Mycobactérioses
À RETENIR • La tuberculose ultrarésistante représente 6 à 10 % des tuberculoses MDR. • Par définition, il s’agit de souches MDR résistantes aux fluoroquinolones et à une des molécules administrables par voie IV (capréomycine, amikacine, streptomycine). • Comparativement aux patients MDR, les patients infectés par des souches XDR ont une surmortalité. • En Europe, les pays baltes et la Russie ont les taux d’incidence les plus élevés. • Le traitement nécessite fréquemment un geste chirurgical, à l’instar des tuberculoses MDR.
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Synthèse : Place du dosage d’interféron dans le diagnostic des infections à Mycobacterium tuberculosis : où en sommes-nous ? La tuberculose est la première cause de mortalité infectieuse dans le monde. Un tiers de la population est infectée et on estime à 8 millions les nouveaux cas de tuberculose active par an. Dans 90 % des cas, les défenses immunitaires de l’hôte permettent d’arrêter la prolifération de Mycobacterium tuberculosis après une contamination par inhalation. Dans 10 % des cas, la tuberculose latente peut évoluer vers une tuberculosemaladie. À ce jour, l’intradermo-réaction reste le seul test diagnostique disponible pour identifier les patients présentant une tuberculose latente. Ce test présente plusieurs limites dont son manque de spécificité, notamment chez les patients vaccinés. Récemment, de nouveaux tests immunologiques sont apparus sur le marché. Ces tests reposent sur la quantification de l’interféron gamma synthétisé par les lymphocytes après une stimulation antigénique par Mycobacterium tuberculosis. Deux tests sont actuellement disponibles, le QuantiFERON-TB et le T-SPOT-TB. Le premier est un système de dosage dans le sang total par technique ELISA, le second utilise comme substrat antigénique deux ou trois protéines et son résultat est qualitatif. À ce jour, la Haute Autorité de Santé positionne ce test dans les situations suivantes : – en remplacement de l’IDR, pour réaliser l’enquête autour d’un cas ; – pour les professionnels de santé lors de l’embauche ; – pour ceux travaillant dans un service à risque, avant la mise en route d’un traitement anti-TNF alpha et dans les formes extrapulmonaires. Toutefois, certaines inconnues restent à préciser : en particulier, dans la mesure où le test permet de doser les cytokines sécrétées par les lymphocytes, quel serait sa valeur chez des patients immunodéprimés et lymphopéniques ? Nombreuses étaient les communications sur le sujet au congrès de l’ERS 2007.
Comparaison du QFT et de l’IDR ? Le QuantiFERON (QFT) semble être plus sensible que l’IDR pour le diagnostic des infections tuberculeuses latentes et des tuberculoses-maladies. Dans un travail [1] effectué chez 73 patients suspects de tuberculose et dont 20 avaient finalement un autre diagnostic, le QFT était positif chez 6 des 20 patients et dans 14 cas négatif (11 cas) ou indéterminé (3 cas). Chez les 53 autres patients, le QFT avait une sensibilité de 81 %, alors que l’IDR (⬎ 5 mm) avait une sensibilité de 63 %. Dans 17 cas (32 %), il existait une discordance entre le résultat de l’IDR et du QuantiFERON. La spécificité du QFT était finalement de 70 % dans ce travail. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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J.-R. Zahar
Dans un autre travail effectué chez 100 patients dont 32 avaient une tuberculose pulmonaire maladie, et 68 sans maladie tuberculeuse, le QuantiFERON était positif dans 78 % des cas, alors que l’IDR n’était positive que dans 56 %. Toutefois, le QuantiFERON était faussement négatif chez les patients immunodéprimés, en cas de tuberculome et chez des patients âgés [2]. Il semblerait cependant que la sensibilité du QuantiFERON dans ces situations reste plus élevée que celle de l’IDR. Quoiqu’il en soit, une des limites du test réside dans sa faible sensibilité chez les patients immunodéprimés. Ainsi, deux études effectuées en Italie sur des patients immunodéprimés notaient un résultat ininterprétable chez 21,3 % et 11 % des patients, respectivement [3, 4]. De même, les patients sous traitement immunosuppresseur avaient 3,5 fois plus de risque d’avoir un résultat indéterminé que les autres patients. Dans un travail comparatif incluant 252 patients immunodéprimés dont 74 atteints de cancer, 72 recevant un traitement immunosuppresseur, 52 diabétiques, 50 insuffisants rénaux chroniques et 4 VIH, l’IDR était positive dans 102 cas (40 %), alors que seuls 16 d’entre eux avaient une tuberculose. D’autre part, l’IDR était retrouvée négative chez 50 % des patients avec une tuberculose. Le test QFT était quant à lui positif chez 36 patients, dont 26 avaient une tuberculose-maladie et 10 une tuberculose latente. Dans 32 cas, le QFT était indéterminé ; il s’agissait plus fréquemment de patients traités par immunosuppresseurs comparativement aux autres pathologies. Les conclusions de ce travail allaient dans le sens d’une meilleure sensibilité du test QFT chez l’immunodéprimé comparativement à l’IDR [5].
une mycobactériose atypique (selon les critères de l’ATS 2005), les auteurs mettaient en évidence l’intérêt du test pour différencier les patients avec une tuberculose-maladie de ceux présentant une mycobactériose atypique. En effet, comparativement à l’IDR où 60 % des patients étaient positifs, seuls 7 % des patients avec une infection à Mycobacterium avium avaient un test QFT positif. Dans ce travail, le QFT-TB avait une sensibilité de 86 % et une spécificité de 94 %.
Parmi les nouveaux tests immunologiques : existe-t-il des différences ? Des études avaient évalué les performances des tests ELISA et ELISPOT, démontrant leur équivalence. Récemment, l’équipe de Mazurek a évalué le QFT-G, le QFT et l’IDR chez les nouvelles recrues de la marine [8]. En se basant sur des critères ethniques, épidémiologiques et cliniques, les auteurs montraient une meilleure spécificité des tests QFT-G et de l’IDR comparativement au test QFT. Toutefois, le test QFT-G était discordant comparativement à l’IDR (⬎ 15mm) chez les recrues venant de pays de forte prévalence, suggérant une sensibilité moindre comparativement à l’IDR. Dans un travail récent [9] effectué chez des patients atteints de tuberculose-maladie, la sensibilité des trois tests semblait équivalente. En effet, la sensibilité était respectivement de 69,6 %, 66,7 % et de 73,9 % pour le QFT, le QFT-G et l’IDR. À RETENIR • Les tests immunologiques sont plus sensibles pour le diagnostic de tuberculose que l’intradermo-réaction. • L’interprétation des résultats chez les patients immunodéprimés, lymphopéniques ou âgés doit être prudente (risque plus grand de faux négatifs). • Ces tests ne peuvent être utilisés dans le suivi des tuberculoses-maladies correctement traitées (négativation tardive).
Pouvons-nous suivre l’amélioration des patients traités à l’aide du QuantiFERON ? La cinétique des résultats des tests sous traitement antituberculeux a été étudiée dans plusieurs études. Une équipe d’Inde [6] a présenté les résultats du suivi de 76 patients avec expectorations positives. La comparaison des résultats du QFT et des cultures a permis de mettre en évidence que la négativation du test était obtenue dans seulement 45,6 % des cas à 2 mois et 59,2 % des cas à 6 mois, alors que la culture était négative dans respectivement 89 % et 93 % des cas. Dans un travail de décembre 2006 [7], les auteurs notaient une diminution du pourcentage de positivité du QFT sous traitement. Ainsi, alors que 86 % des patients avaient une tuberculose-maladie avec un test initialement positif, seuls 48 % restaient positifs à 6 mois et 33 % à 12 mois.
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Place du QuantiFERON TB 2-G dans le diagnostic différentiel des tuberculosesmaladies et des mycobactéries atypiques Dans ce même travail [7] incluant 50 patients sains, 50 patients avec une tuberculose-maladie et 100 patients avec 56
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Synthèse : Mycobactérioses atypiques : maladies infectieuses émergentes ? Les mycobactéries atypiques (ou mycobactéries non tuberculeuses, MNT) font maintenant partie des pathogènes émergents. Cette émergence récente s’explique par l’augmentation du nombre de patients exposés au risque. En effet, l’utilisation de traitements immunosuppresseurs dans diverses pathologies, l’amélioration de la survie des patients immunodéprimés et notamment, parmi eux, des transplantés, a fait augmenter la population exposée au risque. Par ailleurs, l’amélioration de survie des patients mucoviscidosiques et l’amélioration des techniques diagnostiques, expliquent aussi l’émergence de cette pathologie. Toutefois, malgré tous les efforts pour améliorer le diagnostic des mycobactérioses « atypiques », l’épidémiologie de cette maladie reste mal définie et, si certains groupes à risques sont bien identifiés, le diagnostic reste complexe et les indications thérapeutiques difficiles à poser. Enfin, le tableau se complique encore avec les difficultés thérapeutiques dues, d’un côté, à la toxicité médicamenteuse et, d’un autre, à l’efficacité limitée de certaines classes antibiotiques.
Les mycobactéries « atypiques » Les mycobactéries atypiques sont des mycobactéries généralement retrouvées dans l’environnement hydrotellurique. On distingue, au sein des mycobactéries, deux grands groupes :
les mycobactéries à croissance rapide et les mycobactéries à croissance lente, selon qu’elles sont capables ou non de se développer in vitro, en donnant des colonies visibles en moins de 7 jours. Les principales espèces retrouvées chez les patients atteints de mucoviscidose appartiennent à ces deux groupes : les espèces du complexe aviaire (M. avium et M. intracellulare) et Mycobacterium kansasii sont des mycobactéries à croissance lente, tandis que M. abcessus est une mycobactérie à croissance rapide. Cette année, une session entière a été consacrée aux infections à mycobactéries non tuberculeuses.
Mycobactérioses atypiques chez l’enfant La présentation clinique semble différente selon que l’on s’adresse à une population immunodéprimée ou non. Hors immunodépression, il s’agit fréquemment d’une atteinte ganglionnaire isolée. L’atteinte pulmonaire serait l’apanage des patients immunodéprimés ou suivis pour une mucoviscidose, elle serait rare chez les enfants immunocompétents âgés de moins de 10 ans. Dans une série américaine, seuls 41 cas avaient été isolés de 1930 à 2003 [1].
Enfants atteints de mucoviscidose Dans la mucoviscidose, la prévalence des prélèvements positifs à MNT oscille de 6 à 13 % selon les études. Elle augmente avec l’âge des patients (5 % avant 15 ans et environ 15 % après 15 ans) ; dans l’enfance, on trouve une nette prédominance de M. abcessus et la quasi-absence du complexe aviaire [2]. Les patients colonisés à MNT seraient plus âgés, avec un meilleur VEMS, moins fréquemment colonisés à Pseudomonas aeruginosa et plus fréquemment à S. aureus [3]. Il a été rappelé que la mise en évidence d’une mycobactérie atypique chez un patient atteint de mucoviscidose avant transplantation n’est pas un critère pour refuser celle-ci, mais ce résultat devrait alerter les cliniciens sur les risques de rechute [4]. Les deux espèces les plus fréquemment isolées dans le contexte de la mucoviscidose sont Mycobacterium abcessus et Mycobacterium avium intracellulare. Toutefois, les conséquences de cette colonisation sur la dégradation de la fonction respiratoire restent très discutées. Il semblerait que les patients colonisés aient plus fréquemment des opacités radiologiques, mais qu’il n’existe pas chez ces patients de dégradation accélérée de la fonction respiratoire. Actuellement, il existe un large consensus sur la pathogénicité de Mycobacterium abcessus, que ce soit chez les patients mucoviscidosiques ou non. Dans un travail publié par Catherinot et coll. [5], les auteurs ont démontré l’existence d’une relation entre la sévérité de l’infection et certaines formes alléliques, ou « séquovars », du gène hsp65, qui encode une © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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