Presse Med 2005; 34: 77
G. Lorette
© 2005, Masson, Paris
É
D I T O R I A L
La dermatite atopique, maladie ou syndrome ?
L Correspondance: G. Lorette, service de dermatologie, Hôpital Trousseau, route de Loches, 37044 TOURS cedex16
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Références 1 Hannifin JM. Atopiform dermatitis : do we need another confusing name for atopic dermatitis ? Br J Dermatol 2002 ; 147 : 430-2. 2 Roguedas AM, Machet L, Fontès V, Lorette G. Dermatite atopique : quelles sont les critères diagnostiques utilisés dans la littérature médicale ? Ann Dermatol Venereol 2004 ; 131 : 161-4 3 Heinemann C, Schliemann-Willers S, Kelterer D, Metzner U, Kluge, WiggerAlberti W, Elsner P. The atopy patch test – reproductibility and comparison of different evaluation methods. Allergy 2002 ; 57: 641-5. 4 Bardana EJ. Immunoglobulin E (IgE) and non IgE - mediated reactions in the pathogenesis of atopoic eczema/ dermatitis syndrome (AEDS). Allergy 2004 ; 59 : 25-9. 5 Akdis CA, Akdis M. Immunological differences between intrinsic and extrinsic types of atopic dermatitis. Clin Exp Allergy 2003 ; 33 : 1618-21. 29 janvier 2005 • tome 34 • n°2
a dermatite atopique (DA) a une longue histoire : elle a changé plusieurs fois de nom et s’apprête peut-être à quitter son statut de maladie pour celui de syndrome.Actuellement,la dermatite atopique est une maladie définie par un nom double : autrement dit, dans le groupe des dermatites, elle représente la variété atopique. Le premier terme “dermatite”ne correspond pas à un groupe homogène de maladies.On y trouve par exemple la dermatite herpétiforme qui est une maladie bulleuse de cause immunologique et la dermatite séborrhéique liée à une infection à levures. Le mot dermatite n’est d’ailleurs pas très différent de dermite, l’un et l’autre signifiant à peu près “dermatose inflammatoire”. L’atopie, quant à elle, est un terrain héréditaire comportant une prédisposition à développer une dermatite atopique, de l’asthme, une rhinite saisonnière, une conjonctivite saisonnière. La dermatite atopique est donc une dermatose inflammatoire survenant sur un terrain génétique particulier. Des facteurs d’environnement agissent sur ce terrain génétique pour amener l’apparition de manifestations cliniques. Les choses se compliquent lorsque l’on veut mieux caractériser cette dermatose inflammatoire.Il faut d’ailleurs noter que de nombreux termes ont été utilisés par le passé: eczéma constitutionnel, neurodermatitis par exemple. De nouvelles expressions continuent à être proposées, par exemple “atopi1 form dermatitis”, mais elles sont tout aussi critiquées . Cliniquement, plusieurs aspects sont possibles : lésions orangées squameuses des convexités chez le nourrisson, eczéma des plis chez l’enfant, lichénifications diffuses, parfois pigmentées chez l’adulte. Il est impossible de retenir un tableau clinique caractéristique. Il a donc fallu recourir à des scores. Les deux plus connus sont ceux de Hannifin et Rajka, et ceux du UK Working Party.Ainsi, l’on peut additionner des critères essentiellement cliniques : érythème, prurit, double pli infra-orbital, fissuration de l’attache du lobule de l’oreille… Cependant, ces scores sont rarement utilisés dans la pratique quoti2 dienne et même dans les études . Certains critères sont d’ailleurs bien difficiles à chercher en routine, comme par exemple l’existence d’un kératocône de l’œil. Un critère biologique a alors été proposé, à savoir l’augmentation des IgE sanguines totales. Il existe certes des formes avec IgE totales modérément augmentées (les plus fréquentes), des formes avec IgE totales très augmentées (souvent des formes graves), mais aussi des formes graves avec IgE très basses. Les patch tests aux allergènes de l’environnement sont souvent positifs (de même que les 3 prick tests alimentaires), mais ces tests sont peu reproductibles . C’est la raison pour laquelle différents spécialistes ont du mal à se mettre d’accord sur une vision globale de la maladie alors que, dans leur pratique quotidienne, ils n’ont finalement pas de mal à reconnaître une DA. Cette incompréhension réciproque était flagrante lors de la conférence réunissant les experts, le jury et un public médical dans le cadre de la conférence de consensus dont nous rapportons les résultats dans ce numéro. Nous pouvons ainsi nous demander si nous parlons d’une même maladie, commune aux dermatologues,aux allergologues,aux pédiatres,aux pneumologues… ou bien s’il n’existe pas plusieurs maladies différentes, même si elles ont plusieurs points communs, par exemple la forme avec allergie alimentaire vue par les allergologues ou les gastro-entérologues pédiatres est-elle comparable à la forme du nourrisson vue par le dermatologue qui disparaît vers l’âge de 4 à 5 ans,quel que soit le traitement (et même en l’absence de traitement) ? Tous ces éléments sont bien entendu de la plus grande importance pour la compréhension et la prise en charge des cas de DA. Si nous voulons nous comprendre, il faut parler de la même chose. C’est pour cette raison que des auteurs ont proposé de remplacer le terme DA maladie par un syndrome AEDS (atopic eczema dermatitis syndrome) dont il existerait une forme allergique (ou extrinsèque) avec production d’IgE dans les tissus,mais qui ne sont pas la cause directe des lésions d’eczéma,et une 4, 5 forme non allergique (ou intrinsèque) . Les avis sont encore partagés mais la notion de syndrome prend chaque jour un peu plus de poids. ■ La Presse Médicale - 77