L’alimentation diversifi ée des nourrissons : le « fait maison »

L’alimentation diversifi ée des nourrissons : le « fait maison »

Table ronde Les aliments industriels non lactés destinés aux nourrissons et enfants en bas âge : un intérêt pour leur santé ou un fait de société ? ...

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Table ronde

Les aliments industriels non lactés destinés aux nourrissons et enfants en bas âge : un intérêt pour leur santé ou un fait de société ?

L’alimentation diversifiée des nourrissons : le « fait maison » A. Bocquet 1 rue A. Rodin, 25000 Besançon, France

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our l’alimentation diversifiée de l’enfant pendant ses premières années l’industrie propose des aliments cuisinés sous différentes présentations, pour chaque repas de la journée. Cette solution bien adaptée pour cet âge n’exclut cependant pas la possibilité de proposer des repas préparés à la maison, et dans ce cas quels en sont les avantages et les inconvénients ?

Les biscuits peuvent être confectionnés à la maison, ce qui permettra, en comparaison avec les « biscuits-bébé », de diversifier les saveurs et les textures proposées. Les jus de fruits peuvent être proposés frais, en choisissant des fruits savoureux et peu acides, à condition de les consommer rapidement pour éviter l’oxydation des vitamines [1,2].

1.2. La variété des saveurs

1. Différence de goût 1.1. La diversité des produits Différents légumes ne sont pas proposés dans les « petits pots », ou très rarement, ce qui réduit les possibilités d’éducation du goût du petit enfant. D’autre part les légumes sont souvent présentés en mélange ce qui ne facilite pas l’apprentissage de la saveur de chaque légume. Les fruits sont généralement proposés dans les « petits pots » en compote, et souvent les saveurs sont mélangées. Il est souhaitable que l’enfant découvre un fruit à la fois pour en apprendre la saveur particulière, au moins pendant les premiers mois de la diversification. À la maison il sera possible de proposer les fruits non seulement en compote mais aussi sous forme de fruits frais ou surgelés, mixés ou en morceaux selon l’âge. Les viandes sont variées dans les « petits pots », mais les abats en sont absents alors qu’ils sont riches en fer et qu’il semble souhaitable d’en proposer après l’âge d’un an, mais avant la période de néophobie. Certains poissons ne sont pas présents dans les « petits pots ». Il est bon de faire découvrir le goût des fruits de mer, dont les qualités nutritionnelles (fer, calcium, iode) sont intéressantes. L’œuf n’est pas proposé dans les « petits pots » comme alternative à la viande et au poisson. Si l’enfant consomme au moins 250 ml de lait de croissance par jour, ses besoins en fer, acide alpha-linolénique et vitamine E sont couverts, sous réserve d’une alimentation diversifiée par ailleurs. Il peut donc consommer des laitages courants. Il est possible de réaliser à la maison ses propres yaourts ou fromages blancs à partir de laits de vache, de chèvre, ou de brebis, qui peuvent être «  bio  », en respectant les conditions d’hygiène habituelles.

Correspondance. e-mail : bocquet.a@ wanadoo.fr

292 © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19:292-293

Dans la cuisine faite à la maison, on peut éviter la monotonie en jouant avec les épices dans les compotes et les biscuits (vanille, cannelle, etc.) ou dans les légumes, la viande et le poisson (muscade, cumin, coriandre, etc.) en limitant le poivre et le piment peu appréciés des petits. Les herbes et plantes aromatiques (basilic, persil, ciboulette, estragon, aneth, laurier, thym, romarin, etc.) permettent de varier les recettes en modifiant les goûts et de mettre de la couleur dans les plats. Un peu d’oignon, d’échalote, ou d’ail ajouté à la cuisson peut permettre de faciliter l’acceptabilité de certains légumes plus fades, et de varier les recettes.

2. Différence de coût 2.1. Le coût des aliments industriels Les prix moyens sont de 1 € pour un « petit déjeuner-bébé », 1 à 1,80 € pour un « petit pot » légumes – viande ou poisson, 1,80 à 2,20 € pour une « assiette bébé » légumes – viande ou poisson, 0,50 à 1 € pour un « petit pot » de fruits, 0,50 € pour un « laitage – bébé », 0,10 à 0,20 € pour un « biscuit-bébé », 1 à 1,30 € pour une « soupe-bébé » ou un « dîner – bébé ». Au total le budget total de la journée se situe, en fonction de l’âge de l’enfant et des produits choisis, entre 4,60 et 7 €. Pour un seul enfant, chaque mois, cela représente un budget de 138 à 210 €, alors que le SMIC net est à 1100 €. Avec le fait maison, le coût du petit déjeuner et du goûter est divisé par 2, alors que les repas de midi et du soir ont un coût divisé par 4 environ, soit une économie mensuelle se situant entre 92 et 146 €.

2.2. Le coût du «fait maison» Les aliments de saison sont moins coûteux, ceci est vrai pour les fruits et les légumes, mais aussi pour les viandes (l’agneau à Pâques, le veau à la Pentecôte, la dinde à Noël) et les produits

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de la mer (cabillaud et merlan de janvier à mars, colin de mars à juillet, sardine, sole et thon en juin, maquereau de mai à août). De plus les fruits et les légumes de saison ont nettement plus de saveur. Les aliments surgelés sont intéressants car ils ont conservé leurs valeurs nutritionnelles, souvent mieux que les produits frais de la grande distribution. Ils sont prêts à être cuisinés, sans épluchage. Enfin ils sont souvent économiques, surtout si on profite de promotions. L’achat des aliments au marché peut être l’occasion d’une sortie souvent appréciée des enfants, et d’un apprentissage du nom des fruits, des légumes, des poissons, etc. Les produits proposés sont souvent intéressants, surtout si l’on s’adresse à des producteurs locaux avec des produits fraîchement cueillis, qui de plus peuvent être «bio». La fin du marché est souvent l’occasion de bonnes affaires. Les légumes du potager familial sont une excellente solution, à condition que leur culture soit réalisée en limitant l’usage des pesticides et des engrais, et que leur durée de conservation soit courte.

3. Respect de la sécurité alimentaire 3.1. Les aliments destinés aux bébés et aux enfants en bas âge, proposés par l’industrie Ils sont soumis de façon stricte à la réglementation des denrées alimentaires et à la réglementation «cadre» diététique (directive 2009/39/CE, décret n °91-827)  [3]. Leur composition doit être adaptée pour les apports d’énergie, de protéines, de glucides, de lipides, de vitamines et minéraux, et limitée en sel. La sécurité est très contrôlée avec l’interdiction des conservateurs, des colorants, des édulcorants, des arômes artificiels, et des hormones. Un nombre très limité d’additifs est autorisé. La quantité de contaminants est très contrôlée : pour les pesticides, les nitrates, les mycotoxines, les métaux, etc. Enfin, il existe une surveillance des contaminants microbiologiques après stérilisation ou pasteurisation.

3.2. Les aliments « bio » Ils sont de plus en plus disponibles tant pour les fruits et légumes que pour la viande et les œufs. Leur coût est souvent un peu plus élevé, mais la culture «  bio  » exclut les engrais chimiques et les pesticides. Les aliments de consommation courante contiennent volontiers plus de pesticides et de contaminants que les aliments spécifiques bébé qui ne s’appellent pas « bio » pour autant.

4. Conseils pratiques Dans le «fait maison», le sel doit être limité. Il faut éviter les graisses cuites et les fritures, mais il faut ajouter des matières grasses, crues de préférence, sur les légumes cuits à la vapeur ou bouillis : 1 à 2 cuillères à café d’huile végétale (colza, noix, soja, maïs, olive), mais aussi du beurre ou de la crème fraîche. Il n’est pas nécessaire de proposer des apports de protéines (viande, poisson, œuf) supérieurs à 10 g/j entre 6 et 12 mois, 20 g/j pendant la 2e année, 30 g/j pendant la 3e année, etc. Lors de la préparation d’un repas par la mère (ou le père) l’investissement affectif est important depuis le choix des produits jusqu’à la préparation et la dégustation par l’enfant. Il est possible de surgeler des préparations «maison» pour gagner du temps en cuisine, pour profiter de bons légumes ou fruits, pour varier les aliments proposés les jours suivants, et avoir à disposition un repas tout prêt en cas de manque de temps.

5. Conclusion Les aliments « spécifiques bébé et enfant en bas âge » proposés par l’industrie ont une composition tout à fait adéquate sur le plan nutritionnel car ils suivent les recommandations pour l’apport des différents nutriments à chaque âge, et ils respectent la réglementation pour la sécurité alimentaire. Ils sont pratiques pour des parents qui ont une vie socioprofessionnelle intense. Cependant le «fait maison» peut être surgelé pour les parents qui ont peu de temps libre, il est plus économique, plus varié et volontiers plus savoureux, mais la cuisine réalisée à la maison doit respecter certaines règles lorsqu’elle s’adresse aux très jeunes enfants.

Références [1] Agostoni C, Decsi T, Fewtrell M, et al; ESPGHAN Committee on Nutrition. Complementarity feeding: a commentary by the ESPGHAN Comittee on nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2008;46:99-110. [2] Bocquet A. La diversification alimentaire. In: « Alimentation de l’enfant en situation normale et pathologique  ». O.  Goulet, D. Turck et M. Vidailhet coordinateurs. 2e édition, DOIN éditeurs, Paris, chapitre 14, à paraître. [3] Directive 2009/39/CE du parlement européen et du conseil, du 6 mai 2009, relative aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/ LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:124:0021:0029:FR:PDF

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