Le cœur et le tabac (2) Le temps des illusions

Le cœur et le tabac (2) Le temps des illusions

I I ~ M L ~ A I r ~ ~ ~ A ~ t L v A I ~ A I I ~ I par Christian Régnier Le cœur et le tabac (2) Le temps des illusions La n...

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par Christian Régnier

Le cœur et le tabac (2)

Le temps des illusions La notoriété du tabac comme agent thérapeutique atteignit son apogée au milieu du XVIIIe siècle. II était alors le remède de choix pour (( ressusciter » noyés et asphyxiés. e 15 février 1665, à la première représentation de Dom Juan, dans la salle du Palais Royal, devant Louis XIV, Sganarelle (joué par Molière) f i t l'éloge de la plante. Provocation ? car le roiétait très hostile au tabac et avait interdit chiques et prises à la cour. « Quoi que puisse dire Aristote et toute la philosophie, iln'est rien d'égal au tabac :c'est la passion des honnêtes gens, e t q u i vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Nonseulement ilréjouit e t purge les cerveaux humains, mais encore, ilinstruit les âmes à la vertu, et I'on apprend avec l u i à devenir honnête homme. D Le tabac était non seulement condamné par le roi, mais aussi par l'Église. En 1642, le pape UrbainVlll (1568-1644) lança une excommunication contre les fidèles qui faisaient usage du tabac (a l'herbe du diable ») ; cette excommunicationfut confirmée (sans davantage de succès) par le pape InnocentX (1574-1655). Outre son intrusion dans la vie sociale et politique, le tabac f i t irruption en médecine : rhinites, douleurs, fatigue, migraine, asthme.. .Lesapothicairesab raient d'ailleurs la carotte rouge à double pointecommeenseignede leur commerce. En 1808, dans ses Nouveaux Éléments de Thérapeutique et de Matière Médicale, le dermatologue parisien Jean-Louis Alibert (1766-1837) indiquait :c le tabac paraît agirsur I'économie animale par une qualité stimulante, e t par une qualité narcotique [. ..] C'est ainsi que M. Fowler; médecin

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anglais, a prétendu que les feuilles de la nicotiane étaient très convenablespour favoriser I'écoulement des urines. II les prescrivit en poudre dans d u vin o u dans des pilules ». FIGURE :Fumigation intra-rectale par un seuxiiiste. extraite W du Journalde W q u e Son plus grand succèsthéra- G ~ ~ V U (janvier 1775). peutique f u t probablement son usageen réanimation cardiovascucoffrets de réanimation comprenant notamment une machine fumigatoire, laire et respiratoire des personnes en une canule rectale, quatre rouleaux de état de mort apparente, en particulier tabac à fumer, un soufflet. À l'intérieur les noyés. Parmi les consignes de a predu couvercle du coffret était collée une mier secours », il était conseillé de prafeuille imprimée qui indiquait au tiquer des fumigations de tabac. À secouriste la procédure de réanimaDunkerque, en 1770, les échevins de la tion à suivre. En 1775, sur41 personnes ville recommandaient d'introduire repêchées dans la Seine, 35 furent dans le corps des noyés la fumée réanimées et sauvées ! Près de 130 chaude de tabac, ce que peuvent faire villes françaises furent équipées de ces aisément ceux q u i font usage de la coffrets de premiers secours en 1790. pipe ;on ne négligera pas, non plus, Les boîtes de Pia constituèrent le d'introduire dans la bouche du noyé la dernier grand succès thérapeutique du fumée de tabac et d'agiter continuellement le corps D. Le chirurgien tabac. Au début du XIX siècle, la méthode Antoine Louis (1723-1792) confirmait : de la fumigation de tabac fut proscrite « de tous lessecours que I'on peut donpar le chirurgien Antoine Portal (1742nec iln'y en a point dont on doit faire 1832) qui la jugeait néfaste en raison plus de cas que de leur souffler de la de la distension abdominale qui gênait fumée de tabac dans les intestins ». Du les libres mouvementsdu diaphragme. « fumigateur D à la simple pipe du C'est à la même époque que les prefumeur présent sur les « lieux du mières études et publications sur les drame », tous les moyens furent effets nocifs et les désagréments du employés pour introduire la fumée de nicotinismefurent décrits. Pour autant, tabac dans les intestins de la victime en médecins, malades et charlatans contidétresse cardiorespiratoire. nuèrent à attribuer au tabac desvertus À Paris, en 1773, Philippe Pia, apothérapeutiques merveilleuses dans thicaire et ancien échevin de la ville, toutes les classes sociales sur tous les organisa des cours de a secourisme D et ¤ f i t placer, le long de la Seine, des continents.