J PddiatrPudriculture 1997; 10:451-3 © Elsevier, Paris
PI~DIATRIE Gi~NI~RALE ,:
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int r t du dosage de I'interleukine 6 dans le diagnostic pr coce des infections n onatales J Messer, D Chognot, P Kuhn Service de n6onatologie-p6diatrie II, h6pital de Hautepierre, I, avenue Moli~re,
67098
Strasbourg cedex 2
Regu le 27 a o ~ t 1997 ; accept6 le 22 septembre 1997
~k A
la fin du x x e si~cle, I'infection bact6rienne reste chez les nouveau-n6s cause de mortalit~ et de morbidit& Parmi les infections n6onatales, on distingue classiquement les infections maternofoetales au cours desquelles le germe en cause est transmis de la m~re au foetus, en fin de grossesse ou pendant I'accouchement et les infections n~onatales secondaires en rapport avec des germes provenant de I'environnement postnatal, kes infections maternofoetales se manifestent par des signes cliniques essentiellement dans les trois premiers jours de vie. Au cours des infections secondaires, la symptomatologie est d'apparition plus tardive, il est du plus grand int6r6t de faire un diagnostic pr~coce d'infection 6 cette p6riode de la vie, car de la pr~cocit~ du diagnostic et donc du traitement va d6pendre en grande partie 1'6volution de la maladie. Une infection trait~e tardivement sera plus difficile 6 maitriser et peut laisser des s~quelles voire engager le pronostic vital. Ceci explique que, dans la plupart des cas, une antibioth~rapie est institu6e avant m6me d'avoir le diagnostic d'infection averse, devant une simple ~ suspicion ,, d'infection. Ii serait donc int~ressant de disposer de moyens de diagnostic pr~coce. La bact6riologie ne peut JOURNAL DE PEDIATRIE ET DE PUERICULTUREn° 8- 1997
remplir cette exigence puisque les r6sultats ne parviennent qu'apr6s 24 6 48 heures, ke r~sultat de la num6ration-formule sanguine est obtenu rapidement, mais manque de sp6cificit6 et de sensibilit& Par ailleurs, il existe un autre marqueur d'infection tr~s utilis~ en n~onatologie, la C reactive protein (CRP). Celle-ci est assez sp~cifique mais manque de sensibilit~ 6 un stade pr~coce ; en effet, du fair de sa cin6tique, I'ascencion de la CRP se fait avec un d~lai aprEs le d6but de I'infection qui peut aller de 12 6 24 heures. R~cemment, I'attention a ~t6 attir~e sur la possibilit~ d'utiliser de nouveaux marqueurs de r~ponse rapide : les cytokines inflammatoires.
l a cascade des cytokines dans I'inflammation Les cytokines sont des mddiateurs glycoprotdiques intervenant dans les interactions ~ courte distance entre les cellules. Elles agissent sur leurs cellules-cibles par l'intermddiaire de rdcepteurs membranaires qui sont dgalement des glycoprotdines. Lorsqu'il existe une inflammation dans l'organisme, suite ~i une agression mdcanique ou infectieuse, il y a production sdquentielle de ces mddiateurs entrant successivement dans<< la cascade 45 ]
I'lL6
LPS
TNF ~ IL-1
'E
IL-6 E m
1
9
3
J-
5
Nombres d'heures apr~s I'injection de provocation
Fig 1. Toux plosrnotiques du TNF, ILl et IL6 ¢apr~sinjection exp~rirnentale d'endotoxine. inflammatoire ,,. Ainsi, certaines cytokines jouent un r61e important dons l'orchestration des mdcanismes observds lors d'une rdponse inflammatoire. Lorsqu'elles sont relargudes dans [a circulation, leur demi-vie est en gdndrai br~we. Chez le nouveau-hal, l'infection repr& sente la cause quasiment exclusive d'inflammation. Des dosages plasmatiques de ces cytokines inflammatoires peuvent donc repr&enter une aide au diagnostic d'infection ndonatale. De nombreuses cytokines interviennent dans l'inflammation, mais quatre semblem jouer un r61e primordial, ce sont : le tumor necrosisfactor ~ (TNFo0, l'ILl[3 (ILl[3), I'IL6 (IL6) et l'interleuldne 8 (IL8). Les deux mddiateurs impliqu& en premier lieu sont le TNF0t et 1'ILl. Ils sonr. produits surtout par les monocytes macrophages, agissent en synergie, et stimulent rapidement la synth~se de I'IL6 et de l'IL8. Des r&epEeurs solubles du TNF, lib&& de leurs celltdes-cibles, sont dgalement relargues datas le plasma et peuvent y e t e doses. L IL6 induit la production par le foie des prot~ines de la phase aigue, alors que I'IL8 agit plus particuli~rement sur les polynucl&ires neutrophiles par chimiotactisme, facilitant leur margination, leur recrutement sur le site inflammatoire et leur activation. Toutes ces cytokines sont pyrog~nes et leur activation pourrait aider l'organisme darts sa lutte contre l'infection. Cependant leur production excessive pourrait &re ~ l'0rigine d'effets ddl&~res, se manifestant essentiellement dans le choc septique ; c'est la raison pour laquelle certaines th&apeutiques anticytokines ant &6 institutes avec un succes variable. Sur la figure 1 sont reprdsent& les taux plasmafiques du TNF, ILl et IL6 apr~s injection exp&imentale d'endotoxine (LPS). 452
Normalement, on ne trouve pas d'IL6 dans le sang. AprEs infection expErimentale, le taux d'IL6 augmente rapidement dans le sang : apr~s 3 heures, on a ddj~ une dldvation importante de cette cytokine. Les taux plasmatiques s'expriment en pg/mL : le pic atteint aprds quelques heures peut &re consid&able ; le taux le plus dlevd que nous ayahs observd est de 286 000 pg/mL ! Cependant, ce pic n'est pas tr& durable et on observe une diminution assez rapide des taux plasmatiques apr~s quelques heures. L'IL6 est le facteur qui stimule le foie pour la synth~se des protdines de la phase aigue de l'inflammation, en particulier la CRP. Comme la CRP est devenue le marqueur de l'infection de rdf&ence en ndonatologie, il paraissait intdressant d'&udier I'IL6, protdine synth&isde avant l'dldvation de la CRP et pouvant donc donner un signal plus pr&oce dans l'infection. Le dosage plasmatique de I'IL6 se fait par technique Elisa ; il n&essite 200 gL de sang et le r&ultat peut &re obtenu en quelques heures. [1 ne semble pas exister de passage transplacentaire de I'IL6 ou du mains ce passage n'est pas tr&s aisd : en effet, les &udes faites ne montrent aucune corrdlation entre les taux plasmatiques maternels au moment de l'accouchement et les taux au cordon ombilical. D'autre part, I'IL6 peut &re dos& dans d'autres milieux biologiques que le plasma, ~lsavoir dans le liquide cdphalorachidien lors de mdningite et dans les urines lors d'infection urinaire.
les tudes publi es sur I'lL6 dons les infections n onatales ~ t u d e de B u c k et al [1] Ces auteurs ant mend une &ude prospective sur 298 nouveau-n& admis dans leur unitd. Chez les enrants admis, &aient mesur&s la CRP et I'IL6 fi l'admission et 24 heures plus tard ; en meme temps dtait pratiqude une numdration-formule sanguine. La sensibilitd de I'IL6 pour le diagnost, c d'infection ndonatale &ait l'admission de 73 % pour les enfants avec hdmoculture positive et de 87 % pour les infect& ~i hdmoculture ndgative. Les enfants infect& qui avaient une IL6 ndgative ~i l'admission avaient la plupart une CRP positive suggdrant que I'IL6 s'&ait ddj~t ndgativde en raison de sa br~ve demi-vie. Les enfants infectds qui avaient une CRP negative 5 l'admission avaient tous une IL6 positive. Au total, le dosage ~ l'admission de l'IL6 &ait plus sensible que la CRP chez les enfants infect& (73 versus J O U R N A L DE PI~DIATRIE ET DE PUERICULTURE n ° 8 - 1 9 9 7
58 %). Les conclusions de ces auteurs sont que l'IL6 est un paramhtre trhs sensible pour le diagnostic d'infection bact&ienne ndonatale ; la combinaison de la CRP et de l'IL6 semble &re le moyen id&l pour faire un diagnostic prdcoce d'infection ndonatale.
~tude de De Bont et al [2] Ces auteurs ont dose l'IL6 et le TNF(z dans le plasma chez 15 enfants avec infection confirm&, 18 enfants avec suspicion d'infection et 22 enfants contr61es. Darts leur Etude, l'IL6 avec taux plasmatique sup&ieur ~i 500 pg/mL a une sensibilitd de 80 % et une sp4cificit4 de 78 % p o u r le diagnostic d'infection ndonatale. Lorsqu'ils combinent les dosages de TNFcz et d'IL6, ils obtiennent une sensibilitd de 60 % et une spdcificitd de 100 %. Ces auteurs concluent que, lorsque l'IL6 et le TNFc~ sont dlev4s dans le plasma, chez le m4me enfant, le diagnostic d'infection n4onatale est pratiquement certain.
6tude personnelle [3] Dans notre &ude, nous avons mesurd de fagon prospective, les taux d'IL6 et des r&epteurs solubles de TNF0~ dans le plasma de 157 nouveau-nds admis dans notre unitd ndonatale et dans le sang du cordon de 131 nouveau-ntis restds en pouponnihre et non transfdrds. Nous avons pu monrrer que le taux plasmatique d'IL6 &ait significativemen~ plus dlevd chez les enfants infect& que chez les enfants non infect&. Avec une valeur seuil de 100 pg/mL, nous obtenions par la m&hode du Roc une sensibilitd de 83 % er une spEcificitd de 90 % pour le diagnostic d'infection. De plus: pour les enfants prdleyes trhs t6t, soit immddiatement ~ la naissance, soir avant la 12 e heure de vie, nous obtenions une sensibilitd de 100 % et une spdcificitd de 92 %. En revanche, la sensibilitd de la CRP est plus basse fi l'admission, de l'ordre de 50 %, mais augmente lors de la 2 e d&ermination faite 24 heures plus rard. Dans notre &ude, en combinant les dosages d'IL6 avec ceux de la CRP, nous parvenions ~i identifier la majoritd des enfants infect& 5 la p&iode posmatale. Nous pouvions ainsi confirmer les conclusions de Buck er al.
discussion Au vu de ces Etudes, l'IL6 semble &re un param~tre particuli8rement sensible pour le diagnostic d'infection bact&ienne ndonatale. Cependant, ce marqueur n'est
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pas parfait puisqu'il existe un certain nombre de faux ndgatifs, ce qui peut &re grave en ndonatologie ; ces faux n4gatifs peuvent s'exptiquer, chez des enfants infectds, par la br6ve demi-vie de cette cytoldne aboutissant au fait que le taux plasmatique est ddja ~inouveau bas lorsqu'on pratique le dosage. En effet, l'IL6 & d u e selon le sch4ma suivant : augmentation trhs rapide aprhs le debut de l'infection, acmd atteinte en 12 a 24 heures, suivie d'une diminution rapide du taux plasmatique, alors m~me que l'infection continue d'&oluer. Dans la plupart de ces situations, ta CRP qui a une &olution plus lente est devenue positive au moment oh les taux d'IL6 ont chut& C'est dire que l'utilisation combin& de ces deux param~tres parait extr~mement int&essante. Ainsi, l'IL6 paratt particulihrement adapt& pour le diagnostic pr&oce des infections maternofoetales, puisqu,elle est pratiquement toujours positive dans les situations oil l'infection a d4ja commencd avant la naissance. L'IL6 s'av~re nettement plus performante pour ces infections trhs pr&oces que pour les infections bact&iennes secondaires. N&nmoins, nous ne pouvons ~ll'heure actuelle utiliser un seul marqueur pour le diagnostic d'infection n4onatale. I1 faut donc poursuivre nos recherches pour trouver un marqueur d'excellente sensibilitd afin de pas m4connaitre un sujet infects et permettant d'obtenir une valet~ predictive ndgative trhs 4lev&, offrant la possibititd de diminuer le nombre d'antibioth&apies inutiles chez les nouveau-nEs. Ainsi, si l'existence de signes diniques reste un crithre majeur pour dEbuter une antibiothdrapie, on peut esp& rer qu'a l'avenir, l'utilisation de marqueurs performants nous aidera ~_ l'arr&er rapidement, en toute sdcuritE, sans avoir a artendre les r&ultats bactEriologiques.
r~f~rences 1 BuckC, BundscherJ, Gallati H, Bartmann P, Pohlandt F. Interleukin-6: a sensitive parameter for the early diagnosis of neonatal bacterial infection. Pediatrics
1994;93:54-8 2
de Bont E, Martens A, Van Raan J et al. Diagnostic value of plasma levels of tumor necrosis factor c~ (TNFcz) and interleukin-6 (IL6)in newborns with sepsis. Acta Pediatr 1994;83:696-9 3 MesserJ, Eyer D, Donato L, Gallati H, Matis J, Simeoni U. Evaluation of interleukin-6 and soluble receptors of tumor necrosis factor for early diagnosis of neonatal infection. J Pediatr 1996; 129:574-80
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