FAIT CLINIQUE
Rev Rhum [E´d Fr] 2001 ; 68 : 638-42 Magnetic resonance imaging three weeks after discectomy: misleading appearance of recurrent herniation, with nerve root enhancement – Joint Bone Spine 2001; 68: 345-9 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833001001582/SCO
IRM à trois semaines d’une cure chirurgicale de hernie discale : aspect trompeur de récidive herniaire avec prise de contraste radiculaire Bruno Randoux1*, Philippe Page2, Éric Méary1, Daniel Frédy1, Jean-François Méder1 1 Service de neuroradiologie, hôpital Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France ; 2service de neurochirurgie, hôpital Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France
(Reçu le 8 juin 2000 ; accepté le 7 février 2001)
Résumé – Nous rapportons l’observation d’un patient présentant une lombosciatalgie L5 droite récidivant trois semaines après la cure chirurgicale d’une hernie discale L4–L5 droite. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) a révélé un aspect évocateur de récidive de hernie discale, avec prise de contraste de la racine L5 droite. Cette observation permet de discuter ces deux aspects et de rappeler les pièges d’une imagerie trop précoce après intervention. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS chirurgie / disque intervertébral / IRM / prise de contraste radiculaire Summary – Magnetic resonance imaging three weeks after discectomy: misleading appearance of recurrent herniation, with nerve root enhancement. A patient with right-sided L5 sciatica and low back pain experienced a symptom recurrence three weeks after surgical removal of a right-sided L4-L5 disk herniation magnetic resonance imaging (MRI) was suggestive of recurrent disk herniation and showed enhancement of the right L5 root. This case emphasizes the difficulties met in interpreting imaging studies done too early after surgery. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS intervertebral discs / MRI / gadolinium / nerve root enhancement / surgery
La persistance de radiculalgies après chirurgie discale est un problème fréquent et difficile. Une image par résonance magnétique (IRM) est parfois réalisée afin d’éliminer une récidive de hernie discale ou une discite. Cette observation illustre les difficultés d’interprétation d’une IRM réalisée trois semaines après intervention. Les différents aspects postopératoires de cette imagerie seront rappelés afin d’éviter certaines erreurs d’interprétation. *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail :
[email protected] (J.F. Méder).
OBSERVATION M. L., âgé de 37 ans consulte dans le service de neurochirurgie pour prise en charge d’une lombosciatique L5 droite, mécanique, impulsive à la toux. Un traitement médical comportant anti-inflammatoire et repos au lit, instauré six semaines avant, n’a pas permis la résolution des douleurs. À l’examen, il existe une raideur rachidienne, un signe de Lasègue à 50 ° et un déficit sensitif avec hypoesthésie de la face antéroexterne de jambe droite. On note l’absence de déficit moteur ou d’anesthésie en selle. L’examen scanographique réalisé en
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coupes axiales obliques de 3 mm dans le plan des trois derniers disques lombaires met en évidence une hernie discale L4–L5 médiane et paramédiane droite refoulant la racine L5 droite. Un traitement chirurgical est décidé. À l’intervention, il existe un fragment migré en sousligamentaire. Les suites postopératoires immédiates sont simples, avec en particulier disparition de la douleur radiculaire et absence de syndrome inflammatoire ou infectieux. Mais devant la persistance des lombalgies et des pares-
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thésies de la face antéroexterne de jambe, une IRM avec injection de gadolinium est demandé à trois semaines de l’intervention. Celle-ci comporte des coupes sagittales en pondération T2, T1 sans et avec injection, des coupes axiales en pondération T1 sans et avec injection, centrées sur l’étage opéré. L’IRM montre une image épidurale antérieure droite en continuité avec le disque, de même signal sur les séquences pondérées en T1, avec une prise de contraste périphérique (figure 1). Cette image s’accompagne d’un effet de masse sur le sac dural
Figure 1. IRM à trois semaines postopératoire : coupes sagittales T2, axiales T1 sans et avec injection intraveineuse de gadolinium : image épidurale antérieure en continuité avec le disque, de même signal, avec une prise de contraste périphérique. Cette image s’accompagne d’un effet de masse sur le sac dural et la racine L5 droite, mimant une récidive de hernie discale.
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Figure 2. Coupes sagittales T1 sans et avec injection intraveineuse de gadolinium : la racine L5 droite est épaissie et prend le contraste sur l’IRM faite trois semaines après l’intervention. Cet aspect est fréquent en postopératoire et n’est pas corrélé à la persistance de la radiculalgie.
et la racine L5 droite, qui est épaissie et prend le contraste (figure 2). Il existe par ailleurs une prise de contraste des plateaux sus- et sous-jacents, avec un hypersignal en T2 de la partie postérieure du disque, sans bombement du ligament vertébral commun antérieur. Ces images font discuter une récidive de hernie discale. Cependant, devant l’absence de sciatique et le refus d’une nouvelle intervention par le patient, il est convenu d’une surveillance, avec un traitement antalgique. La symptomatologie douloureuse s’amende progressivement et à six mois il ne persiste que quelques lombalgies banales sans irradiation au membre inférieur droit. Une IRM de contrôle est réalisée selon le même protocole que précédemment. Elle montre
l’absence de récidive de hernie discale, avec un aspect de cicatrice opératoire banale (figure 3). DISCUSSION Cette observation illustre bien l’aspect classique mais trompeur de l’IRM faite précocément après intervention sur une hernie discale. Devant la persistance de radiculalgies, l’examen clinique est essentiel et permet souvent une bonne orientation clinique [1]. Pourtant, une IRM est parfois réalisée afin d’éliminer une récidive de hernie discale ou une discite. Il est donc impératif de connaître les différents aspects postopératoires de cette imagerie, afin d’éviter certaines erreurs d’interprétation.
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l’espace épidural antérieur en continuité avec l’espace discal, ne prenant pas le contraste et refoulant un cerne de tissu cicatriciel rehaussé par le produit de contraste et qui exerce un effet de masse sur le sac dural et la racine nerveuse. À l’inverse, en l’absence de récidive herniaire, le tissu cicatriciel se dispose en bandes linéaires ou arciformes qui se moulent sur le sac dural et les racines nerveuses sans les refouler. Si ces critères sont fiables après un délai de six mois postopératoires, il n’en est pas de même immédiatement après chirurgie. En effet, dans les trois premiers mois postopératoires, une image épidurale simulant une hernie discale persistante est extrêmement fréquente. Boden et al. [3] ont noté cet aspect chez 38 % des patients asymptomatiques à trois semaines postopératoires. Pour expliquer un tel aspect, plusieurs hypothèses ont été avancées : – une cicatrice immature ; – la présence de liquide séro-hémorragique dans le foyer opératoire ; – un reliquat de hernie discale en voie de résorption ; – une récidive de hernie discale [4-6]. Différencier ces hypothèses sur un seul examen réalisé précocement après chirurgie est illusoire. L’interprétation doit donc rester très prudente. En l’absence de symptomatologie clinique déficitaire, l’important est de savoir attendre. Seule l’évolution clinique et radiologique peut permettre de trancher, en montrant l’apparition d’une prise de contraste et la diminution de l’effet de masse en faveur d’une cicatrice épidurale. Prise de contraste radiculaire
Figure 3. Contrôle à six mois postopératoires : coupes axiales T1 sans et avec injection intraveineuse de gadolinium : aspect typique de cicatrice épidurale, sans récidive herniaire.
Aspect de la cicatrice épidurale Il existe de nombreux critères différentiels entre cicatrice épidurale et récidive herniaire en scanner et en IRM avec injection de produit de contraste [2]. Si ces critères ont une valeur d’orientation, aucun n’est parfaitement spécifique. La morphologie des anomalies épidurales a plus d’importance que leur signal. Le signe de récidive herniaire le plus caractéristique est la présence, sur les coupes sagittales T2 d’une masse dans
Certains auteurs se sont intéressés à la fréquence et à la valeur de la prise de contraste radiculaire après chirurgie [7, 8]. Le principal intérêt clinique est de savoir si cette prise de contraste est corrélée ou non à la persistance de la symptomatologie, ce qui serait un signe objectif de souffrance radiculaire. L’interprétation d’une prise de contraste radiculaire est délicate et dépend du délai postopératoire. Boden et al. n’ont pas trouvé de corrélation en postopératoire immédiat entre la prise de contraste radiculaire et la douleur : la prise de contraste radiculaire après chirurgie est fréquente chez les sujets asymptomatiques (62 % à trois semaines) [3]. En revanche, celle-ci disparaît le plus souvent à trois mois. Ainsi, à six mois, la prise de contraste radiculaire est fortement corrélée aux douleurs persistantes. Ces résultats ont été confirmés par Jinkins et al. qui ont trouvé une corrélation entre la douleur et la prise de contraste radiculaire dans 98 % des cas en postopératoire à six mois [8].
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Cette prise de contraste radiculaire est un phénomène pathologique qui résulterait d’une rupture non spécifique de la barrière hématoneurale, secondaire à un traumatisme, une ischémie, une inflammation ou une démyélinisation. Certains auteurs pensent que la persistance d’une prise de contraste chez des sujets asymptomatiques s’expliquent par un phénomène de dégénérescence/régénérescence Wallérienne, reflétant un phénomène de réparation de la racine. Ainsi, en cas de radiculopathie d’étiologie imprécise après un délai de six mois postopératoire, la prise de contraste radiculaire pourrait être recherchée afin d’objectiver la souffrance radiculaire [8]. CONCLUSION La persistance de radiculalgies après exérèse d’une hernie discale est un problème fréquent et difficile. L’apport de l’examen clinique est essentiel. On attend souvent une réponse univoque de l’imagerie, mais l’aspect postopératoire de celle-ci est variable et très trompeur. Comme l’illustre notre observation, un contrôle trop précoce avant six mois est rarement recommandé et doit être interprété avec une grande prudence. Ce n’est souvent que l’évolution dans le temps qui permet de différencier une récidive de hernie discale d’une simple cicatrice. De même, la présence d’une prise de contraste
radiculaire n’a de valeur qu’après un délai de six mois après chirurgie pour objectiver la persistance d’une souffrance radiculaire. RE´FE´RENCES 1 Wybier M, Parlier C, Champsaur P, Laredo JD. Comment interroger un patient qui souffre encore après chirurgie discale lombaire, avant de réaliser un scanner ou une IRM du rachis ? Ann Radiol 1997 ; 40 : 104-6. 2 Laredo JD, Wybier M, Morvan G. Affections mécaniques et dégénératives du rachis lombaire. In : Laredo JD, Ed. Imagerie ostéoarticulaire. Paris : Flammarion ; 1998. p. 923-36. 3 Boden SD, Davis DO, Dina TS. Lumbar spine after surgery for herniated disk : imaging findings in the early postoperative period. AJR 1995 ; 164 : 665-71. 4 Annertz M, Jonsson B, Stromqvist B, Holtas S. Serial MRI in the early postoperative period after lumbar discectomy. Neuroradiology 1995 ; 37 : 177-82. 5 Van de Kelft EJ, Van Goethem JW, Porte C de la, Verlooy JS. Early postoperative gadolinium-DTPA-enhanced MR imaging after successful lumbar discectomy. Br J Neurosurg 1996 ; 10 : 41-9. 6 Van Goethem JW, Van de Kelft E, Biltjes IG, Van Hasselt BA, Van den Hauwe L, Parizel PM, et al. MRI after successful lumbar discectomy. Neuroradiology 1996 ; 38 (Suppl 1) : 90-6. 7 Cosnard G, Boulland P, Sarrazin JL, Soulie D, Cordoliani YS. IRM du rachis lombaire opéré et rehaussement des racines intradurales. 478 cas. J Radiol 1995 ; 76 : 111-3. 8 Jinkins JR, Osborn AG, Garrett D, Hunt S, Story JL. Spinal nerve enhancement with Gd-DTPA : MR correlation with the post-operative lumbosacral spine. AJNR 1993 ; 14 : 383-94.