La prise en charge des anémies par carence

La prise en charge des anémies par carence

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011 dispensation dossier 10 La prise en charge des anémies par carence Les carences en fer,...

229KB Sizes 3 Downloads 159 Views

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011

dispensation dossier

10

La prise en charge des anémies par carence Les carences en fer, folates et vitamine B12 sont fréquentes chez l’adulte, notamment chez les personnes âgées, mais elles restent souvent méconnues, voire inexplorées, en raison de manifestations cliniques peu dominantes, dont la principale est la survenue d’une anémie. Néanmoins, la gravité potentielle de leurs complications hématologiques, neuropsychiatriques, cardiovasculaires n’est pas à négliger. À partir des données bibliographiques, cet article fait le point sur les étiologies, le diagnostic et les traitements des carences en fer, en folates et en vitamine B12. Mots clés : anémie – fer – folates – vitamine B12

L’

anémie est une maladie touchant la quantité et la qualité des globules rouges (troubles de leur production, diminution de leur durée de vie), qui se traduit par une diminution du taux d’hémoglobine. Le niveau de gravité est fonction du taux d’hémoglobine mesuré dans le sang : – grade 0 : Hb >11 g/dL ; – grade 1 : 9,5 g/dL < Hb < 10,9 g/dL ; – grade 2 : 8 g/dL < Hb < 9,4 g/dL ; – grade 3 : Hb < 8 g/dL. En pratique, il existe différents types d’anémie, en raison des diverses étiologies. La prévalence mondiale des ané-

mies est estimée à environ 30 % ; les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées étant les plus touchés. L’hémogramme fournit les paramètres biologiques indispensables à la classification des anémies (Figure 1). Ce sont : le volume moyen globulaire (VGM), qui permet, chez l’adulte, de qualifier une anémie de : ŘQRUPRF\WDLUHVLOH9*0HVWFRPSULVHQWUHHWƃ ŘPLFURF\WDLUHVLOH9*0HVWLQI«ULHXU¢ƃ ŘPDFURF\WDLUHVLOH9*0HVWVXS«ULHXU¢ƃ la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) : ŘQRUPDOHPHQWFRPSULVHHQWUHHWJG/OőDQ«PLH est alors qualifiée de normochrome ; ŘOőDQ«PLHHVWK\SRFKURPHVLOD&&0+HVWLQI«ULHXUH¢ 32 g/dL ; le taux de réticulocytes, qui permet d’affirmer la nature centrale (arégénérative) ou périphérique (régénérative) de l’anémie : ŘXQHDQ«PLHHVWGLWHU«J«Q«UDWLYHVLOHWDX[GHU«WLFXORcytes est supérieur à 150 Giga/L ; ŘXQHDQ«PLHHVWGLWHDU«J«Q«UDWLYHVLOHWDX[GHU«WLFXlocytes est supérieur à 100 Giga/L ; l’indice de distribution cellulaire (IDC) est aussi un paramètre intéressant à considérer. Il quantifie l’hétéURJ«Q«LW«GHODSRSXODWLRQGHV*5LOHVWGRQFOHUHƃHW de l’anisocytose. L’anémie entraîne une diminution de l’oxygène transporté dans le sang, provoquant une hypoxie tissulaire. L’anémie se traduit cliniquement par une asthénie, une faiblesse, une fatigabilité exagérée, une pâleur cutanéomuqueuse (surtout nette au niveau des conjonctives), une tachycardie (100 battements/min), des palpitations, une dyspnée d’effort voire une polypnée, des céphalées, une sensation vertigineuse, une sensation de bourdonnements d’oreille.

Ř

Ř

Ř

Ř

Anémie (A)

La carence martiale Métabolisme du fer VGM > 80 fl CCMH > 32g/dL

Réticulocytes (R)

VGM < 80 fl CCMH < 32g/dL R > 120 A. normo/macrocytaire A. hé hémoly lytitiqu q e

R < 120 & VGM < 100 A. normocytaires arégénératives A. d’i d’insuffi ffisance réénale le A. inflammtoire

A. microcytaire Carence en fer f r A.inflammatoire Anomalie de Hb

R > 120 & VGM > 100 A. normocytaires arégenératives Caa C Carences en vit. i B12 B ou B99 Myélodysplasie, éthylisme

Ř Figure 1. Classification des anémies

L’organisme contient 4 à 5 g de fer (70 à 90 mmol), un élément au rôle essentiel dans de nombreuses fonctions biologiques. Le fer existe sous deux formes dans notre organisme : – héminique (associé à l’hème) : 70 % entre dans la constitution de l’hémoglobine, de la myoglobine, et de différentes enzymes hémoprotéiques (cytochrome, catalases...) ; – non héminique : il correspond aux formes de transport (par la transferrine) et de réserve du fer (par la ferritine très majoritaire, présente dans les hépatocytes, les monocytes, les macrophages et l’hémosidérine présente dans les monocytes et les macrophages).

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011 Anémies par carences martiale et vitaminiques

dispensation dossier

Le fer plasmatique ne représente qu’environ 0,15 % du fer total de notre organisme. Absorption Les échanges de fer dans l’organisme sont très lents. La demi-vie d’un atome de fer absorbé dans l’organisme est de dix ans. Ainsi, l’hyposidérémie est longue à s’installer et il faut du temps pour la corriger. L’absorption intestinale du fer est limitée et très régulée en fonction des besoins. Le passage intestinal du fer est d’environ 10 % chez l’homme et de 20 % chez la femme. Chez la femme enceinte, il peut s’élever jusqu’à 50 % en raison des modifications physiologiques liées à la grossesse (diminution du pH gastrique, diminution du transit intestinal entre autres). La ration de fer quotidienne (0,18 à 0,27 mmol) apportée par l’alimentation (chocolat, fruits secs, lentilles, vin rouge, mais pas les épinards !) est absorbée au niveau duodénal sous forme de fer ferreux (Fe2+). Les agents réducteurs (la vitamine C, par exemple) favorisent donc l’absorption du fer. Le fer est absorbé libre ou complexé à l’acide glutamique. Transport Dans la cellule, le fer ferreux est transformé en fer ferrique (Fe3+). À partir de là, deux phénomènes se font concurrence : le transport du fer par la transferrine et son stockage par la ferritine. Ces mécanismes sont très régulés par notre organisme : en cas de besoin en fer, le transport est favorisé, notamment au niveau duodénal ; en cas d’excès de fer, le stockage par la ferritine est favorisé. Le transport du fer au niveau plasmatique est assuré par la transferrine (protéine de 80 kDa synthétisée par le foie). Sa synthèse est stimulée au cours des anémies et réprimée au cours des syndromes de surcharge en fer. 6RQWDX[HVWXQERQUHƃHWGHOő«WDWIRQFWLRQQHOGHVK«SDtocytes, il est effondré lors des insuffisances hépatiques. La transferrine a deux sites de liaison pour le fer. Chez un sujet normal, la transferrine ne fonctionne qu’à un tiers de sa capacité de transport en fer. Son rôle est d’apporter le fer dans les cellules de l’organisme par endocytose spécifique en faisant intervenir un récepteur membranaire hautement régulé. Ce récepteur est présent au niveau de la membrane cellulaire sous forme de dimères de deux sous-unités identiques, liées par deux ponts disulfures. La fixation de la transferrine sur son récepteur entraîne la formation d’une vésicule d’endocytose et l’internalisation du complexe. La maturation de l’endosome s’accompagne d’une acidification progressive permettant la dissociation du fer de la transferrine et la réduction du fer à l’état de Fe2+. À pH acide, la transferrine reste fixée sur son récepteur et se trouve recyclée vers le plasma par fusion de l’endosome avec la membrane plasmique. L’ion Fe2+ ainsi libéré va ensuite traverser la membrane de l’endosome et passer dans le cytoplasme.

Rôle physiologique Le fer dans la cellule a trois destinées : – la synthèse de l’hème dans les mitochondries. Le Fe2+ et la protoporphyrine vont donner l’hème, qui passe alors dans le cytoplasme. L’hème est ensuite associé à des chaînes de globines (α2,β2) pour former l’hémoglobine. L’essentiel du fer nécessaire à notre organisme est recyclé via le catabolisme de l’hémoglobine dans les monocytes et les macrophages ; – la mise en réserve. La ferritine est l’association du fer Fe3+ et de l’apoferritine, protéine constituée de 24 sousunités identiques et contenant un noyau dense de polyphosphate de fer (Fe3+). Il y a environ 4 000 ions de fer par molécule. Sur le plan fonctionnel, le fer est sous forme Fe3+ quand il est complexé à la ferritine mais il est sous forme Fe2+ quand il est mobilisé. La face interne des sous-unités d’apoferritine présente des ferriréductases qui catalysent la transformation de Fe2+ en Fe3+. Les agents réducteurs favorisent ainsi la mobilisation du fer. Une augmentation du taux de ferritine dans le sang UHƃªWHXQHF\WRO\VHK«SDWLTXHXQV\QGURPHLQƃDPPDtoire ou un syndrome de surcharge tissulaire ; – la régulation. Le fer régule de façon opposée la synthèse de la ferritine et celle du récepteur de la transferrine par un mécanisme similaire agissant au niveau traductionnel. Lorsqu’il y a excès de fer, la synthèse de la ferritine augmente et la synthèse des récepteurs de la transferrine diminue, et inversement lors d’une carence. Quand l’équilibre martial est rompu (manque d’apport, pertes de fer), l’organisme fait appel aux stocks de ferritine et d’hémosidérine. Lorsque ces stocks sont épuisés, on observe alors une diminution du fer plasmatique ; l’érythropoïèse est ralentie, les érythroblastes s’appauvrissent en granules ferrugineux et les sidéroblastes disparaissent progressivement, l’anémie s’installe.

Étiologie des carences en fer Les principales causes d’une carence en fer sont une perte excessive par saignement chronique (1 mL de sang total contient 0,5 mg de fer), un défaut d’absorption (maladie cœliaque) ou bien encore une carence d’apport. La perte de fer par saignement chronique est la cause la plus fréquente de carence martiale. Les hémorragies digestives sont fréquentes pour les deux sexes et peuvent avoir pour siège l’œsophage (cancer de l’œsophage, œsophagite peptique avec ulcère, varices œsophagiennes de l’hypertension portale), l’estomac (cancer de l’estomac, ulcère gastrique, ulcération médicamenteuse), le duodénum (ulcère duodénal), l’intestin grêle (tumeur maligne ou bénigne, maladie de Crohn), le côlon (cancer colique, polype bénin, diverticulose, rectocolite hémorragique) ou bien encore le rectum (cancer du rectum).

11

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011 La prise en charge des anémies par carence

dispensation dossier

12

De même, une carence martiale est fréquemment observée chez la femme du fait des ménorragies ou ménométrorragies fonctionnelles. La présence d’un dispositif intra-utérin, d’un fibrome utérin, d’un cancer de l’utérus, d’une endométriose ou d’une rétention placentaire peuvent être à l’origine d’une carence martiale. Indépendamment des causes locales, il faut aussi penser à un trouble général sous-jacent de l’hémostase (maladie de Willebrand, etc.). Des carences en fer peuvent être observées lors de dons de sang répétés, de prises de sang itératives, d’hématurie macroscopique, d’angiodysplasie isolée, de maladie de Rendu-Osler, de syndrome néphrotique avec fuite urinaire de transferrine, d’hémolyse intravasculaire chronique et chez les insuffisants rénaux hémodialysés. La malabsorption du fer résulte le plus souvent d’une affection lésant l’intestin grêle (résection intestinale, maladie de Crohn, maladie cœliaque). Elle est également observée lors des résections digestives hautes (gastrectomie). Les excès d’utilisation du fer sont fréquemment observés chez le nourrisson, notamment en cas d’hypotrophie, de prématurité, de gémellité, de régime à tort non supplémenté en fer et chez les femmes ayant des grossesses répétées et rapprochées. La carence d’apport alimentaire s’observe généralement en cas de malnutrition globale, de régime hypocalorique et hypoprotéinique (régimes déséquilibrés, anorexie), souvent dans des milieux économiques défavorisés ou chez le sujet très âgé.

Diagnostic d’une carence martiale Plusieurs éléments sont à prendre en compte dans le diagnostic d’une anémie par carence en fer : – l’hémogramme montre une diminution du taux d’hémoglobine en dessous de 12 g/dL chez la femme et 13 g/dL chez l’homme ; – le nombre de globules rouges n’est pas toujours diminué, du moins dans les premiers temps de la carence ;

– la microcytose peut atteindre des valeurs de VGM DXWRXUGHƃ – l’hypochromie (TCMH < 25 pg et CCMH < 28 g/dL) est toujours présente ; – le fer sérique (FS) est abaissé (< 12 μmol/L), les valeurs QRUPDOHV«WDQWHQPR\HQQHGHswPRO/O«JªUHPHQW plus élevées chez l’homme que chez la femme et l’enfant ; – la transferrine est augmentée ; – le coefficient de saturation de la transferrine (rapport FS/CTF) est nettement abaissé. La capacité totale de fixation de la transferrine (CTF) est mesurée en additionnant au taux de FS celui de la capacité latente de fixation (CLF) en fer de la transferrine (CTF = FS + CLF). Les valeurs normales sont de 55 ± 10 μmol/L pour la capacité totale de fixation et de 15 % à 40 % pour le coefficient de saturation ; – la capacité totale de fixation varie en sens inverse de la sidérémie, d’autant plus qu’une hyposidérémie stimule la synthèse hépatique de transferrine. Elle est donc à la IRLVDXJPHQW«H !wPRO/ HWG«VDWXU«H  HQ cas de carence martiale ; – la ferritine plasmatique, dosée par des méthodes radioimmunologiques ou enzymo-immunométriques, est abaissée. Les valeurs normales sont plus élevées chez l’homme (40 à 280 μg/L) que chez la femme (20 à 80 μg/L).

Prise en charge de la carence en fer Le traitement a deux objectifs : réparer la carence martiale et traiter sa cause chaque fois que c’est possible. Le fer par voie orale Le traitement substitutif consiste à apporter des sels ferreux, mieux absorbés que les sels ferriques (voir tableau I). Le traitement doit être poursuivi au-delà de la correction de l’anémie, afin de restaurer pleinement les réserves en fer de l’organisme. Un contrôle de l’efficacité n’est utile qu’après au moins trois mois de traitement : il doit porter sur la réparation de l’anémie (Hb, VGM) et sur la restauration des stocks de fer (fer sérique et saturation de la sidérophiline).

Tableau I.

Spécialités de sels ferreux disponibles par voie orale. Sel ferreux

Spécialité

Forme

Dosage

Indications

Posologie

Sulfate ferreux

Tardyferon®

comprimé

80 mg (+ 30 mg vit C)

Ferrograd® Vitaminé C

comprimé

105 mg (+ 500 mg vit C)

Anémie par carence martiale

Timoferol®

gélule

50 mg (+ 30 mg vit C)

Fumafer®

comprimé

66 mg

Fumafer® poudre

poudre orale

33 mg (à diluer dans un peu d’eau ou de lait)

Traitement curatif : pendant une durée de 3 à 6 mois en fonction de la déplétion des réserves. Grand enfant et adulte : 100 mg à 200 mg de fer par jour Enfant : 5 à 10 mg par kg par jour en 1 à 2 prises à jeun

Gluconate ferreux

Tot’Hema®

ampoule buvable 50 mg (+ Cu + Mn)

Ascorbate ferreux

Ascofer®

gélule

33 mg (+ 30 mg vit C)

sirop

34 mg/5 mL (34 mg par c à c)

comprimé

50 mg (+ 30 mg vit C + 350 μg vit B9) Prévention de la carence 50 mg par jour à partir de en fer pendant la grossesse la 24e semaine

Fumarate ferreux

Feredetate de sodium Ferrostrane® Sulfate ferreux

Tardyféron® B9

Traitement préventif : 0,5 à 1 mg/kg par jour en 1 prise à jeun

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011 Anémies par carences martiale et vitaminiques

dispensation dossier

Les sels de fer ferreux sont contre-indiqués en cas de surcharge martiale, retrouvée en particulier en cas d’anémie normo- ou hypersidérémique ainsi qu’en cas de thalassémie, d’anémie réfractaire ou encore d’anémie par insuffisance médullaire. La prise des sels ferreux en même temps que d’autres médicaments peut induire une diminution de l’absorption digestive des autres médicaments (par exemple, les cyclines, les bisphosphonaWHVOHVƃXRURTXLQRORQHV ,OHVWGRQFUHFRPPDQG«GH prendre les sels de fer à distance de la prise des autres médicaments (plus de deux heures, si possible). La tolérance est relativement bonne, même si des troubles gastro-intestinaux sont fréquemment rapportés à type de nausées, de diarrhée ou de constipation. Ces troubles peuvent être estompés avec des prises pendant les repas ou en changeant de sels de fer. Des réactions allergiques sont possibles et une coloration des selles en noir est habituelle. Le fer par voie injectable Le fer par voie orale est inefficace dans le traitement FXUDWLIGHVDQ«PLHVLQƃDPPDWRLUHVGXIDLWGHODVXUproduction de l’hepcidine, une hormone qui bloque son absorption intestinale. La forme injectable permet de palier la mauvaise biodisponibilité orale du fer, et constitue ainsi le mode d’administration privilégié du fer dans le traitement des anémies sévères. Par voie injectable, seule la voie intraveineuse reste disponible en France avec, depuis peu, deux spécialités disponibles : un complexe hydroxyde ferrique-saccharose en solution (Venofer®) et un complexe de carboxymaltose ferrique (Ferinject®). La solution injectable de fer pour voie intraveineuse est indiquée, à une posologie ne devant pas dépasser 300 mg par injection chez l’adulte, dans : – le traitement de l’anémie chez l’insuffisant rénal chronique hémodialysé, en prédialyse ou en dialyse péritonéale, lorsqu’un traitement par fer oral s’est révélé insuffisant ou mal toléré ; – les situations préopératoires : chez les patients inclus dans un programme de don de sang autologue en association avec l’érythropoïétine, à condition qu’ils aient une anémie modérée (Hb entre 9 et 11 g/100 mL) et que leur ferritinémie initiale soit inférieure à 150 μg/L ; – le traitement des anémies aiguës en postopératoire immédiat chez les patients ne pouvant pas recevoir d’alimentation orale ; – le traitement des anémies hyposidérémiques par carence martiale (Hb < 10,5 g/100 mL) liées aux maladies LQƃDPPDWRLUHVFKURQLTXHVV«YªUHVGHOőLQWHVWLQORUVTXH le traitement par voie orale n’est pas adapté. Bien que n’ayant pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en chimiothérapie, l’Organisation européenne de la recherche et du traitement du cancer (EORTC) recommande l’utilisation du fer injectable chez les patients recevant une chimiothérapie anémiante.

La dose totale de fer à administrer par voie injectable et le rythme des injections dépendent du poids, du taux d’hémoglobine sanguin, de la ferritinémie basale et de la perte de fer attendue. Il est recommandé, en cas de carence martiale sévère et aiguë, une injection de 100 à 300 mg une à trois fois par semaine pendant quinze jours puis 100 à 300 mg tous les quinze jours. L’évolution du stock de fer doit être régulièrement contrôlée par les mesures de la ferritinémie et du taux de saturation de la transferrine. Chez l’enfant, la dose est de 3 mg/kg de poids corporel par injection, 1 à 3 fois par semaine, en respectant un intervalle de 48 heures entre chaque injection. La solution injectable de fer doit être administrée en perfusion intraveineuse stricte, en perfusion lente ou directement dans le circuit sanguin extracorporel en hémodialyse. L’extravasation de la solution de fer au site d’injection peut provoquer des GRXOHXUVXQHLQƃDPPDWLRQODIRUPDWLRQGőDEFªVVW«ULOHVHWOD pigmentation brune définitive de la peau. Le fer par voie intraveineuse ne doit pas être utilisé en cas de surcharge martiale ou de troubles de l’utilisation du fer comme l’hémochromatose primitive ou secondaire telle que l’hémolyse. De même, il est contre-indiqué en cas d’éthylisme chronique, d’hypersensibilité connue aux complexes ferriques ou à l’un des excipients. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont : une perturbation transitoire du goût (dysgueusie), une fièvre, des frissons, des réactions au site d’injection, des nausées ou vomissements, une hypotension, un bronchospasme ou encore des réactions cutanées. Il a été rapporté, plus rarement, des cas de réaction anaphylactoïde, de réaction d’hypersensibilité et des angio-œdèmes. Les indications de la transfusion dans les anémies sont rares : l’anémie symptomatique chez le patient normovolémique, indépendamment du taux d’Hb, la perte aiguë de plus de 15 % du volume globulaire, la perte sanguine avec hypoxie, une d’hémoglobinémie inférieure à 8 g/dL avant une intervention chirurgicale ou encore un taux d’hémoglobine sanguin inférieure à 9 g/dL chez un transfusé chronique. Un culot globulaire augmente l’hémoglobinémie de 1 g/dL chez un patient de 70 kg, et permet un apport en fer de 200 mg.

Anémie et carence en vitamines Rôle physiologique des vitamines dans l’hématopoïèse L’apport de vitamines, de protéines et d’oligo-éléments est indispensable à la physiologie de l’hématopoïèse. Certains de ces facteurs ont une action limitée à une lignée cellulaire. C’est le cas, par exemple, du fer pour l’érythropoïèse. D’autres sont nécessaires pour l’ensemble de l’hématopoïèse. C’est le cas de la vitamine B12 et des folates. La vitamine B12 et les folates sont appelés “vitamines antimégaloblastiques”. En cas de carence en l’un de ces facteurs, une hématopoïèse inefficace s’installe aboutissant à un état pathologique de toute l’hématopoïèse mais nommé “anémie mégaloblastique”.

13

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011 La prise en charge des anémies par carence

14

dispensation dossier

La conséquence commune aux modes d’action de la vitamine B12 et des folates est d’intervenir au niveau cellulaire dans la synthèse de l’ADN sans intervenir dans celle de l’ARN. Une carence en ces vitamines se traduira par un trouble cellulaire très particulier dans lequel le noyau et la division cellulaire (ADN) seront affectés alors que le cytoplasme et la maturation cellulaire (synthèse protéique, ARN) seront peu touchés. Il s’agit d’un asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique, qui définit le terme de mégaloblastose. La connaissance des métabolismes de la vitamine B12 et des folates permet de comprendre les causes et les prises en charge thérapeutiques possibles des anémies mégaloblastiques. Les folates (vitamine B9) Les folates, ou vitamine B9, sont des vitamines hydrosolubles indispensables à la synthèse de l’acide thymidylique, donc à la synthèse de l’ADN et à la multiplication cellulaire. L’acide folique est formé par la liaison d’une molécule d’acide ptéroïque à une molécule d’acide glutamique (monoglutamate). Son activité biologique est supportée par des dérivés formés par l’association de ¢PRO«FXOHVGőDFLGHJOXWDPLTXH SRO\JOXWDPDWHV  Chez l’homme, les folates sont apportés exclusivement par l’alimentation. Les aliments les plus riches en vitamine B9 sont les légumes à feuilles vertes et les salades, puis viennent le foie, les fruits, les graines, les fromages et les œufs. Il s’agit de substances répandues dans la nature, mais très thermolabiles. Ř Métabolisme. L’absorption digestive des folates a lieu au niveau du grêle proximal. Après déconjugaison des polyglutamates, les monoglutamates sont réduits en tétrahydrofolates (THF) puis convertis en N5-méthyl-THF, qui est la forme unique d’absorption. Des conjuguases, dont une présente au niveau de la bordure en brosse des entérocytes de l’intestin grêle, permettent son absorption sous forme de monoglutamate. Il existe un système de transport intestinal spécifique, cotransport activé par les gradients d’ion H+. Les folates subissent un cycle entéro-hépatique, ce qui explique que les quantités qui sont (ré)absorbées chaque jour sont supérieures aux quantités ingérées. Ainsi, même si l’apport alimentaire quotidien n’est que de 50 μg en moyenne, c’est un minimum de 150 μg/jour qui sera réabsorbé par la muqueuse intestinale. L’existence de ce cycle entéro-hépatique associé au fait qu’il existe plusieurs étapes mettant en jeu l’entérocyte explique qu’une maladie digestive avec lésion du grêle, type maladie cœliaque, entraîne plus rapidement une déficience, comparée à une simple carence d’apport. Ř Rôle dans l’organisme. Le rôle physiologique général des folates est de transporter des unités monocarbonées nécessaires à un grand nombre de réactions métaboliques. Ils jouent ainsi un rôle dans la synthèse de l’ADN à travers la synthèse de l’acide thymidilique ou thymidine

monophosphate à partir de l’uridine monophosphate grâce à l’action de la thymidilate synthétase, qui est sous la dépendance des folates. Ils jouent aussi un rôle important dans la synthèse des bases puriques ainsi que dans la synthèse de la méthionine (Figure 2). Les réserves en folates sont peu importantes, inférieures à 100 jours de besoins normaux. Le bilan des folates est en équilibre fragile. En effet, les apports quotidiens sont largement suffisants pour satisfaire aux besoins, qui sont de 100 à 400 μg/jour, et les pertes sont faibles, mais les réserves totales sont peu importantes. Les besoins augmentés (grossesse, croissance, hyperérythropoïèse) nécessitent donc souvent une thérapeutique de supplémentation. Les réserves étant faibles, les carences sont multiples (malnutris, éthyliques, vieillards, cancéreux, grossesses multiples, anémies hémolytiques chroniques). Les vitamines B12 (cobalamines) La vitamine B12 est une substance hydrosoluble, présente dans l’organisme sous plusieurs formes appelées cobalamines. La structure de base comprend quatre parties, dont les trois premières sont communes à toutes les cobalamines : – un noyau tétrapyrolique, – un atome de cobalt qui possède deux valences libres, – un nucléotide relié à l’atome de cobalt et dont la base est spécifique de la vitamine B12, – une partie variable reliée à l’atome de cobalt et définissant la cobalamine : il s’agit par exemple d’un groupement CN (cyanure) caractérisant la cyanocobalamine, forme utilisée en thérapeutique. L’hydroxycobalamine est la forme inactive présente dans le cytoplasme. Les deux formes actives sont la méthylcobalamine (cytoplasme) et la 5’déoxy-adénosylcobalamine (mitochondries). Ř Métabolisme. Les cobalamines alimentaires sont libérées des complexes protéiques par l’action des sécrétions gastriques (HCl et pepsine). Libérée, la vitamine B12 se lie à des R-protéines salivaires dont elle se détache dans le duodénum sous l’effet des protéases pancréatiques. Elle peut alors s’associer au facteur intrinsèque (FI), une glycoprotéine synthétisée par les cellules pariétales de l’estomac. Cette étape est indispensable à son absorption ultérieure. La vitamine B12 liée au FI, ainsi protégée des dégradations enzymatiques, est transportée jusqu’à l’iléon terminal. À ce niveau, le complexe FI-vit. B12 est reconnu par des récepteurs spécifiques – récepteurs qui sont absents dans la maladie congénitale d’Imerslund. La vitamine B12 traverse alors la muqueuse intestinale pour arriver dans la circulation portale. Dans le plasma, trois protéines porteuses, les transcobalamines véhiculent la vitamine B12. Les transcobalamines I et III sont synthétisées par les granulocytes neutrophiles et véhiculent la vitamine B12 aux organes de réserves comme le foie. La transcobalamine II est synthétisée

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011 Anémies par carences martiale et vitaminiques

dispensation dossier

Diagnostic d’une anémie par carence vitaminique Lors d’une carence en vitamine de l’hématopoïèse, l’hémogramme montre habituellement une anémie macrocytaire avec un taux de réticulocytes bas ou normal. Les taux sanguins de plaquettes, de globules blancs, de neutrophiles et de lymphocytes sont souvent diminués, essentiellement au cours des carences profondes. L’examen du frottis sanguin met en évidence des anomalies variées. Les anomalies morphologiques des globules rouges associent couramment une anisocytose, une macro-ovalocytose, une poïkilocytose, une polychromasie, des hématies en “poire” et souvent des corps de Jolly dans de nombreuses hématies témoignant d’un trouble de division cellulaire. Les polynucléaires sont

UMP

Thymidilate synthétase

TDP

DHF

UMP : Uridine monophosphate TMP : Thymidine monophosphate TDP : Thymidine diphosphate TTP : Thymidine triphosphate DHF : Dihydrofolate THF : Tétrahydrofolate

tas

e

Méthylène THF

TMP

uc

par les hépatocytes et transporte la majorité de la vitamine B12 aux cellules utilisatrices (principalement la moelle osseuse). La vitamine B12 excédentaire est excrétée dans la bile. Elle subit un cycle entéro-hépatique avec réabsorption au niveau de l’iléon. L’élimination est double, urinaire et digestive. Les réserves de vitamine B12 sont essentiellement hépatiques. Le foie contient environ 1,5 mg de cobalamines. Physiologiquement, les besoins quotidiens en vitamine B12 (2 à 5 μg) sont largement assurés car les apports quotidiens sont importants, les pertes très faibles et les réserves totales importantes (2 à 4 mg). Les besoins sont augmentés lors de la grossesse et pendant la croissance. En pathologie, toutes les situations d’érythropoïèse accélérée (hémolyse, hémorragie...) entraîneront également une consommation plus grande de vitamine B12. Dans tous les cas, compte tenu des réserves importantes (2 à 4 ans), une carence en vitamine B12 n’aura de retentissement sur l’hématopoïèse qu’après plusieurs mois ou plusieurs années d’installation. Des besoins augmentés de façon temporaire ne nécessitent donc pas de supplémentation systématique (grossesse par exemple). En revanche, une carence chronique est insidieuse car les premiers signes ne se manifesteront que tardivement, par exemple une anémie mégaloblastique survenant plusieurs années après une gastrectomie non supplémentée en vitamine B12. Ř Rôle dans l’organisme. La vitamine B12 est nécessaire à la multiplication cellulaire. Ceci est particulièrement vrai pour certaines cellules à renouvellement rapide comme les cellules hématopoïétiques. La 5’déoxy-adénosylcobalamine est le coenzyme nécessaire à la conversion du méthylmalonyl coenzyme A en succinylcoenzyme. La méthylcobalamine est le coenzyme permettant les deux réactions combinées suivantes : – conversion de l’homocystéine en méthionine, – conversion du méthyltétrahydrofolate en tétrahydrofolate (THF) pourra être utilisé dans la synthèse des bases puriques et pyrimidiques (Figure 2).

15

THF

Homocystéine

t F ola

er

éd

TTP

B12 Méthionine Méthyl THF

Folates (aliments)

souvent hypersegmentés, avec un noyau de cinq lobes ou plus. Cette hypersegmentation des polynucléaires est un signe très précoce de carence vitaminique, apparaissant avant l’anémie et même la macrocytose, et pouvant persister plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le traitement vitaminique. Le myélogramme montre une moelle osseuse riche avec un excès d’érythroblastes immatures de grande taille (mégaloblastes). La présence d’érythroblastes binucléés ou multinucléés n’est pas rare. Les précurseurs de la lignée granuleuse sont aussi de grande taille, notamment les métamyélocytes et les myélocytes. En cas d’anémie, un dosage dans le sérum doit être réalisé pour la vitamine B12 (valeurs normales entre 135 et 700 pmol/L) et les folates (valeurs normales entre 5 et 20 ng/mL), mais aussi dans les érythrocytes pour les folaWHV YDOHXUVQRUPDOHVHQWUHHWQJP/ (QHIIHWOH WDX[GHIRODWHV«U\WKURF\WDLUHVHVWXQUHƃHWSOXVƂGªOHGHV réserves de l’organisme en folates que les folates sériques VRXPLV¢GHVƃXFWXDWLRQVUDSLGHVVRXVOőHIIHWGHVYDULDtions de régime, ou de la prise de certains médicaments. Dans les carences en folates, le taux des folates dans le sérum et dans les hématies est diminué, tandis que le taux de vitamine B12 sérique est normal. Dans les carences en vitamine B12, le taux de vitamine B12 dans le sérum est diminué, tandis que le taux de folates sériques est normal ou augmenté en raison du piège des méthylfolates. Au contraire, le taux de folates érythrocytaires est diminué en raison d’un défaut de synthèse des polyglutamates. Le taux sanguin de bilirubine non conjuguée est élevé, ainsi que le fer sérique et la ferritinémie. Il en est de même du taux de lacticodéshydrogénase (LDH) sérique qui atteint des valeurs excessivement élevées, surtout dans les carences profondes en vitamine B12. Le dosage de deux métabolites, l’homocystéine et l’acide méthylmalonique, tend de plus en plus à être inclus dans le bilan diagnostique d’une carence vitaminique. Le taux d’homocystéine est modérément élevé dans les carences en folates et franchement élevé dans les carences en vitamine B12, alors que l’acide méthylmalonique n’est

ADN Ř Figure 2. Rôle physiologique des vitamines B9 et B12.

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011 La prise en charge des anémies par carence

16

dispensation dossier

élevé que dans les carences en vitamine B12. Ces tests métaboliques sont utiles à plusieurs égards. Ils permettent une détection précoce de carence vitaminique tissulaire, notamment dans des situations sans anémie ni macrocytose, mais avec seulement quelques anomalies morphologiques discrètes. Le test de Schilling tend à être abandonné : il était utilisé pour mesurer l’absorption de vitamine B12 radioactive administrée per os par le biais de la mesure de la radioactivité urinaire. Une excrétion urinaire inférieure à 10 % de la radioactivité ingérée, et corrigée par le FI exogène, est le signe d’une malabsorption d’origine gastrique, alors que la non-correction par le FI exogène est le signe d’une malabsorption intestinale.

Étiologies des carences en vitamines de l’hématopoïèse Carences en folates Le déficit en folates peut s’expliquer par une carence d’apport, par un phénomène de malabsorption, par un excès d’utilisation ou bien par une compétition médicamenteuse (tableau II). Les carences d’apport sont la cause la plus fréquente de carence en folates. Elles sont dues soit à une consommation insuffisante en légumes verts, en fruits..., soit à une ébullition prolongée des aliments détruisant la majorité des folates alimentaires. Elles touchent surtout les personnes âgées dénutries, les personnes éthyliques... La malabsorption de folates résulte d’une affection lésant l’intestin grêle proximal, siège d’absorption des folates : comme notamment la maladie cœliaque, la mucoviscidose ou toute pathologie de l’intestin grêle proximal. Les excès d’utilisation des folates sont observés aussi bien dans des circonstances physiologiques que pathologiques. Les cellules ou tissus qui se divisent rapidement sont de grands consommateurs de folates (moelle osseuse, muqueuse intestinale). Par conséquent, les besoins en folates au cours de la grossesse sont accrus et la survenue d’une carence est fréquente, compte tenu de l’utilisation par le fœtus des réserves de la mère. De même, les anémies hémolytiques congénitales ou acquises s’accompagnent d’une surconsommation de folates en relation avec une érythropoïèse accrue du fait de l’hémolyse importante. Les médicaments agissant sur les enzymes du métabolisme des folates peuvent induire une anémie mégaloEODVWLTXHQRWDPPHQWFHUWDLQVF\WRVWDWLTXHV ƃXRUR uracile, méthotrexate, hydroxyurée...), anticonvulsivants (phénobarbital, acide valproïque, carbamazépine...) ou antibiotiques (sulfamides, triméthoprime...). Carences en vitamine B12 Le déficit en vitamine B12 peut être dû à un apport alimentaire insuffisant, à une production inadéquate de facteur intrinsèque (gastrectomie, anémie pernicieuse,

absence congénitale en facteur intrinsèque), à un désordre au niveau de l’iléon terminal générant un tableau de malabsorption (entérite régionale, résection intestinale), à une malabsorption sélective de la vitamine B12 (syndrome d’Imerslund) ou encore à une compétition pour la vitamine B12 (ver solitaire du poisson, syndrome des anses borgnes) (tableau II). Les carences d’apport sont rencontrées chez les sujets végétariens stricts, et notamment chez les végétariens ne consommant aucun produit lacté. En effet, la vitamine B12 est présente dans les aliments d’origine animale. Ces carences d’apports sont surtout graves chez les nouveau-nés de mères végétariennes qui peuvent présenter, dans les premiers jours de la vie, une anémie macrocytaire mégaloblastique sévère. Elle est mieux tolérée chez les adultes du fait d’une recirculation entérohépatique plus efficace de la vitamine B12. La malabsorption de la vitamine B12 est due soit à un défaut de production de FI en raison d’une gastrite atrophique ou d’une gastrectomie, soit à une lésion de l’iléon distal, siège de l’absorption de la vitamine B12. La maladie de Biermer est la cause la plus fréquente des carences en vitamine B12. Elle résulte d’une malabsorption par gastrite atrophique d’origine auto-immune avec une absence de sécrétion de FI. Cette maladie est souvent associée à d’autres maladies auto-immunes telles que le myxœdème, la maladie de Hashimoto, le vitiligo. Quatre-vingt-dix pour cent des malades ont des anticorps anticellules pariétales dans le sérum dirigés contre l’ATPase H+/K+ et 50 % ont des autoanticorps anti-FI qui bloquent la liaison de la vitamine B12 au FI. Il existe une incidence accrue d’adénocarcinomes gastriques au cours de la maladie de Biermer, et plus encore de tumeurs carcinoïdes gastriques, d’où la nécessité d’une surveillance endoscopique tous les 2 à 3 ans. La maladie d’Imerslund est caractérisée par un défaut de transfert transiléal de la vitamine B12. Celui-ci pourrait correspondre à un défaut de fixation du complexe sur les récepteurs iléaux. Tableau II.

Étiologies des carences en vitamines B9 et B12. Causes Insuffisances d’apports

Carence en vitamine B12 Carence en folates Végétaliens stricts Fréquentes, surtout dues à une mauvaise nutrition, à une cuisson excessive des aliments Malabsorption Déficit en facteur intrinsèque Lésions intestinales (anémie de Biermer, Maladie cœliaque gastrectomie, maladie iléale) Mucoviscidose Infections intestinales Maladie d’Imerslund Besoins accrus Rares Fréquents : grossesse, et troubles croissance, érythropoïèse d’utilisation stimulée après hémolyse, infections aiguës, éthylisme chronique Toxicologie EDTA (acide éthylène Antifoliques : triméthoprime, médicamenteuse diamine tétracétique), méthotrexate, pyréméthamine... colchicine, néomycine...

Actualités pharmaceutiques hospitalières Ř n° 26 Ř Mai 2011 Anémies par carences martiale et vitaminiques

dispensation dossier

Prise en charge des anémies par carence en vitamines Le traitement vise plusieurs objectifs : corriger la carence, recharger les réserves et traiter, si possible, la cause de la carence. La correction de la carence est réalisée avec la vitamine appropriée, sauf en cas d’urgence. En effet, en cas de pancytopénie sévère ou d’anémies profondes mal tolérées, les deux vitamines sont administrées simultanément. En général, les transfusions sanguines ne sont pas nécessaires, sauf en cas d’anémie très profonde et mal tolérée. La réponse précoce au traitement est évaluée sur l’ascension des réticulocytes, qui est maximale entre le cinquième et le dixième jour, par la normalisation du taux de globules blancs et de plaquettes entre le troisième et le dixième jour, et par celle du taux d’hémoglobine entre le premier et le deuxième mois. La moelle redevient normoblastique en 48 heures, mais les métamyélocytes géants et les polynucléaires hypersegmentés persistent pendant plusieurs jours, voire pendant plusieurs semaines. Carence en folates Différentes spécialités par voie orale ou par voie injectable peuvent être utilisées dans le traitement des carences en folates (tableau III). L’acide folique et l’acide folinique peuvent engendrer des réactions allergiques cutanées, des troubles gastro-intestinaux, ainsi que des réactions anaphylactiques telles que des urticaires, des angio-œdèmes. Il ne faut pas oublier que les folates interagissent avec les antiépileptiques inducteurs enzymatiques (phénobarbital, par exemple). On observe une diminution des concentrations plasmatiques des anticonvulsivants par augmentation de leur métabolisme hépatique dont les folates représentent un des cofacteurs. Une surveillance clinique mais aussi des taux plasmatiques et une adaptation posologique de l’antiépileptique sont nécessaires pendant la supplémentation folique et après son arrêt.

La voie injectable intramusculaire est réservée aux déficits prouvés en vitamine B12 dus à un défaut d’absorption : maladie de Biermer, gastrectomie totale, résection de l’iléon terminal, maladie d’Imerslund : 1 mg par jour ou trois fois par semaine en IM sans dépasser 10 mg au total dans le traitement d’attaque, puis 1 mg une fois par mois en traitement d’entretien. La voie orale est utilisée pour les anémies par carence d’apport alimentaire en vitamine B12 chez les végétaliens stricts depuis plus de 4 ans : 1 mg par jour pendant 15 jours à un mois puis 1 mg tous les 10 jours. Les cobalamines sont contre-indiquées en cas d’antécédents d’allergie aux cobalamines (vitamines B12 et substances apparentées) mais aussi dans les tumeurs malignes en raison de l’action de la vitamine B12 sur la croissance des tissus à taux de multiplication cellulaire élevé, le risque de poussée évolutive est à prendre en compte. Suite à la prise de vitamine B12, on peut observer une coloration rouge des urines, une allergie accompagnée de prurit, une possibilité de choc anaphylactique, un risque de survenue de maladie cutanée à type d’acné quand le traitement est long.

Conclusion Les anémies par carence en fer ou vitamines sont très fréquentes, mais leur diagnostic reste souvent complexe. Cependant, un diagnostic correct est primordial afin d’éviter un traitement inadéquat. En effet, en cas de diagnostic imparfait, le patient peut être “sous-traité voire non-traité” ou “surtraité”. Si le patient n’est pas traité ou mal traité pour son anémie, son état général va se dégrader, ainsi que sa qualité de vie. De même, dans le cas d’un patient traité à tort pour une anémie, on observe une consommation inutile de médicaments (fer ou vitamines), qui peut entraîner une iatrogénie importante, notamment par modification du métabolisme des autres traitements, et une diminution de l’observance, surtout chez les sujets âgés polymédicamentés.  Émilie Dubost Pharmacien assistant spécialiste, Service Pharmacie,

Carence en vitamine B12 L’hydroxycobalamine (Dodécavit® IM) et la cyanocobalamine (Vitamine B12 Aguettant® IM et PO) sont utilisés en thérapeutique.

CHU de Poitiers (86)

Antoine Dupuis Service Pharmacie, CHU de Poitiers (86) a.dupuis@chu-poitiers

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflit d’intérêt en lien avec cet article. Tableau III.

Spécialités disponibles pour la prise en charge des carences en folates. Molécule Acide folique

Acide folinique

Spécialité Speciafoldine®

Forme Comprimé

Dosage 0,4 et 5 mg

Acide folique CCD® Folinoral® Lederfoline® Folinate calcium Aguettant® Folinate calcium Dakota® Folinate calcium Sandoz® Folinate calcium Winthrop® Levofolinate calcium Winthrop®

Comprimé Gélule Comprimé sécable Ampoule injectable Ampoule injectable Ampoule injectable Ampoule injectable Ampoule injectable

0,4 et 5 mg 5 mg 5 mg 50, 100, 200 et 350 mg 5 mg 100, 200 et 300 mg 25, 50, 100, 200 et 350 mg 50, 100 et 175 mg

Indications Anémies macrocytaires par carence en acide folique, les troubles chroniques de l’absorption intestinale quelle que soit leur origine, les carences d’apport et la grossesse Prévention et la correction des accidents toxiques provoqués par les médicaments tels que le méhotrexate, le triméthoprime, la salazopyrine

Posologie 5 à 15 mg par jour sur une durée limitée (quelques mois) 15 à 200 mg par jour pendant la durée du traitement médicamenteux voire plus

17

Bibliographie Andres E, Affenberger S. Carences en vitamines B12 chez l’adulte : étiologies, manifestations cliniques et traitement. Rev Méd Int. 2005 ; 26 : 938-46. Bokemeyer C, Aapro MS, Courdi A et al. EORTC guidelines for the use of erythropoietic proteins in anaemic patients with cancer, 2006 update. Eur J Cancer. 2007 ; 43 : 258-70. Cornu G. Les anémies macrocytaires. Louvain Med. 2001 ; 120 :186-91. Espanel C, Kafando E. Anémies ferriprives : signes d’appel, diagnostic et prise en charge. Transfusion clinique et biologique. 2007 ; 14 : 21-4. Joubert F. Carences vitaminiques hormis les carences en vitamine D. Encyclopédie Médicochirurgicale 4.056A10. Peghini PE. Diagnostic étiologique des anémies. Forum Med Suisse. 2002 ; 38 : 880-8. Straetmans N. Mise au point d’une anémie. Louvain Med. 2002 ; 121 : 54-9. Zittoun J. Métabolisme des folates et des cobalamines. Immunoanal Biol Spe.1992 ; 32 : 9-15.