Ann FrAnesth Rt!anim 1998 ; 17 : 1097-8 0 Elsevier,
Paris
Ibitorial
La douleur faetale F Toubas,
J Harnza
Service d’anesthisie-rtfanimation, hGpita1 Saint-Vincent-de-Paul, 75674 Paris cedex 14, France
Chez le fetus, les actes invasifs a visee diagnostique ou therapeutique se sont developpes au cours des dernieres an&es. Parallelement, une reflexion g&r&ale sur la douleur et son traitement s’est instauree. Les obstetriciens ont pris conscience de l’existence de phenomenes douloureux chez le fcetus [l-4] et de la necessite de les prevenir [S].
LEFOZTUSPEUT-ILPERCEVOIR DES SENSATIONS DOULOUREUSES? On sait que les rkcepteurs pkipheriques sont presents t&s pnkocement chez le faetus et rejoignent par des voies de conduction la come postkieure de la moelle a partir de la 14e semaine, puis le thalamus autour de la 2Oe semaine. Les connexions entre le cortex et le thalamus s’etablissent d&s la 26e semaine. 11faut done retenir que la perception de la douleur chez le fcetus par& possible a partir de cette date. Pour tenir compte des erreurs eventuelles dans l’apprkciation du terme gestationnel, la plupart des auteurs considerent que la perception des sensations douloureuses doit Ctre prise en consideration d&s la 24e semaine. Ces structures de perception et de conduction de sensations douloureuses ne peuvent pas $tre assimilees a la complexite des reactions neuroendocriniennes, Cmotionnelles et psychologiques, qui constituent l’experience douloureuse, telle qu’on la definit chez l’adulte et le grand enfant. En effet, le developpement des structures anatomophysiologiques impliquees dans la douleur se poursuit encore apres la naissance. L’essentiel de nos connaissances et de nos hypotheses, repose sur des constatations neuroanatomiques et des donnees de I’expCrimentation animale.
PEUT-0~ &VALUER LADOULEURFCETALE? La reponse du fcetus ?I des stimulations douloureuses est difficile a apprecier. Les mouvements reflexes se confondent avec les mouvements spontan&, les modifications du rythme cardiaque paraissent peu specifiques. Le dosage de certaines hormones et metabolites peut Ctre un bon indicateur du stress f&al. Des travaux recents ont en effet montre une augmentation des concentrations plasmatiques de cortisol et de b&a-endorphines chez le faetus lors de ponctions cutanees [6].
FAUT-IL TRAITER LADOULEURF(ETALE? La rktnimation de nouveau-n& de plus en plus prCmatures intervient pour beaucoup dans le developpement de notre reflexion sur la necessite de traiter la douleur fetale [7]. Ainsi, il a CtC prouve que l’administration d’analgesiques diminuait la reaction de stress et les complications postoperatoires chez le nouveau-d [8,9]. S’il est diffkile d’evaluer la douleur du fatus, un certain nombre d’arguments sont en faveur de l’analgesie fcetale. Des recherches chez l’animal ont montre que la stimulation douloureuse rep&e pouvait perturber le developpement du systeme nerveux du fetus. L’Ctude de nouveau-n& ayant subi une chirurgie mineure mais douloureuse (circoncision) et non contrblee par une analgesic adequate a mis en evidence des modifications importantes du comportement lors d’une nouvelle stimulation douloureuse quelques mois plus tard [lo].
F Toubas, J Hamza
1098
LA DOULEUR FtETALE EST-ELLE ACTUELLEMENT TRAITtiE? Les actes invasifs antenataux concernant le cordon et le placenta n’induisent pas de douleur fcetale, ces structures n’etant pas innervees. Au contraire, toute ponction ou chirurgie du fcetus lui-mCme doit &tre consideree comme douloureuse pour ce dernier. Afin d’evaluer les pratiques actuelles dans les centres de diagnostic antenatal, en cas de ponction transcutanee fcetale, une enqdte a Cte menee aupres de neuf centres specialis& en Grande-Bretagne [ 111. Dans moins de 50 % des services, une heure avant la ponction, on administrait a la mere un morphinique (pethidine 20 a 50 mg ou morphine 5 a 10 mg) par voie IM. Aucun centre ne disposait d’un protocole d’analgesie foetale. Dans un seul, on injectait au niveau du cordon du fentanyl, a la dose de 3 a 10 ug.kgr (poids theorique du fetus CvaluC en fonction de son terme), dans le cadre d’un protocole de recherche. D’apres notre experience de quelques cas de chirurgie fetale in utero, l’anesthesie maternelle n’etait pas suffisante pour anesthesier le faetus de fagon adequate. C’est pourquoi, nous avons decide d’injecter systematiquement dans la veine ombilitale du fentanyl et du vecuromium avant l’incision cutanee fatale [ 121. Dans un tout autre domaine, les interruptions medicales de grossesses tar-dives, pour pathologie malformative fatale incurable, ont particulierement sensibilise les &&es medicales qui souhaitent Cviter toute agression fcetale inutile. L’enquCte du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists a montre que la pratique habituelle consist& en un foztitide par injection de KC1 dans la veine ombilicale ou dans le cceur [ 131. Les ponctions cardiaques sont vraisemblablement douloureuses, car parfois diffitiles et iteratives. Une analgesic p&idurale, associee a une sedation leg&e, assure un confort matemel lors de ce geste, tout en Cvitant les risques d’une anesthesie g&r&ale. En outre, cette association permet de poursuivre l’analgesie maternelle jusqu’a l’expulsion. La qualite de l’analgesie fcetale procuree par la sedation matemelle reste cependant incertaine. 11 semble Ctabli que durant la vie intra-uterine, les stimulations auditives sont memorides par le fetus, dont le comportement est modifie apres la naissance, une fois soumis aux memes stimulations [14]. A partir de cette experience, on est en droit de se demander
a partir de quel moment le fcetus ressent et memorise des stimulations douloureuses et si elles peuvent Ctre tenues pour responsables des modifications de son comportement face a la douleur postnatale. Dans chaque situation, il faut se preoccuper du benefice que le fetus peut retirer d’une analgesic satisfaisante. Mais, il est aussi important de s’interroger sur les repercussions ulterieures des analgesiques sur le developpement d’un systeme nerveux encore immature [ 151. Des recherches doivent done Ctre entreprises pour mieux connaitre: a) les voies de transmission et d’integration de la douleur, ainsi que leur developpement chez le f&us et le nouveau-n6 ; b) le passage transplacentaire des analgesiques au tours du 2e trimestre ; c) les effets a long terme de gestes diagnostiques ou therapeutiques in utero, selon qu’ils sont realids avec ou sans analgesic fmtale.
~~FIZRENCES 1 Derbyshire SWG, Furedi A. “Fetal pain” is a misnomer [debate: do fetuses feel pain?]. Br Med Jl996 ; 313 : 795 2 Glover V, Fisk N. We don’t know; better to err on the side from station [debate: do fetuses feel pain?]. Br Med J 1996 ; 3 13 : 796 3 Szawarski Z. Probably no pain in the absence of “self’ [debate: do fetuses feel pain?]. Br Med J 1996 ; 31 : 796-7 4 Lloyd-Thomas AR, Fitzgerald M. Reflex responses do not necessarily signify pain [debate: do fetuses feel pain?]. Br Med J 1996 ; 313 : 797-8 5 Anand KJS, Hickey PR. Pain and its effects in the human neonate and fetus. N EngZJMed 1987 ; 317 : 1321-9 6 Giannakoulopoulos X, Sepulveda W, Kourtis P, Glover V, Fisk NM. Fetal plasma cortisol and beta-endorphin response to intra-uterine needling. Lancer 1994 ; 344 : 77-81 7 de Lima J, Llovd-Thomas AR, Howard RF, Summer E. Ouinn TM. Infant and neonatal pain : anaesthetists’perceptions and prescribing nattems Iletterl. Br Med J 1996 : 3 13 : 787 8 A&d KJS, Sipped WG, Schofield NM, Aynsley-Green A. Does halothane anesthesia decrease the metabolic and endo crine stress responses of newborn infants undergoing operations? Br Med .I 1988 ; 296 : 668-72 9 Anand KJS, Sippel WG, Aynsley-Green A. Randomised trial of fentanyl anesthesia in preterm neonate undergoing surgery, effects on the stress response. Lancer 1987 ; 1 : 62-6 10 Taddio A, Goldboch M, Ipp M, Stevens B, Koren G. Effects of neonatal circumcision on pain responses during vaccination in boys. Lancet 1995 ; 345 : 291-2 11 Royal college of obstetricians and gynaecologists. Feful awareness. Report of working party. London: RCOG Press; 1997 12 Hamza J, Esteve C, Toubas F, Gaudiche 0, Leveque C, SaintMaurice C. Implications anesthesiques de la chirurgie fcetale in utero. Med Fazt 1992 ; 11 : I l-4 13 Royal college of obstetricians and gynaecologists. Report of working party on temination Gf pregngncy abnormality. London: RCOG Press; 1996
fo;
feta-1
14 Hepper Pd. Fetal memory: does it exist? What does it do? Actu Paediatr 1996 ; 416 Suppl : 16-20 15 Marsh DF, Hatch DJ, Fitzgerald M. Opioid systems and the newborn. Br JAnaesth 1997 ; 79 : 787-91