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Impact de la composition des particules fines sur la mortalite´ cardiovasculaire de populations sensibles The impact of components of fine particulate matter on cardiovascular mortality in susceptible subpopulations I. Baldi Laboratoire sante´ travail environnement ISPED, universite´ Victor-Segalen Bordeaux-2, 146, rue Le´o-Saignat, 33076 Bordeaux, France
Re´fe´rence de l’article princeps The impact of components of fine particulate matter on cardiovascular mortality in susceptible subpopulations Ostro BD, Feng WY, Broadwin R, Malig BJ, Green RS, Lipsett MJ. Occup Environ Med 2008;65:750–6, [published on line first 16 April 2008]
Contexte Plusieurs e´tudes e´pide´miologiques multicentriques base´es sur des se´ries chronologiques ont montre´ un lien entre la mortalite´ journalie`re et l’exposition aux particules fines, en particulier celles dont le diame`tre ae´rodynamique est infe´rieur a` 2,5 microns (PM2.5). Cependant, on dispose aujourd’hui de peu d’e´le´ments argumentant le roˆle de composants particulaires spe´cifiques (me´taux, carbone e´le´mentaire, carbone organique)
Revue de presse
ainsi que l’impact sur des populations sensibles.
Objectif L’objectif de cet article e´tait donc d’e´tudier si certaines caracte´ristiques individuelles (sexe, race/ethnie, niveau socioe´conomique) et la composition des particules fines e´taient susceptibles de modifier la relation entre l’exposition aux PM2.5 et la mortalite´ journalie`re.
Me´thodes La mortalite´ journalie`re a e´te´ e´tudie´e en Californie sur la pe´riode 2000– 2003, en distinguant les causes cardiovasculaires (de´ce`s survenus dans la zone de re´sidence), en prenant en compte le sexe, l’ethnie (blancs, hispaniques, noirs) et le niveau d’e´tudes (infe´rieur ou supe´rieur au niveau secondaire). Six zones de l’e´tat disposant d’une mesure et d’une caracte´risation fine des PM2.5 sur plus de 180 jours dans la pe´riode d’e´tude ont e´te´ incluses dans l’e´tude. Les donne´es de deux appareils de mesure par zone (sur le meˆme site dans trois de ces zones) ont permis d’estimer des niveaux quotidiens en PM2.5. La fre´quence des mesures en PM2.5 allait d’une mesure tous les trois jours (dans 4 zones) a` une mesure tous les six jours (dans 2 autres zones) ; plus de la moitie´ des pre´le`vements de´passait le seuil de de´tection pour certains types de PM2.5 : le carbone e´le´mentaire, le
carbone organique, les nitrates, les sulfates, le calcium, le chlore, le cuivre, le fer, le potassium, le soufre, le silicone, le titane et le zinc. Ces particules refle´taient diffe´rentes sources : combustion de l’essence, e´missions diesel, combustion du bois, substances mine´rales et polluants secondaires. Des se´ries chronologiques (re´gression de Poisson) ont e´te´ re´alise´es pour chaque cate´gorie de population, en prenant en compte le jour de la semaine, l’anne´e de mesure, les conditions me´te´o (valeurs moyennes de tempe´rature et d’humidite´ dans chaque zone) et en faisant varier la latence entre ze´ro et trois jours. La mode´lisation a e´te´ re´alise´e dans un premier temps pour chaque zone et polluant isole´ment puis en combinant les estimations dans une me´ta-analyse incluant un effet ale´atoire.
Re´sultats Le nombre moyen de de´ce`s cardiovasculaires par jour variait entre 5,1 et 20,3 dans les zones de l’e´tude et le niveau moyen quotidien de PM2.5 entre 12,6 et 27,1 mg/m3 (valeurs de re´fe´rence de l’EPA 15 mg/m3 de´passe´ dans 4 zones et de l’e´tat californien 12 mg/m3 de´passe´ dans les 6 zones). Les fractions particulaires les plus importantes e´taient le carbone organique (37 %), le NO3 (28 %) et le SO4 (10 %) et le carbone e´le´mentaire (5 %) ; des corre´lations existaient entre ces particules ainsi qu’avec les autres particules moins repre´sente´es. Des associations positives entre les 351
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I. Baldi
niveaux de particules et la mortalite´ cardiovasculaires ont e´te´ trouve´es, plus nettement chez les personnes a` bas niveau d’e´tudes et pour les hispaniques, avec dans ces groupes des exce`s de risque de l’ordre de 2 a` 6 % (pour une variation d’un espace interquartile) pour diffe´rents types de PM2.5. Les associations apparaissaient plus marque´es pour les produits de combustion du pe´trole (carbones e´le´mentaire et organique, SO4 et NO3).
Discussion Cette e´tude met en e´vidence des effets sur la mortalite´ cardiovasculaire des niveaux de PM2.5 provenant de la combustion du pe´trole, avec des diffe´rences en fonction de sous-groupes de´mographiques : les risques apparaissent plus marque´s chez les hispaniques et les personnes ayant un bas niveau d’e´tudes. Ces re´sultats sont en accord avec des re´sultats toxicologiques ayant montre´ l’effet des particules fines carbone´es sur des parame`tres cardiovasculaires tels que des anomalies e´lectrocardiographiques. Si la litte´rature dispose de moins d’e´le´ments concernant les particules de SO4 et NO3 ou encore de me´taux,
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il existe e´galement des arguments en faveur de leurs effets biologiques ou e´pide´miologiques. En revanche, le lien du potassium avec la mortalite´, trouve´ dans cet article, n’a pas e´te´ de´crit par ailleurs. Le roˆle des facteurs sociode´mographiques a e´te´ mis en e´vidence dans plusieurs e´tudes internationales portant sur la mortalite´ lie´e au PM10, de meˆme que dans des se´ries chronologiques portant sur la mortalite´ respiratoire en lien avec la pollution. Une plus grande sensibilite´ des populations a` bas niveau d’e´tude pourrait s’expliquer par des diffe´rences d’alimentation, de profils d’exposition, de comorbidite´s et d’acce`s aux soins. Il a, en effet, e´te´ montre´ des diffe´rences dans les facteurs de risque et la fre´quence des pathologies cardiovasculaires en fonction du niveau d’e´tudes et/ou de l’ethnie. En revanche, l’effet du sexe n’a pas e´te´ retrouve´ ni dans cette e´tude ni dans les autres. Les auteurs soulignent certaines limites de leur travail : le nombre d’observations reste limite´ (350 observations pour chaque zone sur 4 ans) ; les corre´lations entre les diffe´rentes particules entravent l’interpre´tation du roˆle de polluants spe´cifiques ; les mesures des polluants sont de´pendantes de la
pre´cision des appareils de mesure et ne peuvent prendre en compte l’ensemble de la variabilite´ spatiale de la pollution.
Commentaires Cette e´tude pre´sente l’originalite´ de s’inte´resser de manie`re pre´cise au roˆle des particules fines sur la sante´ des populations, en prenant en compte la nature de ces particules. Elle apporte e´galement des donne´es nouvelles sur la sensibilite´ de certaines populations spe´cifiques. Comme le soulignent les auteurs, compte tenu des difficulte´s d’interpre´tation lie´es a` la corre´lation des particules entre elles, il serait certainement utile ulte´rieurement d’analyser le roˆle des sources de polluants elles-meˆmes. Cela pre´senterait l’inte´reˆt supple´mentaire de livrer des messages de pre´vention plus cible´s. Enfin, ces re´sultats sugge`rent l’inte´reˆt que pre´senterait la prise en compte des particules spe´cifiques dans des e´tudes s’appuyant sur des indicateurs de sante´ plus spe´cifiques que la mortalite´ : pathologies respiratoires ou cardiovasculaires cible´es. e-mail:
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