hypertension intracrânienne (HIC) (acouphènes pulsatiles, diplopie, déficit cognitif), l’élévation de la pression d’ouverture du LCR en position latérale supérieur à 20 cm d’eau, une analyse cytochimique du LCR normale et l’exclusion par l’imagerie IRM de tout autre cause d’hypertension intracrânienne (en particulier une thrombose des sinus veineux intracrâniens). Les risques évocateurs d’une HIC idiopathique sont : un aplatissement du pôle postérieur du globe oculaire, une protrusion et une prise de contraste de la tête du NO ; un élargissement des gaines du NO, une selle turcique vide [20] (Fig. 8). La technique de veino-IRM préconisée est une séquence angioRM après injection de gadolinium et annulation du signal du parenchyme cérébral qui permet une étude tridimensionnelle du réseau veineux intracrânien. L’HIC idiopathique par lésion sténo-occlusive du sinus latéral est discutée, cependant une sténose d’un sinus veineux intracrânien avec gradient de pression supérieur ou égal à 10 mmHg peut bénéficier de la mise en place d’un stent [21].

990

N. Menjot de Champfleur et al.

Figure 8. Hypertension intracrânienne bénigne. IRM cérébro-orbitaire. Sur les coupes axiales (a) et coronales (b) T2 turbo spin écho, la gaine des nerfs optiques est dilatée (têtes de flèches noires). En coupe sagittale, la selle turcique prend un aspect de « selle turcique vide » (c, flèche noire). La séquence d’ARM veineuse permet d’identifier après injection intraveineuse de produit de contraste, par projection MIP en vue axiale (d) et fronto-sous-occipitale (figure e), une sténose bilatérale des sinus latéraux (têtes de flèches blanches).

Conclusion Les causes d’atteinte de la portion préchiasmatique du nerf optique sont nombreuses, traumatiques, inflammatoires, tumorales, malformatives ou vasculaires. L’étude du nerf passe par la réalisation d’une IRM comprenant des séquences dédiées, millimétriques, dans le plan axial et coronal. En fonction des hypothèses diagnostiques, cet examen sera complété par une étude encéphalique, médullaire ou vasculaire intracrânienne, intéressant les secteurs artériels ou veineux.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Sheikh M, Abalkhail S, Doi SAR, Al-Shoumer KAS. Normal measurement of orbital structures: implications for the assessment of Graves’ ophthalmopathy. Australas Radiol 2007;51(3):253—6.

[2] Ozgen A, Aydingoz U. Normative measurements of orbital structures using MRI. J Comput Assist Tomogr 2000;24(3):493—6 [Epub 2000/06/23]. [3] Shofty B, Ben-Sira L, Constantini S, Freedman S, Kesler A. Optic nerve sheath diameter on MR imaging: establishment of norms and comparison of pediatric patients with idiopathic intracranial hypertension with healthy controls. AJNR Am J Neuroradiol 2012;33(2):366—9. [4] Jäger HR, Miszkiel KA. Pathology of the optic nerve. Neuroimaging Clin N Am 2008;18(2):243—59 [preceding x]. [5] Blustajn J, Kirsch CFE, Panigrahy A, Netchine I. Olfactory anomalies in CHARGE syndrome: imaging findings of a potential major diagnostic criterion. AJNR Am J Neuroradiol 2008;29(7):1266—9. [6] Morimoto AK, Wiggins RH, Hudgins PA, Hedlund GL, Hamilton B, Mukherji SK, et al. Absent semicircular canals in CHARGE syndrome: radiologic spectrum of findings. AJNR Am J Neuroradiol 2006;27(8):1663—71. [7] Hamel C, Lenaers G. Neuropathies optiques héréditaires. EMC Ophtalmol 2007. [8] Becker M, Masterson K, Delavelle J, Viallon M, Vargas MI, Becker CD. Imaging of the optic nerve. Eur J Radiol 2010;74(2):299—313. [9] Shamji MF, Benoit BG. Syndromic and sporadic pediatric optic pathway gliomas: review of clinical and histopathological differences and treatment implications. Neurosurg Focus 2007;23(5):E3.

Imagerie des voies optiques préchiasmatiques [10] Chateil JF, Soussotte C, Pédespan JM, Brun M, Le Manh C, Diard F. MRI and clinical differences between optic pathway tumours in children with and without neurofibromatosis. Br J Radiol 2001;74(877):24—31. [11] Mentzel HJ, Seidel J, Fitzek C, Eichhorn A, Vogt S, Reichenbach JR, et al. Pediatric brain MRI in neurofibromatosis type I. Eur Radiol 2005;15(4):814—22. [12] Mahajan A, Crum A, Johnson MH, Materin MA. Ocular neoplastic disease. Semin Ultrasound CT MR 2011;32(1):28—37. [13] Group ONS. Multiple sclerosis risk after optic neuritis: final optic neuritis treatment trial follow-up. Arch Neurol 2008;65(6):727—32. [14] Polman CH, Reingold SC, Edan G, Filippi M, Hartung HP, Kappos L, et al. Diagnostic criteria for multiple sclerosis: 2005 revisions to the ‘‘McDonald Criteria’’. Ann Neurol 2005;58(6):840—6 [Epub 2005/11/12]. [15] Polman CH, Reingold SC, Banwell B, Clanet M, Cohen JA, Filippi M, et al. Diagnostic criteria for multiple sclerosis: 2010 revisions to the McDonald criteria. Ann Neurol 2011;69(2):292—302.

991 [16] Marignier R, Confavreux C. Devic’s neuromyelitis optica and related neurological disorders. Presse Med 2010;39(3): 371—80. [17] Gordon LK. Orbital inflammatory disease: a diagnostic and therapeutic challenge. Eye 2006;20(10):1196—206. [18] Colnaghi S, Versino M, Marchioni E, Pichiecchio A, Bastianello S, Cosi V, et al. ICHD-II diagnostic criteria for TolosaHunt syndrome in idiopathic inflammatory syndromes of the orbit and/or the cavernous sinus. Cephalalgia 2008;28(6): 577—84. [19] Swartz RH, Bhuta SS, Farb RI, Agid R, Willinsky RA, Terbrugge KG, et al. Intracranial arterial wall imaging using high-resolution 3-tesla contrast-enhanced MRI. Neurology 2009;72(7):627—34. [20] Degnan AJ, Levy LM. Pseudotumor cerebri: brief review of clinical syndrome and imaging findings. AJNR Am J Neuroradiol 2011;32(11):1986—93. [21] Kumpe DA, Bennett JL, Seinfeld J, Pelak VS, Chawla A, Tierney M. Dural sinus stent placement for idiopathic intracranial hypertension. J Neurosurg 2012;116(3):538—48.