La variole et le bioterrorisme

La variole et le bioterrorisme

Médecine et maladies infectieuses 34 (2004) 6–11 www.elsevier.com/locate/medmal Revue générale La variole et le bioterrorisme Smallpox and bioterror...

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Médecine et maladies infectieuses 34 (2004) 6–11 www.elsevier.com/locate/medmal

Revue générale

La variole et le bioterrorisme Smallpox and bioterrorism T. Debord Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital militaire Bégin, 94160 Saint-Mandé, France Reçu le 22 septembre 2003 ; accepté le 23 septembre 2003

Résumé Historiquement, le virus de la variole est le premier agent biologique à avoir été utilisé à des fins militaires. Il est considéré comme un des principaux micro-organismes potentiellement utilisables dans un contexte bioterroriste. En l’absence de maladie naturelle, du fait de son éradication déclarée en 1980, tout cas de variole avéré ou suspect doit de nos jours faire envisager une origine intentionnelle, provoquée. La rapidité du diagnostic du premier cas est essentielle dans la procédure d’alerte épidémiologique. Les différents aspects épidémiologiques, cliniques, diagnostiques et thérapeutiques de la maladie doivent ainsi être connus de tout praticien. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The variola virus was the first biological agent to be used as a military weapon. It is considered as one of the main agents that could potentially be used in the context of bioterrorism. Smallpox was declared eradicated in 1980. So, in case of a confirmed or suspected case of smallpox, a deliberate, intentional origin must be considered. The early diagnosis of the first case is essential for initiating an epidemiological alert. All physicians should be well informed of the epidemiological, clinical, diagnostic, and therapeutic aspects of smallpox. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Variole ; Bioterrorisme ; Arme biologique Keywords: Smallpox; Bioterrorism; Biological weapon

1. Introduction

2. Historique [1]

Pendant plusieurs siècles, la variole a constitué un véritable fléau pour l’humanité, jusqu’à son éradication proclamée en 1980 par l’OMS, suivie de l’abandon progressif de la vaccination. Paradoxalement, ce triomphe de la médecine moderne est à l’origine de notre vulnérabilité. La multiplication des groupes et des actions terroristes, à une époque où étaient mis à jour de vastes programmes de militarisation des agents biologiques par certains pays, ont fait craindre une évolution vers un nouveau type de terrorisme : le bioterrorisme. Cette crainte est devenue réalité fin 2001 aux ÉtatsUnis, avec l’envoi de lettres piégées au bacille du charbon. Parmi tous les micro-organismes, la variole fait partie des principaux agents biologiques potentiellement utilisables dans un contexte de bioterrorisme.

Avec la peste, aucune autre maladie n’a été plus dévastatrice et n’a détruit de civilisations que la variole. Si ses descriptions authentiques n’apparaissent qu’au IVe siècle en Chine, au VIIe siècle en Inde et au Xe siècle en Asie mineure, la maladie semble avoir été présente en Égypte il y a 3000 ans avant JC, comme en témoignerait la peau de momies (dont Ramsès V). Transmise par des prisonniers égyptiens aux Hittites en 1350 avant JC, elle est importée à la fin du premier millénaire en Inde par les marchands. Au début de l’ère chrétienne elle est endémique dans les vallées fortement peuplées du Nil et du Gange. À partir du foyer égyptien, elle s’étend dans le MoyenOrient et fait des incursions périodiques en Europe à la faveur des expéditions guerrières. Elle serait à l’origine de la peste

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medmal.2003.09.009

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d’Athènes en 430 avant JC, décrite par Thucydide, pendant la guerre du Péloponnèse, et, en 165 après JC, de la peste d’Antonin à Rome, ramenée de Mésopotamie par les armées romaines. En 450, Saint Nicaise, évêque de Reims, guérit de la maladie mais est décapité peu après par les Huns. Il deviendra le saint patron des victimes de la variole en Europe. À la fin du Xe siècle, Marius, évêque d’Avenches, en Suisse, utilise pour la première fois le mot latin variola (de varius : tacheté, ou varus : pustule). Au VIIe siècle, les armées arabes amènent la variole en Afrique du Nord, puis en Europe à partir de l’Espagne au VIIIe siècle, et en France. Dès lors, jusqu’au XVe siècle, la maladie devient endémique dans de nombreux pays d’Europe sauf la Russie, qui restera indemne jusqu’en 1623. À la fin du XVe siècle, l’apparition de la syphilis amène à différencier « la petite vérole » (variole ou smallpox) de la « grande vérole » (syphilis ou greatpox). Des épidémies dévastatrices vont émailler les XVIIe et XVIIIe siècle sur ce continent. Importée en Chine par les liaisons marchandes provenant de l’Ouest vers les années 50 après JC, la maladie s’étend à toute l’Asie. C’est au XIIe siècle qu’on rapporte en Chine la pratique de la variolisation par voie nasale alors que la variolisation par voie cutanée est introduite en Égypte au XIIIe siècle par les Mamelouks. La variole, établie en Afrique du Nord pendant les conquêtes islamiques des VIIe–VIIIe siècles, s’étend par les routes du commerce à travers le Sahara vers les populations d’Afrique de l’Ouest au XIe et XIIe siècles. Sur la côte ouest de l’Afrique, au sud de l’équateur, elle est importée par les navigateurs portugais au XVe–XVIe siècles et de là elle s’embarquera vers les Amériques via la traite des esclaves. Sur la côte est de l’Afrique, à partir du XIIe siècle, elle est périodiquement amenée des Indes par les marchands arabes et indiens. C’est de là que plus tard, l’Afrique du Sud sera touchée. L’intérieur du continent africain restera exempt de la maladie jusqu’au XIXe siècle. Il ne résistera pas à la traite des esclaves, aux expéditions, explorations, aux chasseurs d’ivoire, au développement des voies commerciales. Venant d’Espagne, la variole est introduite sur le continent américain aux Caraïbes, à Hispaniola en 1507. En avril 1520, une expédition espagnole part de Cuba pour le Mexique, emportant avec elle la maladie. Elle s’étend à l’intérieur du pays, décime les populations aztèques, atteint le Guatemala, ravage le pays Incas en 1524, puis diffuse à tout l’Ouest de l’Amérique du Sud. Le Brésil est atteint par la côte est en 1555. À la fin du XVIe siècle, tout le continent sud-américain est touché. Sur la côte est d’Amérique du Nord, la variole accompagne les colons venus de France, de GrandeBretagne et de Hollande. En 1617, la première épidémie tue de nombreux indiens du Massachusetts. D’autres épidémies dévastatrices vont suivre, décimant les tribus indiennes de l’intérieur. À la fin du XVIIe siècle, la guerre entre la France et la Grande-Bretagne dans ce qui allait devenir le Canada, favorise l’extension de la maladie. Longtemps cantonnée au nord et à l’est, elle s’étend, toujours aux dépens des tribus indiennes, à toute l’Amérique.

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Au milieu du XVIIIe siècle, la variole sévit partout sauf en Australie, où elle sera introduite en 1789, décimant les aborigènes. Si la variolisation a quelque peu limité l’impact de la maladie, c’est à la vaccination que l’on doit une réelle réduction de son impact au XIXe siècle. Mais au début du XXe siècle, elle est loin d’être contrôlée. À cette époque, on décrit en Afrique du Sud et aux États-Unis une forme mineure. En 1959, l’OMS décide d’entreprendre un programme d’éradication globale et de l’intensifier en 1956. Les dernières épidémies de variole sont observées en France en 1952 à Marseille (42 cas, 4 décès, 570 000 doses de vaccins distribuées) et en 1955 en Bretagne (à Vannes et à Brest, 95 cas, 20 décès, plus de 5 millions de personnes vaccinées) [2]. La dernière épidémie en Europe se déclare en février 1972 en Yougoslavie, au retour d’un pélerinage de musulmans à la Mecque. Elle atteindra 175 personnes, faisant 35 décès et nécessitant 18 millions de vaccinations. Le 26 octobre 1977, Ali Maow Maalin est le dernier patient à être atteint de maladie naturelle à Merca, en Somalie. En 1978, en Angleterre, deux cas seront liés à une contamination à partir d’un laboratoire de virologie à l’université de Birmingham. Le 8 mai 1980, l’OMS déclare l’éradication de la variole. L’obligation de primovaccination est suspendue en France par la loi du 2 juillet 1979, l’obligation définitive de vaccination est suspendue par la loi du 3 mai 1984.

3. Variole et armes biologiques Le virus de la variole est le premier agent biologique à avoir été utilisé à des fins militaires. En 1763, sir Jeffrey Amherst, commandant les troupes britanniques en Amérique du Nord, apprend qu’une épidémie de variole s’est déclarée parmi ses troupes stationnées à Fort Pitt en Pennsylvanie. Il adresse une lettre à l’un de ses subordonnés, le Colonel Bouquet, pour lui demander de tenter de répandre la maladie chez les indiens. La distribution de couvertures contaminées par le virus de la variole provoqua une épidémie parmi les tribus de la vallée de l’Ohio. Après avoir ratifié la convention de 1972 sur l’interdiction des armes biologiques, l’URSS créée en 1973 et 1974 une vaste organisation connue sous le nom de « Biopreparat » qui atteint son apogée en 1980. Sous couvert d’activités de recherches et de productions biotechnologiques civiles légales, ce complexe de 52 sites répartis sur le territoire de l’Union Soviétique, employant plus de 30 000 personnes dont 9000 scientifiques, se livrait à un vaste programme sur les armes biologiques [3]. L’institut de biologie moléculaire Vector à Koltsovo, près de Novossibirsk, avait pour mission la production de virus de la variole. Le projet variole débuta en 1987, et en 1990 le bâtiment 15 pouvait fabriquer entre 80 et 100 tonnes de virus par an. À l’institut de virologie de Zagorsk (aujourd’hui Sergiev Possad), 20 tonnes d’agents de la variole étaient stockés dans des cuves réfrigérées. Au sein de Vector, des chercheurs se livraient à des manipulations génétiques. Ils avaient réussi à insérer une copie du génome

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Tableau 1 Estimation des cas cumulés de variole après exposition au virus, sans aucune intervention (d’après [7]) Estimation of cumulative cases of smallpox after exposure to the virus, without any management (according to [7]) Nombre de sujets infectés 10 1000

Taux de transmission 3 3

du virus de l’encéphalite équine du Venezuela dans le génome de la vaccine (qui n’était qu’un substitut avant les recherches sur le virus de la variole). Après avoir déclaré la variole éradiquée en 1980, l’OMS n’avait autorisé la conservation de stocks du virus que dans deux sites dans le monde : le Center for Disease Control à Atlanta aux États-Unis et l’institut de virologie Ivanoski à Moscou en URSS. En 1994, pour « couvrir » le travail de Vector sur la variole, les autorités soviétiques font transférer les stocks de virus du site officiel de Moscou à Koltsovo, mettant l’OMS devant le fait accompli. Après la chute de l’Union Soviétique, de nombreuses questions restent posées sur la destruction des énormes stocks produits, sur le devenir de toutes ces installations et des chercheurs, dont beaucoup ont quitté l’« Entreprise » Biopreparat pour des pays plus rémunérateurs. Le virus de la variole fait ainsi partie des agents biologiques dont la probabilité d’utilisation dans le cadre du bioterrorisme est fortement envisagée. Il appartient à la catégorie A des agents biologiques dans la classification des CDC, en raison de son impact sur la santé publique en termes de morbidité et de mortalité, de ses capacités de dissémination liées à sa contagiosité sur une population en grande partie réceptive du fait de l’arrêt de la vaccination, de ses effets de désorganisation socio-économique et de « panique » [4]. Les craintes sont renforcées par les possibilités de manipulations génétiques sur le virus. Un exemple en a été récemment donné par une équipe australienne travaillant sur un virus Ectromelia (poxvirus de souris). Pour pouvoir contrôler les populations murines par un vaccin contraceptif, ils ont introduit un gène codant pour une protéine embryonnaire de souris dans le virus Ectromelia. Afin d’améliorer la réponse immunitaire, ils ont ensuite intégré le gène de l’interleukine 4 dans le génome de ce virus. Le virus mutant est devenu létal pour toutes les souris infectées, y compris celles préalablement vaccinées [5]. Plusieurs scénarios d’utilisation bioterroriste de la variole ont été imaginés, depuis le « vecteur humain » volontairement infecté, empruntant les transports en commun d’une grande ville, à la diffusion d’un aérosol du virus dans le système d’aération d’un bâtiment, ou encore à la dispersion par un nébuliseur portable d’un aérosol contaminé dans un terminal d’aéroport ou un hall de gare [6]. Des modélisations mathématiques ont également été effectuées pour évaluer les conséquences de telles attaques. On estime qu’1 g de virus aérosolisé peut infecter 100 personnes. Le taux de transmission de cette maladie contagieuse, c’est-à-dire le nombre de cas secondaires induits par un cas de variole est évalué entre 3 et 10. Le taux de létalité chez les non vaccinés est d’environ 30 % pour la forme majeure de la maladie.

Total de cas cumulés 30 jours 64 6387

90 jours 4478 447 794

180 jours 2,2 millions 222 millions

365 jours 774 billions 77 trillions

Le Tableau 1 rapporte les estimations de cas cumulés de variole après exposition au virus, sans aucune intervention (vaccination ou isolement) [7]. À l’occasion de l’exercice fictif « Dark Winter », où 3000 personnes étaient contaminées un 1er décembre lors de trois attaques simultanées dans des centres commerciaux de trois villes des États-Unis, le 22 décembre, 16 000 cas étaient rapportés, et le 6 février suivant on dénombrait 3 millions de cas et 1 million de décès [8]. 4. Épidémiologie 4.1. Le virus de la variole [9] Il appartient à la famille des Poxviridae, au genre Orthopoxvirus, qui outre le virus de la variole comprend trois virus transmissibles à l’homme : le virus de la vaccine, le cowpox et le monkeypox. Ce sont les plus gros des virus animaux, en forme de briques ou ovoïdes en microscopie électronique, mesurant environ 300 × 200 × 100 µ. Il n’y a aucune caractéristique morphologique permettant de distinguer les poxvirus entre eux. Ce sont des virus inconstamment enveloppés, à ADN linéaire, double brin, de 130 à 375 kpaires de base, se répliquant dans le cytoplasme des cellules. Il y a deux souches de virus de la variole responsables de la variole majeure et mineure. Elles sont immunologiquement identiques. Il existe des réactions sérologiques croisées entre les différents poxvirus, à la fois dans les tests in vitro et dans les tests animaux. En culture cellulaire, seules les cultures sur membrane chorio-allantoïdienne d’œufs de poule embryonnés produisent des lésions nodulaires caractéristiques de l’espèce (les pocks). Les croûtes contiennent du virus qui peut rester infectieux pendant huit à 12 semaines à température de 26 °C. L’infectivité persiste plusieurs mois à 4 °C. Le virus de la vaccine, répandu par aérosol, est presque complètement détruit en six heures à 31–33 °C, en atmosphère humide (80 %). À température de 10–11 °C et humidité plus basse (20 %), 2/3 du virus aérosolisé survit pendant 24 heures [10]. On pense que le comportement du virus varioleux serait similaire. Le virus est inactivé par le chloroforme, l’hypochlorite et les ammoniums quaternaires. La chaleur pendant dix minutes à 60 °C, et l’autoclavage, détruisent le virus de la variole et de la vaccine [11]. 4.2. Le réservoir de virus Il est exclusivement humain. Il existe une protection croisée entre toutes les infections à orthopoxvirus.

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4.3. La transmission [12] La variole est une maladie contagieuse. La dose infectante est évaluée entre 10 et 100 particules virales. Les titres viraux sont maximum dans les sécrétions oropharyngées aux 3e et 4e jours de la maladie, juste après l’apparition du rash, et pendant la première semaine suivante. La transmission se fait essentiellement par contact direct avec le malade, pendant la première semaine du rash, par inhalation de gouttelettes contaminées. Les personnes les plus à risque sont les contacts rapprochés, dormant dans la même chambre ou le même lit, puis ceux vivant sous le même toit. Beaucoup plus rarement, l’infection peut être transmise à distance par voie aérienne, par l’intermédiaire de fines gouttelettes émises à l’occasion de toux ou d’éternuement. La transmission peut également être assurée directement par les mains ou des objets contaminés avec de la salive ou des sécrétions nasales infectées. Le malade reste théoriquement contagieux jusqu’à la chute des croûtes mais le degré de contagiosité décroît à partir du moment où les lésions muqueuses disparaissent, à la fin de la deuxième semaine. Les lésions cutanées sont peu infectantes, le virus étant enclos dans une matrice fibrineuse. Les vêtements ou la literie contaminés peuvent aussi être à l’origine d’une transmission du virus, notamment en milieu de soins.

5. Physiopathologie [13] Le virus pénètre dans l’organisme le plus souvent par voie respiratoire. Il se multiplie dans les cellules muqueuses et les ganglions lymphatiques régionaux. Une virémie transitoire au 3e et 4e jours assure la diffusion du virus (foie, rate, moelle osseuse, ganglions). Une deuxième virémie débute vers le 8e jour. Le virus intraleucocytaire envahit les cellules capillaires du derme et de l’oropharynx, marquant la fin de la phase d’incubation. Les lésions oropharyngées s’ulcèrent rapidement en raison de l’absence de couche cornée, libérant de grandes quantités de virus dans la salive au moment où le rash cutané devient visible.

6. Clinique [14] La phase d’incubation de la forme typique de variole majeure dure de dix à 14 jours, en moyenne 12 jours, avec des extrêmes allant de sept à 19 jours. La maladie débute par une phase prodromique prééruptive, caractérisée par l’apparition brutale d’une fièvre élevée avec frissons, de céphalées, de douleurs dorsolombaires très importantes avec malaise et prostration. Elle dure deux à trois jours, puis la température baisse sous les 38 °C. Un énanthème apparaît en premier sur la langue et les muqueuses oropharyngées. Deux à quatre jours après le début de la

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fièvre, un rash maculaire se développe sur le front et les tempes puis il gagne le reste de la tête, les avant-bras, et s’étend en une seule poussée sur 24 heures sur le tronc et les jambes. Au 2e jour de l’éruption, les macules se transforment en papules de 2 à 3 mm de diamètre, puis au 3e–5e jour apparaissent les vésicules de 2 à 5 mm de diamètre. Les lésions ont à ce stade la forme, la taille et la consistance d’un pois cassé inclus dans la peau. Les vésicules ont l’aspect d’une perle de verre, dure au palper. Leur contenu se trouble en 24–48 heures. Au 7e jour, toutes les lésions sont pustulaires, de 4 à 6 mm, rondes, tendues, profondément enchâssées dans le derme. À cette période la fièvre peut réapparaître et persister jusqu’à la formation des croûtes, en l’absence de surinfection. À partir du 11e de jour de l’éruption, les pustules s’ombiliquent, s’aplatissent et les croûtes apparaissent à la fin de la 2e semaine du rash. La décrustation débute, laissant une zone dépigmentée. Elle se poursuit jusqu’au 30e jour, des cicatrices indélébiles persistant chez 65 à 80 % des survivants. L’éruption de la variole évolue de façon centrifuge, en une seule poussée, prédominant sur la face et les extrémités en dessous des coudes et des genoux, atteignant la paume des mains et la plante des pieds. Il y a davantage d’éléments sur les épaules que sur le tronc, et plus à la face d’extension des membres qu’à la face de flexion. Dans une même zone, toutes les lésions sont du même âge, ont le même aspect. L’éruption est le plus souvent discontinue, séparée par de la peau saine, elle peut être semi-confluente ou confluente (notamment sur le visage et les membres). Les surinfections bactériennes sont fréquentes. Le décès survient le plus souvent dans la deuxième semaine de la maladie, lié à une toxémie. Des complications sont possibles, kératite virale ou surinfection oculaire à l’origine de panophtalmie et de cécité dans 1 % des cas, encéphalite chez moins de 1 % des patients, complications respiratoires, ostéoarthrite par atteinte des zones de croissance des os longs à l’origine de déformation. Dans cette forme, le taux de létalité est évalué à 30 %. Quatre formes cliniques sont individualisées : • la variole hémorragique (moins de 3 % des cas) qui peut s’observer à tout âge, mais surtout chez les femmes enceintes. L’incubation est plus brève, la phase prééruptive plus sévère. L’érythème est foncé, suivi par des hémorragies cutanéomuqueuses. La mort survient dans la première semaine de la maladie ; • la variole maligne (moins de 7 % des cas), de début brutal, avec des lésions cutanées confluentes déterminant des décollements épidermiques étendus, n’évoluant jamais vers les pustules, mais restant souples, aplaties, veloutées au toucher. La suppuration survient au 5e–7e jour, de véritables nappes de pus soulèvent l’épiderme à la face et aux extrémités. La fièvre reste élevée pendant toute l’évolution de la maladie avec des symptômes toxiques graves. Le taux de létalité est de 97 % ; • la variole mineure ou alastrim, moins grave, avec des symptômes plus atténués, une éruption plus clairsemée. La mortalité y est inférieure à 1 % ;

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• la variole sans éruption (variola sine eruptione) était observée chez les contacts vaccinés, et limitée à une réaction fébrile. 7. Diagnostic différentiel Dans la forme typique, le diagnostic se pose avec les autres éruptions fébriles, notamment : • la varicelle où les prodromes sont modérés ou absents. Les lésions, superficielles, prurigineuses, apparaissent en plusieurs poussées, d’âge différent dans une même région du corps, sont à distribution centripète (plus denses sur le tronc que sur la face et les extrémités), d’évolution rapide, respectant la paume et la plante des pieds. Mais le diagnostic est difficile dans les varicelles graves de l’adulte avec éruption diffuse, parfois hémorragique ; • le zona disséminé chez le sujet âgé ou immunodéprimé où l’éruption débute sur un dermatome ; • l’herpès disséminé ; • le monkeypox où l’aspect de l’éruption est similaire mais elle s’associe à des adénopathies volumineuses. Des arguments épidémiologiques avec séjour en zone forestière d’Afrique Centrale sont déterminants ; • la rougeole avant l’apparition des vésicules ; • la syphilis, devant une éruption maculopapuleuse ; • l’érythème polymorphe où l’éruption est parfois vésiculeuse, profuse. Le début du rash coïncide avec le début des symptômes. Il s’associe à une stomatite et à une conjonctivite, mais peut parfois prêter à confusion avec la forme maligne ; • les éruptions d’origine médicamenteuse. La variole hémorragique amène à discuter les purpuras fébriles notamment les infections à méningocoque et les leucoses aiguës. 8. Diagnostic biologique Le virus de la variole est un micro-organisme de classe 4, ne pouvant être manipulé que dans des laboratoires agréés, de haute sécurité P4. L’acheminement des prélèvements en triple emballage étanche vers ces structures, doit satisfaire à la réglementation en vigueur sur le transport des substances contagieuses. Les échantillons doivent être recueillis par une personne récemment vaccinée, portant une tenue de protection (masque de protection respiratoire, gants). Les échantillons de sang, de salive, de liquides vésiculaires ou des pustules, des croûtes, peuvent être transportés et conservés pendant de courtes périodes sans réfrigération. Au laboratoire, le diagnostic peut être effectué de façon présomptive [11] : • sur frottis du produit des lésions coloré au Giemsa, visualisant les corps de Guanieri ; • par examen en microscopie électronique révélant les particules à morphologie typique d’orthopoxvirus .

La culture sur membrane chorio-allantoïdienne entraîne la formation en 2–3 jours de lésions d’aspect différent pour les virus de la variole et de la vaccine. Le virus de la variole peut être mis en culture cellulaire avec effet cytopathique observé en cinq à huit jours. Des antigènes spécifiques peuvent être détectés en trois à 24 heures sur les produits biologiques par immunofluorescence, avec utilisation d’anticorps monoclonaux. Des techniques de biologie moléculaire existent pour l’identification du genre orthopoxvirus et pour le diagnostic d’espèce. En pratique, ces méthodes, réalisables au sein des laboratoires des hôpitaux référents, seraient celles pratiquées en cas de suspicion de variole. 9. Conduite à tenir En l’absence de maladie naturelle, tout cas de variole avéré ou suspecté doit de nos jours faire envisager une origine intentionnelle, provoquée. La rapidité de l’alerte épidémiologique est liée à la perspicacité du clinicien confronté au premier cas. L’expérience passée montre que même avant l’éradication de la maladie, le retard au diagnostic était toujours important. Au cours de l’épidémie de Yougoslavie en 1972, le cas index, malade le 21 février, et les 11 cas secondaires, n’ont pas été diagnostiqués. Le diagnostic de variole n’a été fait que le 14 mars chez quatre autres malades. Ce délai serait plus long actuellement étant donné le manque d’expérience des médecins. Tout médecin ou biologiste suspectant un cas de variole ou d’autre orthopoxvirose doit le signaler sans délai au médecin inspecteur de santé publique de la DDASS par téléphone ou télécopie [15]. L’investigation qui suivra aura pour but de confirmer le diagnostic, d’identifier d’autres cas liés au signalement, de déterminer le mode de transmission et la source d’exposition, de définir la population exposée et les sujets contacts. En pratique, est défini comme sujet contact : • toute personne ayant séjourné, ou ayant eu un contact face à face proche (inférieure à 2 m), avec le malade, depuis le début de la fièvre jusqu’à la chute des croûtes ; • le personnel de laboratoire ayant manipulé des prélèvements biologiques du malade susceptibles de contenir du virus ; • le personnel ayant été en contact étroit avec des éléments de literie du malade, ayant participé à l’élimination des déchets médicaux ou ayant participé à la désinfection des locaux ayant abrité le malade. Le malade doit faire l’objet d’un isolement strict en milieu hospitalier, si possible en chambre à pression négative, jusqu’à la chute des croûtes. Les précautions standards de prévention de transmission d’agents transmissibles par voie aérienne et cutanée devront être strictement respectées. Les linges et déchets seront placés dans des sacs spéciaux et autoclavés, la chambre est décontaminée après utilisation. Les sujets contacts asymptomatiques, donc non contagieux, seront simplement surveillés à domicile pendant

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17 jours après la dernière exposition, avec prise biquotidienne de température. La survenue d’une fièvre (T > 38 °C) sera interprétée comme le début de la maladie et justifiera la mise en isolement du sujet. La vaccination antivariolique pratiquée dans les quatre jours après exposition prévient ou atténue la maladie.

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que. Elle se poursuit par des politiques de recherche et de développement en matière de diagnostic, de vaccins, de nouveaux traitements, par la formation des professionnels de santé. Les actions menées actuellement dans le cadre du risque lié au virus de la variole en sont un parfait exemple. Références

10. Traitement Il n’y a pas de traitement antiviral spécifique actuellement disponible pour la variole. La méthisazone (Marboran®) n’est plus disponible et n’avait qu’une activité modérée in vitro sur le virus varioleux. Les données in vitro retrouvent une efficacité sur le virus du cidofovir et de la ribavirine. Des modèles expérimentaux animaux ont montré une efficacité de protection du cidofovir, administré après exposition à un orthopoxvirus (monkeypox, cowpox ou virus de la vaccine). Il n’y a aucune donnée actuelle sur l’utilisation du cidofovir en prophylaxie ou en traitement des infections humaines dues au virus de la variole, au virus de la vaccine ou au monkeypox. La ribavirine et le cidofovir pourraient être envisagés pour le traitement des complications neurologiques ou cutanées, sachant que la ribavirine ne passe pas la barrière hématoencéphalique. Le traitement est uniquement symptomatique, avec en particulier utilisation d’antibiotiques antistaphylococciques pour traiter les surinfections bactériennes (oxacilline, cloxacilline).

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11. Conclusion [14]

La sensibilisation des pouvoirs publics au risque bioterroriste remonte à plusieurs années. Elle s’est concrétisée par l’élaboration de plans d’intervention, de protocoles thérapeutiques, par l’intensification de la surveillance épidémiologi-

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