Journal de radiologie (2011) 92, 1051—1052
ÉDITORIAL
IRM mammaire en 2011 Breast MRI in 2011
L’IRM fait désormais partie intégrante de la prise en charge radiologique de la pathologie mammaire. Si sa technique de réalisation est bien standardisée et son interprétation guidée par le lexique BI-RADS (sémantique et classification ACR), son recours de plus en plus fréquent pose problèmes et questionnements dans un contexte national caractérisé par une difficulté d’accès à cette technique. L’article publié dans ce numéro fait le point sur les artefacts et pièges en IRM, préambule indispensable pour une interprétation de qualité. En termes de surveillance systématique, seules les femmes identifiées à risque significatif de cancer du sein par une évaluation oncogénétique relèvent d’une IRM annuelle qui peut être débutée dans l’attente des résultats des tests génétiques (long si mutation non connue dans la famille). Les autres indications dans des contextes particuliers (lésions frontières, risque élevé de récidive locale après traitement par exemple) relèvent idéalement d’une décision collégiale en RCP en l’absence d’études publiées pour statuer (la HAS initie fin 2011 un travail sur la surveillance des femmes à risque — affaire à suivre). En termes de caractérisation lésionnelle, l’IRM reste trop souvent proposée du fait de sa valeur prédictive négative élevée ; or elle devrait rester le dernier recours suite à une évaluation standard complète et de qualité et en l’absence de possibilité de prélèvements percutanés (lésions ACR4). Il s’agit typiquement d’images mammographiques subtiles, de localisation difficile (distorsion, asymétrie), sans corollaire échographique, classées au minimum ACR4. En termes de bilan d’extension locale d’un cancer (lésions ACR5 ou 6), la HAS a publié des recommandations en 2010 mettant en exergue comme indications : les discordances radiocliniques (ainsi, on y retrouvera souvent les cancers infiltrants de type lobulaire), l’aide dans la stratégie de prise en charge thérapeutique (techniques chirurgicales ou décision de traitement néoadjuvant), les femmes de moins de 40 ans (seins denses plus fréquents) et le risque génétique. Il n’y a pas d’indication retenue pour l’analyse systématique du sein controlatéral. La suspicion de récidive locale dans un sein traité fut la première indication validée de l’IRM ; elle rend surtout service dans la différenciation entre remaniements cicatriciels et récidive dans le siège de la tumorectomie et en cas de signes cliniques inquiétants restant sans explication. Enfin, la pratique quotidienne nous le montre : introduire largement l’IRM dans nos bilans demande de la rigueur et une organisation multidisciplinaire, voire multisites ; l’interprétation de l’IRM ne doit pas être isolée mais faire la synthèse des données cliniques et de l’imagerie standard en donnant un classement final ACR, en particulier pour les lésions IRM isolées. En effet, la catégorie 0 ne donne aucune indication sur le degré de suspicion de l’anomalie détectée et peut être une source d’erreur dans la prise en charge en cas de parcours multisites des patientes. Ainsi, le bilan ciblé devrait être effectué par le même radiologue ou dans la même équipe ayant réalisé l’IRM. En situation de cancer avéré, les délais de prise en charge doivent être optimisés en prenant en compte le délai nécessaire à la gestion des lésions IRM additionnelles (25 % des cas environ) avec un accès formalisé à un site réalisant les gestes interventionnels sous IRM.
0221-0363/$ — see front matter © 2011 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.jradio.2011.11.001
1052 Cet accès à l’interventionnel fait également partie intégrante de la prise en charge des femmes à haut risque. Si tel n’est pas le cas, cet examen « magique » complique plus qu’il ne résout la prise en charge, entraînant des délais parfois critiques en cas de cancer, des relectures et réévaluations radiologiques, des suivis IRM rapprochés inutiles... En l’absence de gain formel dans la prise en charge des cancers du sein, les patientes devraient bénéficier d’une information claire sur les avantages et inconvénients de cet examen. Lors d’une enquête SFR-SOFMIS début 2009 sur la pratique de l’IRM, sur 89 sites sans pratique de l’IRM, 75 % recommandaient des examens IRM dans leurs comptesrendus d’imagerie standard, avec dans les quatre indications les plus fréquentes un problème d’imagerie standard non résolu (classée en deuxième) et la caractérisation de lésions classées ACR3 et 4 en imagerie standard (classée en
Éditorial quatrième position). Donc en conclusion : formation, formation, formation ! Et gardons les bonnes règles de déontologie en pensant à nos patientes : quand nous sommes perdus, montrons-nous les dossiers !
Déclaration d’intérêts L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts. A. Tardivon Service de radiologie, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75248 Paris cedex 05, France Adresse e-mail :
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