Intérêt du dosage des béta-D-glucanes sériques pour le diagnostic de spondylodiscites à Candida spp

Intérêt du dosage des béta-D-glucanes sériques pour le diagnostic de spondylodiscites à Candida spp

Cas clinique Intérêt du dosage des béta-D-glucanes sériques pour le diagnostic de spondylodiscites à Candida spp. Amine El Khalfi1,3-5, Sara Figuigui1,...

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Cas clinique Intérêt du dosage des béta-D-glucanes sériques pour le diagnostic de spondylodiscites à Candida spp. Amine El Khalfi1,3-5, Sara Figuigui1,3, Naima Dahane1, Samuel Le Pape1,3, Hélène Yera1,3, Julien Wipff2, Redouane Moutaj4,5, André Paugam1,3,* 1 2 3 4 5

Laboratoire de Parasitologie-Mycologie, Hôpital Cochin. Hôpitaux Universitaires Paris Centre, France. Service de Rhumatologie, Hôpital Cochin, Hôpitaux Universitaires Paris Centre, France. Faculté de Médecine Paris Descartes, Université Sorbonne Paris Cité, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Paris, France. Faculté de Médecine et Pharmacie, Université Cadi Ayyad CHU Mohamed VI, Marrakech, Maroc. Laboratoire de Parasitologie-Mycologie, Hôpital Militaire Avicenne, Marrakech, Maroc.

*Auteur correspondant : [email protected] (A. Paugam).

RÉSUMÉ Les spondylodiscites à Candida spp sont des affections rares survenant essentiellement après une candidémie chez des patients immunodéprimés ou toxicomanes par voie veineuse. La symptomatologie atypique et le caractère invasif de la biopsie vertébrale expliquent que le diagnostic soit fréquemment porté tardivement. Le dosage des béta-D glucanes sériques est un test récemment introduit pour le diagnostic des infections fongiques invasives. Ce cas clinique rapporte une observation de spondylodiscite à Candida albicans dans laquelle le dosage restropectif des béta-D glucanes a montré qu’ils auraient permis de poser un diagnostic précoce.

ABSTRACT

Value of serum Beta-D-glucan assay for the diagnosis of spondylodiscitis due to Candida spp. The spondylodiscitis due to Candida is a rare infection occurring mainly after candidemia in immunocompromised or intravenous addict patients. Atypical symptomatology and the invasiveness of the vertebral biopsy explain that the diagnosis is frequently carried out late. The beta-D glucan concentration in serum is a new assay used for the diagnosis of invasive fungal infections. This is an observation of spondylodiscitis due to Candida albicans for which the laboratory retrospectively determines beta-D glucans concentrations in serum shows that this assay would have allowed an early diagnosis.

Introduction MOTS CLÉS Béta-D glucane ◗ Candida ◗ Candidémie ◗ Spondylodiscite ◗

KEY WORDS Beta-D-glucan ◗ Candida ◗ Candidemia ◗ Spondylodiscistis ◗

© 2017 – Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

Les spondylodiscites à Candida spp sont des affections très rares. Elles surviennent essentiellement sur des terrains immunodéprimés ou chez des toxicomanes par voie intraveineuse, dans les suites d’une candidémie [1]. Leur incidence serait en augmentation en raison de la multiplication des facteurs de risque iatrogènes  [2]. Leurs manifestations cliniques sont atypiques, elles sont difficiles à diagnostiquer.

La biopsie disco-vertébrale est indispensable au diagnostic. Introduit depuis peu pour le diagnostic des infections fongiques invasives (IFI), le dosage des béta-D-glucanes (␤DG) sériques pourrait permettre un diagnostic précoce comme nous l’illustrons par l’observation suivante.

Cas clinique Nous rapportons ici le cas d’un patient sous immunosuppresseurs hospitalisé à plusieurs reprises pour une spondylodiscite étiquetée initialement inflammatoire. Le diagnostic de spondylodiscite à C. albicans avait été posé tardivement, par biopsie vertébrale alors que les ␤DG sériques, dosé rétrospectivement à partir d’un prélèvement réalisé 3 mois avant le diagnostic, était positif. En juillet 2015 un homme de 69 ans était hospitalisé pour

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Cas clinique Un dosage sérique des ␤DG (Fungitell®, Associates of Cap Cod Incorporated) était positif (113 pg/mL). Le patient était alors traité par triflucan. Sur un sérum de juillet, soit 3 mois avant le diagnostic, un dosage rétrospectif des ␤DG se révéla également positif. Celui-ci aurait pu permettre d’évoquer le diagnostic fongique dès cette époque, de faire réaliser une biopsie, et donc de poser plus précocement le diagnostic de spondylodiscite candidosique.

Figure 1. IRM du rachis.

© Hôpital Cochin

Discussion

Vertèbres C4-C5 et C6-C7 : arthropathie sans lésion de la médullaire osseuse, minime hypersignal STIR hétérogène de la portion ossifiée. Vertèbres T11T12 : œdème et lyse en miroir des plateaux vertébraux, collection intradiscale, discrète atteinte inflammatoire des parties molles adjacentes.

l’exploration de dorsolombalgies. Parmi ses antécédents on notait un diabète non insulinodépendant (DNID) et un pemphigus traité par azathioprine et prednisone depuis 2012. En mars 2015, lors d’une hospitalisation pour une thrombose portale, une septicémie bactérienne à Bacteroïdesfragiliset Streptococcus intermedius (traitée par Céphalosporine de 3e génération et métronidazole) et une candidémie à Candida albicans (traité par triflucan) étaient diagnostiquées. En mai 2015, il était hospitalisé pour des cervicalgies fébriles. L’IRM mettait en évidence des spondylodiscites C3/C4 et C4/C5. Les hémocultures étaient négatives. Un traitement probabiliste associant imipénem et amikacine était prescrit. En juillet, il était hospitalisé pour dorsolombalgies. L’IRM et le scanner mettaient en évidence des spondylodiscites C4/C5, C5/C6, D11/D12 (figure 1). L’évolution fut rapidement favorable dans un contexte d’apyrexie qui faisait écarter un diagnostic infectieux et permettait de conclure à une spondylodiscite microcristalline (traitement par colchicine). En octobre, l’IRM de contrôle révélait une spondylodiscite T11-T12, une biopsie osseuse permettait d’isoler Candida albicans.

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La recherche des ␤DG sériques fait partie des critères diagnostiques des IFI mais ne peut se substituer à l’examen clinique, aux examens d’imagerie, à l’isolement et la culture de l’agent pathogène nécessaire à l’établissement du diagnostic de certitude. Selon les études, pour les patients à risque d’IFI ou de pneumocystose, la sensibilité du test est évaluée entre 50 et 90 % avec une spécificité de 75 à 100 % [3]. Marqueur précoce, il se positive jusqu’à 15 jours avant l’apparition des signes cliniques ou la détection d’agents fongiques dans le sang. Des fausses positivités sont décrites lors : - de bactériémie - d’hémodialyse sur membrane de cellulose - d’utilisation de compresses chirurgicales - de chirurgie digestive - d’injection d’albumine, d’immunoglobulines IV, de béta-lactamines (amoxicilline-acide clavulanique IV, piperacillin et azobactam) [3]. La positivité des ␤DG peut persister bien après la disparition de la fièvre et la négativation des hémoculturesavec des extrêmes de 21 à 102 jours [4]. Une des raisons de cette positivité prolongée pourrait être la présence d’un cathéter qui ralentirait la clairance des ␤DG. Dans notre observation, d’une part, la candidémie avait été diagnostiquée 5 mois avant le dosage des ␤DG sériques et, d’autre part, le patient n’avait pas de cathéter, éléments qui confortent l’hypothèse que cette positivité était bien en rapport avec la spondylodiscite. Lors d’une revue des cas de spondylodiscite publiés entre 1966 et 2000, les auteurs ont identifié les facteurs de risque suivant : cathétérismes veineux centraux (53 %), traitement antibiotique (50 %), immunodépression (37 %) et toxicomanie par voie injectable (22 %) [5]. Candida albicans est responsable de la majorité des cas (plus de 60 % des infections), suivi par Candida tropicalis (19 à 23 %), Candida glabrata (9 à 14 %) et Candida parapsilosis (5 %) [5-7]. La symptomatologie est non spécifique, les tableaux aigus septicémiques sont rares [1]. Sur les radios les lésions sont peu spécifiques. Comme le diagnostic est tardif, on observe souvent des lésions évoluées, très destructrices avec des abcès des parties

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Cas clinique Mycologie molles et une importante périostose [8] comme nous avons pu l’observer dans notre observation. S’il existe souvent un syndrome inflammatoire il faut savoir que la vitesse de sédimentation et la CRP peuvent être normales, en particulier chez le sujet immunodéprimé. L’origine des spondylodiscites à Candida spp est, le plus souvent, septicémique. Sur une série de 59 patients, seuls trois (5 %) avaient un antécédent récent de chirurgie du rachis alors que les autres patients avaient tous un antécédent de candidémie [5-7]. Dans notre cas l’atteinte était cervicale C4/C5, C5/C6 et thoracique basse D11/D12. Hendrickx et al, rapportent une prédominance de l’atteinte du rachis lombaire chez 61 % des patients, thoracique bas (T8-T12) chez 41 %, thoracique haut chez 15 % et cervicale chez 3 % [7]. Miller et al. observent une atteinte lombaire ou thoracique basse dans 95 % des cas [5]. Le délai entre la candidémie ou l’exposition aux facteurs de risque et

l’apparition des symptômes de la spondylodiscite est très variable pouvant aller de deux semaines à plus d’un an. Ce délai s’explique par la virulence réduite de Candida spp et par la faible vascularisation du disque intervertébral [4].

Conclusion Du fait de possibles localisations ostéo-articulaires tardives chez tout patient ayant un antécédent de candidémie, une surveillance est recommandée pendant au moins les trois mois qui suivent son diagnostic. Compte tenu de notre observation, il nous paraît justifié, durant cette période, de proposer un dosage des ␤DG sériques devant la survenue de toute douleur vertébrale. QQ Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

[4] Mikulska M, Furfaro E, Del Bono V, et al. Persistence of a Positive (1,3)-␤-D-

Références [1] SPILF. Recommandations pour la prise en charge des spondylodiscites, 2007.

www.infectiologie.com/UserFiles/File/medias/_documents/consensus/2007-Spondylodiscites-Court.pdf. [2] Kehrer M, Pedersen C, Jensen TG, et al. Increasing incidence of pyogenic spondylodiscitis: a 14-year population-based study. J Infect 2014; 68: 313-20. [3] Tran T, Beal SG, Application of the 1,3-␤-D glucan (Fungitell) assay in the diagnosis of invasive fungal infections. Arch Pathol Lab Med 2016; 140: 181-5.

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