Presse Med 2004; 33: 1313-8
Fabrice Barlési1,2, Florence Duffaud3, Christophe Doddoli4, Céline Gimenez1, Pascal Auquier5, Roger Favre3, Jean-Pierre Kleisbauer1
A
© 2004, Masson, Paris
R T I C L E
O R I G I N A L
Impact d’un livret d’information sur la douleur destiné aux patients en oncologie thoracique
1 - Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II), Faculté de médecine. AP-Hôpitaux de Marseille, Hôpital Ste-Marguerite, Service d’oncologie thoracique, Marseille (13) 2. Comité de lutte contre la douleur des Hôpitaux Sud, AP-Hôpitaux de Marseille, Marseille (13) 3. Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II), Faculté de médecine, AP-Hôpitaux de Marseille, Hôpital de la Timone, Service d’oncologie, Marseille (13) 4. Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II), Faculté de médecine, AP-Hôpitaux de Marseille, Hôpital Ste-Marguerite, Service de chirurgie thoracique, Marseille (13) 5. Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II), Faculté de médecine, Laboratoire de santé publique, Marseille (13)
Summary
Résumé
Impact of a brochure on pain destined for thoracic oncology patients
Objectif Évaluer l’impact de la mise à disposition d’un livret d’information concernant la douleur et les traitements antalgiques sur les connaissances, attitudes, croyances et perceptions des patients consultant dans des services d’oncologie. Méthode Étude prospective, comparative, incluant des sujets consultant dans un service d’oncologie thoracique et un service d’oncologie générale, ayant une symptomatologie douloureuse motivant un traitement de niveau ≥ 2 (échelle OMS). Un groupe de sujets ayant reçu un livret d’information (cas) a été comparé à un groupe de sujets sans livret (témoins). Le questionnaire d’évaluation, élaboré selon la méthode KABP (Knowledge, Attitudes, Belief, Practice), a été distribué aux 2 groupes. Une seconde évaluation a été réalisée 4 semaines après pour les sujets avec livret. Des échelles visuelles analogiques (EVA) ont permis de suivre l’intensité de la douleur. Résultats Vingt et un cas et 33 témoins ont été évalués. Il existait une absence de modification des croyances (risque de dépendance), mais une amélioration des connaissances (durée d’action des morphiniques, gestion du traitement, prise en charge multidisciplinaire). Cette amélioration des connaissances s’accompagnait d’une amélioration du contrôle de la douleur : 2/3 des patients avaient une EVA ≤ 1 au moment de la seconde évaluation contre 1/3 lors de l’évaluation initiale. Conclusion Améliorer, même partiellement, les connaissances des patients sur la douleur et ses traitements au travers d’un livret d’information, est l’une des voies pour optimiser la prise en charge de la douleur.
Objective To assess the impact of a brochure supplied on pain and analgesic treatment on the knowledge, attitude, belief and perception of patients consulting oncology departments. Method A Prospective, comparative, study on patients consulting a thoracic oncology and a general oncology department, suffering from pain and motivating a treatment level ≥ to 2 (WHO scale). A group of patients having been given a brochure (case) was compared with a group who had not been given the brochure (controls). The assessment questionnaire, developed according top the KABP (Knowledge, Attitudes, Belief, Practice) method, was distributed to the 2 groups. A second assessment was made 4 weeks after in the patients having received the brochure. Visual analog scales (VAS) followed the intensity of the pain. Results Twenty-one cases and 33 controls were assessed. There was no modification in their belief (risk of addiction) but an improvement in their knowledge (duration of action of morphine agents, management of treatment, multi-disciplinary management). This improvement in knowledge was accompanied by improved control of pain: 2/3 of the patients exhibited a VAS < 1 at the time of the second assessment versus 1/3 during the initial assessment. Conclusion Improvement, if only partial, in the patients' knowledge of pain and its treatment using a brochure, is one of the routes for optimising the management of pain. F. Barlési, F. Duffaud, C. Doddoli, C. Gimenez et al. Presse Med 2004; 33: 1313-8 © 2004, Masson, Paris
Correspondance : Fabrice Barlési, Service d’oncologie thoracique, Fédération des maladies respiratoires, Hôpital Ste-Marguerite, 270, Bd de Ste-Marguerite, 13274 Marseille Cedex 09 Tél. : 04 91 74 47 36 Fax : 04 91 74 55 24
[email protected] Reçu le 4 décembre 2003 Accepté le 20 février 2004
* http://www.sante. gouv.fr/htm/dossiers /cancer/index2.htm
L
e traitement de la douleur est l’un des objectifs prioritaires de la prise en charge des patients,notamment dans le cadre de l’oncologie,objectif réaffirmé à l’occasion du plan cancer*. Des recommandations de l’Orga1 nisation mondiale de la santé ou de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé sont utiles pour 2 guider cette prise en charge . Malgré ces recommandations, plusieurs études ont montré que des efforts étaient nécessaires pour améliorer le traitement de la douleur 3,4 chronique de l’adulte,en particulier en oncologie . Améliorer la prise en charge de la douleur implique une amélioration des formations initiale et continue des pro5,6 fessionnels de santé , une implication quotidienne des
6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 1
praticiens avec par exemple la recherche systématique de 7 phénomènes douloureux lors des consultations , mais 8 aussi une éducation du public et des patients . Des campagnes nationales d’information, une éducation quotidienne des patients en pratique clinique sont indispensables pour améliorer les connaissances dans ce 9,10 domaine . L’éducation et une communication efficace entre patients et médecins (et/ou infirmières) sur la dou11 leur améliorent l’efficacité des stratégies antalgiques , quelles que soient les formes prises par cette communi12 9 cation :orale,écrite ou à l’aide de moyens audiovisuels . Notre enquête prospective comparative a évalué l’impact de la mise à disposition d’un livret d’information sur la La Presse Médicale - 1313
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douleur intitulé “La douleur… ? Pas question !”, sur les connaissances, attitudes, croyances et perceptions de patients consultant dans un service d’oncologie thoracique.
Méthodes
Impact d’un livret d’information sur la douleur destiné aux patients en oncologie thoracique
Encadré 1 Questionnaire de 20 items de type KABP (Knowledge,
Attitudes, Belief, Practice), construit selon les recommandations de l’OMS et utilisé lors de l’enquête 1. On peut mesurer la douleur : ❏ Infirmière
Une enquête prospective comparative a été réalisée sur une période de 3 mois.
❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
2. Qui peut mesurer ma douleur ? ❏ Médecin
❏ Moi
❏ Entourage
❏ Autre
3. Une douleur survient, quand dois-je réclamer un traitement ? ❏ Tout de suite ❏ Au bout d’1heure ❏ Au bout de 4 heures ❏ Une journée ® ® 4. Le Di-antalvic est plus fort que le paracétamol (Doliprane )
Glossaire
❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
5. La morphine existe :
CLUD
comité de lutte contre la douleur
❏ En comprimés (voie orale)
❏ En injection (intraveineux)
EVA
échelle visuelle analogique
❏ En patch (trans-cutanée)
❏ En spray nasal
KABP
Knowledge, Attitudes, Belief, Practice
OMS
Organisation mondiale de la santé
PCA
analgésie contrôlée par le patient
6. La morphine orale d’action rapide (Sévrédol®) agit aussi vite que par voie sous-cutanée :
❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
7. La morphine orale d’action rapide (Sévrédol®) agit en moins de 15 minutes : ❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
8. La morphine orale d’action rapide (Sévrédol®) agit pendant 12 heures :
PATIENTS Deux services de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille ont participé à l’étude : le service d’oncologie thoracique,Fédération des maladies respiratoires,hôpital SainteMarguerite,et le service d’oncologie médicale,hôpital de la Timone. L’étude a été proposée aux sujets vus en consultation ayant une symptomatologie douloureuse motivant un traitement de niveau supérieur ou égal à 2 sur l’échelle 1 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) . Chaque patient recevait une information orale à propos de la douleur et de sa prise en charge,selon les habitudes des praticiens de chaque service. Cette enquête a été réalisée conformément aux règles éthiques en vigueur.
❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
9. La morphine orale d’action prolongée se prend (plusieurs réponses possibles) : ❏ Matin
❏ Midi
❏ Soir
10. Il ne faut pas associer morphine d’action prolongée (Skénan®) et morphine d’action rapide (Sévrédol®) :
❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
11. La morphine entraîne souvent une dépendance de type toxicomanie : ❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
12. Nausées et somnolence persistent souvent tout au long du traitement morphinique :
❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
13. La morphine a fréquemment un retentissement psychologique : ❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
14. Il est fréquent d’associer un régulateur du transit intestinal à la morphine : ❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
15. Il ne faut pas associer plusieurs traitements contre la douleur : ❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
QUESTIONNAIRE ET LIVRET ❚ Questionnaire
16. Les corticoïdes (Solupred®) sont parfois utiles pour lutter contre la douleur
L’évaluation des connaissances, attitudes, croyances, perceptions a été réalisée à l’aide d’un questionnaire de 20 items (encadré 1) de type KABP (Knowledge, Attitudes, Belief, Practice), construit selon les recommandations de l’OMS. Ces questionnaires ont largement été utilisés dans le domaine du sida. Une question générale portant sur la satisfaction de la prise en charge de la douleur (« Globalement, que pensez-vous de la prise en charge de votre douleur ? », les patients pouvant répondre par « Pas du tout satisfait, peu satisfait, moyennement satisfait, satisfait ou très satisfait ») complétait ce questionnaire.
17. Je peux arrêter mon traitement dès que je n’ai plus mal :
❚ Livret Un livret d’information sur la douleur a été élaboré à l’initiative des infirmières (dont plusieurs sont “infirmières référentes – douleur” c’est-à-dire titulaires d’un diplôme universitaire sur la douleur) et des médecins du service 1314 - La Presse Médicale
❏ Vrai ❏ Vrai
❏ Faux ❏ Faux
❏ NSP ❏ NSP
18. On peut prévenir la douleur lors de certains examens (ponctions, injections…) par un patch :
❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
19. Les infirmières peuvent aussi m’aider à gérer mon traitement contre la douleur :
❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
20. Seul le médecin spécialiste peut prescrire de la morphine : ❏ Vrai
❏ Faux
❏ NSP
d’oncologie thoracique de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille.Ce livret intitulé “La douleur...? Pas question !” re était constitué de plusieurs parties. La 1 partie comprenait une liste de réponses à des questions simples sur la douleur et sa prise en charge (encadré 2).Le choix de ces questions a été défini par un ensemble d’experts (infirmiers, médecins) composé de personnes appartenant au 6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 1
F. Barlési, F. Duffaud, C. Doddoli, C. Gimenez et al.
Comité de lutte contre la douleur (CLUD) et il reposait sur e la fréquence d’évocation par les patients.La 2 partie comprenait un suivi hebdomadaire de la douleur (encadré 3), réalisé par les patients, à l’aide d’une série d’échelles visuelles analogiques (EVA) ainsi que le relevé des prescriptions thérapeutiques (nature des antalgiques, doses, galénique, etc.). Le livret a été distribué au groupe des “cas”.
RECUEIL DES DONNÉES Pour chaque patient,ont été recueillies des données sociodémographiques, le Performans Status (OMS), l’intensité initiale des phénomènes douloureux mesurée à l’aide d’une EVA, le traitement antalgique initial et les réponses initiales au questionnaire KABP.Le livret a été distribué aux patients du groupe cas. Pour les patients du groupe cas, une seconde évaluation a été réalisée, à partir du même
Encadré 2 Réponses à la première partie du livret d’information “La douleur… ? Pas question !”
remis aux patients
1. Y a-t-il plusieurs types de douleurs ? Oui, on distingue les douleurs
10. Que faire si un épisode douloureux aigu survient au cours d’un
nociceptives (douleur en réponse à un stimulus, par exemple une plaie)
traitement de palier II ? Il faut envisager de changer de palier.
et les douleurs neurogènes ou de déafférentation (douleur par
11. Que faire si un épisode douloureux aigu survient au cours d’un
atteinte du système nerveux périphérique, par exemple la sciatique).
traitement de palier III ?
2. Qu’est ce que l’EVA ? C’est l’Échelle visuelle analogique. L’infirmière
Prendre un morphinique d’action rapide (Actiskénan®, Sévrédol®).
ou le médecin vous demande de déplacer un curseur mobile sur une
12. Que faire si les épisodes douloureux aigus se répètent au cours
réglette afin d’évaluer l’intensité de votre douleur.
d’un traitement de palier III ? Augmenter le morphinique à libération prolongé (Skénan®, Moscontin®, Durogésic®). Douleur maximale imaginable
Absence de douleur
13. Quels sont les effets secondaires les plus fréquents ? Constipation (variable selon les patients), nausées et somnolence (au début du traitement surtout).
3. Quel moment dois-je attendre pour débuter un traitement contre la
14. Comment remédier à la constipation ?
douleur ? Il ne faut pas attendre. La douleur, si minime soit-elle, doit être
Un traitement préventif systématique est prescrit en association au
prise en charge, parfois à l’aide de moyens simples, dès qu’elle apparaît.
® ® traitement antalgique (Duphalac , Forlax , etc.).
4. Qu’est ce qu’un antalgique ? C’est un médicament pour lutter contre
15. Vais-je être toxicomane si on me donne de la morphine ?
la douleur.
Non, la morphine administrée dans le cadre du traitement de la dou-
5. Y a-t-il différents antalgiques ?
leur n’entraîne pas de dépendance (moins de 3 cas/10 000).
Oui, on en distingue trois types ou paliers :
16. Qu’est ce qu’un co-antalgique ?
® • Palier I : antalgiques non opioïdes (paracétamol — Doliprane —,
C’est un médicament agissant sur la douleur par d’autres voies : antidé-
aspirine, anti-inflammatoires — Voltarène®—)
presseurs (Laroxyl®), antiépileptiques (Tegrétol®), corticoïdes (Solupred®). ®
• Palier II : antalgiques opioïdes faibles (Di-Antalvic , Efferalgan
®
17. Puis-je arrêter le traitement si je n’ai plus mal ? Non.
codéiné, etc.)
• La douleur a réellement disparu. Une diminution du traitement
• Palier III : antalgiques opioïdes forts (morphine et dérivés)
(baisse de doses, changement de palier) est à envisager avec votre
6. Y a-t-il différents types de morphine ? Oui, trois formes principales :
médecin.
• Orale d’action rapide (Actiskénan®, Sévrédol®) ou à libération pro-
• La douleur est contrôlée parce que le traitement est équilibré. Dans
longée (Skénan®, Moscontin®)
ce cas, l’arrêt du traitement conduit à la réapparition de la douleur et
• Intraveineuse
celle-ci devient alors plus difficile à calmer. Il est plus facile d’empêcher
• Transdermique ou patch (Durogésic®)
la survenue de la douleur que de la faire disparaître une fois qu’elle
7. Quelles sont les délais et durée d’action des différents morphiniques ?
est apparue.
• Forme action rapide : agit en 15 minutes et pendant 4 heures
18. Et pour les perfusions ou les ponctions ?
• Forme à libération prolongée : agit en 1 heure et pendant 12 heures
Un traitement préventif par voie cutanée (EMLA®) est possible. Parlez-
• Patch : agit en 12 heures et pendant trois jours
en aux infirmières ou aux médecins.
8. Y a-t-il des horaires à respecter ? Oui, les morphiniques à libération
19. Qu’est ce que la PCA ?
prolongée doivent être pris le matin (8h-9h) et le soir (20h-21h). Un
C’est l’analgésie (traitement de la douleur) contrôlée par le patient.
intervalle de 12 heures doit être respecté.
Un traitement IV est délivré en continu à l’aide d’une pompe en partie
9. Quand modifier le traitement antalgique ? S’il est efficace mais pas
contrôlée par le patient lui-même.
assez longtemps (la douleur est bien calmée mais revient avant la prise
20. Existe-t-il d’autres moyens encore ?
suivante du traitement) ou s’il n’est pas efficace (la douleur est incom-
Oui, la radiothérapie, la chirurgie et certains médicaments (Zometa®)
plètement calmée) ; lorsqu’il y a trop d’effets secondaires (vomisse-
pourront être utilisés pour traiter la douleur dans certains cas par-
ments).
ticuliers.
6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 1
La Presse Médicale - 1315
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Impact d’un livret d’information sur la douleur destiné aux patients en oncologie thoracique
Seconde partie du livret “La douleur… ? Pas question !” remis aux patients Encadré 3
Résultats
Suivi du traitement antalgique Date : TRT en cours :
ment statistique a été réalisé à partir du logiciel SPSS version 10.0.
EVA : 123-
Première semaine Au cours de cette semaine, avez-vous ressenti : ❏ Pas de douleur du tout ❏ Des accès douloureux aigus moins de 2 fois/jour ❏ Des accès douloureux fréquents ou continus Comment estimez-vous le contrôle de votre douleur sur l’ensemble de cette semaine ? Pas de douleur 0
10 Douleur intolérable
Votre TRT a été modifié ?
❏ Oui
❏ Non
Si oui, comment ? Deuxième semaine Au cours de cette semaine, avez-vous ressenti : ❏ Pas de douleur du tout ❏ Des accès douloureux aigus moins de 2 fois/jour ❏ Des accès douloureux fréquents ou continus Comment estimez-vous le contrôle de votre douleur sur l’ensemble de cette semaine ? Pas de douleur 0
10 Douleur intolérable
Votre TRT a été modifié ?
❏ Oui
❏ Non
Si oui, comment ? Troisième semaine Au cours de cette semaine, avez-vous ressenti : ❏ Pas de douleur du tout ❏ Des accès douloureux aigus moins de 2 fois/jour ❏ Des accès douloureux fréquents ou continus Comment estimez-vous le contrôle de votre douleur sur l’ensemble de cette semaine ? Pas de douleur 0
10 Douleur intolérable
Votre TRT a été modifié ?
❏ Oui
Cinquante-quatre patients ont participé à cette enquête pendant une période de 3 mois, 21 patients dans le groupe “cas” et 33 patients dans le groupe “témoins”. Les principales données socio-démographiques de ces patients, ainsi que l’évaluation de leur douleur par EVA et la nature du traitement antalgique qu’ils recevaient au début de l’enquête, sont dans le tableau 1. Il n’existait aucune différence significative sur toutes ces variables entre les patients du groupe cas et les patients témoins. L’évolution des réponses des patients du groupe cas entre le début de l’enquête et 4 semaines après, ainsi que les réponses des patients du groupe témoins sont dans le tableau 2. Seul le nombre de réponses exactes à chaque question a été cité dans le tableau 2 (néanmoins, les calculs statistiques et la valeur de p reportée dans ce tableau ont tenu compte de l’ensemble des réponses et de leurs variations : vrai, faux ou ne sait pas pour la majorité des questions). L’évolution de la douleur chez les patients du groupe cas entre le début de l’enquête et 4 semaines après est dans la figure 1.La médiane de l’EVA est passée de 3 à 0,deux tiers des patients ayant une EVA ≤ 1,alors qu’ils n’étaient qu’un tiers au début de l‘enquête. Les patients des 2 groupes ont répondu de manière exhaustive à la question évaluant leur degré de satisfaction concernant la prise en charge de leur douleur. La plupart des patients,soit 14/21 dans le groupe avec livret et 23/33 dans le groupe témoin, ont déclaré être satisfaits ou très satisfaits par cette prise en charge.Néanmoins,un tiers des patients de chaque groupe n’étaient que moyennement satisfaits.
❏ Non
Si oui, comment ?
STATISTIQUES Deux études comparatives ont été réalisées, la première entre les réponses initiales et finales au questionnaire chez les patients ayant eu le livret,la seconde entre les réponses finales des patients ayant eu le livret et celles des témoins. Les comparaisons des variables qualitatives ont été réali2 sées à l’aide du test du χ ou du test exact de Fischer (en fonction des conditions d’application). Une valeur de p < 0,05 a été considérée comme significative. Le traite1316 - La Presse Médicale
50 % patients
questionnaire, 4 semaines après la distribution du livret, avec une nouvelle mesure de l’intensité de la douleur (EVA) et le recueil des réponses au questionnaire KABP.
40 30 20 10 0 0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
EVA Avant livret
Après livret
Figure 1 Évolution de l’intensité de la douleur mesurée sur l’échelle visuelle analogique (EVA) avant et 4 semaines après la remise du livret d’information sur la douleur 6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 1
F. Barlési, F. Duffaud, C. Doddoli, C. Gimenez et al.
Tableau 1
contrôle de la symptomatologie douloureuse (médiane de l’EVA 3 versus 0),avec 2/3 des patients ayant une EVA ≤ 1, a été observé. Les freins à un traitement optimal de la douleur, cancéreuse notamment, sont bien documentés avec, parmi ceux-ci, le manque de connaissances du patient et/ou de sa famille sur la prise en charge des phénomènes douloureux et les différents antalgiques disponibles, ainsi que la 13,14 . L’éducation et la participation peur des traitements active des patients au traitement de leur douleur sont nécessaires pour un traitement efficace15. La plupart des programmes d’éducation destinés aux patients ont conduit à une meilleure prise en charge de la douleur (diminution d’intensité, amélioration de l’observance au traitement, diminution des effets secondaires des traite16,17 , à l’exception d’une étude réalisée chez ments, etc.) 18 des patients hospitalisés . Nous avons observé des résultats similaires avec une amélioration des connaissances sur certains items, concernant notamment la prise des traitements.Les croyances sur le risque de toxicomanie consécutif à un traitement morphinique subsistent dans l’esprit 19 des patients,comme cela a été montré ,et des efforts restent à faire dans ce domaine.Malgré cela,l’amélioration de
Caractéristiques socio-démographiques et évaluation de la douleur et des traitements en cours chez les patients de l’enquête Paramètre
Patients (n = 21)
Témoins (n = 33)
p
14/7
20/13
ns
55
57
ns
Sexe (Homme/Femme) Âge (Médiane, ans) Performans Status < 2/3-4*
18/3
22/7
ns
EVA ≤ 3 / > 3
16/5
17/16
ns
Antalgique Niv.2 / Niv.3**
3/18
11/22
ns
2
7
ns
Co-antalgique
EVA : échelle visuelle analogique ; * ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) ; ** OMS.
Discussion Remettre aux patients traités en oncologie thoracique et ayant une symptomatologie douloureuse chronique, un livret synthétique d’information sur la douleur a permis d’amorcer la communication et d’améliorer partiellement leurs connaissances sur la douleur et ses traitements (délai et durée d’action des morphiniques, modalités d’arrêt du traitement, rôle des différents praticiens). Un meilleur Tableau 2
Réponses des patients au questionnaire avant et 4 semaines après remise du livret d’information et réponse des patients témoins Question (s)
Avant livret R juste Autres
Après livret R juste Autres
p
R juste
Témoins Autres
p
Q1
17
4
16
5
ns
24
9
ns
Q2*
29
53
36
48
0,012
51
81
ns
Q3
11
10
16
5
ns
17
16
0,05
Q4
11
10
14
7
ns
14
19
0,05
Q5*
44
40
53
31
ns
79
53
ns
Q6
2
19
3
18
ns
4
29
ns
Q7
3
18
14
7
0,001
14
19
ns ns
Q8
3
18
6
15
0,01
10
23
Q9*
45
18
55
8
ns
76
41
ns
Q10
3
18
8
13
ns
10
23
ns
Q11
6
15
12
9
ns
14
19
ns
Q12
3
18
2
19
ns
10
23
ns
Q13
2
19
3
18
ns
7
26
ns
Q14
10
11
15
6
ns
16
17
ns
Q15
3
18
4
17
ns
12
21
ns
Q16
10
11
12
9
ns
19
14
ns
Q17
11
10
18
3
0,04
19
14
0,03
Q18
17
4
19
2
ns
23
10
ns
Q19
19
2
21
0
ns
28
5
ns
Q20
2
19
11
10
0,006
23
10
ns
R : réponse – * plusieurs réponses possibles. 6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 1
La Presse Médicale - 1317
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O R I G I N A L
Impact d’un livret d’information sur la douleur destiné aux patients en oncologie thoracique
l’information est un moyen utile pour perfectionner la prise en charge de la douleur. Les études sur l’éducation des patients nécessitant un traitement antalgique ont des biais. Les moyens d’évaluation de la douleur et de l’efficacité des programmes d’informations sont relativement hétérogènes avec des degrés 20 limités de validité . Le questionnaire utilisé dans notre enquête,construit selon la méthode KABP, a été conçu de manière empirique,selon les questions de nos patients qui nous ont semblé les plus fréquentes.L’évaluation des programmes d’informations sur la douleur a souvent été réalisée à court terme comme dans notre enquête.L’effet des 9 programmes d’informations diminue avec le temps , ce qui nécessite la répétition de ce type d’action sur toute la période où le patient est pris en charge,mais aussi des évaluations répétées. Une évaluation sur le moyen terme pourrait être biaisée par l’aggravation de certains patients dont le suivi serait rendu impossible ou même l’absence 21 d’évaluation liée à leur décès .
pris à l’aide de ce même livret, une évaluation de la satisfaction des patients sera réalisée et la corrélation avec le 22 contrôle de la douleur sera étudiée .Ce type d’action permet, même si cela est difficile à évaluer rigoureusement, une prise de conscience,si besoin est,de la communauté des équipes médicales et paramédicales, indispensables dans la prise en charge de la douleur, notamment cancéreuse. ■ CE
Q U I É TA I T C O N N U
• Améliorer la prise en charge de la douleur implique, entre
autres, une réelle éducation du public en général, et des patients en particulier. • L’amélioration des connaissances et une communication efficace entre patients et médecins sur la douleur améliorent l’efficacité des stratégies antalgiques, quelles que soient les formes prises par cette communication, orale, écrite ou à l’aide de moyens audiovisuels.
Conclusion
CE
L’intérêt de proposer une information sur la douleur aux patients d’oncologie thoracique est confirmé par les résultats de notre enquête. Une information exhaustive sur la douleur et ses traitements a été insérée dans le livret remis à chaque patient à son entrée dans le service d’oncologie thoracique.Un suivi longitudinal de la douleur sera entre-
• Une enquête auprès de patients traités en oncologie thoracique a montré qu’un livret d’information écrite sur la douleur et son traitement a amélioré, au moins partiellement, les connaissances des patients. • Ce livret a permis d’observer un meilleur contrôle de la symptomatologie douloureuse.
Q U ’ A P P O R T E L’ A R T I C L E
Remerciements Les auteurs remercient le Dr Karine Barrau et M. Anderson Loundou pour leur aide méthodologique et statistique, ainsi que leurs remarques pertinentes lors de la rédaction du manuscrit. Les auteurs remercient également les infirmières et aidesoignantes du service d’oncologie thoracique pour l’aide précieuse qu’elles ont apportée à la réalisation de cette enquête et surtout pour leur implication quotidienne dans la prise en charge de la douleur des patients et dans la mise en œuvre des moyens pour l’améliorer.
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