Rev Rhum [E´d Fr] 2001 ; 68 : 175-7 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833000000867/SSU
Le centre pilote pour les troubles musculosquelletiques de l’Occupational and Industrial Orthopaedic Center (OIOC) et du National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) Margareta Nordin*, Jeff Perry, Marco Campello, Sherri Weiser, Manny Halpern, Rudi Hiebert, Jan Willem Van Doorn Hospital for Joint Diseases Orthopaedic, Institute Program of Ergonomics and Biomechanics, Mount Sinai, New York University Health, 63 Downing street, New York, NY 10014-4331, USA
lombalgie / reconditionnement à l’effort / travail low back pain / restorative exercice / work
De 1990 à 1995, le centre Occupational Industrial Orthopaedic Center (OIOC) a reçu des fonds des Centers for Disease Control du National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH/CDC). L’objet de cette subvention était de créer un centre pilote pour le traitement de la lombalgie professionnelle et d’éviter ainsi la chronicité. Ce projet a été financé pendant cinq ans. Le résultat en est le développement d’un centre de traitement utilisant l’état actuel des connaissances et destiné uniquement à recevoir des patients souffrant de pathologies musculosquelettiques professionnelles. De 1996 à 2000, l’OIOC a ensuite reçu des fonds du National Institute of Arthritis and Musculoskeletal and Skin Disorders du National Institute of Health (NIAMS/NIH). Ce centre pilote s’appuie sur un système coordonné de soins primaires et secondaires. Les patients qui souffrent d’une lombalgie aiguë peuvent être examinés par des praticiens du premier échelon (médecin d’une entreprise et/ou infirmière) ayant reçu une formation spéciale sur le traitement de la lombalgie aiguë. Les salariés qui sont encore incapables de reprendre leur travail au bout de quatre semaines sont incités à entreprendre un programme de rééducation spécifique dans un centre de soins secondaires (clinique indépendante). Un
* Correspondance et tirés à part.
groupe multidisciplinaire leur fournira alors des soins individualisés, intensifs et suivis. À New York, la clinique OIOC constitue le centre des soins secondaires. Dans la région de New York, des centres de soins primaires existent dans diverses entreprises ayant accepté de participer au programme. La direction clinique de l’OIOC comprend le directeur, des chirurgiens orthopédistes, un psychologue, des kinésithérapeutes, un coordinateur clinique, des ergonomistes, des chercheurs et des accompagnateurs. Le groupe de recherche comprend un épidémiologiste, un chercheur assistant, un chercheur spécialiste du contrôle de qualité, un ergonomiste et un ingénieur biomécanique. Les consultants engagés dès le début pour ce centre pilote ont été les docteurs W. Spitzer, A. Nachemson, R. Nelson et G.B.J. Andersson et, depuis juillet 1996, le docteur M.L. Skovron. COMPOSANTES DU CENTRE PILOTE DE OIOC–NIOSH Le centre pilote de l’OIOC–NIOSH comprend trois composantes différentes : la formation, la pratique clinique, la recherche et l’évaluation. Chaque élément sera présenté en détail ci-dessous. FORMATION DONNÉE AU PERSONNEL DES CENTRES DE SOINS PRIMAIRES Le programme de formation unique destiné au personnel médical travaillant aux centres de soins primaires a
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M. Nordin et al.
été développé en collaboration avec un groupe conseil comprenant des représentants de la direction, des syndicats, du personnel médical, de la sécurité et des ressources humaines, ainsi que des chercheurs et d’autres experts. La taille réduite de ce groupe a facilité le travail collectif et productif, mais en même temps le groupe était suffisamment convaincant pour que ses décisions soient significatives et fassent autorité. Chaque entreprise s’engageant dans ce processus commun possède son propre groupe de conseil et le contenu du programme peut donc être changé. Cet effort communautaire est dénommé LMAC (labor, management, academia collaboration). Le premier objectif du groupe de conseil LMAC est de surmonter les problèmes inhérents à la diffusion des soins utilisant les recherches et les connaissances les plus récentes, et de dispenser ces soins aux salariés qui s’efforcent de retourner à un mode de vie productif et de garder une qualité de vie élevée après leur épisode lombalgique. Le programme de formation est enseigné par le personnel multidisciplinaire de l’OIOC, c’est-à-dire un médecin, un psychologue, un ergonomiste et un kinésithérapeute. Au centre de soins primaires, les participants de ce programme sont les médecins du travail, les infirmières et parfois des cadres des services de la sécurité, des ressources humaines et des autres services. Le programme de formation est adapté aux différents groupes ciblés. Par exemple, le programme de formation pour le personnel des soins primaires dure 16 heures et comprend des présentations théoriques et pratiques sur la prévention des accidents, l’épidémiologie, les aspects psychosociaux, le mode de vie, l’ergonomie, la symptomatologie, les diagnostics différentiels et la prise en charge immédiate des malades souffrant de lombalgie. Le programme de formation pour le personnel des services de sécurité se concentre par contre sur l’ergonomie professionnelle mais comprend également des informations d’ordre général sur les risques psychosociaux. PRATIQUE CLINIQUE : ÉVALUATION DES PATIENTS ET TRAITEMENT AUX CENTRES DE SOINS PRIMAIRES ET SECONDAIRES Le centre pilote est unique par son concept de soins coordonnés et structurés donnés aux salariés lombalgiques aussi bien par un groupe dans un centre de soins primaires que par celui d’un centre de soins secondaires. Les soins comprennent un traitement intensif, individualisé et orienté vers la réinsertion professionnelle,
pour les salariés souffrant de lombalgie aiguë ou subaiguë. Nous essayons aussi d’évaluer les conditions requises pour accomplir le travail dans l’entreprise à partir de descriptions données par le patient des différentes tâches ainsi que sur des descriptions standardisées. Nous encourageons la standardisation des nomenclatures et des procédures les plus importantes afin de dispenser les meilleurs soins et nous concentrons nos efforts pour que le salarié puisse retourner à plein temps à son travail. Un réseau de référents composé de médecins et d’autres spécialistes a été constitué pour aider les malades qui ont besoin d’évaluations et de traitement spéciaux. CENTRE DE SOINS PRIMAIRES Lors de la première visite du salarié au centre de soins primaires, une évaluation et un protocole standardisés sont employés. Le salarié remplit des questionnaires standardisés comprenant des questions relatives au travail, à l’attitude vis-à-vis de la douleur, du handicap au travail (disability) et au bien-être général. Le malade est ensuite soumis à une évaluation clinique élaborée de manière à ne pas dépasser quinze minutes. L’examen médical établit si le salarié peut retourner immédiatement au travail ou s’il doit bénéficier d’un congé maladie. Si un traitement est nécessaire, la loi de l’état de New York exige que le patient puisse choisir son médecin ou son centre de soins. L’OIOC propose un traitement médical, de la kinésithérapie et l’apprentissage de la maîtrise de la douleur et du stress lorsque le patient en a besoin. S’il n’existe pas de symptômes ou de signes, le retour au travail est recommandé. CENTRE DE SOINS SECONDAIRES Si le patient est incapable de retourner au travail après quatre semaines, la possibilité lui est offerte de prendre rendez-vous à la clinique pilote de l’OIOC–NIOSH (centre de soins secondaires) afin d’y être évalué et traité. Le patient est reçu à la clinique pilote un à cinq jours après que son médecin l’ait envoyé dans un centre secondaire après accord de sa compagnie d’assurance. Notre groupe multidisciplinaire entreprendra alors une évaluation plus détaillée. Pendant la première visite au centre de soins secondaires, le patient est reçu par le coordinateur clinique qui a été spécialement formé pour la prise en charge des cas de lombalgie. Tout d’abord, le patient sera soumis à une évaluation clinique faite par un chirurgien orthopédiste. Ensuite, il sera interrogé par un psychologue.
Centre pilote pour les troubles musculosquelettiques
Finalement, le kinésithérapeute entreprendra une évaluation fonctionnelle standardisée : elle inclut des tests de flexibilité, de force et d’endurance, de l’état cardiovasculaire et mesure les capacités à soulever. Les résultats seront discutés lors d’une réunion du groupe médical. C’est à ce moment que l’on décidera si le patient doit participer à un programme de retour au travail comportant un entraînement intensif ou s’il doit subir un autre traitement. Le déroulement du traitement est conditionné par la participation du patient et par l’accord de la compagnie d’assurance. Le programme de retour au travail se fait par petits groupes de deux à six patients. Il se compose principalement de thérapie et de mise en forme physiques intensives, d’instructions pour le mode de vie, et de gestion du stress et de la douleur. On enseigne au patient des exercices adaptés à son type de travail et qui se basent sur des profils professionnels. Chaque semaine, le patient est informé des progrès réels accomplis. Le programme dure quatre semaines, a lieu pendant cinq jours par semaine et dure quatre heures par jour. Un kinésithérapeute indépendant teste les fonctions du patient avant et après le programme. Ensuite, les patients sont suivis pendant un an. Le succès du programme est évalué par la reprise du travail antérieur à plein temps, mais avec des capacités physiques et mentales améliorées afin de prévenir les récidives de lombalgie. RECHERCHES ET ÉVALUATION Les résultats de la clinique pilote de l’OIOC–NIOSH sont évalués en permanence. Voici le résumé des résultats récents. Nous avons pu identifier les facteurs cliniques et professionnels qui retardent la guérison (c’està-dire qui entraînent plus de 28 jours de congé maladie). Pendant la première semaine de maladie signalée, les indices suivants ont été identifiés pour les patients qui souffrent de lombalgie commune : handicap au travail noté par le patient, démarche anormale et exposition à des vibrations répercutées dans tout le corps. Ces signaux cliniques et professionnels peuvent être utilisés pour cibler les patients qui ont besoin d’une intervention très rapide ou de la modification de leur travail. L’efficacité du programme est évaluée en analysant le nombre de journées d’arrêt de travail et le retard du retour au travail dus à la lombalgie. Nous sommes maintenant en train d’évaluer les conséquences positives à long terme (cinq ans) et l’efficacité des programmes utilisés.
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L’efficacité du programme de formation enseigné au personnel des centres de soins primaires est mesurée par la mise en œuvre de la prise en charge des patients et par des protocoles d’évaluation et de procédures. La conformité avec l’évaluation standardisée faite par les médecins des entreprises approche maintenant les 98 % dans les entreprises ciblées faisant partie du programme. L’efficacité du programme de retour au travail qui dure au total quatre semaines comprend des tests fonctionnels, des mesures de la douleur, de la perception du handicap au travail fonctionnel et de la qualité de vie. Une étude présentant les résultats obtenus avec les 86 premiers patients a été réalisée. Cette étude montre que 92 % de ces patients ont pu reprendre un travail et que 82 % ont pu reprendre leur travail antérieur. Il faut savoir que l’arrêt de travail moyen avant traitement dans le centre pilote de OIOC–NIOSH des patients était de six mois et trois semaines (extrêmes : 1–33 mois). RE´FE´RENCES Les livres et articles suivants concernant la lombalgie ont été publiés grâce aux efforts collectifs du groupe OIOC [1-10]. 1 Brisson PM, Nordin M. Occupational orthopaedics in disability. In : Zuckerman J, Ed. OKU-5 (Orthopaedic Knowledge Update). Rosemont, Illinois : American Academy of Orthopaedic Surgeons (AAOS) ; 1996. p. 109-16. 2 Campello M, Nordin M, Weiser S. Physical exercise and low back pain. A review. Scand J Med Sci Sports 1996 ; 6 : 63-72. 3 Harwood KJ, Nordin M, Hiebert R, Weiser S, Brisson PM, Skovron ML, Lewis S. Low back pain assessement training of industry-based physicians. J Rehab Res Dev 1997 ; 34 : 371-82. 4 Nordin M, Skovron ML, Hiebert R, Weiser S, Brisson PM, Campello M. Predictors of delayed return to work in patients with low back pain. The woodbridge award for excellence in research, 1966. J Musculoskeletal Pain 1997 ; 5 : 5-27. 5 Nordin M, Andersson GBJ, Pope MH, Eds. Musculoskeletal disorders in the workplace. Principles and practice. Philadelphia : Mosby Year Book ; 1997. 6 Nordin M, Vischer TL. Common low back pain : prevention of chronicity. Bailliere’s Clin Rheumatol 1992 ; 6. 7 Nordin M, Cedraschi C, Vischer TL. New Approaches to the low back pain patient. Bailliere’s Clin Rheumatol 1998 ; 12. 8 Campello M, Weiser S, Van Doom JW, Nordin M. Approaches to improve the outcome of patients with delayed recovery. Bailliere’s Clin Rheumatol 1998 ; 12 : 93-113. 9 Cedraschi C, Nordin M, Nachemson A, Vischer TL. Health care providers should use a common language in relation to low back pain patients. Baillière’s Clin Rheumatol 1998 ; 12 : 1-15. 10 Nordin M, Cedraschi C, Skovron ML. Patient health care provider relationship in patients with non specific low back pain : a review of some problem situations. New approaches to the low back pain. Baillière’s Clin Rheumatol 1998 ; 12 : 75-92.