La rémission dans la spondyloarthrite axiale : l’objectif thérapeutique ultime ?

La rémission dans la spondyloarthrite axiale : l’objectif thérapeutique ultime ?

G Model ARTICLE IN PRESS Revue du rhumatisme xxx (2015) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Éditorial La rémissio...

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ARTICLE IN PRESS Revue du rhumatisme xxx (2015) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Éditorial

La rémission dans la spondyloarthrite axiale : l’objectif thérapeutique ultime ?夽

i n f o

a r t i c l e

Mots clés : Spondyloarthrite Rémission Traitement

La rémission représente l’objectif idéal à atteindre pour toute stratégie thérapeutique dans une maladie chronique. Ceci est le cas de la spondyloarthrite, pour laquelle on reconnaît classiquement une évolution intermittente, faite de poussées entrecoupées de phases peu actives ou de rémission. L’ensemble aboutit à un retentissement fonctionnel, représentant la résultante de l’ensemble des phénomènes inflammatoires et structuraux au fil du temps. Ainsi émerge en filigrane la question de savoir si un traitement adapté précoce permet d’obtenir un pourcentage de rémission plus important qu’un traitement plus tardif, et si une rémission précoce permet de réduire l’impact à long terme de la maladie. C’est la problématique de la fenêtre d’opportunité thérapeutique [1]. En parallèle de l’évolution de l’arsenal thérapeutique, les libellés des recommandations d’experts se sont modifiés au fil du temps. Ainsi, les recommandations ASAS/EULAR [2] proposent en 2010 pour la prise en charge de la SA (spondyloarthrite ankylosante) : l’objectif primaire du traitement de la spondyloarthrite ankylosante est de maximiser à long terme la qualité de vie liée à la santé à travers le contrôle des symptômes et de l’inflammation, la prévention de la progression des dégâts structuraux, la préservation/normalisation de la fonction et de la participation sociale. Plus récemment, des recommandations internationales pour un traitement ciblé de la spondyloarthrite (treat to target) [3] préconisent : la cible majeure du traitement devrait être la rémission clinique/maladie inactive de l’atteinte musculo-squelettique (arthrite, dactylite, enthésite, atteinte axiale), prenant en compte les manifestations extra-articulaires. Dans les recommandations de la SFR (Société franc¸aise de rhumatologie) [4] concernant la prise en charge des patients atteints de spondyloarthrite, il est mentionné dans les principes généraux : l’objectif est d’améliorer la qualité de vie, de contrôler les symptômes et l’inflammation, de prévenir les dommages structuraux en

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2015.08.015. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus.

particulier dans les atteintes périphériques, de préserver ou restaurer les capacités fonctionnelles, l’autonomie et la participation sociale des patients atteints de spondyloarthrite. Par ailleurs, la recommandation 6 précise : l’objectif de la prise en charge devrait être la rémission clinique ou à défaut un faible niveau d’activité, en tenant compte des différents aspects de la maladie (manifestations axiales, périphériques, extra-articulaires) et des comorbidités. On voit donc que la rémission devient progressivement l’objectif et l’enjeu des stratégies thérapeutiques, et que sa définition peut avoir des dimensions multiples. 1. Comment définir la rémission ? La rémission n’est pas la guérison, ni un état acceptable (PASS [patient acceptable symptomatic state]) [5,6]. Il s’agit d’un état d’activité absente ou faible, de non-évolutivité. Diverses propositions ont été formulées, utilisant des outils variés. En 2001, le groupe ASAS (Assessment in Spondyloarthritis International Society) a proposé une définition de la rémission partielle [7] : la rémission partielle est définie par une valeur ≤ 2 sur une échelle visuelle analogique (Eva) (0–10) pour chacun des 4 domaines suivants : évaluation globale de l’activité par le patient, douleur rachidienne, fonction (BASFI), inflammation (moyenne des questions 5 et 6 du BASDAI). Cette définition inclut un paramètre de fonction (l’indice BASFI), or la récupération d’une fonction normale est plus difficile dans les formes avancées de la maladie du fait des atteintes structurales ; ceci peut plaider en faveur d’un traitement précoce. Le groupe ASAS a plus récemment élaboré un score composite d’activité de la spondyloarthrite [8] qui intègre dans une formule, avec des pondérations, différents items cliniques et d’évaluation (douleur axiale [question 2 du BASDAI], atteinte périphérique [question 3 du BASDAI], durée raideur matinale [question 6 du BASDAI], évaluation globale du patient) ainsi que la CRP. Des seuils d’activité, ainsi que des niveaux de réponse thérapeutique ont été calculés à partir de données d’études randomisées [9]. Une maladie inactive est ainsi définie par un score ASDAS-CRP inférieur à 1,3. Dans les recommandations de traitement ciblé [2] : « la rémission (qui est appelée maladie inactive dans la spondyloarthrite ankylosante) est définie par l’absence de preuve clinique ou biologique d’une activité significative de la maladie inflammatoire ». Dans les recommandations SFR [4] : « il n’y a, actuellement pas de définition ni de critères opérationnels et consensuels de rémission

http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2015.06.004 1169-8330/© 2015 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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pour la spondyloarthrite et ses différentes formes phénotypiques. À défaut, il peut être fait appel à la définition de rémission partielle proposée par l’ASAS dans les essais thérapeutiques des AINS, ou encore aux seuils d’activités du score ASDAS (un score inférieur à 1,3 définissant une maladie inactive). L’évaluation par imagerie (IRM en particulier) dans le suivi du malade n’est en revanche pas justifiée à ce jour, dans la mesure où la pertinence de cet examen dans ce but est inconnue. » L’état de rémission peut aussi se baser sur la perception du patient et du rhumatologue. Nous avons ainsi évalué sur une cohorte de 150 patients (SpA axiale pure dans 82 %), en pratique courante, les valeurs des seuils des scores BASDAI et ASDAS associées à une rémission selon l’avis du patient et l’avis du médecin. Ainsi, des niveaux d’ASDAS–CRP ≤ 1,6 et de BASDAI ≤ 3,6 sont associés, dans cette étude et sur la population considérée, à un état de rémission reconnu par le patient et par le médecin [10]. Le coefficient kappa de concordance entre patient et rhumatologue pour la perception d’une rémission est 0,55. D’autres définitions ont été utilisées dans les études, combinant certaines évaluations classiques. Ainsi par exemple, dans le cas d’une étude rétrospective monocentrique de 189 cas de spondyloarthrite ankylosante traitée par anti-TNF [11], la rémission est définie par l’association du BASDAI inférieur ou égal à 20/100 et de l’absence d’atteinte articulaire périphérique et d’une CRP normale. D’autres ont associé la rémission clinique (rémission partielle ASAS) à une rémission en imagerie (absence d’inflammation en IRM au rachis et aux articulations sacro-iliaques) [12]. On voit donc que les propositions de définition d’un état de rémission clinique restent peu précises, et le plus souvent assimilées à une maladie inactive. Mais une maladie inactive n’est pas forcément équivalente à une rémission de la maladie. Le concept de rémission semble plus large et doit également prendre en compte d’autres dimensions : la diversité phénotypique rhumatologique, les manifestations extra-articulaires (telles l’uvéite, le psoriasis cutané, une atteinte inflammatoire de l’intestin), les comorbidités, la perspective du patient (même si elle est prise en compte dans le score ASDAS), mais également peut-être l’imagerie, et la notion de durée de rémission et le concept de rémission sans traitement [13].

2. Les différentes dimensions de définition de rémission ont aussi leurs limites L’absence de signes cliniques significatifs de l’activité inflammatoire de la maladie pourrait correspondre à une disparition totale des rachialgies inflammatoires dans les formes axiales. Mais les manifestations extra-articulaires sont à prendre en compte : une absence de symptôme rhumatologique, mais l’existence d’uvéite récidivante ne correspond sans doute pas à un état de spondyloarthrite en rémission. La rémission biologique avec une disparition du syndrome inflammatoire semble également évidente et nécessaire à atteindre. Cependant, toutes les SpA ne sont pas associées à un syndrome inflammatoire [14] rendant le monitoring de ces formes plus compliqué, et les marqueurs biologiques dans la SpA sont moins corrélés à l’activité de la maladie que dans d’autres situations. Des études ont également relevé que l’absence de syndrome inflammatoire biologique n’était pas systématiquement associée à l’absence de progression radiologique ; la persistance d’une progression en IRM avec apparition de syndesmophytes chez des patients sous traitement anti-TNF étant possible [15]. Pour l’imagerie, les traitements efficaces tels les agents antiTNF ont démontré leur capacité à réduire le nombre des signaux inflammatoires en IRM, mais avec une certaine dissociation avec l’amélioration clinique, la disparition des signaux inflammatoires en IRM n’étant observée que chez un faible pourcentage de patients

en « rémission » clinique [13]. Ceci est également vrai pour la progression radiographique. 3. La rémission comme outil d’évaluation thérapeutique Cette approche de notion de rémission a été utilisée dans diverses études thérapeutiques contrôlées. En utilisant la définition de rémission partielle ou de maladie inactive en ASDAS-CRP, il a été observé qu’une « rémission » induite par la thérapeutique était possible jusqu’à 1/3 des cas de spondyloarthrite axiale traitée par AINS et 50 % des patients traités par anti-TNF, en particulier les formes récentes [12]. Si cette rémission est possible, quelle que soit sa définition, deux questions émergent. 3.1. Comment gérer la rémission ? Dans la spondyloarthrite ankylosante, le taux de rechute après arrêt des anti-TNF est de près de trois-quarts des cas après 18 semaines et 100 % après un an d’arrêt, indépendamment de la durée du traitement préalable. Une réponse thérapeutique est à nouveau observée le plus souvent en cas de réintroduction de l’anti-TNF [12]. La réduction de dose ou l’espacement des injections pourrait représenter une option raisonnable dans cette situation [11,12]. Une étude académique est en cours en France et évalue cette stratégie de réduction/espacement versus maintien des posologies, de fac¸on randomisée sur une durée d’un an. 3.2. Que faire si la rémission sous traitement n’est pas obtenue ? Il n’y a actuellement pas de données montrant que l’augmentation des doses (d’AINS ou d’anti-TNF) ou l’adjonction d’un traitement d’action lente synthétique (methotrexate, salazopyrine) permettent d’observer une augmentation du taux de répondeurs. Dans l’attente de la possibilité d’utiliser en pratique les agents ciblant l’IL-17 ou l’IL-23, la seule option est la rotation (switch) des anti-TNF. Mais là encore, la définition de la rémission (ou de son absence) est importante. Faut-il se focaliser sur l’évolution structurale ? L’évaluation est difficile car la progression radiographique est lente et inconstante. Est-il pertinent de justifier une stratégie thérapeutique sur une non-progression de 2 points du score mSASSS sur 4 ans ? Les données actuellement disponibles avec l’IRM objectivent la faible concordance entre réponse clinique et variation des signaux inflammatoires en IRM. 4. Conclusion De nombreuses questions restent donc actuellement sans réponse de certitude. Le concept de fenêtre d’opportunité n’est pas validé à ce jour dans la spondyloarthrite axiale, et les outils de définition de la rémission d’une part, et de l’évaluation structurale d’autre part ne sont peut-être pas totalement adaptés à la problématique de la spondyloarthrite axiale. De même, dans l’optique d’un traitement adapté avec contrôle rapproché, la définition de la poussée (en négatif de la rémission) fait également défaut [16]. Les concepts validés dans d’autres rhumatismes inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde) ne sont pas automatiquement transposables à la spondyloarthrite. À défaut d’une définition académique et validée de la rémission, l’objectif de la stratégie thérapeutique en pratique pourrait être le maintien des capacités fonctionnelles et de l’activité professionnelle, dans une maladie à impact social potentiellement important [17]. Il s’agit là d’un objectif pragmatique et concret, ayant un sens

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pour la société devant prendre en charge des thérapeutiques potentiellement coûteuses. Déclaration d’intérêts D. Wendling : interventions ponctuelles : AbbVie ; BMS ; MSD ; Pfizer ; Roche Chugai ; Amgen ; Nordic Pharma ; UCB ; SOBI ; Sanofi Aventis ; Novartis. D. Wendling : intérêts indirects : Abbvie ; Pfizer ; Roche Chugai ; MSD. C. Prati : BMS, Pfizer, Abbott, Roche : interventions Abbott, Pfizer : invitation congrès. Références [1] Claudepierre P. Spondyloarthritis: a window of opportunity ? Joint Bone Spine 2014;81:197–9. [2] Braun J, van den Berg R, Baraliakos X, et al. 2010 update of the ASAS/EULAR recommendations for the management of ankylosing spondylitis. Ann Rheum Dis 2011;70:896–904. [3] Smolen JS, Braun J, Dougados M, et al. Treating spondyloarthritis, including ankylosing spondylitis and psoriatic arthritis, to target: recommendations of an international task force. Ann Rheum Dis 2014;73:6–16. [4] Wendling D, Lukas C, Paccou J, et al. Recommendations of the French Society for Rheumatology (SFR) on the everyday management of patients with spondyloarthritis. Joint Bone Spine 2014;81:6–14. [5] Maksymowych WP, Richardson R, Mallon C, et al. Evaluation and validation of the patient acceptable symptom state (PASS) in patients with ankylosing spondylitis. Arthritis Rheum 2007;57:133–9. [6] Godfrin-Valnet M, Prati C, Puyraveau M, et al. Evaluation of spondylarthritis activity by patients and physicians: ASDAS, BASDAI, PASS, and flares in 200 patients. Joint Bone Spine 2013;80:393–8. [7] Anderson JJ, Baron G, van der Heijde D, et al. Ankylosing spondylitis assessment group preliminary definition of short-term improvement in ankylosing spondylitis. Arthritis Rheum 2001;44:1876–86. [8] van der Heijde D, Lie E, Kvien TK, et al. ASDAS, a highly discriminatory ASASendorsed disease activity score in patients with ankylosing spondylitis. Ann Rheum Dis 2009;68:1811–8.

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[9] Machado P, Landewé R, Lie E, et al. Ankylosing Spondylitis Disease Activity Score (ASDAS): defining cut-off values for disease activity states and improvement scores. Ann Rheum Dis 2011;70:47–53. [10] Godfrin-Valnet M, Puyraveau M, Wendling D. Remission thresholds in spondyloarthritis: a prospective study in current practice. J Rheumatol 2014;41: 617–8. [11] Paccou J, Baclé-Boutry MA, Solau-Gervais E, et al. Dosage adjustment of antitumor necrosis factor-␣ inhibitor in ankylosing spondylitis is effective in maintaining remission in clinical practice. J Rheumatol 2012;39:1418–23. [12] Poddubnyy D, Gensler LS. Spontaneous, drug-induced, and drug-free remission in peripheral and axial spondyloarthritis. Best Pract Res Clin Rheumatol 2014;28:807–18. [13] Sieper J. How to define remission in ankylosing spondylitis? Ann Rheum Dis 2012;2:93–5. [14] Pedersen S, Sorensen I, Garnero P, et al. ASDAS, BASDAI and different treatment responses and their relation to biomarkers of inflammation, cartilage and bone turnover in patients with axial spondyloarthritis treated with TNFa inhibitors. Ann Rheum Dis 2001;70:1375–81. [15] Van der Heijde D, Salonen D, Weissman BN, et al. Assessment of radiographic progression in the spines of patients with ankylosing spondylitis treated with adalimumab for up to 2 years. Arthritis Res Ther 2009;11:R127. [16] Godfrin-Valnet M, Puyraveau M, Prati C, et al. Flare in spondyloarthritis: thresholds of disease activity variations. Joint Bone Spine 2015;82:192–5. [17] Wendling D, Claudepierre P, Prati C. Early diagnosis and management are crucial in spondyloarthritis. Joint Bone Spine 2013;80:582–5.

Daniel Wendling ∗ Clément Prati Service de rhumatologie, CHRU de Besanc¸on, université de Franche-Comté, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on, France ∗ Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Wendling) Accepté le 30 juin 2015 Disponible sur Internet le xxx