Pathologie Biologie 58 (2010) 403–405
Éditorial
La cinétique de la charge virale après le début d’un traitement antirétroviral : une baisse plus rapide de la charge virale a-t-elle vraiment un intérêt ? HIV viral dynamic after antiretroviral treatment initiation: is a rapid decay a good pronostic?
Mots clés : HIV ; Charge virale ; Décroissance ; Raltégravir ; Résistance Keywords: HIV; Viral load; Decay; Raltegravir; Resistance
L’instauration d’un traitement antirétroviral s’accompagne de la décroissance de la charge virale plasmatique jusqu’à un seuil d’indétectabilité (le seuil actuel de la plupart des tests est de 40 copies/ml). Plusieurs phases de décroissance sont observées correspondant à l’élimination de différents types de cellules infectés : de la phase précoce correspondant aux lymphocytes T activés à demi-vie courte (24 heures) jusqu’à la phase ultime correspondant aux lymphocytes mémoires quiescents à demi-vie longue (44 mois) (Fig. 1). Le contrôle de la charge virale plasmatique par le traitement antirétroviral participe au succès thérapeutique en limitant le risque de sélection de virus résistants. Une étude publiée en 2001 montrait qu’une diminution précoce de la charge virale à l’instauration du traitement antirétroviral contenant des inhibiteurs de protéase (indinavir ou ritonavir) était associée à une durabilité de la réponse virologique. La charge virale après six jours de traitement était corrélée à la réponse virologique à la 12e semaine (indétectable ou baisse de 1,5 log10) (Fig. 2). En effet, chez 99 % des patients considérés comme des mauvais répondeurs à la semaine 12, une diminution de la charge virale était inférieure à 0,72 log copies/ ml après six jours de traitement [1]. Dans l’ACTG 5142 qui comparaît l’efficacité de trois combinaisons chez les patients naïfs (deux analogues nucléosidiques/efavirenz, deux analogues nucléosidiques/lopinavir et efavirenz/lopinavir), la diminution de la charge virale mesurée après sept jours de traitement était plus importante pour le traitement avec efavirenz (– 1,49 log10) que pour les traitements avec le lopinavir (– 1,23 log10 pour lopinavir/efavirenz et – 1,17 log10 pour lopinavir et 2 NRTI) et fortement corrélée au succès à la semaine 48 (inférieure à 50 copies/ml) [2]. Récemment, l’essai Monark a comparé chez des patients naïfs d’antirétroviraux l’efficacité d’une monothérapie de lopinavir/ritonavir à une trithérapie standard comprenant zidovudine/lamivudine et lopinavir/ritonavir [3]. L’analyse
des facteurs associés au succès virologique des patients recevant une monothérapie de lopinavir a montré que la charge virale à la quatrième semaine de traitement était prédictive du succès virologique défini par à une charge virale inférieure à 400 copies/ml à la semaine 24 et inférieure à 50 copies/ml à la semaine 48 [4]. De la même façon, chez des patients ayant reçu de nombreux traitements, la diminution précoce supérieure à 1 log10 à la 12e semaine d’un traitement optimisé associé à de l’enfuvirtide dans les essais TORO est prédictive de la réponse virologique (définie par une charge virale inférieure à 50 copies/ml et inférieure à 400 copies/ml) à la semaine 24, 48 et 96 [5]. Des résultats similaires ont été présentés chez des patients en échecs virologiques recevant un traitement comprenant le tipranavir dans les essais RESIST. La diminution de la charge virale supérieure à 1,5 log10 à la huitième semaine est associée au succès virologique (inférieure à 50 copies/ml) à la semaine 48 [6]. En quoi une diminution rapide de la charge virale peut-elle favoriser une réponse durable ? Un travail récent a démontré qu’au cours de la décroissance de la charge virale à l’instauration d’un traitement, la sélection de mutations de résistance pouvait avoir lieu [7] (Fig. 3). En utilisant une technique ultrasensible de PCR spécifique de mutations clés (M184 V associée à la résistance à la lamivudine, la mutation K103N aux inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse et la mutation L90 M aux inhibiteurs de la protéase), il a été démontré que la sélection de variants résistants minoritaires au cours de la décroissance de la charge virale dépendait du nombre de jours pour atteindre l’indétectabilité (85 jours versus 250 jours). Cette étude suggère que selon la vitesse de diminution de la charge virale sous traitement, la sélection de virus résistants peut avoir lieu. De quoi dépend la vitesse de la diminution de la charge virale ?
0369-8114/$ – see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.patbio.2009.03.005
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Fig. 2. La rapidité de la décroissance de la charge virale plasmatique est prédictive de la durabilité de la réponse virologique.
Fig. 1. Différentes phases de décroissance de la charge virale VIH dans le plasma à l’instauration d’un traitement antirétroviral.
La durée de traitement nécessaire au contrôle de la charge virale dans le plasma est directement liée à la quantité de virus avant traitement. Le nombre de jours nécessaire pour atteindre l’indétectabilité (inférieure à 50 copies/ml) est d’autant plus important que la charge virale initiale est élevée : 15 jours pour une charge virale de 3 log comparés à 113 jours pour une charge virale de 6 log [8]. Palmer et al. ont montré à l’aide d’une
technique de quantification à une copies/ml, que la pente de décroissance des phases tardives après plusieurs années de traitement efficace est directement corrélée à la charge virale préthérapeutique [9]. La combinaison du traitement efficace est aussi un facteur influençant la vitesse de décroissance de la charge virale. Le nombre de molécule n’est pas directement responsable de l’importance de la décroissance mais plutôt la composition du traitement avec un nombre de cibles thérapeutiques différents. En effet, l’ACTG 5095 n’a a pas montré un avantage à la quadrithérapie AZT/3TC/ABC+EFV comparé à l’association AZT/3TC+EFV [10]. En revanche, la décroissance de la
Fig. 3. La sélection rapide de virus résistants au cours de l’initiation d’un traitement.
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1. Conflits d’intérêts Je déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt. Références
Fig. 4. Comparaison des phases précoces de décroissance de la charge virale sous raltégravir versus efavirenz.
Fig. 5. Efficacité virologique à la semaine 48 d’un traitement comprenant du raltégravir comparé à un traitement comprenant de l’éfavirenz chez des patients naïfs (STARTMRK).
charge virale au cours de la phase précoce est significativement plus importante avec l’association TDF+3TC+EFV+LPV/r comparé à des traitements standards 2 INTI et un IP [11]. De même, l’addition de l’enfuvirtide à une quadrithérapie efficace augmente la puissance antivirale observée par la pente de décroissance initiale (0,8 log10 par jour versus 0,62 log10 par jour) [12]. Plus récemment, les données sur la puissance initiale d’un traitement comportant du raltégravir comparé à l’éfavirenz ont montré qu’un nombre de patients avec une charge virale indétectable (inférieure à 50 copies/ml) était atteint plus rapidement avec le raltégravir qu’avec l’éfavirenz [13] (Fig. 4). Après 57 jours de traitement, 90 % des patients ont une charge virale inférieure à 50 copies/ml sous raltégravir comparé à 37 % sous éfavirenz. L’essai de phase III comparant le raltégravir et l’éfavirenz associé à TDF/FTC sur un plus grand nombre de patients naïfs rapportent une efficacité comparable à la 48e semaine entre les deux traitements et confirme la rapidité d’obtention de l’indétectabilité sous raltégravir [14] (Fig. 5). En conclusion, la diminution rapide de la charge virale semble associée à une réponse virologique durable, mais d’autres paramètres tels que la tolérance et l’observance au traitement antirétroviral sont à prendre en compte dans la participation au succès thérapeutique.
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C. Delaugerre Virologie, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France Adresse e-mail :
[email protected] 24 février 2009 6 mars 2009 Disponible sur Internet le 28 mai 2009