Interruptions du traitement antirétroviral chez 30 patients infectés par le VIH en succès virologique

Interruptions du traitement antirétroviral chez 30 patients infectés par le VIH en succès virologique

A R T I C L E O R I G I N A L © 2005, Masson, Paris Interruptions du traitement antirétroviral chez 30 patients infectés par le VIH en succès viro...

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Interruptions du traitement antirétroviral chez 30 patients infectés par le VIH en succès virologique 1 - Service des maladies infectieuses et tropicales, 2 - Département de biostatistique et informatique médicale, 3 - Laboratoire de virologie, 4 - Laboratoire d’immunologie, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris (75)

Correspondance : J. Pavie, Hôpital SaintLouis, service de maladies infectieuses et tropicales, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris Tél. : 01 42 49 90 66 Fax : 01 42 49 90 67 [email protected]

Reçu le 6 avril 2004 Accepté le 23 mars 2005

Presse Med 2005; 34: 1S8-1S13

Juliette Pavie1, Raphaël Porcher2 Sandra Fournier1, André Furco1 Caroline Tournoux2 Pierre Palmer3, Claire Rabian4 Jean-Michel Molina1

Summary

Résumé

Treatment interruption in 30 HIV-infected patients with successful viral suppression under highly active antiretroviral treatment

Objectif Préciser l’évolution clinique et biologique des patients infectés par le VIH en succès virologique sous traitement lors d’une interruption du traitement antirétroviral, et identifier les facteurs associés à une interruption prolongée du traitement. Méthode Étude rétrospective chez des patients infectés par le VIH, ayant sous traitement antirétroviral une charge virale plasmatique contrôlée (< 400 copies/mL) et ayant interrompu leur traitement antirétroviral. Une analyse multivariée a été réalisée afin d’identifier les facteurs associés à une durée d’interruption supérieure à 6 mois. Résultats Trente-six interruptions chez 30 patients ont été analysées. Les patients étaient le plus souvent de sexe masculin (83 %), l’âge médian était de 42 ans et le mode principal de contamination l’homosexualité (60 %). Au début du traitement antirétroviral, le nadir médian de CD4 était de 292/mm3 et la médiane de la charge virale était de 43000 copies/mL. Les motifs ayant conduit à l’interruption ont été le souhait du patient ou du médecin (21 patients) et/ou la survenue d’un effet indésirable attribué aux antirétroviraux (15 patients). Au moment de l’interruption, la médiane de CD4 était de 606/mm3. La durée médiane d’interruption a été de 14 mois. Durant l’interruption de traitement, 9 patients (30 %) ont subit des événements indésirables cliniques ou biologiques. Tous ces patients avaient un nadir de CD4 < 300/mm3. Vingt-quatre patients ont repris un traitement antirétroviral (80 %). À la reprise du traitement, la médiane de CD4 était de 302/mm3 et la médiane de la charge virale plasmatique de 59880 copies/mL. Quatre mois après la reprise du traitement, tous les patients avaient une charge virale < 400 copies/mL. En analyse multivariée, une trithérapie contenant un analogue non nucléosidique (adjusted Hazard Ratio [aHR]: 3,6, IC95 % : 1,2-10,6, p = 0,02), un nadir de CD4 < 300 (aHR): 5,5, IC95 % : 2,0-26, p = 0,0057) et une charge virale VIH indétectable depuis plus de 21 mois au moment de l’interruption (aHR: 7,2, IC95 %: 2-26, p = 0,002) était associée à une reprise du traitement dans les 6 mois suivant l’interruption. La probabilité de reprendre le traitement avant 6 mois était de 45,5 % chez les patients ayant un nadir de CD4 < 300 mm3 et de 14,3 % pour les autres (p = 0,10). Conclusion Au total, les interruptions de traitement antirétroviral, chez les patients bien contrôlés sous traitement, devraient être utilisées avec précaution chez les patients ayant un nadir de CD4 inférieur à 300/mm3 en raison des risques de survenue d’événements indésirables cliniques ou biologiques.

Objective To evaluate clinical and laboratory results in HIV-infected patients with complete viral suppression under HAART (highly active antiretroviral treatment) for whom treatment was interrupted and to identify risk factors associated with prolonged (i.e., successful) treatment interruption. Methods Retrospective study of patients who interrupted therapy while on HAART with a plasma HIV RNA < 400 copies/mL. Multivariate regression analysis was performed to identify factors associated with a prolonged interruption (more than 6 months). Results 36 treatment interruptions in 30 patients were analyzed. Patients' mean age was 42 years, 83% were men, and 60% were infected through homosexual contact. Median CD4 cell count at initiation of HAART was 292/mm3 and median viral load 43 000 copies/mL. Reported reasons for HAART discontinuation included patient or clinician choice (n=21) or drug toxicity (n=15). Median CD4 cell count when treatment interruption began was 606/mm3, and its median duration was 14 months. During treatment interruption, adverse clinical events or laboratory findings occurred in 9 patients (30%), all of whom had a CD4 cell count nadir < 300/mm3. When HAART resumed, median CD4 cell count was 302/mm3, and median viral load 59 800 copies/mL. Plasma HIV RNA dropped to < 400 copies/mL in all patients within 4 months of resuming treatment. In multivariate analysis, the factors associated with resuming HAART within 6 month of treatment interruption were: HAART including non-nucleoside analog (adjusted Hazard Ratio [aHR]: 3.6, 95%CI: 1.2-10.6, p=0.02), a CD4 cell count nadir < 300 (adjusted Hazard Ratio [aHR]: 5.5, 95% CI: 2.0-26, p=0.0057), undetectable plasma HIV RNA for longer than 21 months at the interruption (aHR: 7.2, 95% CI: 2-26, p=0.002). This probability was 45.5% in patients with a CD4 cell count nadir < 300 and 14.3% in the others (p 0.10). Conclusion Antiretroviral treatment should be interrupted only with caution in patients with a CD4 cell count nadir <300/mm3 because of the risk of adverse clinical events or laboratory findings. J. Pavie, R. Porcher, S. Fournier, A. Furco, C. Tournoux, P. Palmer et al. Presse Med 2005; 34: 1S8-1S13 © 2005, Masson, Paris

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introduction des trithérapies antirétrovirales chez les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a diminué la 1 mortalité et la morbidité qui lui sont liées . Ces traitements ne permettent pas d’obtenir l’éradication du virus. Il existe une réascenscion de la charge virale dès les premiers jours qui suivent l’arrêt des traitements antirétroviraux chez des patients contrôlés virologi2 quement . L’infection par le VIH est une pathologie chronique, nécessitant la prise d’un traitement au long cours.

L’

❚ Ces traitements antirétroviraux induisent des effets indésirables sévères, notamment à long terme, comme des lipodystrophies, des troubles métaboliques glucidiques (résistance à l’insuline, diabète) et lipidiques (hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie) associés à une augmentation du risque cardiovasculaire ainsi que des toxicités comme l’acidose lac3-6 tique . Ces traitements nécessitant une prise au long cours, une mauvaise compliance favorise l’émergence de mutants résistants. ❚ Ces considérations ont conduit à élaborer, chez les patients infectés par le VIH, virologiquement bien contrôlés avec leur traitement, de nouvelles stratégies thérapeutiques proposant des interruptions temporaires de traitement. Ces “vacances thérapeutiques” sont évaluées selon 2 schémas: • soit des périodes fixes d’arrêts de traitement, • soit des périodes d’interruptions dont la durée est fonction de la cinétique de baisse du taux de CD4 (reprise du traitement au-dessous d’un certain seuil) ou de la survenue d’événements cliniques. En attendant les résultats des grands essais évaluant ces stratégies, nous avons évalué cette expérience, afin de préciser les limites de ces interruptions thérapeutiques et de déterminer des facteurs prédictifs permettant de proposer une durée prolongée d’interruption du traitement.

Méthodes Il s’agissait d’une étude rétrospective de 30 patients séropositifs pour le VIH, suivis dans le service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Louis à Paris entre juin 1999 et avril 2003. Leur traitement antirétroviral a été interrompu, en dehors d’un essai thérapeutique et alors qu’ils étaient en succès virologique sous traitement (charge virale VIH plasmatique inférieure à 400 copies/mL). L’analyse des dossiers de ces patients a permis de recueillir les données suivantes: âge, sexe, mode de transmission du VIH, stade de classification pour le VIH, nadir de CD4, charge virale VIH plasma-

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tique la plus haute, date du premier traitement antirétroviral. Au moment de l’interruption du traitement, nous avons relevé le taux de CD4 et de CD8, la durée d’indétectabilité de la charge virale VIH, le type de traitement antirétroviral et enfin la raison de cette interruption. La survenue d’événements indésirables durant l’interruption, le taux de CD4 et le niveau de la charge virale à la fin de l’interruption et 3 mois après la reprise du traitement antirétroviral ont été analysés. ❚ Sur le plan statistique, l’association entre les différents facteurs étudiés et la reprise du traitement a été analysée par un modèle de régression de Cox en analyse univariée, puis multivariée. La validité du modèle de Cox a été vérifiée à l’aide du test d’adéquation de Grambsch et Thernau. L’analyse a été effectuée afin de trouver des facteurs prédictifs d’une durée d’interruption de traitement supérieure ou égale à 6 mois. Elle a été réalisée à l’aide des tests de Wilcoxon pour les variables quantitatives et des tests exacts de Fisher pour les variables qualitatives. Pour les patients n’ayant pas repris de traitement, l’analyse des données a été censurée.

Résultats ❚ Trente patients sur une file active de 1600 patients (1,88 %) (source DMI2) ont interrompu au moins une fois leur traitement antirétroviral entre juin 1999 et avril 2003 dans le cadre défini par l’étude. Six patients ont eu 2 interruptions successives: 36 interruptions ont été analysées. Ces interruptions étaient décomposées dans le temps comme suit: 6 ont arrêté leur traitement en 1999, 4 en 2000, 6 en 2001, 10 en 2002 et 4 en 2003. ❚ Les caractéristiques cliniques et biologiques des patients au moment de l’interruption du traitement sont présentées dans le tableau 1. Les motifs ayant conduit à l’interruption des traitements étaient le souhait du patient ou du médecin (21 cas) et/ou la survenue d’un effet indésirable attribué aux médicaments dans 15 cas: lipodystrophie (5 cas), hépatotoxicité (6 cas), neuropathie périphérique (2 cas), éruption cutanée (1 cas) et toxicité non précisée (1 cas) (tableau 2). ❚ La durée médiane d’interruption de traitement a été de 14 mois (2 jours-69 mois). La durée médiane de suivi après le début de l’interruption était de 11 mois. Six patients étaient toujours en cours d’interruption au moment de l’analyse des résultats. ❚ Durant l’interruption de traitement, 9 patients ont eu des événements indésirables (tableau 2). Quatre patients ont eu un événement clinique (1 zona monométamérique, 1 herpès cutanéo-

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muqueux, 1 candidose orale puis 1 zona métamérique, 1 syndrome de primo-infection). Cinq patients ont eu un événement biologique : thrombopénie chez 2 patients (taux de plaquettes : 10 000 et 87000/mm3), une cytolyse hépatique chez 2 patients (3,6 et 10 fois la limite supérieure de la normale [N] d’alanine aminotransférases [Alat], et 1 patient a eu une élévation des Alat à 4N et une thrombopénie à 89 000/mm3). Aucun des patients ne s’étant plaint une cytolyse hépatique n’était porteur d’une infection par le virus de l’hépatite B. La survenue de ces effets indésirables a conduit à la reprise du traitement chez 7 patients sur 9 (2 zonas, 1 syndrome de primo-infection, 3 thrombopénies et 1 cytolyse hépatique). Ces événements étaient significativement associés avec un nadir des CD4 < 300/mm 3 (p = 0,005).Tous les sujets ayant connu un événement indésirable étaient des hommes et tous avaient un nadir de CD4 < 300/mm3. ❚ Le traitement antirétroviral a été repris chez 24 des 30 patients étudiés. Au moment de la reprise, la médiane du taux de CD4 était de 302/mm3 (2 patients avaient moins de 200 CD4/mm3 lors de la reprise) et

la charge virale plasmatique VIH de 59880 copies/mL. Les raisons de la reprise du traitement antirétroviral étaient une baisse des CD4 à moins de 300/mm3 chez 9 patients (38 %), la survenue d’événements indésirables chez 7 patients (29 %) et le souhait du médecin ou du patient chez 8 patients (33 %) (tableau 2). Le traitement antirétroviral avant et après l’interruption était le même chez 12 des 24 patients (50 %). Pour l’ensemble des 24 patients ayant repris leur traitement antirétroviral, la charge virale plasmatique VIH est redevenue indétectable 4 mois après la reprise.

❚ Nous avons étudié les facteurs associés à une reprise rapide du traitement (< 6 mois) (tableau 3).

En analyse univariée, une durée courte d’interruption était associée avec 6 variables: un traitement antirétroviral initial par trithérapie (p = 0,04), un nadir de CD4 < 300 /mm3 (p = 0,036), un taux de CD4 au moment de l’interruption ≤ à 25 % (p = 0,03), un taux d’hémoglobine bas (p = 0,027) et enfin une trithérapie contenant un analogue non nucléosidique (p = 0,04) ou un inhibiteur de protéase (p = 0,04) au moment de l’interruption. ❚ En analyse multivariée, seules 3 variables étaient significativement associées à une durée courte d’interrupTableau 1 tion : une trithérapie conteCaractéristiques initiales des 30 patients infectés par le VIH nant un analogue non nucléoayant interrompu leur traitement antirétroviral sidique (adjusted Hazard Ratio [aHR]: 3,6, IC95 %: 1,2Variable 30 patients inclus 10,6, p = 0,020), les patients médiane [min-max] ou n (%) ayant un nadir de CD4 Âge (ans) 42 [28-61] < 300 /mm 3 (aHR) : 5,5, Sexe (masculin) 25 (83 %) IC95 %: 2,0-26, p = 0,0057) et Mode de contamination une charge virale VIH indétecHétérosexuel 7 (24 %) table depuis plus de 21 mois Homosexuel 18 (62 %) au moment de l’interruption Toxicomane 4 (14 %) (aHR : 7,2, IC95 % : 2-26, p Stade de l’infection VIH (CDC) A 20 (67 %) = 0,0028). Il existait une interB 4 (13 %) action significative entre ces 2 C 6 (20 %) derniers facteurs (p = 0,033). Charge virale avant le début du traitement (copies/mL)

43000 [1160-3,6.106

Durée d’indétectabilité de la charge virale VIH (mois)

21 [0.3-60]

Nadir des CD4 (/mm3)

292 [0-763]

Taux de CD4 (/mm3) au moment de l’interruption Traitement antirétroviral NRTI IP NNRTI

606 [360-1377] 9 (25 %) 15 (42 %) 12 (33 %)

CDC : centers for disease control ; NRTI : inhibiteurs nucléosidiques de la réverse transcriptase ; IP : inhibiteurs de la protéase ; NNRTI : inhibiteurs non nucléosidiques de la réverse transcriptase.

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❚ De plus, la durée médiane d’arrêt du traitement était de 8 mois chez les sujets ayant un nadir de CD4 < 300 /mm3 et de 17 mois pour les autres. L’estimation de Kaplan-Meier de la probabilité de reprendre le traitement avant 6 mois était de 45,5 % dans ce premier groupe et de 14,3 % pour les sujets avec un nadir > 300 /mm3 (p = 0,10).

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Discussion ❚ D’après cette étude et les données de la littérature, les interruptions de traitement antirétroviral devraient être utilisées avec précaution chez les patients ayant un nadir de CD4 inférieur à 300/mm3, en raison du risque d’apparition d’événements indésirables cliniques et biologiques et d’un retour rapide au nadir des CD4 pré-thérapeutiques. Chez les patients ayant un nadir de CD4 élevé, des interruptions du traitement antirétroviral pourraient être envisagées mais il apparaît nécessaire, avant de généraliser ces stratégies d’interruption, d’attendre les résultats des grands essais randomisés en cours.

❚ Les patients avaient tous une charge virale plas-

❚ Un autre élément notable est celui du retour aux chiffres préthérapeutiques de CD4 et de charge virale à la fin de l’interruption : nadir médian de CD4 avant traitement de 292/mm3 et médiane de CD4 à la fin de l’interruption de 302/mm3 ; médiane de charge virale avant traitement de 43 000 copies/mL et de 59 880 copies/mL à la fin de l’interruption. ❚ Dans cette étude, aucun échec, à 4 mois de la reprise, n’a été observé sur le plan virologique.Aucun

génotype de résistance n’a été réalisé chez ces patients avant la reprise du traitement et seuls 50 % ont repris le même traitement antirétroviral. Il n’est donc pas possible dans cette étude d’évaluer l’émergence éventuelle de résistances lors de ces interruptions de traitement. Ce risque de sélection de mutants résistants a été observé dans d’autres études et pourrait compromettre ces stratégies d’interruption de traitement. Dans 9 l’étude de Anaworanich et al. , il existait une proportion importante de patients en échec virologique dans le cas où les patients interrompaient leur traitement 1 semaine sur 2. La même constatation était également 10 observé dans l’étude de Cardiello et al. . D’autres études ont aussi rapporté l’apparition de mutations conférant une résistance aux analogues non nucéosi-

matique < 400 copies/mL au moment de l’interruption et ce, de façon prolongée (médiane : 21 mois). Leur taux médian de CD4 avant l’interruption était de 606/mm3. La durée de l’interruption a été longue, de 14 mois en médiane. Sur le plan clinique, cette stratégie d’interruption n’a pas entraîné de survenue de maladies opportunistes majeures, de tumeur ou de décès. Neuf patients (30 %) ont eu des événements indésirables cliniques (zona, herpès, candidose, syndrome de primo-infection) ou biologiques (thrombopénie, cytolyse Tableau 2 a hépatique) pendant l’interruption, qui ont été directement responsables Motifs ayant conduit à l’interruption du traitement de la reprise du traitement antirétro- antirétroviral chez les 30 patients de l’étude viral dans 7 cas sur 9. Il semble donc Motifs de l’interruption Nombre de patients (%) que cette stratégie thérapeutique Souhait du patient ou du médecin 21 (70) d’interruption de traitement guidée Effets secondaires indésirables attribués au traitement 15 (50) par le taux de CD4, si elle n’entraîne Lipodystrophie 5 pas d’événement indésirable grave, Hépatotoxicité 6 n’est pas dénuée de risque, en partiNeuropathie 2 Éruption cutanée 1 culier chez les patients ayant un Non précisé 1 nadir de CD4 bas. La survenue de ces événements était significativement Plusieurs motifs pouvaient être associés chez un même patient. corrélée au nadir < 300/mm3 et tous les patients ayant eu un événement clinique ou biologique avaient un nadir de CD4 < 300/mm3. Dans la lit- Tableau 2 b térature, les différents essais d’inter- Motifs ayant conduit à la reprise du traitement antirétroviral ruption de traitement chez des chez 24 patients patients bien contrôlés n’ont pas Nombre de patients (%) observé de survenue d’infections Motifs de la reprise 3 Taux de CD4 < 300/mm 9 (38) opportunistes classantes pour le Survenue d’un événement indésirable sida. Lors des interruptions de traite(3 thrombopénies, 2 cytolyses hépatiques, ment, des syndromes de primo-infec2 zonas, 1 syndrome de primo-infection) 7 (29) tion ainsi que la survenue de thromSouhait du patient ou du médecin 8 (33) bopénies ont été rapportés comme 7,8 chez ces patients .

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diques et au 3TC lors d’interruptions séquentielles plus longues. L’étude de Dybul et al. a été interrompue prématurément en raison de l’apparition de mutants résistants chez une proportion importante (19 %) de patients recevant un traitement intermit13 14 tent . L’étude de Daniel et al. a montré l’existence possible de ces mutations de résistance avant même l’interruption, ce d’autant que les patients ont reçu des mono ou bithérapies antirétrovirales avant le début de leur trithérapie. Les résultats des grands essais randomisés d’interruption en cours devraient

permettre de répondre plus clairement à cette interrogation concernant le risque d’apparition de souches résistantes.

❚ Nous nous sommes ensuite attachés à distinguer des facteurs prédictifs d’une durée prolongée d’in-

terruption de traitement (> 6 mois). Un nadir de CD4 < 300/mm3, une durée prolongée d’indétectabilité de la charge virale plasmatique ainsi qu’une trithérapie comprenant un analogue non nucléosidique étaient associés à une durée courte d’interruption. Dans 15 l’étude de Tarwater et al. , la reprise du traitement

Tableau 3

Résultats des analyses univariée et multivariée des facteurs de risque d’une reprise rapide (< 6 mois) du traitement antirétroviral Variable

Analyse univariée HR (IC95 %)*

p

Analyse multivariée HR (IC95%)* p

Âge, par 10 ans

0,91 (0,56 - 1,5)

0,69

Sexe, femmes

0,31 (0,07 - 1,4)

0,12

Mode de contamination Hétérosexuel Homosexuel Toxicomane

1,4 (0,51 - 3,9) 2,0 (0,53 - 7,6)

0,51 0,30

Stade de l’infection VIH (CDC) A B C

1,7 (0,58 - 4,8) 0,75 (0,24 - 2,3)

0,35 0,61

Traitement antirétroviral initial Monothérapie Bithérapie Trithérapie

1,5 (0,51 - 4,6) 4,2 (1,1 - 16,7)

0,45 0,04

Avant l’interruption du traitement Nadir des CD4 < 300/mm3 Charge virale VIH maximale > 50 000

1,30 (1,02 - 1,67) 0,82 (0,29 - 2,3)

0,036 0,70

5,5 (1,6 - 18,5) †

0,0057

À l’interruption du traitement Durée d’indétectabilité de la charge virale VIH > 21 mois CD4 ≤ 500/mm3 % CD4 ≤ 25 % % CD8 > 50 % Hémoglobine Plaquettes Globules blancs Polynucléaires Lymphocytes Alat Asat

1,9 (0,78 - 4,4) 0,95 (0,37 - 2,5) 2,7 (1,1 - 6,4) 0,78 (0,31 - 1,9) 1,6 (1,05 - 2,4) 0,95 (0,88 - 1,03) 1,02 (0,8 - 1,3) 0,90 (0,62 - 1,3) 1,3 (0,79 - 2,1) 1,00 (0,94 - 1,07) 0,96 (0,86 - 1,08)

0,15 0,91 0,03 0,59 0,027 0,20 0,87 0,61 0,30 0,97 0,51

7,2 (2,0 - 26,0) †

0,0028

Traitement antirétroviral IP NNRTI

3,3 (1,05 - 10,6) 3,7 (1,06 - 12,6)

0,041 0,040

3,6 (1,2 - 10,6)

0,020

IP : inhibiteur de protéase ; NNRTI : inhibiteur non nucléosidique de la réverse transcriptase ; Alat : alanine aminotransférases ; Asat : aspartate aminotransférases * HR : rapport des risques instantanés (hazard ratio) ; IC95 % : intervalle de confiance à 95 % ; † Interaction significative entre les deux variables (p = 0,033). Modèle sélectionné : nadir des CD4 < 300/mm3 et durée de charge virale indétectable supérieure ou égale à 21 mois, HR = 21,7, IC95 % : 5,2 ; 90,7.

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CE QUI ÉTAIT CONNU • Les traitements antirétroviraux ont diminué la mortalité et la morbidité liées à l’infection par le VIH. • Ces traitements antirétroviraux induisent des effets secondaires à long terme qui ont conduit à essayer d’élaborer des stratégies réduisant l’exposition des patients à ces traitements, comme les stratégies d’interruption temporaire des antirétroviraux. • Lors de ces interruptions temporaires, la baisse du taux de CD4 est corrélée au nadir de CD4 avant traitement.

CE QU’APPORTE L’ARTICLE • Lors des interruptions temporaires du traitement antirétroviral, le risque de survenue d’événements cliniques et biologiques est majoré chez les patients ayant un nadir de CD4 inférieur à 300/mm3. • La probabilité de reprendre un traitement dans les 6 mois suivant l’interruption est plus importante chez les patients ayant un nadir de CD4 inférieur à 300/mm3. • Il faut utiliser avec précaution ces stratégies d’interruption de traitement, notamment chez les patients dont le nadir de CD4 est inférieur à 300/mm3.

antirétroviral après interruption était de même 4 fois plus fréquente chez les patients ayant un taux de CD4 < 200/mm3 lors de l’initiation de la trithérapie que chez ceux dont le taux de CD4 était supérieur à 500/mm3. Cette importance du nadir de CD4, comme facteur de risque de reprise, a été observée dans les 16 17 études de Giuntini et al. et Maggiolo et al. . Peu d’études ont identifié la durée d’indétectabilité de la charge virale VIH avant l’interruption comme un facteur associé à la reprise précoce du traitement.Tebas 18 et al. ont observé une corrélation inverse entre la baisse des CD4 lors de l’interruption et une durée prolongée d’indétectabilité de la charge virale. Le rôle d’une trithérapie contenant un analogue non nucléosidique de la transcriptase inverse n’est pas retrouvé dans la littérature comme étant associé à une reprise plus rapide du traitement antirétroviral. Ce résultat doit être confirmé par d’autres études, car il est difficile d’y apporter une explication physiopathologique solide. Dans cette étude, la reprise du traitement antirétroviral était, dans 33 % des cas, secondaire à une décision du patient ou du médecin en l’absence d’événement indésirable ou de baisse du taux de CD4. ■

Ce travail a été présenté dans le cadre du 2e congrès de l’International Aids Society (IAS) qui s’est tenu à Paris du 13 au 16 juillet 2003 (poster 611).

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4 juin 2005 • tome 34 • n°10 • Supplément 1 Infectiologie/VIH

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La Presse Médicale - 1S13