À LIRE, VOIR, ÉCOUTER
Med Pal 2006; 5: 108-111 © Masson, Paris, 2006, Tous droits réservés
Sous la direction de Marcel-Louis Viallard
Tout ce qui présente un intérêt dans la réflexion sur les soins continus, palliatifs, sur la souffrance et la mort dans la littérature – notamment roman, essai, biographie, théâtre –, dans la musique, la peinture, le cinéma… jusqu’aux nouveaux médias trouve ici sa place. Vous pouvez adresser vos textes à Marcel-Louis Viallard :
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Livres médicaux ou paramédicaux médecine chinoise. Le livre est consacré aux onze premiers chapitres de cette œuvre. Il s’agit de la partie dans laquelle sont posées les questions fondamentales sur Conversations sur une pratique l’art de vivre et de se soigner. Il s’agit médicale multiculturelle B. Matine, F. Régnier d’un ouvrage savant qui dépasse largeL’Harmattan. Collection « éthique médicale », 2005. ment le champ de la seule médecine et ISBN 2-7475-7429-6. 162 p. 15 €. nous permet d’approcher une pensée qui nous échappe bien souvent, celle de la Il ne s’agit pas d’un traité de médecine. Il s’agit d’une approche de la pratique médi- sagesse chinoise. Véritable ouvrage d’inicale, ce qui justifie de placer dans cette sous tiation à une partie de la philosophie chirubrique la présentation succincte de cet noise, cet ouvrage est d’une rare accessiouvrage fort intéressant. Le Dr Matine est bilité pour le novice comme pour le généraliste dans le XXe arrondissement de connaisseur. L’index des idéogrammes est Paris. Il soigne une population fortement une valeur surajoutée tant pour la commétissée et s’intéresse au métissage des préhension que pour l’ouverture à une cultures. Le Dr Régnier est spécialiste des pensée radicalement différente. questions économiques et sociales en matière de santé. Leur rencontre a permis de ix raisons (possibles) réaliser les conversations qui nous sont ici à la tristesse de pensée livrées. G. Steiner L’élément central de l’ouvrage concerne Albin Michel. Bibliothèque idées, 2005. l’importance de la parole dans les soufISBN 2-226-15562-7. (15 €) frances du corps comme de l’âme, dans un monde où s’entremêlent au quotidien des « Telle est la tristesse inséparable de toute vie finie, […] une tristesse […] qui jamais cultures, des valeurs et des expériences différentes. Un ouvrage qui peut nous ap- ne devient effective et sert à donner la joie éternelle de la surmonter. De là viennent porter dans notre pratique quotidienne. le voile d’affliction qui s’étend sur toute la nature, la mélancolie profonde et inaltéraÉthique – Philosophie ble de toute vie.
Des maux en paroles.
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La vie, la médecine et la sagesse. Su Wen, les onze premiers traités C. Larre, E. Rochat de la Vallée Editions du Cerf, institut Ricci. Collection Patrimoines, Chine, 2005. ISBN 2-204-07889-1. (398 p. 35 €)
Les traités de Su Wen font encore aujourd’hui autorité dans la pratique de la
Remerciements à Sébastien Bonnet, Noëlle Hermelin, Lucie Bisson pour leur précieuse aide dans la lecture et l’analyse des différents ouvrages présentés dans la section littérature. La rubrique est ouverte à tout lecteur qui voudrait présenter ou commenter un ouvrage non cité ou réagir sur le contenu de celle-ci.
Médecine palliative
Il n’y a donc de vie qu’en la personnalité : or, toute personnalité repose sur fond obscur, qui doit aussi servir de fond à la connaissance. ». S’inspirant de cette phrase de Schelling (De l’essence de la liberté humaine), Georges Steiner nous livre ses réflexions sur la tristesse de pensée et ce qui, selon lui, peut expliquer cette tristesse. Laissons lui la parole pour présenter un peu de sa réflexion : « Si nos processus de pensée étaient moins pressants, moins crus, moins hypnotiques, nos déceptions constantes, la masse grise de la nausée nichée au cœur de l’être, nous
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désempareraient moins. Les effondrements mentaux, les fuites pathologiques dans l’irréalité, l’inertie du cerveau malade peuvent, au fond, être une tactique contre la déception, contre l’acide de l’espoir frustré. Les corrélations manquées entre pensée et réalisation, entre le conçu et les réalités de l’expérience, sont telles que nous ne saurions vivre sans espoir. “Espérer contre tout espoir” est une formulation forte, mais en définitive accablante de la brunissure que la pensée jette sur la conséquence. » Tout au long du texte, on suit aisément la pensée de Georges Steiner. Les puristes pourront même le lire dans sa langue natale puisque l’ouvrage est bilingue. Loin d’un ouvrage sombre, c’est un texte d’espérance, d’incitation à la joie, joie de penser, joie de vivre qui nous est offert de découvrir ici. Pour ceux d’entre nous qui côtoient, régulièrement, des situations humainement et émotionnellement difficiles, la lecture de ce texte peut apporter un éclairage intéressant sur nos possibilités de mise à distance au sein de ces relations qui nous mettent en permanence en question. Un livre à ne pas manquer.
Littérature
Jeux d’ombres à Djakarta A. Brayne Buchet Chastel, Seuil, 2005. ISBN 2-283-02130-8. (322 p. 15 €)
Un roman noir qui se déroule dans le décor contrasté et parfois étouffant de Djakarta. L’auteur est un maître dans le maniement de l’angoisse. Un véritable Hitchcock littéraire. L’atmosphère lourde pourra faire penser à certains lecteurs qu’ils sont plongés dans le monde de Graham Greene. On est pris par plusieurs sentiments à la lecture de ce roman, curiosité, amusement, terreur, et d’autres encore. Un voyage qui devrait nous marquer pour longtemps.
Le ciel tout autour A. Eyre Ward Buchet Chastel, Seuil, 2005. ISBN 2-283-02096-4. (319 p., 20 €)
Émotion, mélancolie, drôlerie, passionnant, voilà en quelques mots ce que l’on
N° 2 – Avril 2006
À LIRE, VOIR, ÉCOUTER
ressent au fil des pages de ce roman à l’écriture fluide et agréable. L’intrigue, les personnages, la personnalité des différents personnages sont tout simplement captivants. On y trouve aussi une description par trop réaliste des couloirs de la mort aux USA et on constate, non sans amertume, que ces couloirs concernent aussi bien les femmes que les hommes. À découvrir.
L’âge d’or de Sancho R. Chapman Actes Sud. Collection « Un endroit où aller », 2005. ISBN 2-7427-5530-6. (310 p., 23 €)
L’auteur nous propose une suite à l’épopée de Don Quichotte accompagné de son fidèle Sancho Pensa. Nos deux héros, abandonnant leur quête chevaleresque, se tournent vers l’idéal de la vie pastorale. Ainsi transformés en bergers arcadiens, nous retrouvons nos deux personnages hauts en couleurs. L’auteur a su mêler le roman initial de Cervantès et le sien comme si l’un était la suite logique de l’autre, comme si Cervantès lui avait donné un peu de son écriture. Ce n’est pas du Cervantès, c’est cependant une magnifique écriture, un excellent moment de littérature qu’il ne faut surtout pas rater. Sa rareté en fait un précieux bien. À lire absolument, pour vivre un grand moment littéraire si rare malgré la foison des publications actuelles.
Guide des égarés G. Atzmon Phébus, 2005. ISBN 2-85940-902-5. (188 p., 14,50 €)
Premier roman d’un musicien et philosophe ayant quitté son pays, Israël, pour la grande Bretagne. Au fil des pages, l’auteur, nous fait découvrir son « antisionisme » et bien au-delà de cette prise de position partisane, il nous livre une critique acerbe des sociétés modernes parfois futiles, parfois sordides, souvent comme un déboussolé par une hypocrisie qui empêche de voir, de dire voire de penser la réalité humaine comme la réalité du monde. Un texte surprenant, qui peu déranger. Pas de haine dans le propos mais
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Y. Ghata
ventait, mes origines étaient au-devant de moi, et elles avaient éternellement le goût de la première fois. » Comment donner plus envie, au lecteur potentiel, de se laisser tenter ?
Fayard, 2005. ISBN 2-213-62053-9. (177 p., 15 €)
Le ciel pour mémoire
une prise de position sans concession. À découvrir.
La nuit des calligraphes « Ma mort me fut aussi douce que la pointe du roseau trempant ses fibres dans l’encrier, plus rapide que l’encre bue par le papier. » Ainsi parle Rikkat, ma calligraphe ottomane, d’une voix flottant entre ombre et lumière, alors qu’elle entreprend le récit de sa vie. » Ce roman, nous emmène en Turquie, dans son passé comme dans son présent. À travers la passion de l’héroïne pour la calligraphie classique arabe, le remplacement progressif de cette écriture classique, quasi ritualisée, par l’utilisation d’un alphabet latin modifiée, nous sommes amenés à partager la vie d’une femme confrontée de façon répétée aux séparations, aux abandons, mais qui reste attachée à ses racines. Un texte touchant, au style fluide, qui fait rêver, qui par moments nous fait penser que nous partageons les instants de l’héroïne.
Primo M. Desbiolles Seuil. Collection « Fiction et Cie », 2005. ISBN 2-02-081725-x. (136 p. 15 €)
Laissons l’auteur présenter son ouvrage : « Depuis quelque temps le personnage de ma grand mère italienne, ce que je savais d’elle, mais surtout ce que je ne savais pas, pas bien, me tirait par la manche, faisait des apparitions dans mes livres. J’ai voulu voir de plus près. Je suis allé à Turin, où elle s’était rendue dans les années trente, en plein régime mussolinien, pour accoucher de son second enfant, accompagnée du premier-né Primo, qui disparut alors mystérieusement. Je suis allé à Annecy où l’empoigna un autre drame, à la libération, en pleine fête du 14 juillet. À Annecy où elle est morte au début du troisième millénaire. Je n’ai jamais eu le sentiment de me retourner, de fouiller un passé confit auquel je devais rendre hommage. C’était un mouvement qui m’emportait, qui m’in-
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T.-B. Reverdy Seuil, 2005. ISBN 2.02.079883.2. (212 p., 18 €)
New York, la plage de Brighton Beach, voilà le lieu de départ. Le soleil plonge derrière Manhattan semblant embraser la ville. Des amis partagent un repas dans un restaurant russe pour fêter leurs retrouvailles. Seule ombre, l’absence d’un des participants prévus à cette fête. De cette absence, l’intrigue s’intéresse à la quête de chacun des convives pour comprendre cette absence, retour sur soi, retour sur sa propre histoire, ses renoncements, ses aménagements avec la vie etc. Un roman vivant, prenant écrit d’une plume caressant les sens.
L’anneau de la clé H.S. Haasse Actes Sud. Leméac, 2005. ISBN 2-7427-5164-5. (186 p., 19 €)
Herma Warner est née voici 80 ans passés à Djakarta. Appartenant à la dernière génération d’Européens à avoir grandi sur ce sol qui allait bientôt recouvrer sa liberté. Un journaliste vient lui demander de parler d’une amie d’enfance. Elle s’y refuse dans un premier temps, voulant préserver son histoire personnelle puis accepte de parler et d’écrire sur la vie de la mystérieuse femme que fut son amie. Elle va de ce fait traverser mille émotions, mille réminiscences, en fait, elle va revivre sa vie en en livrant certaines parcelles. Un roman agréable à lire.
Louis Capet, suite et fin J.-L. Benoziglio Seuil. Collection Fiction et Cie, 2005. ISBN 2-02-079472.1. (183 p., 15 €)
Et si on refaisait, rien que pour le plaisir, l’histoire. Ou plutôt, si on se mettait à romancer des vies que l’histoire à brutalement interrompue. C’est un peu ce à quoi
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