Ann Urol 2001 ; 35 : 305-8 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003-4401(01)00049-3/FLA
Rein
La néphrostomie percutanée en urgence. À propos de 42 cas B. Dassouli ∗ , A. Benlemlih, A. Joual, A. Debbagh, K. Skali, S. Bennani, M. El Mrini, S. Benjelloun Service d’urologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
RÉSUMÉ Objectif : à travers ce travail, nous allons démontrer l’intérêt et l’apport de la néphrostomie percutanée en matière d’anurie obstructive et de pyonéphrose. Patients et méthodes : il s’agit d’un travail rétrospectif concernant 42 cas colligés au service entre 1988 et 2000. L’âge moyen des patients est de 50 ans (19–80 ans). La répartition selon le sexe est de 26 hommes pour 16 femmes. La néphrostomie échoguidée a été réalisée, en première intention ou après échec de montée sonde chez 33 patients pour une anurie obstructive et chez neuf patients pour une pyonéphrose. Résultats : une amélioration de la fonction rénale a été notée dans 100 % d’anurie obstructive, avec apyrexie dans tous les cas de pyonéphrose. Aucune complication majeure n’est survenue lors de la réalisation de la néphrostomie. Le pronostic à long terme dépend de l’étiologie. Conclusion : la néphrostomie percutanée constitue une solution salvatrice, efficace et temporaire dans la stratégie de la prise en charge des anuries obstructives et des pyonéphroses. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS anurie obstructive / néphrostomie percutanée / pyonéphrose
ABSTRACT Percutaneous nephrostomy in emergency. Purpose : through this work we are going to demonstrate the interest and the contribution of the percutaneous nephrostomy in obstructive anuria and in pyonephrosis. Patients and methods : it is a retrospective study concerning 42 cases. The average age of the patients is 50 years (19–80 years). The sex-ratio is 26 men for 16 women. The nephrostomy was realized in first intention ∗ Correspondance et tirés à part.
or after failure of ascent stent on 33 patients for an obstructive anuria and nine patients for a pyonephrosis. Results : improvement of the renal function was noted in 100% of obstructive with anuria and apyrexy in every case of pyonephrosis. No major complication arose during the realization of the nephrostomy. The long-term pronostic depends on the etiology. Conclusion : the percutaneous nephrostomy constitutes a saving, effective and temporary solution in the strategy of the coverage of obstructive anuria and pyonephrosis. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS obstructive anuria / percutaneous nephrostomy / pyonephrosis
La néphrostomie percutanée (NPC) constitue un recours d’appoint permettant la dérivation des urines et levant ainsi l’urgence, dans l’attente d’un traitement étiologique adéquat. À travers ce travail nous allons démontrer l’intérêt et l’apport de la néphrostomie percutanée.
PATIENTS ET MÉTHODES Patients C’est un travail rétrospectif concernant 42 cas colligés dans le service entre 1988 et 2000. L’âge moyen des patients est de 50 ans (19–80 ans). La répartition selon le sexe est de 26 hommes pour 16 femmes. La néphrostomie échoguidée a été réalisée en première intention ou après échec de montée de sonde, selon les étiologies (figure 1).
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RÉSULTATS
Figure 1. Répartition des étiologies.
Technique Après avoir expliqué au malade le geste qui va être réalisé et les précautions qu’il lui faudra prendre pour éviter l’arrachement de la sonde, le patient est installé en décubitus ventral avec billot sous le ventre. Un repérage premier des cavités rénales dilatées est réalisé par une sonde d’échographe 5 MHz avec marquage du point de ponction postérolatéral et détermination de la direction, de la profondeur à parcourir et de l’angle que doit avoir l’aiguille de ponction par rapport à l’horizontale. Après une asepsie draconienne et la mise en place d’un champ troué, une anesthésie locale par de la xylocaïne à 2 % est effectuée au niveau du point repéré avec moucheture cutanée. La ponction est alors réalisée à l’aide d’une aiguille de Chiba, 18 à 22 G, selon les instructions prédéterminées. Le mandrin est retiré une fois les urines recueillies et acheminées pour une étude cytobactériologique et chimique. L’opacification est effectuée pour s’assurer que l’on est bien en intracavitaire. Un guide souple est placé dans les cavités rénales à travers la chemise de l’aiguille de Chiba qui sera enlevée. Les dilatateurs sont placés sur le guide par ordre de diamètre croissant, pour parfaire le trajet de ponction, le guide est par la suite enlevé, laissant en place le dernier dilatateur qui sera retiré après avoir été intubé par la sonde de néphrostomie en « queue de cochon ». Cette dernière sera ancrée à la peau par deux points de sutures. Le guidage échographique est réalisé tout au long de la manœuvre. Enfin, le cathéter de drainage est raccordé un sac collecteur d’urine. Une surveillance est réalisée durant les 48 premières heures afin de guetter le syndrome de la levée d’obstacle.
Aucun échec technique n’a été déploré au cours de la pose de nos 42 néphrostomies. Aucun accident majeur tel qu’une hémorragie par lésion vasculaire, d’organe plein ou une perforation digestive n’a été observé. Des incidents mineurs ont été observés tels que : – cinq cas d’extravasation d’urine à travers la peau ayant nécessité le retrait de quelques centimètres de la sonde ; – trois cas de caillotage des cavités excrétrices. Ce caillotage transitoire dure le temps de la lyse spontanée du caillot, soit quatre à cinq jours, et ne compromet pas la qualité du drainage urinaire ; – quatre cas de chute accidentelle de la sonde de néphrostomie, ayant nécessité une autre mise en place. La reprise de la diurèse et l’amélioration de la fonction rénale a été observée chez 100 % des cas d’anurie obstructive. Chez 23 patients, on a constaté une normalisation des chiffres de la créatinémie en moins d’une semaine de drainage. Dans dix cas d’anurie néoplasique l’amélioration a été lente et incomplète (quatre cas) ; il s’agissait de patients cancéreux dont l’insuffisance rénale évoluait à bas bruit et dont le parenchyme rénal était bien altéré. La pyélographie descendante nous a permis de confirmer les diagnostics de lithiases urétérale radiotransparente (figure 2) et de syndromes de la jonction pyélo-urétérale [JPU] (figure 3). Chez les patients qui ont subi la néphrostomie percutanée pour pyonéphrose, l’apyrexie a été observée dans les neuf cas (100 %). L’étude du liquide de ponction a isolé le germe en cause et a permis d’adapter l’antibiothérapie. Après refroidissement et étude de l’osmolarité et de la densité urinaire, on a procédé à la néphrectomie dans sept cas, dont les conditions opératoires étaient sans grande difficulté comparativement aux patients ayant subi la néphrectomie sans drainage préalable.
DISCUSSION Après la première publication de Goodwin en 1955, les techniques de dérivations urinaires percutanées ont été négligées. Ce n’est que vers 1975 qu’elles ont pris leur essor, surtout grâce au perfectionnement
La néphrostomie percutanée en urgence
Figure 2. Pyélographie descendante. Lithiase urétérale lombaire radiotransparente.
Figure 3. Pyélographie descendante. Syndrome de la JPU avant (A) et après (B) pyéloplastie.
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de l’arsenal thérapeutique, parallèlement au progrès technologique. La stratégie thérapeutique devant une anurie est réglée, outre le contexte clinique et la biologie, par l’échographie, première investigation à pratiquer devant l’insuffisance rénale aiguë, et qui va mettre en évidence des cavités dilatées permettant leur ponction et la mise en place d’une sonde de néphrostomie. Cette dernière est indiquée devant la mise en jeu du pronostic vital lorsqu’il y a échec de la montée de sonde et un risque accru de mortalité en cas d’intervention en urgence. Elle constitue une méthode de choix pour la dérivation des urines [1]. Des complications graves (2 à 5 % des cas) peuvent survenir lors de la mise en place de la NPC [2]. Il peut s’agir de complications infectieuses avec, au pire, un choc septique [3], ou hémorragiques, ou encore, de type perforatif. La mortalité globale est de l’ordre de 0,2 % comparativement à 6 % de la N chirurgicale. Les incidents sont dominés par l’arrachement de la sonde (6 à 10 %) [2], le caillotage transitoire des voies excrétrices (8 %), les petites extravasations de sang ou d’urine dans la loge rénale. La néphrostomie percutanée est particulièrement utile dans trois situations : – l’anurie obstructive d’origine bénigne (anurie calculeuse, fibrose rétropéritonéale, le syndrome de JPU ou sténose urétérale post chirurgicale), longtemps confiée à l’héroïque montée de sonde, outre les risques infectieux important qu’elle comporte, ne réussit que dans 55 à 60 % des cas [2]. Quant à la chirurgie en urgence, elle aboutit à 15–20 % de mortalité et à 20 % de séquelles fonctionnelles rénales [2]. Actuellement la néphrostomie est utilisée en première intention [4]. Cette dernière peut aussi servir à l’alcalinisation in situ des lithiases d’acide urique [5] ; – l’anurie néoplasique, où il serait illusoire de tenter une montée de sonde sur des uretères envahis [6] et qui, même réussie, posera le problème de son changement et de ses complications à long terme, tels que l’incrustation calcaire et les fistules urétéroiliaques [7]. La chirurgie réalisée en urgence, même après épuration extrarénale, aboutit à une mortalité élevée (près de 50 %) [2]. Pour cette raison, il est préférable de réaliser une néphrostomie en urgence permettant une amélioration souvent spectaculaire de l’état général du patient [8], d’effectuer un bilan d’extension complet et de faciliter alors le choix de la meilleure thérapeutique, réduisant en cas de
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chirurgie le taux de mortalité à 15 % [2]. Cependant, l’indication de la néphrostomie percutanée se discute chez un cancéreux à un stade avancé et pour lequel aucune thérapeutique ultérieure n’est envisagée [8]. Le pronostic dans ces cas reste sombre, généralement inférieur à six mois [6] ; – la pyonéphrose : l’obstacle crée une importante diminution du pouvoir de filtration du rein, et l’échec fréquent du traitement médical est dû à l’impossibilité d’obtenir une concentration suffisante d’antibiotiques dans le parenchyme rénal et les urines stagnantes. La survenue d’une septicémie est gravissime, le plus souvent à Gram négatif, et dont le point de départ est une rétention purulente en amont d’un obstacle. C’est pourquoi, plus qu’ailleurs, le drainage des urines est ici un geste salvateur, il constitue actuellement la méthode de choix, préféré à la montée de sonde urétérale [7], dans de pareilles situations [9] en décomprimant la pression intrarénale, améliorant ainsi sa perfusion. Le prélèvement effectué va permettre d’isoler le germe responsable et d’adapter l’antibiothérapie [9] pour une ultime thérapeutique. La néphrostomie est moins agressive que le traitement chirurgical. De plus, cette néphrostomie salvatrice va permettre une récupération significative de la fonction rénale et, peut-être sauver le rein d’une néphrectomie qui était jusqu’à nos jours de principe [9] et qui se faisait dans des conditions opératoires difficiles [9]. Outre la dérivation en urgence des urines, la NPC possède d’autres vertus : elle sert à étayer le diagnostic, en cas de doute, en précisant le degré et la nature de l’obstacle grâce à l’opacification [9]. Elle participe également à la thérapeutique en permettant : – l’alcalinisation in situ des lithiases d’acide urique (95 % de succès) [5 – 9] ; – l’abord percutané du rein pour : l’extraction des calculs (85 à 90 % de succès) et leur destruction par ondes de choc ; – l’endopyélotomie en cas du syndrome de la JPU ;
– la dilatation et la mise en place de stents par voie antérograde en cas de sténose urétérale [9, 10].
CONCLUSION La néphrostomie percutanée constitue un geste d’urgence, salvateur et temporaire, dans la stratégie de la prise en charge des anuries obstructives, évitant les astreintes de l’hémodialyse et permettant la réalisation de la néphrectomie, en cas de pyonéphrose, dans de bonnes conditions.
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