Rôle ambivalent des plaquettes au cours du paludisme Une action délétère des plaquettes au cours du paludisme a été suggérée, en raison de la participation de celles-ci à la séquestration des hématies infectées dans la circulation cérébrale. Cette séquestration jouerait un rôle-clef dans la gravité de certains accès palustres et favoriserait la survenue des accès les plus sévères, en particulier dans les cas parfois fatals de neuropaludisme. La thrombopénie est pourtant un facteur reconnu de mauvais pronostic de l’accès palustre, en général associée à une densité plus forte en hématies parasitées et à une plus grande mortalité.
Caractère aggravant de la thrombopénie au cours des accès palustres
lyser efficacement les hématies infectées par Plasmodium falciparum, et d’inhiber ainsi la croissance parasitaire. Cette activité est dose-dépendante et diminue en présence d’aspirine ou d’autres inhibiteurs des fonctions plaquettaires. Ces résultats sont confirmés chez l’animal. En effet, des souris déficientes en plaquettes s’avèrent bien plus susceptibles à l’infection de leurs hématies par le parasite murin Plasmodium chabaudi, et présentent notamment une mortalité plus élevée par rapport à des souris contrôles. Pour des doses infectantes similaires, les parasitémies sont supérieures chez les souris déficientes, ce qui suggère une certaine maîtrise effective de la multiplication parasitaire par les plaquettes. Des résultats similaires sont obtenus chez des souris traitées par aspirine, en cohérence avec l’impact délétère rapporté dans la littérature des traitements par aspirine de l’accès palustre. Ce travail démontre donc l’implication des plaquettes dans un contrôle partiel des phases précoces de l’infection par différentes espèces de Plasmodium, de façon indépendante de leur activité potentiellement néfaste au niveau cérébral. Cette fonction protectrice pourrait expliquer le caractère aggravant de la thrombopénie au cours des accès palustres.
Des chercheurs australiens se sont intéressés à ce volet positif des plaquettes vis-à-vis du paludisme, en étudiant leurs implications dans la défense immunitaire innée développée par l’hôte au cours de l’infection. Dans un modèle d’infection in vitro de co-cultures d’hématies synchronisées, on constate que des plaquettes McMorran BJ, Marshall VM, de Graaf C, et al. humaines purifiées sont susceptibles de Science 2009;323(5915):797-800.
Infection à VIH : traiter encore plus précocement ? Depuis l’apparition du premier antirétroviral (ARV) : l’AZT, la question du moment optimal pour débuter un traitement ARV chez le sujet infecté par le VIH reste largement débattue. Les recommandations internationales ont notamment subi un mouvement de balancier, expliqué d’un côté par les bénéfices immenses conférés aux patients par les multithérapies antirétrovirales hautement actives (ou HAART), et d’un autre côté par la crainte de leur toxicité au long cours. Ces guidelines avaient ainsi recommandé de traiter les sujets dès que leur taux sanguin de CD4 passait sous le seuil de 500/mm3 en 1996, avant que l’on choisisse plus récemment le seuil plus attentiste de 350 CD4/mm3.
De nombreux arguments plaident pourtant en faveur du bénéfice accru d’un traitement instauré précocement, notamment réservant un taux de réponses thérapeutiques plus élevé, la diminution escomptée de la diversité virale et surtout un meilleur maintien potentiel des fonctions immunitaires. Pour tenter d’aller plus loin dans cette réflexion cruciale, le groupe NA-ACCORD (pour North American AIDS Cohort Collaboration on Research and Design) rapporte deux études observationnelles menées en parallèle sur des données provenant de 22 cohortes nord-américaines, regroupant un total de 67 527 sujets séropositifs recrutés entre 1996 et 2005.
Tuberculoses extensives résistantes : un tiers d’échecs thérapeutiques Chaque année, on estime à 490 000 le nombre de nouveaux cas de tuberculoses multirésistantes à travers le monde, avec une prévalence qui pourrait être trois fois supérieure à ce nombre. Les tuberculoses multirésistantes, ayant pour origine des souches de Mycobacterium tuberculosis déjà résistantes à l’isoniazide et à la rifampicine, sont plus difficiles à traiter et le coût du traitement est de ce fait plus élevé que celui des tuberculoses non résistantes. Mais ce sont les tuberculoses extensives résistantes (ou ultra-résistantes) qui restent les plus difficiles à traiter. Ces formes représentent un sous-groupe des tuberculoses multirésistantes qui sont aussi résistantes aux antituberculeux de seconde ligne comme les aminoglycosides, la capréomycine et les fluoroquinolones. Entre 2000 et 2004, 7 % des isolats de Mycobacterium tuberculosis multirésistants concernaient des souches extensives résistantes. Une étude publiée par une équipe de chercheurs américains a permis de décrire le traitement, la prise en charge et le devenir des patients présentant une tuberculose extensive résistante dans une région de Russie. Une cohorte de plus de 600 patients touchés par une tuberculose multirésistante a donc été suivie entre le mois de septembre 2000 et le mois de novembre 2004. Différents paramètres ont été reportés comme les caractéristiques cliniques, les prises en charges thérapeutiques et médicales. Une comparaison a ensuite été établie entre le groupe de patients ayant une tuberculose multirésistante et ceux ayant une tuberculose extensive résistante. Les résultats montrent que 5 % des patients présentent une tuberculose extensive résistante, avec un échec thérapeutique plus important chez ce type de patients (31 % des cas) que dans le groupe de patients n’ayant pas ce type de résistance (8, 5 % des cas). La fréquence des effets secondaires reste identique dans les deux cas. Enfin, 48 % des patients ayant une tuberculose extensive résistante et 66 % des patients n’ayant pas de tuberculose extensive résistante mais juste une tuberculose multirésistante ont des antécédents de traitement antituberculeux, efficace ou non.
Keshavjee S, Gelmanova I. Lancet 2008;372:403-9.
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Durant cette période, 17 517 sujets asymptomatiques et n’ayant jamais reçu de traitement ARV ont été sélectionnés, puis répartis en groupes, selon leur numération lymphocytaire CD4 à l’entrée dans l’étude. La première analyse, qui a concerné les 8 362 sujets ayant un taux de CD4 entre 350 et 500/mm3, a comparé la mortalité observée chez ceux (n = 2 084) ayant immédiatement débuté un traitement par HAART par rapport à celle constatée chez les patients (n = 6 278) n’ayant pas débuté le traitement à ce stade (groupe traitement différé). Les résultats sont frappants : après avoir ajusté les résultats sur l’année de traitement et d’autres caractéristiques cliniques ou démographiques connues comme pouvant influer sur le pronostic, une augmentation de 69 % du taux de mortalité est observée dans le groupe traitement différé (IC 95 % : 1,26-2,26 ; p<0,001). La deuxième analyse concernait 9 155 patients présentant un taux de CD4 supérieur à 500/mm3. Parmi ceux-ci, 2 220 avaient débuté le traitement dès ce stade,
tandis que les 6 395 autres n’avaient pas été traités aussi précocement. Là encore, après les ajustements nécessaires, le risque de décès est augmenté de 94 % dans le groupe à traitement différé (IC95 % : 1,37 1,79 ; p < 0,001), par comparaison au groupe traité précocement.
Un traitement ARV encore plus précoce avec un arsenal thérapeutique élargi Ces résultats sont évidemment frappants, mais doivent être nuancés. Il s’agit d’une part d’études observationnelles, qui ne peuvent avoir la valeur d’un réel essai randomisé, ne serait-ce que du fait de la possibilité de facteurs confondants, non éliminés par les ajustements réalisés. Ainsi, certaines variables peuvent à la fois influer défavorablement sur le pronostic et conduire à différer
le traitement. Surtout, une proportion importante des sujets des groupes traitements différés des sous-études n’étaient toujours pas traités six mois après le passage à un seuil inférieur des CD4 (au-dessous de 350 et au-dessous de 500 cellules par mm3, respectivement). Il n’en est pas moins vrai que ce travail est un argument de plus en faveur d’un traitement ARV encore plus précoce de l’infection à VIH, d’autant que l’éventail de l’arsenal thérapeutique dirigé contre le VIH s’est considérablement élargi ces dernières années, avec l’apparition de molécules moins toxiques que les molécules de première génération. Le futur nous dira comment les recommandations internationales prendront en compte ces nouvelles données, à la fois dans les pays industrialisés et surtout dans les pays en voie de développement, cibles majeures, faut-il le rappeler, de l’épidémie à VIH.
Kitahata MM, Gange SJ, Abraham AG et al. N Engl J Med 2009;360:1815-26. Sax PE et Baden LR. N Engl J Med 2009;360:1897-99.
Une autre avancée majeure dans le traitement de l’hépatite C Depuis le premier essai-pilote, rapporté en 1986, d’évaluation de l’interféron alfa dans le cadre des hépatites étiquetées à l’époque « non A non B », la prise en charge thérapeutique de l’hépatite chronique à virus C (VHC) n’a cessé de bénéficier d’avancées majeures. Ces avancées se sont d’abord manifestées par le gain d’efficacité amené par l’adjonction d’un antiviral, la ribavirine, à l’interféron, puis par le remplacement de l’interféron simple par sa forme pégylée (peg-IFN), encore plus efficace et également plus maniable car ne nécessitant qu’une injection hebdomadaire.
Avec le télaprévir, la bithérapie fait mieux, durée de traitement deux fois plus courte Cette bithérapie optimale, conduite pendant en moyenne 24 semaines, induit la guérison dans 70 à 80 % des infections dues aux « bons génotypes » (génotypes 2 et 3). Ce succès tombe en revanche à moins de 50 % pour les génotypes dits défavorables
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(génotypes 1 et 4), et ceci en dépit de traitements prolongés jusqu’à 48 semaines, voire au-delà. Cette résistance relative des génotypes 1 – qui sont, rappelons-le, les plus fréquents en Europe et aux États-Unis – à la bithérapie usuelle renforce l’importance des résultats des deux essais de phase 2, évaluant dans ce cadre l’adjonction d’une nouvelle molécule anti-VHC, l’anti-protéase télaprévir. Les essais PROVE 1 et PROVE 2, respectivement menés aux États-Unis et en Europe chez 250 et 334 patients, ont un design complexe et quasi-identique. Des sujets naïfs atteints d’hépatite C réplicative de génotype 1 ont ainsi été randomisés pour recevoir soit le traitement classique pendant 48 semaines (groupe PR48), soit un traitement incluant l’anti-protéase. Le télaprévir était administré par voie orale pendant 12 semaines, en association pendant ces mêmes 12 semaines avec le peg-IFN seul (groupe T12P12) ou de façon conjointe avec la ribavirine (groupe T12PR12), ou encore avec cette bithérapie peg-IFN/ribavirine administrée pendant 24 (groupe T12PR24) ou 48 semaines (groupe T12PR48). Sans entrer dans le détail complexe des résultats de ces essais, qui ne le sont pas moins, le message est l’obtention dans les deux essais d’un taux augmenté de succès
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pour les groupes T12PR24 comparés aux groupes contrôles PR48. Ainsi, les réponses virologiques soutenues (synonymes de guérison) sont respectivement de 61 % versus 41 % (p = 0,02) pour l’essai PROVE 1 et de 69 % versus 46 % (p = 0,004) pour l’essai PROVE 2. Pour résumer, l’adjonction pendant 3 mois de l’anti-protéase permet à la bithérapie usuelle de faire mieux, avec une durée de traitement deux fois plus courte (24 vs 48 semaines). Le télaprévir n’est toutefois pas dénué d’effets secondaires, avec une fréquence accrue d’anémie, de troubles digestifs et surtout de rash cutanés parfois sévères, survenant le plus souvent au-delà de 8 semaines d’administration. Cet inconvénient n’empêchera probablement pas cette molécule de devenir dans un futur proche un élément obligatoire du traitement de l’hépatite C… à moins que les autres agents anti-VHC en cours de développement (anti-protéases, inhibiteurs de la polymérase virale notamment) ne fassent encore mieux…
McHutchison JG, Everson GT, Gordon SC et al. N Engl J Med 2009;360:1827-38. Hézode C, Forestier N, Dusheiko G, et al. N Engl J Med 2009;360:1839-50. Hoofnagle JH. N Engl J Med 2009;360:18991901.