Arch PCdiatr I999 0 Elsevier, Paris
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SuppI
: 397-9
PCdiatrie gCnCrale
Immunoglobulines polyvalentes en pkdiatrie gh&ale quelle place, pour quel risque, et h quel cotit ?
:
J.l? Dommergues, B. Bader-Meunier Service
de p&diatrie
g&e’rale.
h+ital
Bict?tre,
Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) sont des preparations therapeutiques d’Ig humaines polyvalentes obtenues a partir d’un pool de plasmas de plus de mille donneurs sains. D’abord utilisees dans les deficits immunitaires primitifs et dans certains deficits secondaires, la decouverte de leurs propriMs immunomodulatrices a conduit a Clargir considtrablement leur utilisation, notamment dans de nombreuses maladies inflammatoires ou auto-immunes. Les depenses likes a leur utilisation ont augment6 tres rapidement vers la fin des annees 1980 (70 millions de francs en 1991 sur l’ensemble de l’ AP-HP, soit quatre fois plus qu’en 1987). II est apparu que de nouvelles indications ttaient pastes saris preuve scientifique absolue de leur efficacite. Devant ce constat, le ComitC d’evaluation et de diffusion des innovations technologiques (Cedit) a mis en place un dispositif d’expertise permettant chaque annte de faire le point des indications therapeutiques reconnues, a tvaluer, ou non reconnues [ 11.En pediatric generale, les indications principales des IgIV a titre d’immunomodulation concement les purpuras thrombopeniques auto-immuns, la maladie de Kawasaki et le syndrome de Guillain-Barre. Nous rappellerons les principaux risques et effets indesirables de ces traitements avant de revenir sur ces principales indications.
78, me
du G@ne’ral-Leclerc.
Les IgIV sont en regle generale bien toltrees [2]. Les effets secondaires sevbes sont rares : choc anaphylactique chez des patients deficitaires en IgA immunises contre les IgA, anemies hemolytiques dues au transfert passif d’anticorps anti-ABO ou rhesus. Des cephalees, un flush, des douleurs lombaires, sont souvent associes a une vitesse de perfusion trop rapide et cessent avec la diminution du debit de perfusion. Cependant, dans ces dernikes an&es, les publications sur les effets adverses se sont multipliees : frequence
Le Kremlin-Bice^tre
des naustes, de cephalees importantes, de photophobie dans les heures suivant la perfusion avec parfois meningite aseptique avec pleiocytose et hyperproteinorachie moderee, durant quelques jours [3]. Les risques de transmission virale sont aujourd’hui minimes. Aucun cas de transmission du virus de l’immunodeficience humaine (VIH), des virus de l’hepatite A (VHA) et de l’hepatite B (VHB) n’a Ctt rapport6 mais plusieurs series de cas d’htpatite C (VHC) ont CtC d&rites en Europe et en Amerique du Nord [4]. Depuis, la securite virale des IgIV a tte renforcee ; elle est assume a plusieurs &apes de leur preparation par la selection des donneurs, le fractionnement du plasma et des methodes d’inactivation virale (pH acide, traitement par solvent-detergent, pasteurisation). Le risque residue1 apparait ainsi extrzmement faible. Cependant, I’ADN du parvovirus B a pu &tre detect6 sur certains lots, posant ainsi la question de la transmission possible du virus [5]. 11reste recommande de surveiller les transaminases chez les personnes recevant des IgIV, avant le traitement puis tous les six ou 12 mois. PRINCIPALES INDICATIONS DES IMMUNOGLOBULINES Traitement
EFFETS INDhSIRABLES ET COMPLICATIONS POSSIBLES DES IMMUNOGLOBULINES
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substitutif
PfiDIATRIQUES (tableau Z)
des dCficits immunitaires
Les IgIV sont indiquees dans le traitement des deficits immunitaires avec defaut de production d’anticorps. La prevention des infections chez les patients trait& releve de l’apport passif d’immunoglobulines et probablement d’effets immunomodulateurs des IgIV. Les deficits primitifs de I’immunitt humorale justifiant le traitement sont l’agammaglobulintmie de Bruton IiCe au chromosome X, l’hypogammaglobulinCmie d’expression variable (ou deficit immunitaire commun variable) et certains deficits symptomatiques en sous-classes d’IgG (principalement en IgG2), des deficits primitifs combines B et T tels que le
398s
J.P. Dommergues
Tableau I. Principales indications IglV en ptdiatrie. recommandations du comite d’experts de I’Assistance hopitaux de Paris (AP-HP), mars 1998. Groupe
Groupe
I
II
D’apres publique
les des
Indications reconnues Allogreffes de moelle osseuse Deficits immunitaires primitifs avec defaut de production d’anticorps Infections par le VIH associees a des infections bacteriennes a repetition Purpura thrombopenique auto-immun aigu et chronique Purpura thrombopenique associe a I’infection a VIH Syndromes hemorragiques par auto-anticorps anti-facteur VIII ou syndromes de Willebrand acquis Erythroblastopenies et neutropenies auto-immunes’ Cytopenies lites a une infection chronique a parvovirus B19 Maladie de Kawasaki Dermatomyosites corticorCsistantes2 Myasthenie aigue Indications ri Cvaluer Polymyosites corticortsistantes Neuropathies optiques immunes severes Syndrome de Guillain-Barre Lupus erythemateux systemique Anemies htmolytiques auto-immunes Prevention des infections chez le grand premature Formes resistantes de I’epilepsie de I’enfant Syndromes d’activation macrophagique
‘L’efficacitt des Ig intraveineuses est t&s probable mais n’a pas Ctt d6montr& raison de la faible pr&alence de la m&die. *L’effcacit6 des &IV est trks probable et fait I’objet d’un protocole AP-HP.
en
deficit immunitaire combine severe, le syndrome de Wiskott-Aldrich, l’ataxie telangiectasie, le syndrome d’hyperIgM lie a 1’X en rapport avec un deficit en ligand CD40. Chez ces patients, les IgIV sont administrtes le plus souvent a la dose de 05 g/kg toutes les trois a quatre semaines, de man&e a maintenir la concentration residuelle minimale de gammaglobulines superieure ou Cgale a 5 g/L. Dans l’infection a VIH de l’enfant, l’indication d’un traitement substitutif est aujourd’hui restreinte a ceux qui presentent des infections bacteriennes (essentiellement pneumococciques) pulmonaires et ORL recidivantes resistantes au traitement preventif par sulfamethoxazole-trimethoprime. La dose recommandee est de 250 a 400 mg/kg/2 1 jours. Les IgIV en immunomodulation
Les effets immunomodulateurs des IgIV sont complexes, lies a la capacite de la portion Fc des IgG d’interagir avec des recepteurs cellulaires et des proteines plasmatiques (complement) ainsi qu’a la diversite de regions variables (sites anticorps) presentes dans les preparations (tableau II).
et al. Tableau IgIV.
II. Mtcanismes
presumes de I’action
immunomodulatrice
Effets precoces
l Neutralization des auto-anticorps circulants l Neutralization de toxines bacttriennes (superantigenes) *Blocage des recepteurs Fc sur les macrophages spleniques *Inhibition de la lyse cellulaire dependant du complement l Sohibilisation de complexes imrnuns *Production selective de cytokines anti-inflammatoires
Effets a moyen et a long terme
*Suppression ou activation selective des clones lymphocytaires T et B *Modulation des fonctions effectrices des lymphocytes B et T par la modulation de la production des cytokines lymphocytaires
des
La maladie de Kawasaki Beaucoup d’incertitudes persistent sur l’etiologie de la maladie de Kawasaki et sur le mecanisme d’action des IglV dans cette affection. Cependant, l’efficacitt de l’aspirine et des IgIV pour prevenir les anevrysmes coronaires est bien demontree depuis 1984 [6] et il s’agit de l’indication la plus formelle des IgIV en pediatric quotidienne. Elles doivent &tre commencees des que le diagnostic est retenu sur les critbres diagnostics habituels. 11apparait tgalement licite de traiter des que le diagnostic est fortement suspect& m&me si la totalite des signes cardinaux n’est pas encore presente, car il existe des formes incompletes, et ce d’autant que I’enfant est plus jeune, en raison du risque plus important d’anevrysmes coronaires a cet age. La posologie recommandee est de 2 g/kg en une seule perfusion [7]. Une cure suffit habituellement : elle permet la regression de la symptomatologie dans 70 a 80 % des cas. En cas de persistance du syndrome inflammatoire et de la fievre, une deuxieme, voire une troisieme perfusion est efficace dans la plupart des cas [8]. Le purpura
thrombopknique
idiopathique
(PTI)
Le ITI est consider+ comme une maladie auto-immune touchant Clectivement les plaquettes avec presence d’autoanticorps a leur surface diriges dans la plupart des cas contre les glycoprodines GPIWIX et GPIIb/IIIa. Les traitements de reference du PTI aigu sont la corticothtrapie et l’administration d’IgIV a hautes doses. 11s ne font que raccourcir le delai de normalisation du chiffre des plaquettes dans les formes destinies a gdrir mais ne diminuent en rien le risque de passage a la chronicite. Seules sont a traiter les formes s&&es, c’est-a-dire avec chiffre de plaquettes inferieur a 20 G/L ou s’accompagnant d’hemorragies muqueuses ou retiniennes. Une recente etude prospective a confirme l’inttret des IgIV a la dose d’l g/kg deux jours de suite, ce traitement entrafnant une remontke
Immunoglobulines
polyvalentes
plaquettaire plus rapide que la prednisone ou l’absence de traitement [9]. Certaines publications font &at de l’efficacite de doses plus faibles. Une etude a montre que la reponse a 0,8 g/kg d’IgIV est Cquivalente a celle obtenue avec les doses habituellement utilistes de 2 g/kg [lo]. Plus recemment, des doses plus faibles de 250, 400 ou 500 mg/kg/j deux jours de suite se sont averees aussi efficaces que la dose d’ 1 g/kg et avec moins d’effets indesirables [I I]. Cet essai ne portant que sur un petit nombre d’enfants, il demande a etre confirm6 par des etudes compltmentaires. Pour l’heure, on peut conseiller la dose d’ 1 g/kg/cure, en un jour. En cas de rechute, on envisagera la repetition des IgIV a la dose de 0,s g/kg et, en cas d’echec, le recours a une corticotherapie. Par rapport a la corticotherapie, les IgIV offrent I’avantage d’un traitement de courte duree, plus rapidement efficace, mais elles ont I’inconvenient d’un cofit ClevC et d’incertitudes sur le risque de transmission d’agents infectieux. La corticotherapie offre l’avantage d’un cofit tres mod&C mais la rapidite de son action ne semble reelle qu’a fortes doses, potentiellement responsables d’effets secondaires non negligeables. Dans les formes chroniques de PTI, un traitement n’est justitie que dans les formes htmorragiques s&&es et le plus souvent saris tenir compte du chiffre des plaquettes. L’utilisation des IgIV en <)peut se justifier si elle entraine une elevation importante et prolongee du chiffre des plaquettes, autorisant un intervalle de perfusion de trois a quatre semaines, d’autant que des guerisons retard&es sont possibles, permettant dans ces .cas d’eviter une splenectomie.
Le syndrome
de Guillain-Barr6
Plusieurs etudes randomisees ont montre chez l’adulte que les IgIV administrees a la phase aigue de la maladie ont une efficacite Cquivalente a celle des Cchanges plasmatiques avec une morbidite moindre. Chez l’enfant, les publications recentes font &at d’un effet therapeutique probant des IgIV a la phase aigue de la maladie, la posologie d’ 1 g/kg deux jours de suite paraissant la plus rapidement efficace sur la recuperation neurologique [ 121.
en ptdiatrie
399s
generale
CONCLUSION La meilleure maitrise des indications des IgIV dans des domaines tres divers de la pathologie inteme de I’enfant a et6 obtenue grace aux essais therapeutiques controles dans les 15 demieres annees. Des progres therapeutiques decisifs ont CtC obtenus mCme si la comprehension exacte des mecanismes d’action reste imprecise dans un grand nombre de maladies. RfiFhENCES 1 Minvielle E, Viens-Bitker C, Rochant H, Baur M, Bussel A, Souag A, et al. La maitrise de la diffusion d’une innovation en sante : le cas des immunoglobulines intraveineuses polyvalentes a 1’Assistance publique-hopitaux de Paris. Ann Med Int 1995 ; 146 : 19-24. 2 Duhem C, Dicato MA, Ries F. Side-effects of intravenous immune globulins. Clin Exp Immunol 1994 ; 97 Suppl 1 : 79-83. 3 Kattamis AC, Shankar S, Cohen AR. Neurologic complications of treatment of childhood acute immune thrombocytopenic purpura with intravenously administered immunoglobulin G. J Pediatr 1997 ; 130 : 281-3. 4 Schiff RI. Transmission of viral infections through intravenous immune globulin. N Engl J Med 1994 ; 331 : 1649-50. 5 Erdman DD. Possible transmission of parvovirus B19 from IV immunoglobulin. J Med Virol 1997 ; 53 : 233-6. 6 Furusho K, Kamiya T, Nakano H, Kiyosawa N, Shinomiya K, Hayashidera R, et al. High dose intravenous gammaglobulin for Kawasaki disease. Lancet 1984 ; 2 : 1055-8. 7 Newburger JW, Takahashi M, Beiser AS, Burns JC, Bastian J, Chung KJ, et al. A single intravenous infusion of gamma globulin as compared with four infusions in the treatment of acute Kawasaki syndrome. N Engl J Med 1991 ; 324 : 1633-9. 8 Sundel RP, Burns JC, Baker A, Beiser AS, Newburger JW. Gamma globulin retreatment in Kawasaki disease. J Pediatr 1993 ; 123 : 657. 9. 9 Blanchette VS, Luke B, Andrew W, Sommerville-Nielsen S, Barnard D, De Veber B, et al. A prospective, randomized trial of high-dose of intravenous immune globulin G therapy, and no therapy in childhood acute immune thrombocytopenic purpura. J Pediatr 1993 ; 123 : 98995. 10 Blanchette VS, Imbach P, Andrew M, Adams M, McMillan J, Wang E, et al. A prospective randomized trial of intravenous immunoglobulin G, oral prednisolone and intravenous anti-D in childhood acute idiopathic thrombocytopenic purpura. Lancet 1994 ; 344 : 703-7. 11 Warrier I, Bussel JB, Valdez L, Barbosa J, Beardsley DS and the Low-Dose IVIG Group. J Pediatr Hematol Oncol 1997 ; 19 : 197-201. 12 Kanra G, Ozon A, Vajsar J, Castagna L, Secmeer G, Topaloglu H. Intravenous immunoglobulin treatment in children with GuillainBarre syndrome. Eur J Paediatr Neural 1997 ; 1 : 3-5.