74e Congrès franc¸ais de médecine interne – Deauville, 8 au 10 décembre 2016 / La Revue de médecine interne 37 (2016) A141–A267
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Intérêt des immunoglobulines sous-cutanées dans un syndrome des antisynthétases avec déficit immunitaire secondaire P. Chérin 1,∗ , M. Pineton De Chambrun 1 , C. De Jaeger 2 , A. Mathian 1 , F. Cohen Aubart 1 , J. Haroche 1 , Z. Amoura 1 1 Médecine interne, institut E3M, groupe hospitalier Pitié Salpetrière, Paris, France 2 Gériatrie, institut Galliera, Paris, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Chérin) Introduction Le syndrome des antisynthétases constitue une entité clinico-immunologique caractérisée par l’association inconstante d’une myosite, d’une pneumopathie interstitielle, de manifestations cutanées évocatrices (mains de mécaniciens) et articulaires, et d’un anticorps antisynthétase, souvent de type anti-JO1. Le traitement repose généralement sur une bithérapie par corticoïdes et immunosuppresseurs (IS) ou immunoglobulines intraveineuses (IgIV). Nous rapportons l’observation d’une patiente avec syndrome des antisynthétases sévère, résistant et/ou intolérant aux corticoïdes, IS, IgIV et anti-CD20. La survenue d’un déficit immunitaire humoral chronique avec infections à répétition au décours du rituximab a justifié l’utilisation des immunoglobulines sous-cutanées (IgSC) avec succès sur le syndrome des antisynthétases et le déficit immun. Observation Une femme de 56 ans est adressée dans le service en 2003 pour déficit moteur myogène, érythème violacé des paupières et dyspnée. Le bilan avec histologie permet de confirmer le diagnostic de myosite avec syndrome des antisynthétases de type anti-JO1. L’évolution est en partie contrôlée, malgré divers traitement, par corticoïdes fortes doses, méthotrexate, azathioprine, puis IgIV. En septembre 2006, devant l’aggravation progressive des fonctions musculaires et respiratoires, le rituximab (2 g tous les 6 mois) est introduit. Le taux de gammaglobulines est normal. L’efficacité reste modérée aux plans moteur et respiratoire. En octobre 2011, devant des complications infectieuses multiples avec hypogammaglobulinémie, le rituximab est arrêté. Le bilan de décembre 2012 montre un testing musculaire à 75/88 points, un infiltrat pulmonaire basal au scanner avec une DLCO à 48 %, et un CPT à 72 %. Il existait une hypogammaglobulinémie (4,4 g/l), avec un taux IgG réduit (4,2 g/l), et une diminution de toutes les sous-classes d’IgG : IgG1 = 2,48 g/l (N > 3,82 g/l), IgG2 = 1,65 g/l (N > 2,41), IgG3 = 0,14 g/l (N > 0,2) et IgG4 = 0,038 g/l (N > 0,18 g/l). Les IgA (0,5 g/l) et IgM (0,34 g/l) étaient également diminués. Un traitement par IgIV était repris transitoirement et arrêté pour mauvaise tolérance. En mai 2014, la patiente est hospitalisée. Elle se plaint d’infections bronchiques et ORL à répétition. Le testing est à 70/88, la DLCO à 46 %, la CPT à 70 %. Il existait une synovite érosive des MCP et IPP bilatérale avec syndrome inflammatoire biologique. L’hypogammaglobulinémie persiste (5,0 g/l), avec un taux d’IgG (4,1 g/l), et de sous-classes d’IgG (IgG1 = 2,3 g/l, IgG2 = 1,48 g/l, IgG3 = 0,11 g/l et IgG4 = 0,04 g/l) toujours significativement diminués, évoquant un déficit immun chronique secondaire au rituximab. Devant l’absence d’abord veineux, des IgSC à domicile sont alors débutées (2 g/kg/mois, 2 injections SC par semaine). À 3 mois, le syndrome inflammatoire avait disparu et le testing était à 75/88. En mai 2016, toujours sous IgSC, les synovites avaient disparu, la CRP était à 3 mg/l, le testing était normal et l’évaluation pulmonaire montrait une régression de l’infiltrat radiologique, avec une DLCO à 55 % et une CPT à 78 %. La patiente n’avait plus d’épisode infectieux notable depuis 18 mois et les taux d’IgG et de sous-classes d’IgG étaient normaux. Discussion Il s’agit de la première observation de traitement par IgSC au cours du syndrome des antisynthétases, compliqué ici d’un déficit immunitaire secondaire au rituximab. Les IgSC sont utilisées à faibles doses en substitution dans les déficits immunitaires primitifs. Leur emploi dans les maladies auto-immunes à fortes doses
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fait depuis peu l’objet de quelques publications [1]. Leur efficacité semble comparable à la voie IV avec une tolérance nettement supérieure. Nos résultats montrent l’intérêt potentiel des IgSC lorsqu’un abord veineux est impossible, dans le syndrome des antisynthétases, compliqué ici d’un déficit immun secondaire. Conclusion Les IgSC constituent une alternative thérapeutique potentielle dans le traitement des myosites avec antisynthétase, justifiant des études ultérieures. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Référence [1] Cherin P, Belizna C, Cartry O, Lascu-Dubos G, de Jaeger C, Delain JC, et al. Long-term subcutaneous immunoglobulin use in inflammatory myopathies: a retrospective review of 19 cases. Autoimmun Rev 2016;15(3):281–6. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.10.360 CA226
Évaluation de la fonction rénale sous immunoglobulines sous-cutanées à forte dose chez 20 patients traités pour myosite
P. Chérin ∗ , F. Cohen Aubart , A. Mathian , J. Haroche , Z. Amoura Médecine interne, institut E3M, groupe hospitalier Pitié-Salpetrière, Paris, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Chérin) Introduction La survenue d’une insuffisance rénale au cours d’un traitement par immunoglobulines intraveineuses (IgIV) a fait l’objet d’une littérature abondante. Son incidence a depuis largement été réduite avec la diminution de l’utilisation des IgIV contenant du saccharose. Le traitement par IgSC à faibles doses (0,2–0,8 g/kg/mois) dans les déficits immunitaires primitifs semble bien toléré et constitue un avantage majeur par rapport aux IgIV. Plusieurs publications ont montré l’intérêt et la tolérance des IgSC à forte dose (2 g/kg/mois) dans les polyradiculonévrites chroniques, les neuropathies avec bloc et les myosites. Cependant, leur tolérance rénale, à ces fortes doses, n’a pas fait l’objet d’étude spécifique. Patients et méthodes Nous avons évalué la fonction rénale avant et durant un traitement par fortes doses d’IgSC (2 g/kg/mois, 2 à 3 injections par semaine), une fois par semaine le premier mois puis une fois par mois durant 1 an chez 20 patients atteints de myosite traités par IgSC. À chaque évaluation, étaient réalisés : créatininémie, bandelette urinaire (et en cas d’anomalie : protéinurie des 24 heures, ou ECBU et/ou HLM en cas de leucocyturie ou d’hématurie), et mesure du débit de filtration glomérulaire selon la formule CKD-EPI (Chronic Kidney Disease Epidemiology). Résultats Vingt patients atteints de myosite (15 F, 5 H, âge moyen 55,4 ± 16,8 ans) (7 polymyosites, 7 myosites à inclusions, 3 dermatomyosites, 3 myosites au cours de connectivites mixtes) ont rec¸u des IgSC (résistance aux corticoïdes et 1 immunosuppresseur, dysphagie) et ont été inclus dans l’étude. Les résultats montrent qu’il n’existait aucune altération de la fonction rénale chez les 20 patients avant le début des IgSC. La créatininémie moyenne était de 80,40 mol/l. Il n’existait aucune anomalie du sédiment urinaire. Le DFG moyen était de 98,7 mL/min/1,73 m2 avant IgSC. Les patients ont rec¸u des IgSC 19,6 mois en moyenne (extrêmes de 4,5 à 54 mois) avec un nombre médian de 69 injections d’IgSC. La durée moyenne de suivi pour la surveillance de la fonction rénale était de 12,3 mois. Durant le suivi, 2 patientes ont présenté une infection urinaire basse à colibacilles, responsable d’une leucocyturie et d’une hématurie. La fonction rénale est restée stable durant toute la période de suivi (DFG : 96,1 mL/min/1,73 m2 à 6 mois et 97,4 mL/min/1,73 m2 à 12 mois), témoignant de la bonne tolérance rénale à forte dose des IgSC.