J Fr. Ophtalmol., 2004; 27, 9, 1017-1024 © Masson, Paris, 2004.
COMMUNICATION DE LA SFO
Importance de la rééducation de l’amblyopie dans les cataractes congénitales unilatérales partielles de découverte tardive E. Denion, V. Dedes, M. Bonne, P. Labalette, C. Berger, F. Guilbert, S. Bouckehove, J.-F. Rouland Service d’Ophtalmologie, Hôpital Huriez, CHRU de Lille, avenue Michel Polonovski, 59037 Lille cedex. Travail présenté à la réunion de la Société d’Ophtalmologie du Nord de la France le 2 mars 2002 à Lille et au 108e congrès de la Société Française d’Ophtalmologie à Paris le 12 mai 2002. Correspondance : E. Denion, à l’adresse ci-dessus. E-mail :
[email protected] Reçu le 4 novembre 2002. Accepté le 23 mars 2004.
Importance of occlusion therapy for amblyopia in partial unilateral congenital cataracts that are discovered late E. Denion, V. Dedes, M. Bonne, P. Labalette, C. Berger, F. Guilbert, S. Bouckehove, J.-F. Rouland J. Fr. Ophtalmol., 2004; 27, 9: 1017-1024 Purpose: The aim of this study is to investigate the importance of occlusion therapy for amblyopia in patients with partial unilateral congenital cataracts that were discovered after 24 months of age. Material and methods: A retrospective study was conducted on 11 patients, each of whom underwent a clinical examination including a cycloplegic refraction with atropine. The average age when the cataract was diagnosed was 35 months. The average distance visual acuity was 6/78 and the average near visual acuity was 35/175. Occlusion therapy using adhesive patches was started after refractive error correction. In two cases, observance was mediocre. Results: Ametropia was found in every patient, with anisometropia in nine patients (α<0.02). This anisometropia included an astigmatism that was always greater on the side with the cataract (α<0.001), averaging 2.7 diopters. After occlusion therapy for amblyopia, the average visual acuity significantly improved to 6/22 in distance vision (α<0.02) and 35/45 in near vision (α<0.01). The average follow-up period was 28 months (5-60 months). Conclusion: Amblyopia is related to lens opacities as well as frequently associated anisometropia. Functional improvement is greater in near vision than in distance vision. With occlusion therapy for amblyopia, accommodation is preserved. This factor is of utmost importance as near vision is preferential in young children. This study provides an opportunity to recall the importance of refraction and occlusion therapy for amblyopia, which must be systematically attempted in cases of partial unilateral congenital cataracts before considering a surgical procedure.
INTRODUCTION La cataracte congénitale est une opacification du cristallin existant à la naissance et responsable d’une baisse de vision variable [1]. Les modalités de prise en charge de l’amblyopie de déprivation dépendent du caractère plus ou moins obstruant d’une cataracte unilatérale [2]. Nous présentons une étude rétrospective concernant 11 patients atteints d’une cataracte congénitale unilatérale partielle non opérés. Le but de cette étude est de préciser les facteurs en cause dans l’amblyopie associée aux cataractes congénitales unilatérales, de spécifier les cas où un traitement conservateur doit être tenté et de rappeler l’intérêt de la rééducation systématique de l’amblyopie dans de tels cas.
Key-words: Cataract, congenital, amblyopia, therapy. Importance de la rééducation de l’amblyopie dans les cataractes congénitales unilatérales partielles de découverte tardive Objectif : Le but de cette étude est de rappeler l’importance de la rééducation de l’amblyopie chez les patients porteurs d’une cataracte congénitale unilatérale partielle de découverte tardive (après l’âge de 2 ans). Matériel et méthodes : Une étude rétrospective a été réalisée chez 11 patients atteints d’une cataracte congénitale unilatérale partielle non opérés. Chaque patient a bénéficié d’un examen ophtalmologique complet avec une réfraction objective sous atropine. L’âge moyen de découverte de la cataracte est de 35 mois. L’acuité visuelle initiale moyenne est de 1,5/10 en vision de loin et de Rossano-Weiss 1/8 en vision de près. Après correction optique, une rééducation de l’amblyopie par occlusion a été réalisée. L’observance de la rééducation a été mauvaise dans 2 cas. Le suivi moyen a été de 28 mois (5 à 60 mois). Résultats : Une amétropie est retrouvée chez tous les patients avec anisométropie dans 9 cas (α < 0,02). Cette anisométropie comporte un astigmatisme, toujours plus important du côté
MATÉRIEL ET MÉTHODES Cette étude concerne 11 patients consécutifs atteints de cataracte congénitale unilatérale partielle dont le suivi initial s’échelonne de janvier 1996 à octobre 2000. L’âge moyen de découverte de la cataracte est de 35 mois (10 mois à 58 mois). Les motifs de découvertes sont variés, connus chez 8 des 11 patients et résumés dans le tableau I. Il s’agit plus souvent d’un dépistage scolaire
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E. Denion et coll.
J. Fr. Ophtalmol.
atteint (α < 0,001), d’une valeur moyenne de 2,7 D. L’acuité visuelle moyenne après rééducation de l’amblyopie est significativement améliorée : 3,7/10 en vision de loin (α < 0,02) et Rossano-Weiss 1/3 en vision de près (α < 0,01). Conclusion : L’amblyopie est en rapport avec les opacités cristalliniennes mais également avec l’anisométropie fréquemment associée. L’amélioration fonctionnelle est plus importante en vision de près qu’en vision de loin. La rééducation de l’amblyopie chez ces patients non opérés permet de conserver l’accommodation, facteur essentiel chez le jeune enfant où la vision de près est préférentielle. Cette étude permet de rappeler l’importance de la réfraction et de la rééducation de l’amblyopie qui doit être réalisée de façon systématique avant d’envisager un éventuel geste chirurgical dans ces cataractes congénitales unilatérales partielles.
Mots-clés : Cataracte, congénitale, amblyopie, occlusion.
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(4 patients) que de la suspicion, par les parents, d’une anomalie ophtalmologique (3 patients) ou d’une découverte fortuite (patient n° 4). Aucun des patients ne présente de syndrome malformatif général. La cataracte concerne le côté gauche dans 8 cas et le côté droit dans 3 cas. Elle est polaire postérieure dans 9 cas (fig. 1), polaire postérieure et antérieure chez le patient 4 (fig. 2) et pyramidale antérieure chez le patient 1 (fig. 3). Chez le patient 1, existe en plus une dysgénésie du segment antérieur avec corectopie (fig. 3). Un examen sous anesthésie générale réalisé à l’âge de 10 mois a retrouvé un tonus oculaire normal. Le fond d’œil est analysable de façon satisfaisante et normal chez tous les patients. Une réfraction sous atropine a été réalisée chez tous les patients. La réfraction a ensuite été régulièrement réévaluée sous atropine ou sous cyclopentolate. Une réfraction automatique a pu être réalisée chez certains patients. Une skiascopie a pu être été réalisée chez tous les patients avec des difficultés à la réalisation chez le patient 1. Des moyens adaptés à l’âge ont été utilisés pour évaluer l’acuité visuelle : poursuite, test d’attraction, boules calibrées pour les plus jeunes ; échelles d’acuité de Zanlonghi, de Weiss ou de Snellen de loin et de RossanoWeiss de près pour les plus âgés. L’acuité visuelle initiale retenue était la première acuité chiffrable [3]. Si différentes échelles d’acuité de loin ont été utilisées, la même échelle a été le plus souvent conservée pour suivre l’évolution de l’acuité visuelle chez un patient donné. En ce qui concerne la vision de près, la distance de lecture a été contrôlée. Le test de Rossano-Weiss a souvent été pratiqué à la distance de lecture choisie spontanément par l’enfant puis à 33 cm. Lorsque le résultat du test à 33 cm manquait, l’acuité visuelle a été corrigée au prorata de la distance de lecture (toujours notée dans le dossier). Une comparaison entre l’acuité visuelle initiale et l’acuité visuelle après rééducation de l’amblyopie a été effectuée grâce au test t pour les petits échantillons [5]. Une comparaison entre le côté sain et le côté atteint pour l’équivalent sphérique moyen et pour la puissance moyenne de l’astigmatisme a été réalisée grâce au même test [5]. Une kératométrie a été effectuée chez 6 patients (kératomètre de Javal ou kératomètre automatique). Chaque patient a bénéficié d’un bilan orthoptique.
Un traitement par occlusion de l’œil non atteint de cataracte a été réalisé dans tous les cas après correction optique adaptée fondée sur la réfraction sous atropine. Le protocole d’occlusion dépendait de la profondeur de l’amblyopie initiale et de l’âge des patients. Les principaux critères ayant fait décider de tel ou tel protocole d’occlusion sont détaillés ci-après. L’occlusion « permanente diurne », définie comme une occlusion de l’œil adelphe pendant tout le temps d’éveil du patient, tous les jours, pendant une période donnée, a été utilisée en règle générale après l’âge de 4 ans. Seul le patient 4 en a bénéficié pendant 8 jours à l’âge de 30 mois. Une amblyopie profonde (moins de 1/10 ; Rossano-Weiss 1/8) ou une absence de réponse à un protocole d’occlusion moins agressif incitait à la prescription d’une occlusion permanente diurne. Pour les amblyopies relatives (plus de 1/10 ; Rossano-Weiss 1/8), deux types de protocoles d’occlusion étaient prescrits : soit une occlusion de l’œil adelphe quelques heures par jour, de 5 jours sur 7 à 7 jours sur 7 ; soit une occlusion totale (c’est-à-dire pendant tout le temps d’éveil) de 1 jour sur 2 à 5 jours sur 7. L’amblyopie était rééduquée via une occlusion d’entretien proposée selon deux protocoles : soit quelques heures d’occlusion de l’œil adelphe de 2 jours sur 7 à 7 jours sur 7 ; soit une occlusion totale de l’œil adelphe 2 jours sur 7. Une amblyopie était considérée comme rééduquée lorsque, malgré un protocole d’occlusion adapté et bien suivi, l’acuité visuelle cessait de progresser. Les protocoles d’occlusion utilisés sont détaillés dans le tableau II. L’observance de la rééducation de l’amblyopie a été mauvaise dans 2 cas (patients 1 et 5). Le suivi moyen total est de 28 mois (de 5 à 60 mois). Le suivi moyen post-thérapeutique est de 27 mois (5 à 60 mois).
RÉSULTATS L’acuité visuelle initiale moyenne est de 1,5/10 (1/40 à 6/10) en vision de loin et de Rossano-Weiss 1/8 (1/20 à 1/2) en vision de près. L’acuité visuelle finale (après rééducation de l’amblyopie) moyenne est de 3,7/10 (1/10 à 8/10) en vision de loin (fig. 4) et de Rossano-Weiss 1/3 en vision de près (Rossano-Weiss 1/2 à Rossano-Weiss 1/8). L’ensemble des données concernant l’acuité visuelle est regroupé dans le tableau I. L’évaluation de l’acuité
Vol. 27, n° 9, 2004
Cataractes congénitales et amblyopie
1 2 3 4 5
Acuité visuelle
0,9 0,9 0,8 0,8 0,7 0,7 0,6 0,6 0,5 0,5 0,4 0,4 0,3 0,3 0,2 0,2 0,1 0,1 00 11
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Patients
AV initiale AV initiale
AV AV finale
Acuité visuelle (dénominateur de la fraction de Rossano-Weiss)
1019 11
2
2
2
2
3 6 10
1
8
16
2
10 8
3
10
4
10
5
3
2 3
2 3
2
22
3
8
6
7
8
9
10
11
Patients Patients
AV initiale AV initiale
AV AV finale finale
Figure 1 : Patient 2 : cataracte polaire postérieure. Acuité visuelle après 16 mois de rééducation : 2/10 RW 1/2. Figure 2 : Patient 4 : cataracte polaire antérieure et postérieure. Acuité visuelle après 12 mois de rééducation : 5/10 RW 1/2. Figure 3 : Patient 1 : cataracte pyramidale antérieure avec dysgénésie du segment antérieur comportant une corectopie et des synéchies de l’angle irido-cornéen de 6 à 11 heures. Acuité visuelle après 15 mois de rééducation (l’observance étant médiocre) : 1/10 RW 1/6. Figure 4 : Évolution de l’acuité visuelle de loin avec la rééducation de l’amblyopie par occlusion. Les patients sont classés par ordre d’acuité visuelle initiale. Figure 5 : Évolution de l’acuité visuelle de près avec la rééducation de l’amblyopie par occlusion (pour chaque patient, l’acuité avant et après occlusion est figurée par le dénominateur de la fraction de Rossano-Weiss. Par exemple : « 2 » pour « Rossano-Weiss 1/2 »). Les patients sont classés dans le même ordre que dans la figure 4.
visuelle de près et de loin avec la rééducation de l’amblyopie sont représentées sur les figures 4 et 5. La comparaison de l’acuité visuelle avant et après traitement montre une différence, tant pour la vision de loin (α < 0,02) que pour la vision de près (α < 0,01).
Il existe une amétropie pour 9 patients parmi les 11 patients avec anisométropie. L’anisométropie est ici définie comme une différence de 1 D ou plus, en sphère ou en cylindre entre les réfractions des deux yeux [3, 4]. L’équivalent sphérique moyen du côté de la cataracte
Polaire postérieure
36 mois
4 ans : bilan scolaire (amblyopie) 41 mois : bilan scolaire (amblyopie)
(9/10 RW 1/2) 16 mois 2/10 RW 1/2
44 mois
58 mois
Polaire postérieure
55 mois
(5/10 RW 1/3) 2/10 RW 1/3
(9/10 RW 1/2) 60 mois 5/10 RW 1/2
Polaire postérieure
(9/10 RW 1/2) (10/10 RW 1/2) 48 mois 6/10 RW 1/2 8/10 RW 1/2
(8/10 RW 1/2) (10/10 RW 1/2) 17 mois 2/10 RW 1/3 4/10 RW 1/2 Polaire (10/10 RW 1/2) (10/10 RW 1/2) 23 mois postérieure 3/10 RW 1/3 8/10 RW1/2
Polaire postérieure
12 mois
14 mois Polaire 1/10 RW 1/8 4/10 RW 1/2 5 mois puis pas de postérieure (2/10 RW 1/6) (6/10 RW 1/2) suivi jusqu’à 46 mois 31 mois Polaire (10/10 RW 1/2) (10/10 RW 1/2) 10 mois postérieure 1/10 RW 1/3 3/10 RW 1/2
1/10 RW 1/10 2/10 RW 1/3 40 mois (8/10 RW 1/2) (10/10 RW 1/3)
(8/10 RW 1/2) 1/20 RW 1/16
(– 2 à 0°) – 3 à 0°
(Non faite)
Non faite
Kératométrie
b
(Non faite) Non faite
Non faite (Non faite)
– 1,25 à 0° (Non faite)
(Pas d’astigmatisme) Pas d’astigmatisme
Inconu (Inconnu)
Mixte (Inconnu)
(Cornéen) Cornéen (Mixte) Cornéen
(Mixte) Mixte
(Inconnu)
Inconnu
(+ 1) + 2,50 (– 1,50)30°
(+ 2) – 4 (– 3)120° (+ 1) + 1,50 (-1,50)0°
(Non faite) Non faite
(Non faite) Non faite (– 1 à 105°) – 1,75 à 95°
(Inconnu) Inconnu
(Inconnu) Inconnu (Pas d’astigmatisme) Cornéen
b
Type d’astigmatisme
(+ 1 (– 0,50)120°) (Non faite) (Inconnu) – 1,75 (– 2,50)155° – 2,50 à 150° Cornéen
(+ 0,75) + 0,75
+ 1,75 (– 4,50)170° (+ 2,25 (– 1,50)5°)
– 1,75 (– 4,25)20° (+ 2 (– 0,50)140°)
(+ 3,75 (– 1)0°) (– 1 à 0°) + 3,75 (– 1)0° – 1 à 0° (+ 0,25 (– 0,25)10°) (– 0,75 à 175) + 3 (– 1,75)10° – 1,75 à 10°
(+ 2 (– 0,75)10°) – 0,75 (– 3,75)175°
(+ 2,50 (+ 0,50) 170°)
– 6 (– 6) 0°
Réfraction sous cycloplégiquesb
Orthophorie
Orthophorie
Xt4H0 ; X’t4H0
Xt18H0 ; X’t18H0
Orthophorie
Xt6H0 ; X’t10H0
Orthophorie
Xt25 H0 ; X’t8H0
Xt10H0 ; X’t8H0
Xt18H0 ; X’t12H0
Xt12H0 ; X’t12H0
Bilan orthoptique (correction portée)c
a : l’acuité visuelle initiale retenue est la première acuité chiffrable ; b : ligne du haut pour l’œil droit et du bas pour l’œil gauche ; c : sur la ligne de l’œil concerné (ligne du haut pour l’œil droit et du bas pour l’œil gauche) figure le résultat du bilan orthoptique ; polaire ant. et post. d : polaire antérieure et postérieure.
Patient 11 (OG)
Patient 10 (OG)
Patient 8 10 mois : (OG) suspicion de strabisme Patient 9 Vers 3,5 ans : (OG) motif inconnu
Patient 7 31 mois : (OG) bilan scolaire (amblyopie)
Patient 6 7 mois : (OD) suspicion de strabisme
28 mois
Polaire (10/10 RW 1/2) (10/10 RW 1/2) 24 mois postérieure 1/20 RW 1/10 1/10 RW 1/8 Polaire ant. (7/10 RW 1/2) (10/10 RW 1/2) 24 mois et post.d 1/20 RW 1/10 5/10 RW 1/2
43 mois
Patient 4 28 mois : (OG) fortuite (projection de Javel) Patient 5 34 mois : (OD) motif inconnu
Polaire postérieure
54 mois
15 mois
Durée du suivi
Patient 2 4 ans : (OG) bilan scolaire (amblyopie) Patient 3 43 mois : (OG) motif inconnu
(9/10 RW 1/2) (8/10 RW 1/2)
1/40 RW 1/10 1/10 RW 1/6
AV après rééducationb
10 mois Pyramidale puis pas de antérieure suivi jusqu’à 41 mois
AV initiale
a,b
Patient 1 1 mois : (OD) corectopie
Type de cataracte
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Première Motif de découverte consultation
Tableau I Résumé des données cliniques.
E. Denion et coll. J. Fr. Ophtalmol.
Patient 1 (OG) – 44 mois : • 1/20 RW 1/10 • 4 h /j 7 j/7 – 67 mois: • 1/10 RW 1/8 • 4 h/j 7 j/7
– 54 mois : • 1/20 RW 1/16 • occlusion permanente diurne 1 mois – 55 mois : • 1/10 RW 1/8 • occlusion totale 5 j/7 – 64 mois : • 2/10 RW 1/2 • occlusion totale 4 j/7
Occlusion bien suivie pendant 9 mois puis difficultés d’observance liées à la rentrée scolaire
Patient 3 (OD)
Patient 2 (OD)
• 4 h/j 7 j/7
– 30 mois : • 1/20 RW 1/10 • occlusion permanente diurne 8 jours puis 1 j/2 – 32 mois : • 3/10 RW 1/3 • 4 h/j 7 j/7 – 40 mois : • 5/10 RW 1/2
Patient 4 (OD)
– Consultation à l’âge de 14 mois puis arrêt du suivi jusqu’à l’age de 46 mois – Bonne observance depuis la reprise du suivi
– 31 mois : • 1/10 RW 1/3 • occlusion totale 1 jour sur 2 pour 1 mois – 38 mois : • 2/10 RW 1/3 • occlusion totale 2 j/7 – 41 mois : • 3/10 RW 1/2 • occlusion totale 2 j/7
– 46 mois : • 1/10 RW 1/8 • occlusion permanente diurne 3 jours puis 5 j/7 – 51 mois : • 4/10 RW 1/2 • occlusion totale 5 j/7
– 36 mois : • 1/10 RW 1/10 • 2 h/j 5 j/7 – 38 mois : • 1/10 RW 1/6 • 2 h/j 7 j/7 – 46 mois : • 2/10 RW 1/3 • occlusion totale 2 j/7 et 2 h/j les 5 autres jours – 58 mois : arrêt occlusion
Mauvaise observance
Patient 7 (OD)
Patient 6 (OG)
Patient 5 (OG)
– Arrêt du suivi de 12 à 36 mois – Bonne observance depuis la reprise du suivi
– 36 mois : • 2/10 RW 1/3 • 3 h/j 5 j/7 – 39 mois : • 2/10 RW1/2 • 6 à 7 h/j 7 j/7 – 57 mois : • 4/10 RW 1/2 • 4 h/j 7 j/7 – 72 mois : • 5/10 RW 1/2 • 4 h/j le mercredi et le weekend
Patient 8 (OD) – 55 mois : • 2/10 RW 1/3 • 3 h/j 7 j/7 – 56,5 mois : • 2/10 RW 1/3 • 15 jours d’occlusion permanente diurne – 57 mois : • 4/10 RW 1/2 • 6 j/7 pour 1 mois puis 5 j/7
Patient 9 (OD) – 58 mois : • 3/10 RW 1/3 • occlusion permanente diurne pour 10 jours puis 6 j/7 pendant 2 mois puis 5 j/7 – 65 mois: • 5/10 RW 1/2 • occlusion totale 5 j/7 – 71 mois: • 8/10 RW 1/2 • occlusion totale 5 j/7
Patient 10 (OD)
– 49 mois : • 6/10 RW 1/2 • 5 h/j 5 j/7 – 51 mois : • 10/10 RW 1/2 • 5 h/j 3 j/7 – 59 mois : • 8/10 RW 1/2 • 5 h/j 2 j/7
Patient 11 (OD)
*Tout changement de protocole ou d’acuité visuelle est mentionné avec l’âge correspondant. Sont alors indiquées acuité visuelle et durée quotidienne et hebdomadaire d’occlusion.
Remarques – Arrêt du suivi de 10 à 41 mois – Occlusion faite 1 mois à 41 mois puis arrêtée avec reprise de la prise en charge à 49 mois – Mauvaise observance globale
Occlusion* – 41 mois : • 1/40 RW 1/10 • 3 h/j 7 j/7 – 49 mois : • 1/40 RW 1/10 • occlusion permanente diurne pour 15 j puis 2-3 h/j 7 j/7 – 56 mois : • 1/10 RW 1/6 • 2-3 h/j 7 j/7
Patient et œil occlus
Tableau II Protocole d’occlusion et évolution de l’acuité visuelle.
Vol. 27, n° 9, 2004 Cataractes congénitales et amblyopie
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E. Denion et coll.
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est de – 1,4 D. L’équivalent sphérique moyen du côté sain est de + 1,50 D. Du côté de la cataracte, il existe un astigmatisme dans 10 cas. La valeur moyenne de cet astigmatisme est de 2,7 D (0 à 4,5 D). Cet astigmatisme est direct dans 6 cas, d’une valeur moyenne de 3 D (1 à 6 D). Cet astigmatisme est oblique (situé à plus de 10° de part ou d’autre des axes 0 et 90°), dans 4 cas, d’une valeur moyenne de 2,8 D (1,50 à 4,25 D). Par comparaison, il existe un astigmatisme dans 7 cas du côté sain. La valeur moyenne de cet astigmatisme est de 0,45 D (0 à 1,50 D). Chez chacun de ces 7 patients, il existe un astigmatisme du côté atteint de cataracte. Chez 6 de ces 7 patients, l’astigmatisme est plus important du côté de la cataracte et chez le septième patient (patient 3) cet astigmatisme est de même valeur des deux côtés. La différence de réfraction constatée entre le côté atteint de cataracte et le côté sain est significative pour l’équivalent sphérique (α < 0,02) – avec une tendance à la myopisation du côté atteint – et pour l’astigmatisme (α < 0,001) avec astigmatisme plus fréquent et plus important du côté atteint. Une kératométrie a été réalisée dans 6 cas (tableau I) et montre que l’astigmatisme est soit d’origine cornéenne pure (4 cas) soit mixte (2 cas). Dans 3 des 4 cas où l’astigmatisme est d’origine cornéenne, il existe une anisométropie sphérocylindrique indiquant que la cornée n’est pas seule en cause dans l’anisométropie et que la cataracte induit probablement des perturbations réfractives. Le bilan orthoptique retrouve une orthophorie dans 4 cas et une exotropie de l’œil atteint de cataracte dans 7 cas. La valeur moyenne de cette exotropie est de 12,5 D prismatiques en vision de loin (4 à 25 D) et de 10 D prismatiques en vision de près (4 à 18 D).
DISCUSSION Chez la majorité des enfants de cette série, la cataracte est de découverte tardive. Cela s’explique en partie par le fait que ces cataractes soient partielles. Il n’est donc pas possible d’être absolument certain de l’origine congénitale [6]. Néanmoins, en l’absence de cause évidente telle qu’un traumatisme, nous considérons l’origine congénitale comme la plus probable. De façon assez étonnante (puisqu’on pourrait s’attendre à ce que la cataracte engendre un astigmatisme cristallinien), dans 4 cas, l’astigmatisme du côté atteint de cataracte était cornéen pur avec dans 3 des 4 cas une différence notable de puissance de l’astigmatisme entre les deux côtés. L’équivalent sphérique moyen et l’astigmatisme sont significativement différents lorsque sont comparés le côté sain et le côté atteint de cataracte. L’équivalent sphérique montre, du côté atteint de cataracte, une myopisation, peut-être en rapport avec une modification de l’indice de réfraction du cristallin.
J. Fr. Ophtalmol.
Dans les cas d’amétropie, les mesures biométriques qui auraient permis de différencier la part axile de la part réfractive n’ont pas été réalisées. Chez 7 des 11 patients, existe en outre une exotropie de l’œil atteint de cataracte. L’existence d’un strabisme est en effet fréquente en cas de cataracte congénitale unilatérale [7]. Il existe donc souvent trois facteurs amblyogènes du côté atteint : – l’opacité de la cataracte qui entraîne une amblyopie de privation [8] ; – l’amétropie et l’anisométropie associées à la cataracte à l’origine d’une « amblyopie due à un trouble réfractif » [8] ; – l’exotropie, source d’une « amblyopie due à une déviation strabique » [8]. L’anisométropie et le strabisme sont souvent associés à un trouble des milieux chez l’enfant [9]. Pour Bradford et al. [9], leur présence n’est pas un facteur pronostique. L’amblyopie de suppression, qu’elle soit d’origine réfractive ou strabique peut être traitée par un protocole d’occlusion adapté [3, 4, 9], après correction totale de l’amétropie, et notamment correction complète de l’astigmatisme. L’observance de la rééducation de l’amblyopie est donc primordiale. Dans cette série de 11 patients, cette observance a été satisfaisante dans 9 cas. Dans 8 de ces 9 cas, l’acuité visuelle de près est de Rossano-Weiss 1/2 après rééducation de l’amblyopie. Dans le dernier cas (patient 3), l’acuité visuelle de près est à Rossano-Weiss 1/8. Chez ce patient, l’observance a été bonne pendant les 9 premiers mois. L’acuité visuelle à 9 mois de suivi était à 1,5/10 RW 1/6. Puis avec la rentrée scolaire, l’occlusion a été moins bien suivie et l’acuité a chuté à 1/10 RW 1/8. Dans 2 cas (patients 1 et 5), l’observance a été mauvaise. Cette mauvaise observance explique sans doute en partie la récupération moyenne en vision de près après rééducation à respectivement Rossano-Weiss 1/6 chez le patient 1 et de Rossano-Weiss 1/3 chez le patient 5. Toutefois, chez le patient 1 qui présente une cataracte pyramidale antérieure, la skiascopie était de réalisation difficile, ce qui est assez fréquent dans ce type de cataracte [10] et témoigne d’un retentissement plus important de l’opacité. En outre, les cataractes polaires antérieures, dont les cataractes pyramidales antérieures font partie [10], sont connues pour entraîner une amblyopie par l’anisométropie (très importante chez le patient 1) et le strabisme (exotropie chez le patient 1) qui leur sont souvent associés [11]. Les cataractes pyramidales antérieures sont donc une variante sévère des cataractes polaires antérieures [10]. Cette sévérité associée à la mauvaise observance explique probablement la récupération médiocre observée chez le patient 1. La prescription d’une occlusion dépend de nombreux facteurs autres que purement médicaux que sont notamment la collaboration des parents et la tolérance de l’enfant à accepter le port d’une occlusion en contexte scolaire. Ainsi, s’explique la difficulté de parfaitement
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« protocoliser » l’occlusion en fonction de l’âge du patient et de la profondeur de l’amblyopie. Chez les patients de cette série, la densité, la taille et la position (toujours dans l’axe visuel) de l’opacité n’ont pas été seules prises en compte dans la décision de tenter une rééducation de l’amblyopie. Cette décision s’est surtout faite en se fondant sur trois critères : la bonne qualité de la lueur pupillaire, la possibilité de réaliser le fond d’œil [12, 13] et de pratiquer une skiascopie [13]. Drummond et ses collaborateurs proposent dans de tels cas d’associer une dilatation de longue durée de l’œil atteint de cataracte (destinée à éviter l’opacité centrale) à une occlusion de l’œil sain [13]. Dans notre série, la rééducation de l’amblyopie a abouti à de bons résultats, surtout en vision de près, malgré l’absence de dilatation de l’œil atteint. Nous n’avons pas observé de progression significative de la cataracte. Cette progression peut cependant être parfois rapide, notamment pour les formes sous-capsulaires postérieures [12]. Le retentissement d’une telle progression peut s’évaluer en testant l’effet du protocole d’occlusion. En cas de dégradation de l’acuité visuelle malgré une bonne observance, l’opacité cristallinienne peut être incriminée et la poursuite d’un traitement conservateur être remise en question. Dans les cas où une chirurgie est envisagée, l’observance pré-opératoire peut être considérée comme un test permettant de supposer l’observance de la rééducation post-opératoire qui est primordiale [6, 14]. L’observance de la rééducation doit donc être prise en compte dans la décision d’intervenir. Nous discuterions d’une intervention chez des patients respectant bien le protocole d’occlusion et dont la vision de près stagnerait à un niveau inférieur ou égal à Rossano-Weiss 1/4 après rééducation intensive. L’amblyopie cesse d’être rééducable vers l’âge de 10 ans [7]. Si la rééducation de l’amblyopie a été efficace, il est alors est légitime de discuter d’une intervention chirurgicale avec implantation en chambre postérieure. À cet âge (après 10 ans), les complications telles que l’opacification capsulaire postérieure ou l’inflammation endoculaire sont en effet moins importantes [13]. Sous réserve d’une bonne observance, la récupération en vision de près est donc satisfaisante et meilleure que l’amélioration en vision de loin. Cette bonne récupération en vision de près est probablement liée à deux facteurs principaux que sont le respect de l’accommodation et le fait que la vision de près soit préférentielle chez le jeune enfant. Il est essentiel, pour le suivi de la vision de près, de contrôler la distance de lecture. En effet, les enfants ont tendance à approcher la plaquette d’optotype à leur gré. Or, contrarier cette spontanéité peut se solder par un refus de l’enfant de lire et une impossibilité de mesurer l’acuité visuelle de près. La distance de lecture doit donc être consignée dans le dossier. Une même dis-
Cataractes congénitales et amblyopie
tance de lecture permet de suivre les progrès de l’enfant. La connaissance de cette distance de lecture permet aussi de déduire l’acuité de près « réelle ». Dans l’idéal, il faut, après que l’enfant a lu à la distance qu’il a choisie, pratiquer de nouveau le test à 33 cm. La collaboration de jeunes patients n’est pas toujours suffisante pour que cela soit possible. Dans cette étude, le suivi moyen n’est que de 28 mois pour le suivi total et 27 mois pour le suivi post-thérapeutique (après début du protocole d’occlusion). Il est possible que l’acuité visuelle de loin s’améliore plus lentement que l’acuité visuelle de près et que le suivi n’ait pas été assez long pour mettre cette constatation en évidence.
CONCLUSION La prise en charge d’une cataracte congénitale unilatérale partielle doit systématiquement commencer par une étude de la réfraction sous cycloplégique suivie d’une correction adaptée de l’amétropie. Cette amétropie corrigée, une rééducation de l’amblyopie associée à la cataracte doit être commencée. Cette rééducation de l’amblyopie semble souvent suffisante et permet en cas de bonne observance une récupération notable en vision de près qui doit, plus que la vision de loin, être le critère de réussite de la rééducation. Ce n’est qu’en cas d’observance rigoureuse et de récupération insuffisante en vision de près qu’un geste chirurgical doit, à notre avis, être discuté.
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