Intérêt des différents moyens diagnostiques pour la recherche du cancer primitif devant une métastase osseuse

Intérêt des différents moyens diagnostiques pour la recherche du cancer primitif devant une métastase osseuse

Revue du Rhumatisme 74 (2007) 92–97 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/ Article original Intérêt des différents moyens diagnostiques pour la r...

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Revue du Rhumatisme 74 (2007) 92–97 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Article original

Intérêt des différents moyens diagnostiques pour la recherche du cancer primitif devant une métastase osseuse Investigations for bone metastasis from an unknown primary◊ Claire Destombe, Estelle Botton, Grégoire Le Gal, Anne Roudaut, Sandrine Jousse, Valérie Devauchelle, Alain Saraux* Service de rhumatologie, CHU de la Cavale-Blanche, 29609 Brest cedex, France Reçu le 18 janvier 2006 ; accepté le 17 mai 2006 Disponible sur internet le 27 novembre 2006

Résumé Objectifs. – Le but de ce travail est d’étudier, dans une cohorte de patients adressés pour le diagnostic étiologique d’une ou plusieurs métastases osseuses, l’intérêt des différents moyens diagnostiques utilisés pour la recherche du cancer primitif. Méthodes. – Une étude rétrospective monocentrique a été conduite d’octobre 1990 à janvier 2000 sur une cohorte de patients présentant un cancer d’origine indéterminée avec au moins une métastase osseuse. Les patients ont tous bénéficié au minimum d’une scintigraphie osseuse, d’une radiographie de poumon, d’une échographie abdominale. Les tomodensitométries thoracoabdominales et cérébrales ainsi que la recherche de marqueurs tumoraux étaient réalisés selon le contexte. Nous avons étudié la valeur des examens complémentaires réalisés pour la recherche d’un cancer primitif, en prenant pour gold standard le diagnostic retenu au terme de nos explorations. Résultats. – Cent cinquante-deux dossiers (104 hommes et 48 femmes) ont été analysés. L’âge moyen était de 63,5±12,5 ans. La localisation du cancer primitif est pour 37 patients pulmonaires, pour 26 prostatiques, pour 24 gynécologiques, pour 11 urologiques, pour 11 digestives, pour 6 ORL et pour 4 divers. Dans 33 cas il n’est pas retrouvé. Les localisations principales des autres métastases sont hépatiques (20,4 %), pulmonaires (17,1 %), pleurales (13,2 %), puis cérébrales (7,2 %). Une ou plusieurs biopsies osseuses ont été réalisées chez 107 patients. Dans 83 cas une seule biopsie a été réalisée, mais deux biopsies ont été nécessaires dans 16 cas, et trois biopsies dans sept cas. Ces prélèvements ont été réalisés 62 fois dans le service de rhumatologie (avec ou sans scopie), six fois sous scanner, et 32 fois dans un service de chirurgie (48 au niveau du bassin, 32 sur une localisation vertébrale, dix au niveau du sacrum, sept autres). L’anatomopathologie des biopsies osseuses est en faveur d’un adénocarcinome dans 58 cas, d’un carcinome épidermoïde dans 28 cas, d’un carcinome indifférencié dans deux cas et autres dans neuf cas. Dans 80 cas un deuxième site métastatique paraissait plus accessible, permettant une biopsie non osseuse. La valeur localisatrice des marqueurs tumoraux apparaît relativement faible hormis le PSA. Conclusion. – Les biopsies osseuses réalisées par les rhumatologues, en général sous scopie, permettent dans la grande majorité des cas d’apporter un diagnostic étiologique ou au moins anatomopathologique. Si les marqueurs tumoraux sont souvent positifs, leur valeur localisatrice reste faible. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Métastases osseuses ; Diagnostic ; Biopsie ; Cancer Keywords: Bone metastases; Diagnosis; Biopsy; Cancer

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Saraux). ◊ Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine. 1169-8330/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2006.05.021

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Les métastases osseuses inaugurales représentent 22,6 à 30 % des métastases osseuses. La découverte d’une métastase osseuse a une issue fatale à de rares exceptions près, et à brève échéance. La médiane de survie est de cinq mois tout cancer confondu après le diagnostic avec 5 % de survie à cinq ans et 1 % à dix ans, selon Conroy [1]. Certains cancers même métastasés offrent des possibilités thérapeutiques intéressantes comme les cancers hormonodépendants, les cancers thyroïdiens, les neuroblastomes, les tumeurs germinales, les cancers du côlon et de manière plus imprévisible les cancers de l’endomètre, du rein et de l’ovaire. C’est pourquoi il paraît intéressant de faire des recherches persévérantes et un traitement radical, surtout en cas de métastase osseuse unique ou en présence de deux métastases osseuses isolées. En revanche, les métastases multiples ou l’existence de métastases extraosseuses ont une signification péjorative. Aussi, habituellement, dans ces derniers cas, ne recherche-t-on que les cancers primitifs pouvant se prêter à un traitement d’une certaine efficacité. Différents auteurs ont proposé à partir de petites cohortes une démarche diagnostique, selon le nombre de métastases osseuses, leur aspect (ostéolytique, ostéocondensant ou mixte) ou encore, selon l’existence ou l’absence de métastases extraosseuses. La biopsie d’une des métastases retrouvées est la clé de voûte de ces démarches diagnostiques ; la biopsie osseuse est un acte rhumatologique faisant partie de l’arsenal utile pour la recherche du cancer primitif. Notre objectif ici est d’étudier dans une cohorte de patients adressés pour une ou plusieurs métastases osseuses l’intérêt des marqueurs tumoraux et des biopsies (osseuses ou autre) pour la recherche du cancer primitif. 1. Méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique, sur une cohorte de patients présentant au moins une métastase osseuse inaugurale, hospitalisés d’octobre 1990 à janvier 2000, dans le service de rhumatologie de Brest. Pour chaque dossier nous avons relevé l’âge du patient, le sexe, les antécédents de néoplasie et leur anatomopathologie, les facteurs de risque. Pour chaque biopsie (osseuse ou non osseuse), nous avons répertorié leur nombre, leur site, leur résultat anatomopathologique, l’existence d’autres métastases et les marqueurs biologiques. L’antécédent de néoplasie a été défini comme une histoire ancienne de cancer considéré jusqu’alors comme exempt de métastases osseuses. Le cancer primitif a été défini comme certain lorsqu’il était retrouvé, et comme probable lorsque l’anatomopathologie orientait vers une origine précise sans que la tumeur primitive ne puisse être retrouvée. Pour chaque patient notre conduite à tenir était standardisée. En premier lieu il bénéficiait d’examens complémentaires d’imagerie, comprenant a minima une scintigraphie osseuse, une radiographie de poumon et une échographie abdominale. Les tomodensitométries thoracoabdominales et cérébrales étaient réalisées selon le contexte. Afin de rechercher le cancer primitif de ces métastases inaugurales, nous avons axé notre étude sur l’anatomopathologie. On réalisait donc une biopsie

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orientée de la lésion la plus accessible (osseuse ou non osseuse). Si la biopsie était négative, un autre organe plus accessible était biopsié, ou une nouvelle biopsie était réalisée. On a effectué jusqu’à trois biopsies osseuses. Dans quelques cas c’est l’anatomopathologie de l’antécédent de primitif qui a permis le diagnostic du fait d’une évolution clinique évidente. Pour les biopsies osseuses, les sites métastatiques ont été prélevés mais nous n’avons pas réalisé de biopsies osseuses non orientées par une imagerie. Nous avons réalisé des biopsies de l’os vertébral avec une trocard de Mazabraud, et les autres localisations avec des trocards de Tanzer, après une simple anesthésie locale. Les patients ont reçu une prémédication basée sur l’association d’Hypnovel® (midazolam) 5 mg/ml une ampoule à boire, Atarax® (hydroxyzine) 100 mg un comprimé, Médrol® (méthylprednisolone) deux comprimés de 16 mg de médrol et Skénan® (sulfate de morphine) 60 mg. Enfin les marqueurs tumoraux étaient prescrits selon le contexte. Le diagnostic du clinicien au terme des examens complémentaires a été considéré comme le gold standard du diagnostic. L’analyse a porté sur la valeur des biopsies et des marqueurs pour détecter le diagnostic final. Le test du Khi2 et les courbes ROC (Receiver Operating Characteristics) ont été utilisés. 2. Résultats Cent cinquante-deux dossiers ont été retenus. La moyenne d’âge est de 63,5 ans (de 31 à 86 ans). Cent cinq concernaient des hommes (69 %) et 47 sont des femmes (31 %), soit deux hommes pour une femme. Soixante patients (39,2 %) ont un antécédent de néoplasie. Dans deux tiers des cas le patient est alors de sexe masculin. Sur 152 patients colligés, 76 (49,7 %), sont porteurs d’une autre localisation secondaire. Parmi les 152 patients, 31 (20,4 %) ont une métastase hépatique, 26 (17,1 %) une métastase pulmonaire, 20 (13,2 %) une métastase pleurale, 11 (7,2 %) une métastase cérébrale, et 38 (25 %) une autre localisation métastatique. Afin de rechercher le cancer primitif chez 107 des 152 patients, une ou plusieurs biopsies osseuses ont été réalisées. Dans 84 cas il n’a fallu qu’une biopsie osseuse, mais dans 16 cas, deux biopsies ont été nécessaires et trois dans sept cas. Quarante-cinq patients n’ont pas bénéficié de biopsie. Au total, la moyenne est de 1,3 biopsie par patient. Les 107 patients ont été biopsiés la première fois, pour 48 au niveau de l’os iliaque (dont 20 biopsies ostéomédullaires), dix au niveau du sacrum, 32 au niveau vertébral (14 en lombaire, 18 au-dessus de L1), trois au niveau costal et sept à un autre siège (cheville, fémur, genou). Le siège exact et l’ordre des biopsies ne sont pas précisés pour sept patients. Ces 107 patients ont été biopsiés pour la première fois sous scopie dans le service de rhumatologie dans 62 cas, dans le service de radiologie sous scanner dans six cas, et enfin dans un service de chirurgie dans 32 cas, avec plusieurs intervenants possibles : la neurochirurgie (12 cas), la chirurgie viscérale ou l’orthopédie (19 cas) et la chirurgie vasculaire (1 cas). L’histologie des 107 biopsies osseuses est indiquée dans le Tableau 1.

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Tableau 1 Anatomopathologie des biopsies osseuses et non osseuses chez 152 cas de métastases osseuses inaugurales Anatomopathologie des biopsies

Adénocarcinome Adénocarcinome différencié Adénocarcinome peu différencié Adénocarcinome indifférencié Carcinome Autre Pathologie tumorale maligne indifférenciée Donnée manquante Tissu normal Total

Fréquence des biopsies osseuses (pourcentage) 58 (54,2) 16 (14,9) 27 (25,2) 15 (14) 30 (28,1) 2 (1,9) 7 (6,5) 3 (2,8) 7 (6,5) 107 (100)

Fréquence des biopsies non osseuses (pourcentage) 34 (42,5) 14 (17,5) 9 (11,3) 11 (13,8) 20 (25) 5 (6,3) 2 (2,5) 4 (5) 15 (18,7) 80 (100)

Dans 80 cas, un site autre métastatique paraissait plus accessible et une biopsie non osseuse a été réalisée. Ainsi, ont été prélevées 34 biopsies bronchopulmonaires, deux cytoponctions de liquide pleural, 18 biopsies prostatiques, six biopsies de sein, quatre ponctions de ganglion, trois biopsies de l’estomac, trois biopsies hépatiques, et neuf biopsies diverses (une biopsie de côlon, deux biopsies de peau, deux biopsies de masse souscutanée, une biopsie de l’œsophage, une biopsie d’ovaire, une biopsie de surrénale, une biopsie discale.). Dans un cas, la localisation n’a pas été précisée. L’histologie des 80 biopsies prélevées sur un site autre que l’os est décrite dans le Tableau 1. Le nombre de cancers primitifs objectivés grâce à l’ensemble des études anatomopathologiques est de 121 sur 152 (79,6 %). Les primitifs identifiés sont décrits dans le Tableau 2. Pour 107 patients le diagnostic est certain, et pour 14 le diagnostic est probable car l’anatomopathologie ne conclut pas formellement mais oriente vers un diagnostic seulement. Le recrutement des patients sur dix ans est résumé dans

le Tableau 3 de manière égale. Il faut noter que le recrutement a débuté en octobre pour l’année 1990 et ne dure qu’un mois (janvier) pour l’année 2000. On ne peut donc pas conclure que les progrès de l’anatomopathologie et surtout de l’immunopathologie ont rejailli sur le pourcentage de diagnostic de cancer primitif chez ces patients présentant des métastases inaugurales. Les biopsies osseuses et non osseuses sont contributives pour la recherche du cancer primitif, et cela dans les mêmes proportions. En effet, si l’on évalue ce qui a conduit au diagnostic du primitif on retrouve les constatations suivantes : ● dans 36 cas (24 %), la biopsie osseuse a permis le diagnostic ; ● dans 31 cas (20 %), le primitif a été découvert par une biopsie sur un autre siège que l’os ; ● dans 29 cas (19 %), la biopsie osseuse et celle d’un autre organe sont concordantes, et orientent toutes deux vers le primitif ; ● dans 25 cas (17 %), ce sont les caractéristiques de l’antécédent néoplasique qui ont été considérées comme suffisantes pour rapporter la métastase à ce cancer primitif ; ● dans 31 cas (20 %), le cancer primitif reste inconnu. En cas d’échec de la première biopsie, on est amené à réaliser une deuxième ou une troisième biopsie osseuse dans un autre site. Le Tableau 4 décrit ces sites. En moyenne 1,3 biopsie osseuses sont effectuées. Si l’on compare les quatre différents sites de biopsies les plus souvent retrouvés, (sacrum, crêtes iliaques, vertèbre, bassin) on ne peut pas mettre en évidence de site de biopsie préférentiel lors de la réalisation du geste. En effet, il n’existe pas de différence significative dans le nombre de biopsies réalisées sur chaque site. La biopsie osseuse ne s’avère pas plus difficile à réaliser ni moins contributive selon

Tableau 2 Fréquence des principaux cancers primitifs retrouvés chez 152 patients présentant une métastase osseuse inaugurale Site de cancers primitifs Poumon Prostate Sein Urologie autre que prostate

Fréquence globale (pourcentage) 37 (24,3) 26 (17,1) 20 (13,2) 11 (7,2)

Fréquence chez les hommes (pourcentage) 32 (21,1) 26 (17,1) 0 (0) 9 (5,9)

Fréquence chez les femmes (pourcentage) 5 (3,3) 0 (0) 20 (13,2) 2 (1,3)

Doute sur le diagnostic 7 0 0 1

Tableau 3 Nombre de cancers primitifs colligés par année de l’étude Année 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Total

Nombre de patients inclus (pourcentage) 2 (1,3) 17 (11,3) 10 (6,6) 19 (12,5) 19 (12,5) 14 (9,2) 15 (9,9) 16 (10,5) 14 (9,2) 24 (15,8) 2 (1,3) 152 (100)

Cancers primitifs retrouvés par année 2 14 6 14 16 9 13 12 12 22 1 121

Pourcentage de cancers primitifs diagnostiqués (%) 100 82,4 60 73,7 84,2 64,3 86,7 75 85,7 91,6 50 79,6

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Tableau 4 Nombre de biopsies osseuses nécessaires, pour chaque site de prélèvement, pour la recherche du cancer primitif Nombre de biopsie réalisée par patient 1 biopsie 2 biopsies 3 biopsies Total

Sacrum (pourcentage)

Crêtes iliaques (pourcentage)

Vertèbre (pourcentage)

Bassin (pourcentage)

7 (70) 2 (20) 1 (10) 10

19 (68) 3 (11) 3 (11) 28

27 (84) 4 (12,5) 1 (3,5) 32

37 (79) 7 (15) 4 (6) 47

Tableau 5 Nombre de biopsies osseuses réalisées, pour chacun des principaux types de néoplasies primitives retrouvées Siége du cancer primitif Nombre de patients 0 biopsie osseuse 1 biopsie osseuse 2 biopsies osseuses 3 biopsies osseuses

Prostate 26 11 12 3 0

Poumon 37 10 23 3 1

Sein 19 7 11 1 0

Tableau 6 Rentabilité des sites osseux biopsiés, pour la recherche du cancer primitif Siège de la biopsie osseuse

Os iliaque Vertèbres Sacrum Autre (fémur, côte, genou, cheville) Non précisé Total des biopsies Patients sans biopsie Total

Nombre de biopsies réalisées sur le site 48 32 10 10 7 107 45 152

Nombre de biopsies contributives (pourcentage) 37 (77) 16 (50) 7 (70) 5 (50) 0 65 (65) – 65 (42,7)

Tableau 7 Rentabilité des biopsies non osseuses, pour la recherche du cancer primitif Site de biopsie

Nombre de biopsies réalisées sur ce site

Bronchopulmonaire Prostate Sein

34 18 6

Nombre de biopsies contributives (pourcentage) 23 (67,6) 15 (83,3) 6 (100)

le type de cancer. Les trois cancers primitifs les plus fréquemment retrouvés, sont prostatiques, pulmonaires et mammaires. Parmi ceux-ci, il n’apparaît pas de différence significative, dans le nombre de biopsies réalisées pour chacun d’eux (Tableau 5). Aucun site de biopsie osseuse ne semble plus contributif qu’un autre pour la recherche du cancer primitif. Le Tableau 6 souligne ce résultat. En effet, le pourcentage du nombre de biopsies contributives est assez proche au niveau de l’os iliaque, des vertèbres, du sacrum, ou d’un autre os. La pratique des biopsies non osseuses s’avère rentable comme l’objective le Tableau 7. Chez 67,6 % des patients

bénéficiant d’une biopsie bronchopulmonaire le diagnostic de néoplasie est réalisé. De même, il est affirmé pour 83,3 % des patients avec une biopsie de prostate. Pour le sein, le petit nombre de patients empêche de pouvoir conclure. Nous avons étudié les marqueurs biologiques chez certains patients. Le changement des techniques de dosage des marqueurs en 1999 doit être pris en compte. De 1990 à 1999 la technique utilisée est pratiquée par une analyse radioimmunologique. En 1999, le laboratoire a fait l’acquisition d’un Kryptor utilisant l’immunofluorimétrie dont les résultats sont plus précis. Les valeurs de référence n’ayant pas changé, trois marqueurs : le PSA, l’ACE, et le CA15/3 ont été étudiés dans le Tableau 8. L’étude des autres marqueurs n’est pas retenue en raison d’un faible nombre de dosage. La sensibilité et la spécificité des trois principaux marqueurs sont calculées, et nous avons établi des courbes ROC pour chacun d’entre eux (fig. S1-S3 ; voir le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article). Les courbes ROC pour l’ACE et le CA 15/3 reflètent bien les faibles sensibilités et spécificités de ces deux marqueurs. En effet, les deux courbes sont proches de la diagonale. A contrario le PSA apparaît comme un marqueur intéressant pour la recherche du cancer primitif. En cas d’antécédent de néoplasie, la biopsie osseuse est concordante avec l’anatomopathologie attendue. Dans 51 cas (33,6 %) le type histologique est identique entre la recherche actuelle du primitif et l’antécédent de cancer du patient. Dans les autres cas (63,8 %) il n’est pas possible d’étudier cette association par absence d’antécédent ou par échec de la recherche du primitif. Dans trois cas (2,6 %) on ne peut pas parler de récidive, car les résultats de l’anatomopathologie sont totalement différents (deux lymphomes et un mélanome). La biopsie osseuse paraît donc nécessaire et une démarche diagnostique parfois longue se justifie ici. 3. Discussion Dans la littérature le sex-ratio pour les cancers révélés par une métastase osseuse est en général de trois hommes pour une femme. Dans notre étude le ratio de deux hommes pour une femme est un peu différent de ces descriptions. La différence

Tableau 8 Rentabilité du PSA, de l’ACE et du CA 15/3, pour la recherche du primitif Marqueur

Cible du marqueur

PSA ACE CA 15/3

Prostate Carcinome Sein

Nombre de patients ayant bénéficié d'un dosage du marqueur 32 56 26

Nombre de patients ayant le marqueur positif

Rentabilité (Vrai positif)

31 48 25

22 (68) 46 (82) 14 (54)

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Tableau 9 Revue de la littérature des principaux cancers primitifs retrouvés en cas de métastases osseuses inaugurales Auteur Simon [7] Nottebaert [8] Rougraff [9] Maillefert [10] Alcalay [11] Notre étude

Année 1986 1989 1993 1993 1995 2000

Prostate (%) 4 3 0 24 28 17

Sein (%) 4 4 3 3 6 13

Rein (%) 12 1 10 10 7 5

entre les deux sexes est classiquement expliquée par la spécificité féminine du cancer du sein. On ne retrouve pas dans la littérature d’étude de rentabilité des biopsies osseuses dans le cadre de métastases inaugurales. Toutefois, certains auteurs ont publié des résultats portant sur la rentabilité des biopsies osseuses des tumeurs osseuses en général qu’elles soient primitives ou métastatiques. Récemment, Ozerdemoglu, et al. [2], sur 25 biopsies osseuses dans la région sacrococcygienne, ont rapporté qu’ils obtenaient dans 81 % des cas un diagnostic final correct (anatomopathologie précise, grade de la tumeur, et concordant avec les données cliniques radiologiques et biologiques). De même, en 2003, Preteseille, et al. [3] ont effectué une étude portant sur 91 biopsies au trocard chez des patients présentant des tumeurs osseuses. La sensibilité de cette méthode est de 92,3 % pour une spécificité de 97,4 %. Enfin, Vieillard, et al. [4] dans une étude portant sur 108 biopsies percutanées osseuses, de tissus mous, ou mixtes, décrit une rentabilité de près de 100 % des biopsies. La population étudiée comporte des patients présentant des tumeurs osseuses primitives, secondaires ou hématologiques. Si on considère les biopsies osseuses uniquement, la rentabilité est de 86 %. Cette étude rapporte des résultats à peu près similaires à la nôtre mais souligne en outre l’intérêt de réaliser des biopsies percutanées non osseuses. En moyenne, dans notre étude, 1,3 biopsie était nécessaire pour établir un diagnostic, et cela quelle que soit la localisation tumorale. Il n’existait pas de différence significative entre le nombre de biopsies contributives au niveau de l’os iliaque, des vertèbres, du sacrum, ou d’un autre os. La biopsie osseuse à l’aiguille ou au trocard apparaît donc comme un outil performant, qu’il ne faut pas hésiter à répéter si besoin, quelle que soit la localisation de la tumeur. Par ailleurs, des techniques radiologiques plus précises que la radiographie simple, peuvent-elles augmenter la performance de ces biopsies ? Si les biopsies sont guidées par échographie (réalisable uniquement si la tumeur a une composante extraosseuse importante, tels les ostéosarcomes et les tumeurs à cellules rondes) le taux de diagnostic précis monte à 98 % [5] et de 90 à 100 % pour les biopsies guidées par scanner [6]. Nous avons colligé les différentes publications retrouvées (Tableau 9). L’origine des cancers primitifs de ces métastases inaugurales retrouvée est toujours prostate, sein, rein, poumon et thyroïde, qui à eux cinq représentent entre 80 et 96 % des cancers primitifs. Ces cancers primitifs répondent à deux conditions : fréquence propre élevée et caractère ostéophile. En revanche, leur pourcentage varie et c’est surtout le pourcentage de cancers primitifs non retrouvés qui varie étonnamment. Avant les années 1990 et les progrès de l’immunohistochimie

Poumon (%) 14 16 62 17 13 24

Thyroïde (%) 2 0 3 1 1,5 0

Autre 4 6 12 15 5,5 20

Non retrouvé (%) 60 70 10 30 39 21

le nombre de cancers primitifs non retrouvés était important, de l’ordre de 60–70 %. Puis, il a diminué même si les variations restent importantes. Ces études sont difficilement comparables, la méthode diagnostique différant pour chacune d’entre elles. Aucun véritable consensus n’a été appliqué même si chacun s’entend, comme le rappellent Alcalay et Brégeon [11], à utiliser un examen clinique complet, des dosages biologiques courants (électrophorèse des protides sanguins), et une radiographie pulmonaire de face. Les autres examens sont ordonnés selon l’impression clinique (les TDM thoracoabdominopelviennes, l’échographie, la scintigraphie thyroïdienne, la mammographie, l’examen ORL, les biopsies osseuses, les biopsies des autres organes ou les marqueurs sériques). Notre étude souligne l’intérêt majeur du PSA chez l’homme. Malheureusement nous n’avons pas opté pour un dosage de tous les marqueurs tumoraux disponibles actuellement. Il faut noter que seule Euller Ziegler [12] a montré un intérêt des marqueurs tumoraux dans une étude sur 20 patients, avec un dosage systématique de l’ACE, l’alphafœtoprotéine, les phosphatases acides prostatiques, le PSA, le SCC [L’antigène SCC (Squamous cell carcinoma) est un marqueur des cancers épidermoïdes (col utérin, ORL, poumon)], le CA 199, le CA 15-3 et le CA 125. Elle souligne ainsi que 70 % des métastases osseuses inaugurales expriment un marqueur cible correspondant au cancer originel (authentifié par l’examen anatomopathologique). Parfois le patient présente une élévation de plusieurs marqueurs ou un taux à la limite de la significativité. C’est pourquoi les marqueurs apparaissent plus souvent comme des aides pour s’orienter, mais une confirmation radiologique ou anatomopathologique paraît nécessaire afin de confirmer le cancer primitif. La recherche d’un cancer primitif est couronnée de succès dans 30 à 90 % des cas (79 % des cas dans notre étude). Dans cette démarche diagnostique la biopsie osseuse reste un outil primordial, de même que la biopsie non osseuse, qui sont toutes les deux contributives dans les mêmes proportions. On ne retrouve ni site osseux, ni organe à privilégier lors de l’échec de la première biopsie. Le PSA est parmi tous les marqueurs tumoraux, un atout diagnostique majeur dans la recherche du primitif. Même si dans notre étude nous avons démontré que se référer aux antécédents du patient sans étude anatomopathologique des métastases osseuses apparues aurait pu conduire à des erreurs graves thérapeutiques, il ne faut pas perdre de vue la faiblesse de l’impact thérapeutique retiré de la connaissance de l’origine tumorale, en dehors des cancers hormonosensibles, et donc ne pas s’acharner sur la recherche d’un cancer primitif à

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tout prix. L’étude anatomopathologique cherche surtout à affirmer le diagnostic des principaux cancers « curables ». Matériel complémentaire Du matériel complémentaire (Fig. S1-S3) accompagnant cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com, doi : 10.1016/j.rhum.2006.05.021. Références [1]

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