La dermatite atopique, une pathologie particulièrement invalidante

La dermatite atopique, une pathologie particulièrement invalidante

conseil dermatologie La dermatite atopique, une pathologie particulièrement invalidante Pauline LAFORGEa,* Préparatrice en pharmacie Jacques BUXERAU...

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La dermatite atopique, une pathologie particulièrement invalidante Pauline LAFORGEa,* Préparatrice en pharmacie

Jacques BUXERAUDb Professeur émérite des universités

La dermatite atopique est une affection cutanée fréquente qu’il faut savoir identifier à l’officine. Un traitement bien conduit et des conseils adaptés permettent aux patients, souvent jeunes, de renouer avec une meilleure qualité de vie. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Mots clés - atopie ; corticothérapie ; dermatite atopique ; eczéma ; xérose

Édouard FOUGEREc Docteur en pharmacie

a

Pharmacie Saint-Anne, 227 avenue Gabriel-Péri, 83160 La Valette-du-Var, France b Faculté de pharmacie, 2 rue du Docteur-Marcland, 87025 Limoges cedex, France c

15 rue Linné, 75005 Paris, France

*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Laforge).

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Atopic dermatitis, a particularly debilitating pathology. Atopic dermatitis is a common skin condition which the pharmacy team must be able to identify. A well-managed treatment and adapted advice enable patients, often young, to improve their quality of life. © 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

Keywords - atopic dermatitis; atopy; corticosteroid therapy; eczema; xerosis

L

a dermatite atopique ou eczéma atopique est une pathologie chronique de la peau associant un eczéma, un prurit et, très fréquemment, une xérose (encadré 1). Elle est caractérisée par une alternance de poussées et d’accalmies. La maladie survient chez les individus ayant un terrain atopique, c’està-dire une prédisposition génétique à présenter une hypersensibilité aux allergènes au niveau de divers organes (peau, bronches, sphère ORL). Elle débute le plus souvent au cours des trois premiers mois de la vie – plus d’un nourrisson sur dix seraient concernés – et s’améliore en général au fil des années : les phases de poussées s’espacent, dans la majorité des cas à partir de l’âge de 5 à 6 ans, et les symptômes disparaissent le plus souvent à l’adolescence. La dermatite atopique peut cependant perdurer, voire se réveiller à l’adolescence, à l’âge adulte ou chez le sujet âgé. La qualité de vie des patients s’en trouve souvent très altérée et l’aspect inesthétique des lésions est mal vécu. S’il est impossible d’éradiquer la maladie, des solutions permettent d’améliorer le confort et le bien-être des patients.

© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2019.09.026

Causes de la dermatite atopique Des facteurs génétiques et environnementaux sont impliqués dans la survenue de l’eczéma atopique.

Facteurs génétiques de prédisposition F Cinquante à 70 % des individus atteints ont un parent au premier degré (père, mère, frère ou sœur) qui l’est aussi [1]. D’ailleurs,

le terme “atopie” désigne une prédisposition héréditaire à développer une allergie, dont la traduction peut être une dermatite, mais aussi un asthme ou une rhinite allergique. F Les anomalies de la barrière cutanée jouent un rôle majeur dans la dermatite atopique. En effet, la barrière cutanée assure une double fonction : • limiter la déperdition hydrique (perte en eau par évaporation) ;

Encadré 1. Caractéristiques cliniques de la dermatite atopique et localisations des lésions Principaux signes cliniques F Xérose : altération de la barrière cutanée se manifestant localement ou sur l’ensemble du corps par une sécheresse et un inconfort, pendant les poussées comme en période d’accalmie. F Eczéma : lésions aiguës très inflammatoires, œdémateuses et pouvant devenir vésiculeuses ou chroniques, d’aspect plus sec, en plaques érythémato-squameuses qui s’épaississent parfois avec le temps (lichénification). F Prurit : démangeaisons liées à la présence de plaques d’eczéma et de xérose.

Localisation des lésions F Nourrisson : • visage essentiellement, le centre et le nez étant épargnés ; • face externe des bras et des cuisses (fréquemment) ; • atteinte plus diffuse de la quasi-totalité de la surface corporelle (plus rarement). F Enfant : cou, plis du coude, poignets et arrière des genoux. F Adulte : le cou et le visage sont préférentiellement touchés, mais l’atteinte peut être généralisée.

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• protéger l’organisme vis-à-vis de la pénétration d’agents nocifs physiques, chimiques ou infectieux. F Le film hydrolipidique et le ciment intercornéocytaires sont altérés, ce qui entraîne un excès de perméabilité de la peau. Ce phénomène induit une évaporation accrue de l’eau épidermique, dont la conséquence clinique est une peau sèche et déshydratée. En favorisant la pénétration des allergènes et des irritants de l’environnement dans l’épiderme, cette situation entraîne la stimulation du système de défense immunitaire, donc une réaction inflammatoire excessive avec formation de plaques d’eczéma.

Facteurs environnementaux Divers facteurs déclenchants ou aggravants peuvent intervenir sur ce terrain génétiquement modifié : • un excès d’hygiène renforce l’altération de la barrière cutanée ; • certains aliments, particulièrement allergéniques, peuvent aggraver la situation ; • l’habitat occidental isolé et peu ventilé favorise l’exposition aux allergènes d’intérieur (acariens, animaux domestiques) ; • les irritants comme le tabac et les polluants automobiles ou industriels sont néfastes.

Prise en charge Le traitement est principalement symptomatique. Son objectif est de réduire l’intensité et le nombre des poussées, de diminuer le prurit et, par conséquent, d’améliorer la qualité de vie du patient [2].

Traitement de base F L’utilisation d’un émollient, aux vertus adoucissantes, hydratantes et protectrices, vise à ramollir et assouplir la peau. L’application quotidienne diminue le nombre et l’intensité des poussées d’eczéma. Il existe cinq textures d’émollients : lait, émulsion, crème, baume et

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Pathologie chronique de la peau associant un eczéma, un prurit et une xérose, la dermatite atopique débute généralement au cours des trois premiers mois de la vie.

cérat (du plus faible au plus fort taux de phase grasse). Le produit s’applique, hors période de poussée, après le bain ou la douche une ou deux fois par jour sur une peau légèrement humide : la dose d’émollient doit être réchauffée dans le creux des mains propres, répartie en petites touches sur toutes les parties sèches du corps, puis étalée en effectuant des mouvements en spirale de bas en haut, sans frictionner. F Les mesures d’hygiène permettent d’éviter au maximum le dessèchement de la peau. Pour la toilette, il convient de : • préférer l’usage de l’eau tiède (idéalement à 34 °C, en tout cas inférieure à 37 °C) pendant une courte période (5 minutes pour une douche et 15 minutes pour un bain) ; • privilégier les produits cutanés surgras qui sont moins agressifs ; • sécher la peau sans frotter mais plutôt en tapotant ; • limiter le grattage. S’il n’est pas nécessaire de suivre un régime particulier (bio, sans

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gluten, sans sel…), il convient de ne pas surchauffer l’intérieur de son habitat pour éviter de transpirer et de l’aérer régulièrement pour lutter contre les allergènes. Par ailleurs, il faut préférer les textiles en coton, utiliser la lessive en faible quantité et éviter l’ajout d’assouplissant.

Traitement des poussées par les dermocorticoïdes F Les dermocorticoïdes occupent une place incontournable dans le traitement de la crise en première intention. Ils sont efficaces sur les lésions grâce à leur activité anti-inflammatoire. Ils ont également une action immunosuppressive qui favorise la diminution de l’hyperstimulation du système immunitaire adaptif. L’utilisation de ces médicaments est envisageable chez le nourrisson, sur avis d’un spécialiste. F Quatre niveaux d’activité anti-inflammatoire existent : faible, modérée, forte et très forte (tableau 1). Les dermocorticoïdes de faible activité en vente libre sont la plupart du temps inefficaces pour lutter contre la dermatite atopique.

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Tableau 1. Dermocorticoïdes utilisés dans la dermatite atopique, classés en fonction

de leur activité. Dénomination commune internationale

Exemples de spécialités (hors génériques)

Forme pharmaceutique

Locapred® Locatop® Tridesonit®

Crème à 0,1 % Crème à 0,1 % (activité modérée à forte)

Crème, pommade, lotion à 0,1 % Crème, pommade, lotion à 0,05 % Crème à 0,1 % (activité modérée à forte) Crème à 0,05 % Crème, pommade, pommade anhydre à 0,1 % Crème à 0,1 %

Fluticasone

Betneval® Diprosone® Locatop® Epitopic® Nerisone® Nerisone C® (association à un antiseptique : le chlorquinaldol) Flixovate®

Hydrocortisone acéponate

Efficort®

Hydrocortisone butyrate

Locoïd®

Crème à 0,05 % Pommade à 0,005 % Crème hydrophile à 0,127 % Crème lipophile à 0,127 % Crème à 0,1 % Crème épaisse pour application locale à 0,1 % Émulsion fluide pour application locale à 0,1 % Lotion à 0,1 % Pommade à 0,1 %

Dermoval® Diprolene®

Crème à 0,05 % Pommade à 0,05 %

Dermocorticoïde d’activité modérée Désonide

Crème à 0,05 %

Dermocorticoïdes d’activité forte Bétaméthasone valérate Bétaméthasone dipropionate Désonide Difluprednate Diflucortolone valérate

Dermocorticoïdes d’activité très forte Clobétasol propionate Bétaméthasone dipropionate

NB : Le choix de l’activité anti-inflammatoire du dermocorticoïde dépend de plusieurs facteurs : sévérité de la dermatite atopique, âge du patient, étendue de l’eczéma et localisation du site à traiter.

Ceux dont l’activité est modérée sont recommandés sur la peau fine et ceux dont l’activité est forte sont utilisés chez l’adulte et sur les plaques présentes sur le corps chez l’enfant. F Chaque présentation galénique est adaptée à certains types d’atteintes : • les pommades traitent les lésions très sèches, squameuses et coûteuses situées sur les paumes des mains et les plantes des pieds (à éviter dans les plis et sur les lésions suintantes) ;

• les lotions, émulsions, mousses et gels conviennent au traitement des zones pileuses (cuir chevelu) et des plis (à éviter chez le nourrisson ou sur les lésions suintantes en raison de la présence d’alcool) ; • les crèmes s’utilisent sur toutes les lésions, bien qu’elles s’avèrent parfois moins efficaces sur les plus sèches, et n’importe quel site. Les dermocorticoïdes peuvent être appliqués une ou plusieurs fois par jour. La notion d’unité phalangette permet de préciser la quantité de produit nécessaire (encadré 2).

La photothérapie, une autre piste Dans les cas sévères de dermatite atopique, la photothérapie permet d’obtenir une rémission prolongée des poussées (durant plusieurs mois). Cependant, les séances ne peuvent pas être répétées indéfiniment du fait du risque carcinogène auquel elles exposent le sujet. Pour la même raison, le recours à la photothérapie chez l’enfant demeure exceptionnel.

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F La durée du traitement dépend du type de lésions, mais aussi de leur localisation : • une à deux semaines sur le corps ; • environ une semaine sur le visage ; • deux à six jours sur les paupières. F Les effets indésirables caractéristiques sont une sécheresse de la peau, une dépigmentation, des vergetures, voire l’aggravation d’une acné ou d’une rosacée.

Traitement des poussées par les inhibiteurs de la calcineurine Le tacrolimus topique (Protopic® pommade) est un immunosuppresseur indiqué chez l’enfant à partir de 2 ans (0,03 %) et chez l’adulte (0,1 %) dans la dermatite atopique modérée à sévère en cas d’échec ou de contre-indications aux

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Traitement systémique Le traitement systémique est réservé aux dermatites atopiques sévères (environ 8,5 % des cas) ou résistantes aux traitements locaux. Il repose sur la ciclosporine (Neoral®), un immunosuppresseur, inhibiteur de la calcineurine d’action systémique, dont la prescription initiale est hospitalière. L’usage de ce produit doit être de courte durée en raison de sa toxicité rénale, mais il permet de passer un cap. La posologie recommandée est de 2,5 à 5 mg/kg/jour en deux prises.

Traitement adjuvant Le traitement adjuvant constitue une mesure complémentaire. Il peut reposer sur : • les antihistaminiques H1 par voie orale, ponctuellement utiles pour lutter contre le prurit en période de poussées (les traitements antihistaminiques locaux ne sont pas recommandés) ; • les cures thermales ; • la gestion du stress (facteur aggravant) ; • la phytothérapie (huile d’onagre ou de bourrache) par voie orale pour réhydrater la peau ; • les probiotiques.

Conseils au comptoir F La corticophobie, fréquente et caractérisée par la peur des effets secondaires liés à l’usage des corticoïdes, entraîne une mauvaise observance, donc de nombreux échecs thérapeutiques. Pourtant, correctement utilisés lors des poussées, les corticoïdes sont très

Références

Encadré 2. Qu’est-ce que l’unité phalangette ? L’unité phalangette correspond à la quantité de crème déposée d’un trait continu sur toute la longueur de la dernière phalange de l’index d’un adulte. Elle permet de traiter une surface de peau correspondant à celle des deux mains d’un adulte.

efficaces et sans danger. Au comptoir, il est nécessaire d’ouvrir le dialogue avec le patient pour le rassurer et lui expliquer l’importance de suivre son traitement correctement. F Les vaccinations ne sont pas contre-indiquées. Le calendrier vaccinal doit donc être respecté chez un enfant atopique même si, pour des raisons pratiques, il est parfois justifié de retarder une administration pour attendre la fin d’une forte poussée. F La dermatite atopique n’étant pas contagieuse, l’enfant peut aller à l’école ou à la crèche même en période de crise. F L’application PO-Scorad, développée par la Fondation pour

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dermocorticoïdes. Ce médicament d’exception est prescrit par les dermatologues ou les pédiatres. Il s’applique deux fois par jour chez l’adulte et quotidiennement chez l’enfant, durant trois semaines au maximum.

la dermatite atopique [3], peut être conseillée aux patients. Elle œuvre à les rendre autonomes dans la gestion de leur maladie. Grâce à cet outil, il leur est possible d’évaluer régulièrement leur pathologie, et ainsi d’établir une courbe évolutive de leur eczéma entre deux consultations, ou de prendre des photographies, ces données pouvant être directement envoyées au médecin. Ces fonctionnalités font de cette application un outil très informatif pour les professionnels de santé. Au comptoir, elles permettent à l’équipe officinale de conseiller le patient et, si besoin, de lui recommander de consulter. w

[1] Institut national de la santé et de la recherche médicale. Dossier d’information. Dermatite atopique (eczéma atopique). Une maladie chronique inflammatoire de la peau fréquente. www.inserm.fr/information-ensante/dossiers-information/ dermatite-atopique-eczemaatopique [2] Société française de dermatologie. La dermatite atopique. http://dermato-info.fr/article/ La_dermatite_atopique [3] Fondation pour la dermatite atopique. www.fondation-dermatiteatopique.org/fr

Points à retenir • La dermatite atopique est une maladie chronique non contagieuse. • Elle se caractérise par une sécheresse de la peau et entraîne des lésions cutanées (rougeurs, démangeaisons, vésicules et croûtes) évoluant par poussées. Un terrain familial est souvent retrouvé. • Dans la majorité des cas, la dermatite atopique disparaît pendant l’enfance même si elle persiste parfois chez l’adulte quand elle ne laisse pas place à une rhinite allergique ou à de l’asthme. • Un traitement topique quotidien hydratant permet de restaurer la barrière cutanée et de s’opposer à la pénétration des allergènes à l’origine de l’eczéma atopique. • L’application cutanée de corticoïdes est indispensable, sur un laps de temps court pour éviter les effets secondaires.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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