Médecine Nucléaire 34 (2010) 546–549
Cas clinique
Intérêt de la scintigraphie rénale dynamique dans le diagnostic de l’hypertension orthostatique (à propos d’un cas) Interest of dynamic renal scintigraphy in the diagnosis of orthostatic hypertension (a case report) A. Doudouh *, A. Biyi, Y. Oufroukhi Service de médecine nucléaire de l’hôpital militaire d’instruction Mohammed V, BP 1018, Rabat, Maroc Reçu le 9 décembre 2009 ; accepté le 29 mars 2010 Disponible sur Internet le 25 juin 2010
Résumé L’hypertension orthostatique (HTO) est une entité clinique bien connue. Elle est parfois associée à une mobilité rénale excessive. Au cours des néphroptoses, la scintigraphie rénale dynamique (SRD) permet la mise en évidence d’anomalies scintigraphiques évocatrices d’HTO orientant la conduite thérapeutique vers une chirurgie de fixation du rein mobile. Les auteurs rapportent un cas d’HTO associée à un rein droit mobile, traitée favorablement par néphropexie et dont le diagnostic a été suggéré par les données de la SRD au DTPA-Tc99m. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hypertension orthostatique ; Rein mobile ; Scintigraphie rénale dynamique
Abstract Orthostatic hypertension (HTO) is a well-known clinical entity and is sometimes associated with excessive renal mobility. During nephroptosis, dynamic renal scintigraphy (SRD) allows the identification of scintigraphic abnormalities suggestive of HTO guiding therapeutic by nephropexy. The authors report a case of HTO combined with a mobile right kidney, treated favourably by nephropexy and whose diagnosis was suggested by DTPA-Tc99m dynamic renal scintigraphy results. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Orthostatic hypertension; Mobile kidney; Dynamic renal scintigraphy
1. Introduction
2. Observation clinique
L’hypertension orthostatique (HTO) est une entité clinique bien connue [1]. Elle est parfois liée à la présence d’un rein mobile [2]. Son traitement efficace par néphropexie demande seulement d’y penser et de pratiquer une scintigraphie rénale dynamique (SRD) en décubitus dorsal et en orthostatisme. À travers un cas d’HTO sur rein mobile, les auteurs insistent sur l’intérêt capital que revêt la SRD dans le diagnostic de l’HTO.
Mr A.M., âgé de 23 ans, parachutiste, sans antécédent pathologique particulier, consulte en urologie à l’hôpital militaire Mohammed V de Rabat pour des douleurs abdominales intermittentes, accentuées du côté droit et associées à des signes urinaires à type de pollakiurie et de dysurie. Ces douleurs, évoluant depuis six mois environ, ne rétrocèdent pas aux traitements antalgiques usuels et s’exacerbent en position debout prolongée. L’examen clinique trouve un patient en bon état général, apyrétique avec des conjonctives bien colorées. Sa tension artérielle, prise en position allongée avec repos strict au lit pendant dix minutes, est de 150/100 mmHg. L’examen abdominal est normal, en dehors d’une légère sensibilité à la
* Auteur correspondant. Adresses e-mail:
[email protected] (A. Doudouh),
[email protected] (A. Biyi),
[email protected] (Y. Oufroukhi).
0928-1258/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.mednuc.2010.05.002
[(Fig. 2)TD$FIG] A. Doudouh et al. / Médecine Nucléaire 34 (2010) 546–549 palpation du flanc droit. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Un bilan biologique demandé associant une numération formule sanguine, une vitesse de sédimentation (VS), un ionogramme sanguin et un examen cytobactériologique des urines (ECBU) s’est révélé sans anomalie. Une urographie intraveineuse (UIV) demandée a permis d’objectiver des reins de taille normale, secrétant et excrétant dans les délais physiologiques avec des cavités pyélocalicielles de morphologie normale et des uretères fins et perméables. Cet examen a permis, également, d’objectiver une ptose rénale droite. Une scintigraphie rénale au DMSA-Tc99m, demandée à la recherche de défauts de fixation parenchymateuse, a été réalisée en position couchée avec incidence supplémentaire en position debout et a permis de montrer, en plus de la ptose rénale droite, une rotation ventrale du rein ptosé (Fig. 1). La technique de calcul des moyennes géométriques a permis une estimation de la fonction rénale relative (FRR) du rein droit à 53 % et du rein gauche à 47 %. Aussitôt, le diagnostic d’HTO sur rein mobile a été soulevé et a rapidement motivé une SRD au DTPA-Tc99m. Cet examen dynamique, réalisé en position debout, puis en position couchée à une semaine d’intervalle, à la même heure et selon le même protocole, a montré : une ptose rénale droite en position debout avec chute rénale de 5 cm de hauteur environ par rapport à la position couchée (Fig. 2) ; l’absence de stase pyélique sur les images séquentielles au niveau des deux reins ; un rénogramme droit altéré en position debout avec un temps de pic (Tmax) à sept minutes 30 s et une activité résiduelle à 20 minutes supérieure à 80 %, témoignant d’un allongement du temps de transit intrarénal (Fig. 3) ; une nette amélioration du rénogramme droit en position couchée avec un Tmax à quatre minutes et une cinétique d’excrétion normale, pratiquement superposable à celle du rein gauche (Fig. 4).
[(Fig. 1)TD$FIG]
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Fig. 2. Scintigraphie rénale dynamique au DTPA-Tc99m, en face postérieure, montrant une néphroptose droite en position debout (image 1) et sa correction en position couchée (image 2). Tc99m-DTPA renal dynamic scintigraphy in posterior view showing a right nephroptosis in upright position (image 1) and its correction in the supine position (image 2).
[(Fig. 3)TD$FIG]
Fig. 3. Scintigraphie rénale dynamique au DTPA-Tc99m réalisée en position debout montrant la détérioration du rénogramme droit. Tc99m-DTPA renal dynamic scintigraphy showing deterioration of right renogram in upright position.
La quantification de la FRR, basée sur la méthode des surfaces avec double correction, donne des FRR du rein droit en position debout et en position couchée, respectivement de 27 et de 55 %. Le diagnostic d’HTO, précédemment soulevé, s’est retrouvé fortement appuyé par la présence de ces anomalies scintigraphiques et une intervention chirurgicale de néphropexie a été programmée.
[(Fig. 4)TD$FIG]
Fig. 1. Scintigraphie rénale au DMSA-Tc99m, en face postérieure, montrant une néphroptose droite en position debout avec rotation ventrale du rein droit. Tc99m-DMSA renal scintigraphy in posterior view showing a right nephroptosis in upright position and ventral rotation of the right kidney.
Fig. 4. Scintigraphie rénale dynamique au DTPA-Tc99m en position couchée montrant l’amélioration du rénogramme droit. Tc99m-DTPA renal dynamic scintigraphy showing improvement of right renogram in supine position.
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Dans les suites de l’intervention chirurgicale, les chiffres tensionnels mesurés dans les mêmes conditions qu’en préopératoire se sont stabilisés autour de 130/80 mmHg et un contrôle scintigraphique en position debout a été programmé, mais il n’a pas été réalisé. 3. Discussion Le concept d’HTO et son association avec la ptose rénale ont été démontrés en 1940 par McCann et Romansky [3]. Cette association trouve son explication dans la mobilité rénale excessive, parfois associée à une rotation ventrale du rein flottant [4,5]. La mobilité rénale excessive – c’est-à-dire déplacement en hauteur du rein mobile d’environ deux fois la hauteur d’une vertèbre [6] – induit des étirements répétitifs au niveau de l’artère rénale à l’origine d’une réduction du diamètre du vaisseau [2]. L’interdépendance qui existe entre débits de fluides visqueux en écoulement dans des vaisseaux et diamètres vasculaires figure bien dans la loi de Poiseuille1 et permet d’expliquer, lorsque les autres paramètres de la loi restent inchangés, qu’une réduction du diamètre vasculaire entraîne ipso facto une réduction du débit sanguin initial. D’un autre côté, les étirements subis par les vaisseaux entraînent l’apparition d’une hyperplasie fibromusculaire qui aggrave la diminution de la lumière vasculaire et qui, s’ajoutant à la réduction du débit sanguin, fait apparaître une sténose rénale fonctionnelle en position orthostatique [7]. L’apparition d’une telle sténose entraîne, en toute logique, l’activation du système rénine-angiotensine qui se charge du rétablissement du débit sanguin rénal et de la normalisation de la pression de filtration glomérulaire (PFG). Or, ce qui est constaté chez notre patient, quant aux altérations du rénogramme droit en position debout, témoigne de l’absence de normalisation de celle-ci. L’explication physiopathologique de telles altérations rénoscintigraphiques n’est pas encore bien élucidée. Cependant, et à notre avis, la rotation du rein mobile ptosé, élément additionnel constaté chez notre patient et chez tous les patients de la série de Clorius et al. [2], serait l’une des raisons principales de ces altérations. En effet, la rotation du rein ptosé entraînerait probablement une subtorsion du pédicule rénal, à l’origine d’une certaine résistance au rétablissement du débit sanguin rénal. En présence d’un rein mobile, le diagnostic d’hypertension avec son qualificatif orthostatique nécessite logiquement des mesures de pression artérielle en position orthostatique et en position allongée avec repos strict au lit. Mais, la différence entre les valeurs mesurées dans les deux positions pour différents malades n’est pas toujours facile à prouver [2]. Dans ce contexte, la SRD trouve une place privilégiée dans le dépistage de l’HTO en permettant la mise en évidence d’anomalies scintigraphiques du côté du rein mobile,
1
Loi de Poiseuille : DP = R.D (DP = perte de charge en Pascal, D = débit sanguin, R = résistance à l’écoulement = k.h.l/r4 avec k : constante, h : viscosité du fluide, l : longueur du vaisseau et r : rayon du vaisseau).
apparaissant en orthostatisme et se corrigeant en décubitus. Une réduction de la captation du traceur au niveau du rein mobile, associée à un allongement du temps de transit intrarénal, est souvent constatée en cas d’HTO [2,5]. Chez notre patient, une baisse franche de la FRR du rein mobile droit et un aspect d’aplatissement de la deuxième phase de son rénogramme ont été observés en position debout. La constatation de telles anomalies doit faire penser à l’HTO et conduire à une néphropexie, seule garante d’un traitement adéquat. Il faut bien savoir qu’une mobilité excessive d’un rein peut, par augmentation éventuelle de la distance entre le rein et la tête de la gamma caméra, constituer une source de variabilité dans les calculs de FRR pour une même position du patient. Cette variabilité dans les calculs est simple à dépasser lorsque la variation de calculs de FRR entre position debout et position couchée est supérieure à 10 % [2]. En plus, l’atténuation tissulaire liée au mouvement du rein ne peut pas, à elle seule, expliquer une détérioration franche du rénogramme. Chez notre malade, la variation de calcul de FRR entre les deux positions a été de 28 % et le rénogramme droit a été franchement altéré dans sa seconde phase. Après néphropexie, la SRD permet de constater la disparition des anomalies scintigraphiques préthérapeutiques et de s’assurer de la fixité du rein opéré lors des changements de posture du patient [8]. La normalisation de la tension artérielle après néphropexie confirme le diagnostic d’HTO [2]. Notre travail constitue pour nous une occasion pour rappeler aux médecins isotopistes l’intérêt qu’ils doivent accorder à la prise de clichés statiques supplémentaires en position orthostatique, à la fin de chaque examen rénal qu’il soit statique ou dynamique, afin de vérifier l’éventualité d’un rein mobile susceptible d’entraîner des modifications scintigraphiques significatives lors des changements de posture. Finalement, il est important de rappeler que 20 % environ des reins mobiles présentent une mobilité excessive et que cette mobilité excessive est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes [5,6]. 4. Conclusion L’intérêt de la SRD dans le diagnostic de l’HTO est capital. Elle permet, en plus de la confirmation de la mobilité rénale, d’objectiver des anomalies scintigraphiques suggestives d’hypertension orthostatique et d’orienter le traitement vers une néphropexie seule garante d’un traitement efficace et durable. Conflit d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt concernant les données publiées dans cet article. Références [1] Fessel J, Robertson D. Orthostatic hypertension: when pressor reflexes overcompensate. Nat Clin Pract Nephrol 2006;8:424–31.
A. Doudouh et al. / Médecine Nucléaire 34 (2010) 546–549 [2] Clorius JH, Kjelle-Schweigler M, Ostertag H, Mohring K. [131I] Hippuran renography in the detection of orthostatic hypertension. J Nucl Med 1978;19: 343–7. [3] McCann WS, Romansky MJ. Orthostatic hypertension: the effect of nephroptosis on the renal blood flow. JAMA 1940;115:573–8. [4] De Zeenw D, Donker AJM, Burema J, et al. Nephroptosis and hypertension. Lancet 1977;1:213–5. [5] Clorius JH, Kjelle-Schweigler M, Georgi P, Sinn HJ, Mochring K. Position dependent renogram changes of the mobile kidney. Eur J Nucl Med 1977;2:67–70.
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