Le bonheur est dans le pré

Le bonheur est dans le pré

Rev M6d Interne 2002 ; 23 Suppl 2 : 241-3 © 2002 l~ditions scientifiques et mddicales Elsevier sAs. Tous droits r6serv6s Le bonheur est dans le pr6 A...

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Rev M6d Interne 2002 ; 23 Suppl 2 : 241-3 © 2002 l~ditions scientifiques et mddicales Elsevier sAs. Tous droits r6serv6s

Le bonheur est dans le pr6 A.M. Piette ~, Y. Le Guen 2, L.J. Couderc

2, O. B16try ~

SService de m6decine interne, hOpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes, France ; 2service de pneumologie, hOpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes, France

Expert-consultant : G. Kanny Service de m~decine interne, h5pital Central, 29, avenue du MarechaI-De-Lattre-de-Tassigny, 54000 Nancy, France

FAITS C L I N I Q U E S Mademoiselle V., 21 ans, d'origine guadeloup6enne, n6e en France, n ' a pas d'ant6cddents notables. Elle est fleuriste et fume 10 cigarettes par jour depuis 1' fige de 18 ans. Elle signale depuis 1997 la survenue de taches purpuriques de la paume des mains et de la pulpe des doigts et des orteils survenant pr6f6rentiellement en p6riode hivernale, sans syndrome de Raynaud, sans arthralgies ni autres signes cutan6s ou muqueux, sans dyspn6e ni toux. En mai 2001, la patiente est bri~vement hospitalis6e en M6decine Interne. Les anomalies sus cit6es des mains sont encore pr6sentes. Le reste de l'examen clinique est normal. La num6ration formule sanguine est normale, la VS est ~t 20 mm, la CRP ~t 1.5mg/L, les facteurs anti nucl6aires sont positifs au 1/640 e homog~nes, sans anti DNA natif ni anti ECT, le C3 et le C4 sont normaux. L'61ectrophorbse des protides est normale en dehors d'une hypergamma globulin6mie h 14.4 g/L d'allure polyclonale. I1 n ' y a pas d'antiphospholipides. La capillaroscopie montre des m6gacapillaires et des dystrophies de haut grade. Le test de marche et la radiographie thoracique sont normaux. Le scanner thoracique est normal en dehors d'un nodule pari6tal post6ro-basal gauche, enlev6 par thoracoscopie le 25 juin 2001 et qui s'av~re atre un kyste bronchog6nique paramesophagien. La patiente est mise le 5 mai sous 7.5 mg de Cortancyl ® et 400mg de Plaquenil ®. Le 14 juin, les 16sions cutan6es ont disparu. Le 14 juillet, alors que la patiente est sous le m~me traitement, survient une fi~vre ~t 39 ° avec une sensation d'oppression thoracique droite et une toux, insensibles au Clamoxyl ®. Le 22 juillet, la radiographie et le scanner thoracique montrent une pneumopathie avec broncho-

gramme adrien lobaire sup6rieur droite. La modification de l'antibioth6rapie par Augmentin ® et Erythromycine ® est inefficace. Un lavage alv6olaire, le 25 juillet, est de couleur verte, contenafit 1 260 000 616ments dont 54 % de polynucl6aires peu altdrds, 3 1 % de lymphocytes, principalement T, et 4 % d'6osinophiles. Les colorations et les cultures pour agents infectieux sont n6gatives. I1 existe des structures bi-r6fringentes autour des polynucl6aires neutrophiles en lumi~re polaris6e. Une biopsie pulmonaire transpari6tale du lobe sup& rieur droit le 30 juillet montre des alv6oles 6paissies avec un infiltrat inflammatoire lymphocytaire ; pas d'agents pathog6nes sur les colorations. Le Ziehl et le Grocott sont n6gatifs. La patiente regoit 120 mg de Solumddrol ®par jour avec en 48 heures une franche am61ioration clinique, radiologique et biologique (la CRP passe de 250 5. 50 mg/L). Un relais est pris par 60 mg de Cortancyl ® mais le 4 aout, la fibvre r6apparait ~t 40 ° avec un important syndrome inflammatoire, une hypoxie s6v~re et une extension des 16sions au lobe inf6rieur droit avec apparition de 16sions h gauche au scanner.

Uaspect capillaroscopique peut 6tre un ~l~ment pr~curseur de scl6rodermie, de connectivite mixte ou de dermatomyosite. I'absence de syndrome de Raynaud, le profil anticorps peu ~vocateur contrarie cette hypothese diagnostique. La pr6sence de m6gacapillaires a une sp6cificit6 diagnostique de connectivite estim~e & 93 %. Le purpura conduit b. envisager les diff~rentes vascularites & expression cutanee pref~rentielle: polyang~ite microscopique,

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Les Printemps de la m6decine interne

maladie de Wegener, purpura rhumatoi'de, ang~ite d'hypersensibilit~, cryoglobulin~mie. La predominance hivernale du purpura nous conduit & privil~gier la derni~re hypothese. ,~ ce moment, les ~l~ments que nous souhaiterions connaftre sont I'aspect biopsique du purpura, la recherche d'une cryoglobulinemie, des ANCA, la s~rologie de rh~patite B, Cet ViH. I'histoire se complique, 4 ans plus tard, par une pneumopathie syst6matisee, insensible & I'antibioth~rapie (amoxicilline, acide clavulanique et erythromycine), sans germes infectieux ~vident. Le liquide de lavage alveolaire est de formule panach~e riche en neutrophiles et lymphocytes. Les polynucl~aires neutrophiles sont peu alt6r~s, ce qui est plus en faveur d'une etiologie inflammatoire qu'infectieuse. La corticosensibilitE~~loigne I'hypoth~se infectieuse. Nous souhaitedons connaftre I'aspect des macrophages: temoignent-ils d'une exposition avec retention des particules ? II est important de pr~ciser la nature des corps bir~fringents pros des polynucl~aires neutrophiles : quelle forme ont-ils ? Sont-ils ubiquitaires ? Leur abondance atteint-elle le seuil de signification ? Un Iiquide de lavage broncho-alv~olaire vert ce n'est pas courant. Voulait-on dire verd&tre, purulent ou vert-noir comma cela est d~crit chez les fumeurs de Marijuana [1] ? Quelles hypotheses diagnostiques reste-t-il ? Le syndrome d'Erasmus, scl6rodermie dans un contexte de silicose est ~voqu~ devant raspect capillaroscopique, I'alv~olite & pr6dominance neutrophilique, la presence de corps birefringents mais I'aspect de la pneumopathie n'est pas habituel et la r~ponse & la corticoth~rapie occasionnelle [2]. Une pneumopathie organisee d'origine professionnelle (la fleuriste peint-elle ses fleurs en vert ?) [3], d'origine m~dicamenteuse, par toxicomanie [4], ~aspect radiologique, la r~ponse & la corticoth~rapie sont compatibles mais la formule du lavage alv~olaire est habituellement plus macrophagique et lymphocytaire. Une pneumopathie d'inhalation par un m6canisme d'hypersensibilite aigue. La clinique, la formule du lavage alv~olaire, I'aspect de la biopsie pulmonaire rendent ce diagnostic le plus probable. I'hypoth~se d'une ang~ite et d'une pneumopathie d'hypersensibilit~ ~voluant dans un contexte d'une toxicomanie apparaft la plus vraisemblable. Et nous r~ecrivons I'histoire de la fleuriste : Elle cultive du cannabis, le bonheur est dans le ,, spray ,~... la couleur verte, les corps bir~fringents etles antig~nes responsables de la pneumopathie (antig~nes fongiques ?) aussi .... Le purpura entre dans le cadre d'une poiytoxicomanie [5, 6].

REFERENCES 1

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5 6

Cunnington D, Teichtahl H, Hunt JM, Valentine R. Necrotizing pulmonary granulomata in a marijuana smoker. Chest 2000 ; 117 : 15111515. Sanchez-Roman J, Wichmann I, Salaberri J, Varela JM, Nunez-Roladan A. Multiple clinical and biological autoimmune manifestations in 50 workers after occupational exposure to silica. Ann Rheum Dis 1993 ; 52 : 534-538. Camus P, Nemery B. A novel cause for bronchiolitis obliterans organizing pneumonia : exposure to paint aerosols in textile workshops. Eur Respir J 1998; 11 : 259-262. Patel RC, Dutta D, Schonfeld SA. Free-base cocaine use ssociated with bronbiolitis obliterans organizing pneumonia. Ann Intern Mad 1987 ; 107 : 186-187. M6ckel M, Kampf D, Lobeck H, Frei U. Severe panarteritis associated with drug abuse. Intensive Care Med 1999 ; 25 : 113-117. Ramos A, Vinhas J, Carvalho M. Mixed cryoglobulin6mia in a heroin addict. Am J Kidney Dis 1994 ; 23 : 731-734.

DI~MARCHE DIAGNOSTIQUE II s'agit donc d'une pneumopathie s6v~re bilat6rale, sans germe retrouv6 darts un contexte de maladie auto-immune initialement peu s6v~re de type connectivite mixte. Parmi les hypotheses on 6voque : • une pneumopathie lupique • en faveur : l'amdlioration sous fortes doses de corticogdes mais la survenue de cette pneumopathie grave dans une maladie tr~s calme jusque 1~ est surprenante. De plus les pneumopathies lupiques pr6dominent habituellement aux bases. • une pathologie infectieuse : les germes habituels samblent hors de cause en raison de la n6gativit6 des prdl~vements et des diff6rentes s6rologies ainsi que de l'inefficacit6 des antibioth6rapies test6es. Une pathologie mycobact6rienne tuberculeuse ou non tuberculeuse ne peut cependant pas ~tre exclue, de mama qu'une origine mycotique. Un traitement anti tuberculeux d'dpreuve est entrepris sans succ~s le 6 aofit. • une pneumopathie d'hypersensibilit6 semble la plus plausible car compatible avec la formule du lavage, l'imagerie et l' 6volution. En raison de la coloration verte du lavage et de l'aspect de celui-ci en lumi~re polaris6e, l'interrogatoire de la patiente est repris. Elle dit fumer depuis quelques mois du cannabis en position allong6e, les pieds surr6lev6s le soir... Une biopsie pulmonaire chirurgicaie par thoracoscopie est effectu6e le 8 aofit, sous couvert d'une corticoth6rapie 2 mg/Kg/j. L'aspect est celui d'une pneumopathie granulomateuse n6crosante, sans germes aux colorations sp6cifiques. I1 existe des d6bris bir6fringents d'allure v6g6tale de fa~on 6parse dans 1as macrophages. Quelques art6rioles ont une paroi 6paissie compatible avec une sc16rodermie. Le diagnostic retenu est celui d'une pneumopathie d'hypersensibilit6 probablement secondaire ~t l'inhalation de Cannabis sur un terrain pulmonaire peut atre favorisant, de type scl6rodermie sans scl6rodermie. On r6alise 3 bolus de 500 mg de Solum6drol ®les 12, 13 et 14 aofit relay4s par une corticoth6rapie intraveineuse 2 mg/kg/j. La d6fervescence thermique intervient le soir du 3 e bolus. La symptomatologie pulmonaire clinique et radiologique s'amende tr~s rapidement et le syndrome inflammatoire disparait. Fin Octobre, alors qua la patiente est sous 20 mg de Cortancyl ®, ella est asymptomatique, le scanner thoraciqua est normal mais ella nous apprend qu'elle part ~t la R6union et qu'elle est enceinte...

Communications DISCUSSION Les effets respiratoires du Cannabis sont habituellement, comme pour le tabac, essentiellement broncho pulmonaires [1]. Les observations de pneumopathie d'hypersensibilit6 semblent exceptionnelles [2]. La couleur verte du lavage semble atre un 616ment tr~s inhabituel et orientateur. Dans notre observation, il est possible que le mode d'inhalation (allong6, les pieds surrdlev6s) et le terrain : probable <> avec une

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atteinte pulmonaire infra clinique et radiologique, comme l'6voquerait l'6paississement des parois art6riolaires, ait jou6 un r61e dans le d6clenchement de cette pneumopathie.

R£FI~RENCES 1

2

Taylor DR, Poulton R, Moffitt TE et al. The respiratory effects of cannabis dependence in young adults. Addiction 2000 ; 95 : 166977. Cunnington D, Teichtahl H, Hunt JM, Dow C et al. Necrotizing pulmonary granulomata in a marijuana smoker. Chest 2000 ; 117 : 1511-5.