Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 169–175
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Le tabac et l’otorhinolaryngologie : épopée et tragédie夽 O. Laccourreye a,∗ , A. Werner b , H. Laccourreye c , P. Bonfils a a Service ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital européen Georges-Pompidou, AP–HP, université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, 20, rue Leblanc, 75015 Paris cedex 15, France b 18, rue de la Ferme, 92200 Neuilly-sur-Seine, France c Académie nationale de médecine, rue Bonaparte, 75006 Paris, France
i n f o
a r t i c l e
Mots clés : Tabac Otorhinolaryngologie
r é s u m é Si plus de 500 articles apparaissent dans la base de données PubMed lorsque l’on croise les termes « tabac » et « otorhinolaryngologie », aucun de ces travaux n’est consacré à l’histoire de cette plante qui a eu un impact majeur sur notre spécialité et notre pratique. Dans cet article, les auteurs décrivent et analysent la conquête du monde par cette plante ainsi que les conflits qu’elle a déclenchés et l’impact qu’elle a eu dans notre spécialité au décours des siècles passés. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Le début, la révélation C’est à la fin du xve siècle qu’Espagnols puis Portugais découvrent le tabac aux Amériques. Le 28 octobre 1492, sur la côte orientale de Cuba, les compagnons de Christophe Colomb observent les Arawaks inhaler la fumée d’une herbe séchée. Par glissement sémantique, ce « tabaco » qui, dans la langue de ces indigènes nomme le contenant, sera utilisé par les Espagnols pour désigner le contenu puis la plante elle-même [1–4]. Huit ans plus tard, Alvarez Cobral aborde les côtes brésiliennes et l’historien Pêro vas da Caminha dénomme « pétun » le tabac que les Indiens Tupi du Rio de Janeiro fument et appellent « petyn » dans leur langue [1–4]. Les premières graines de tabac vont parvenir en Espagne en 1520 et le médecin du roi Philippe II constate les vertus que les indigènes attribuaient à cette plante : coupe faim, euphorisant, psychostimulant, anesthésique local [1,2]. En 1550, les Espagnols introduisent le tabac aux Pays-Bas. L’empire Ottoman est touché en 1560, le Maroc en 1593 (par le Soudan après que les graines aient été importées en Afrique Noire par les marchands portugais) [2]. Au Japon, les graines sont importées par les missionnaires catholiques en 1596, alors que ce sont les huguenots émigrés de France qui « contaminent » le Saint Empire germanique [2]. Plusieurs personnages vont initier la conquête de la France. En 1552, André Thevet (Fig. 1) alors aumônier au sein d’une expédition destinée à fonder une colonie au sein de la baie de Rio de Janeiro
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.11.003. 夽 Ne pas utiliser pour citation la référence franc¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (O. Laccourreye). http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.03.001 1879-7261/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.
redécouvre le « pétun » [1,2]. Une épidémie de peste le pousse à rentrer en France en 1556 et, outre de nombreuses curiosités, il rapporte les graines de cette plante qu’il cultive près d’Angoulême [1,2]. Quelques années plus tard, en 1561, Jean Nicot (Fig. 2), alors ambassadeur de France au Portugal, est mis en contact avec le « tabaco » : pour certains, il aurait planté des graines rec¸ues d’un marchand flamand dans le jardin de l’ambassade à Lisbonne, pour d’autres, il aurait acquis auprès d’un horticulteur portugais des feuilles réduites en poudre après séchage [1,4]. Il écrit alors à un proche de la reine de France, le cardinal de Lorraine : « J’ai recouvré une herbe d’Inde merveilleuse et expérimentée propriété contre le Noli me tangere, et les fistules déplorées irrémédiables par les médecins et de prompt et singulière remède au nausez. Si tost quelle aura donné sa greine, j’en envoyerai à un jardinier à Marmoustier et de la plante mes dedans ung barril pour la replanter et entretenir tout ainsi qu’ay fait pour les orengiers » [2]. Les historiens suggèrent que la reine Catherine de Médicis et/ou son fils Franc¸ois II utilisent alors cette herbe pour traiter leurs migraines d’où le nom « d’herbe à la reine et d’herbe catherinaire » que toute la cour adoptera sous la forme de poudre à priser [2,5]. En 1586, dans son ouvrage Historia Generalis Plantarium le médecin et botaniste Jacques Daléchamps (Fig. 3) baptise cette plante Nicotiana. Il attribue par là le mérite de la découverte à Nicot et contrarie Thevet qui écrira : « J’ai été le premier en France qui ai apporté la graine de cette plante et pareillement semé et nommé ladite plante l’herbe angoumoisine. Depuis un quidam qui ne fict jamais ce voyage quelque dix ans après que je fus de retour en ce païs lui donna son nom » [2]. C’est en Virginie, avec Sir Walter Raleigh, que débute à partir de 1610 la culture du tabac, à l’aide d’une main-d’œuvre importée dans le cadre d’un intense trafic « triangulaire » entre l’Europe, les Amériques et le continent africain [2]. À partir de là, la diffusion se
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Fig. 1. André Thevet.
fait dans toutes les couches de la société. En France, sous Louis XIII, le tabac se vend 12 sous la livre et est commercialisé sous forme de « carottes » que l’on peut râper, chiquer ou fumer en l’émiettant [1]. Nous conservons le souvenir de cette carotte avec l’enseigne rouge des buralistes franc¸ais schématisant deux « carottes » mises bout à bout par leur base [2]. Il faudra attendre 1809 pour que Louis Nicolas Vauquelin, professeur de chimie à l’École de médecine de Paris, isole dans le jus de feuilles de tabac un principe actif basique et volatile [5]. En 1828, Posell et Reimann, au sein de l’université de Heidelberg,
Fig. 3. Jacques Daléchamps.
purifient cet alcaloïde psycho-actif et le dénomment nicotine [5]. Responsable de l’assuétude et de l’accoutumance, la nicotine a des propriétés insecticides et fongicides qui protègent le tabac contre les insectes et certaines parasitoses. La nicotine est aussi toxique lorsqu’elle est ingérée per os (un seul cigare contient le double de la dose létale qui se situe entre 40 et 60 mg) et sa première utilisation prouvée lors d’un homicide date de 1851 [5,6]. Le métabolisme de la nicotine dans l’organisme et son interaction avec la dopamine seront élucidés en 1950 [1]. 2. La croissance, le développement
Fig. 2. Jean Nicot.
Plusieurs facteurs ont favorisé la conquête du globe par le tabac. La plante s’est d’abord montrée sous un jour médical plein d’attraits. L’effet mode s’est ajouté. L’assuétude due à la nicotine et la recherche du profit par les industriels et les États ont fait le reste. Si nous faisons la liste des bienfaits initialement attribués au tabac par les médecins et les savants, l’engouement provoqué est compréhensible. Ainsi, Ambroise Paré conseille l’usage de « l’herbe catherinaire » en application locale pour les plaies et en inhalation dans la prévention des pestes [7]. Le physicien René Ferchaud de Réaumur préconise son utilisation lors de la réanimation des noyés et Trousseau lui attribue les propriétés des solanacées comme le datura, car il avait soulagé une de ses crises d’asthme en prenant quelques bouffées d’un cigare [7]. Dans le domaine de l’otorhinolaryngologie, l’Encyclopédie de Diderot précise qu’en « prise » nasale : « elle procure une titillation agréable sur les nerfs de la membrane pituitaire », Voltaire écrira : « Le tabac a-t-il été fait pour le nez ou le nez pour le tabac ? » et Trousseau conseillera le tabac en fumigations dans le traitement de la phtisie laryngée [1,7,8]. Le phénomène de mode est tout aussi important. La cour et les artistes considèrent l’usage du tabac comme un « must ». Cette image va perdurer jusqu’au milieu du xxe siècle. Ainsi, en 1665, dans Dom Juan de Molière, Sganarelle dit en parlant du tabac : « c’est
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la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre ». La corbeille de mariage de la reine Marie-Antoinette contiendra 52 tabatières (toutes en or !), alors que Frédéric 1er de Prusse fondera une Académie de la pipe [2]. Locke et Newton fumeront alors que Jean-Sébastien Bach produira une cantate du tabac tandis que Kant, Voltaire, Pope, Schiller, Musset, Baudelaire, Georges Sand et bien d’autres encore vanteront les bienfaits de cette herbe [2]. Freud dira : « Je dois au cigare un grand accroissement de ma capacité de travail et une meilleure maîtrise de moi-même » [9]. Les couches les plus pauvres de la population s’emparent aussi de cette herbe. Ainsi, les mendiants fument des déchets de tabac roulés dans une enveloppe végétale puis dans du papier : les « papelitos ». Ces ancêtres de la cigarette apparaissent dès le xvie siècle en Espagne et dans ses colonies et les grognards des armées napoléoniennes adoptent cette technique lors de la guerre d’Espagne car leurs pipes se brisent lors des combats [1,2]. Mais c’est en 1842, à Paris à la manufacture du Gros Caillou, que la Régie franc¸aise fabrique la première réelle cigarette, cinq ans avant la création par Philip Morris de sa première usine de cigarettes à Oxford et de sa première boutique à Londres [1,2]. Ces premières cigarettes sont fabriquées à la main par une maind’œuvre féminine et la productivité est faible. C’est James Bonsack qui, en 1883 à Richmond en Virginie, réduit drastiquement les coûts en concevant à l’âge de 18 ans une machine qui produit 120 000 cigarettes par jour soit la production de 48 ouvrières de l’époque [1–4]. Avec l’automatisation moderne, les machines à cigarettes actuelles fabriquent plus de 8000 cigarettes à la minute. Les zones de production ont aussi évolué. Ainsi, si au début du xixe siècle, les États-Unis concentraient 70 % de la production mondiale, en 2011, ils ne représentaient plus que 4 % de celle-ci, loin derrière la Chine (42 %), pour une production mondiale estimée aux alentours des 8 millions de tonnes de feuilles de tabac [10]. Au xviie siècle, les États européens vont très rapidement convoiter la source de revenus que représente le tabac. Jacques Ier Stuart taxe le tabac dès 1604 mais en augmentant les droits d’importation à 82 pences la livre il favorise aussi l’apparition de la contrebande. L’Espagne, Venise, les États du Pape, l’Empire autrichien, la Pologne et la Russie suivent rapidement l’exemple [4]. En France, dès 1629, Richelieu décide « d’une levée sur le pétun et le tabac » [2]. Colbert, en 1681, fait un monopole royal de la production franc¸aise alors la plus développée d’Europe avec des plantations dans l’Est, le Sud-Ouest et les Antilles [2]. La révolution de 1789 abolit ce monopole et autorise la vente et la culture libre du tabac [2]. Las, dès 1811, Napoléon Ier remet en vigueur taxes et monopole [2]. L’État franc¸ais ne reviendra plus jamais en arrière. En 1864, la guerre de Sécession est prise comme prétexte par le gouvernement fédéral américain pour taxer le tabac et renflouer ses caisses [4]. Mais ce n’est qu’en 1921 que l’Iowa devient le premier État nord-américain à introduire un impôt sur le tabac pour améliorer son budget [4]. La crise de 1929 et les problèmes qui suivirent conduiront progressivement tous les États de l’Union à en faire de même [4]. L’industrie privée n’a jamais été en reste : en 2008, alors que plus de un milliard d’êtres humains fument (dont plus de 15 millions en France), 90 % du marché du tabac est contrôlé par cinq compagnies dont quatre sont privées avec un revenu annuel qui excède les 300 milliards de dollars (dont plus de 160 sont reversés aux gouvernements sous la forme de taxes) pour un bénéfice net (après imposition) de plus de 14 billions [11,12]. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les compagnies du tabac ont décidé, dans les années 1990, de démarcher les pays en voie de développement ou émergents et les classes d’âge les plus jeunes. Dans ce but, elles investissent, chaque année, plusieurs dizaines de milliards de dollars [13,14].
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3. Les conflits, les aléas Dès sa découverte, le tabac va générer de multiples conflits. En 1498, le compagnon de Christophe Colomb, Rodrigo de Jerez qui avait pris l’habitude de fumer avec les indigènes se retrouve sous les feux de l’inquisition après avoir fumé en public à Barcelone : accusé de pratiques diaboliques en raison de la fumée rejetée par les narines, il est envoyé au cachot [3]. En Angleterre, Henri VIII punit par le fouet les usagers du tabac et Elizabeth Ire confisque pipes et tabatières [2,4]. Par la suite, Jacques Ier interdit la culture du tabac et publie anonymement un pamphlet intitulé « A CounterBlaste to Tobacco » dans lequel il écrit : « Comment le cerveau, qui est humide, pourrait-il supporter l’inhalation d’une fumée sèche et chaude ? La fumée introduit dans tout l’organisme de la suie qui l’encrasse. L’habitude de fumer est malpropre, malodorante, coûteuse, et crée une accoutumance périlleuse, une ivresse comparable à celle du vin. . . dégoûtante à la vue, repoussante à l’odorat, dangereuse pour le cerveau, malfaisante pour la poitrine, qui répand des exhalaisons aussi infectes que si elles sortaient des antres infernaux » [15]. Il condamnera aussi à mort Sir Walter Raleigh qui marchera à l’échafaud sa pipe indienne en érable de Virginie à la bouche [1]. La papauté ne sera pas en reste. En 1642, Urbain VII excommunie plusieurs centaines de prêtres qui prenaient du tabac en officiant car « ils souillent les linges sacrés de ces humeurs dégouttantes que le tabac provoque, ils infectent nos temples d’un odeur repoussante » et, en 1650, ceux « qui touchent à l’herbe du diable » se voient menacés d’excommunication par Innocent X car la fumée des cigares et pipes masque le parfum de l’encens et fait tousser certains moines pendant les cantiques [1–3]. En Russie, à la suite de l’incendie d’une grande partie des maisons en bois de Moscou déclenché par un fumeur en 1634, le tsar Mikhaïl Fedorovitch Romanov Ier décide d’appliquer le knout aux vendeurs, la bastonnade aux fumeurs et la décapitation à la hache aux fumeurs récidivants [2]. En Orient, les mesures prises contre les fumeurs sont encore plus radicales. Ainsi, le sultan Murad IV condamne les fumeurs à mort par pendaison alors que le schah Abbas punit par où l’on a péché en leur faisant trancher le nez ou les lèvres tandis que son successeur Saphi les fait empaler et verse du plomb fondu dans les bouches des vendeurs [2]. En Arabie, sous le règne de Benabd-el-Wahad, lorsqu’une épidémie de choléra atteint le pays, les Wahhabites annoncent qu’il s’agissait d’un châtiment divin déclenché par les fumeurs de tabac et le massacre de ceux-ci fait autant de morts que l’épidémie elle-même [1]. Dès l’avènement de l’usage non médical du tabac, certains s’interrogent sur son innocuité. En 1535, alors qu’il débarque sur l’île de Montréal, Jacques Cartier se voit offrir du tabac par les Amérindiens et écrit dans son journal « Nous avons essayé de les imiter mais la fumée nous brulait la bouche comme si c’était du poivre » [3]. Dès 1659, le Dr. Everard pose la question de savoir si cette « herbe noble » n’a pas aussi « le pouvoir de raccourcir nos jours » [1]. En 1761, le médecin anglais John Hill publie ce que l’on peut considérer comme le premier article incriminant le tabac dans la survenue du cancer : « Against the immoderate use of snuff » [3]. En 1681, Simon Paulli, médecin du roi du Danemark, affirme dans son traité sur l’abus du tabac et du thé : « le tabac pris en fumée gâte le cerveau et rend le crâne noir » [16]. Gui-Crescent Fagon, médecin de Louis XIV et protégé de Madame de Maintenon, publie vers 1710 un mémoire intitulé « Les inconvénients du tabac » mais très maladroitement il en confie la lecture publique à un courtisan qui ne cesse de priser durant tout l’exposé [2,3]. En 1862, les comptes rendus de l’Académie des sciences signalent un cas de crise cardiaque après inhalation de fumée [1]. Le docteur Paul Jolly, membre de l’Académie nationale de médecine, écrit en 1882 : « Le tabagisme doit être classé au même rang de fléau social que la tuberculose, l’alcoolisme et la syphilis » [1,17]. Trois ans plus tard naît l’Association franc¸aise contre l’usage du tabac dont fera partie
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Fig. 4. Publicités pour le tabac.
Pasteur [1]. Les écrivains ne sont pas en reste. Alexandre Dumas (fils) écrit « Le tabac est selon moi, avec l’alcool, le plus redoutable adversaire de l’intelligence, mais rien n’en détruira l’abus ; les imbéciles étant les plus nombreux et le tabac n’ayant rien à détruire en eux » tandis que pour Balzac « le tabac détruit le corps, attaque l’intelligence et hébète les nations » et que pour Victor Hugo « Le tabac change la pensée en rêverie. La pensée est le labeur de l’intelligence, la rêverie en est la volupté. Malheur à celui qui tombe de la pensée dans la rêverie. Remplacer la pensée par la rêverie, c’est confondre un poison avec une nourriture » [18]. Aux États-Unis, en décembre 1899, Lucie Page Gaston fonde la Ligue américaine contre la cigarette dont Henry Ford sera l’un des premiers membres [4]. Le xxe siècle sera celui où les données scientifiques démontrant la nocivité du tabac vont se multiplier. Dès 1901, le tabac est reconnu comme « poison industriel » par l’Office du travail franc¸ais et en 1903, le parlement du Canada envisage l’interdiction totale de la cigarette [3,19]. À la même période paraissent divers travaux sur la dépendance et l’assuétude (toutes deux en fait déjà décrites par Sir Francis Bacon en 1623) que déclenche la nicotine [20]. En France, plusieurs thèses de médecine dénoncent l’effet nocif du tabac en otorhinolaryngologie [17]. Mais la Première Guerre mondiale fait passer au second plan les risques entrevus ; la fourniture de cigarettes aux troupes est primordiale pour maintenir leur moral [1]. Dans l’intervalle entre les deux conflits mondiaux, en 1928, le New England Journal of Medicine publie une cohorte de 217 patients atteints d’un cancer et souligne que ceux qui sont atteints d’un cancer du poumon, des lèvres, de la langue, de la mâchoire, de la joue et, dans une moindre mesure, du larynx sont presque tous de grands fumeurs [21]. L’attention du corps médical est aussi attirée par la très importante progression du nombre
de cas de cancer du poumon. Alors que la plupart l’attribuent aux gaz d’échappements et au bitume des routes, le chirurgien américain Alton Ochsner publie en 1939 un article qui en fait porter la responsabilité au tabac [22]. À la même période, en Allemagne, paraissent les premières études épidémiologiques qui relient le cancer du poumon au tabac et soulignent les complications vasculaires du tabagisme [23,24]. Il en découle, en 1942, l’interdiction de fumer et de vente de tabac aux femmes allemandes et la réduction de la ration allouée aux soldats allemands. Après-guerre, ces travaux menés sous l’égide de structures dépendant du parti nazi dans le cadre de la « purification ethnique » seront pudiquement passés sous silence. Mais en 1950 plusieurs études épidémiologiques anglo-saxonnes consacrées à l’impact du tabagisme sur l’incidence des cancers pulmonaires relancent le débat [25–27]. Ces nouvelles études se heurtent à un très grand scepticisme en raison de l’intense lobbying et marketing déployé par les compagnies de tabac visant à promouvoir l’idée de l’innocuité du tabac et qui vont jusqu’à faire fumer le père Noël (Fig. 4). Un de ces pionniers dans la lutte contre le tabagisme, le Dr. Doll décide alors de suivre pendant 40 ans une cohorte de 40 000 médecins britanniques tabagiques et constate que la moitié de ces fumeurs meurt à cause de cette très mauvaise habitude [28]. Cette démonstration sera confortée par la publication de données épidémiologiques qui soulignent le parallélisme entre, d’une part, consommation de tabac et, d’autre part, incidence et décès par cancers pulmonaires en particulier chez les femmes y compris chez celles qui ne fument pas mais dont les conjoints fument [4,29]. En 1961, la commission Smoking and Health est créée sous l’égide de l’administration Kennedy et rend des conclusions qui mettent formellement en cause le tabac dans l’étiologie du cancer du poumon, du larynx et de la bronchite chronique. Il faudra
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Tableau 1 Classification schématique de l’impact des divers composants de la fumée de tabac sur les états pathologiques entraînés par le tabagisme. Dérivés « actifs » de la combustion (goudrons, métaux lourds, acroléine. . .)
Nicotine
Dérivé « passif » de la combustion (monoxyde de carbone)
Additifs
Addiction
0
+
0
+
Rhinites, pharyngites, laryngites, gingivites Cancers des voies aéro-digestives supérieures et du poumon Autres cancers : estomac, pancréas, vessie, foie, rein, col utérus, côlon, prostate, peau Bronchite chronique
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Affections cardiovasculaires : angine de poitrine, infarctus, HTA, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral, anévrysme de l’aorte, artérite, pathologies thromboemboliques
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Reflux gastro-œsophagien, ulcère peptique Vieillissement de la peau
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Trouble de l’érection, diminution de la fertilité Ostéoporose Pathologies de la grossesse : GEU, diabète gestationnel, pré-éclampsie, prématurité, hématomes et hémorragies lors de la délivrance, retard de croissance du fœtus + : effets reconnus ; 0 : pas d’effet reconnu.
encore 14 ans pour que l’American Medical Association, noyautée par l’industrie du tabac, se rallie à ses conclusions [4]. En 1969, l’Association médicale canadienne reconnaît une relation de cause à effet entre tabagisme et cancer pulmonaire [3]. En France, à partir des années 1970, l’Académie nationale de médecine publie des mémoires condamnant formellement le tabac [1]. Puis les médecins soulignent que le simple tabagisme passif génère plus de décès par atteinte cardiaque que par cancer du poumon, que le risque global de décès est associé au nombre de cigarettes fumées par jour et que le schéma de risque de décès des fumeurs ayant arrêté de fumer depuis plus de dix ans est identique à celui des non-fumeurs [1,3,4,29–31]. Diverses lois et règlements qui restreignent progressivement la publicité et les lieux publics (avions, bars, restaurants, lycées, universités, musées, gare, lieux de travail. . .) où fumer est autorisé sont alors progressivement promulgués dans les pays occidentaux alors que le public est informé que la cigarette crée une dépendance et génère des maladies mortelles [1,3,31]. En 1992, la Food and Drug Administration nord-américaine classe la fumée de tabac comme un produit cancérogène humain (comme le radon et l’amiante) [3]. Et en 1996, un des pionniers de la cancérologie en France, le professeur Tubiana écrit « si le tabac était découvert aujourd’hui, il serait automatiquement interdit. Son usage en tout lieu est un accident de l’histoire » [12]. Si en 1951 une publicité pour une célèbre marque de cigarettes proclamait que le tabac n’irritait pas la gorge [3], de nombreux travaux au décours du xxe siècle ont souligné les effets nocifs du tabac dans le domaine de l’otorhinolaryngologie. Ces effets nocifs ne sont pas liés à la nicotine mais au mélange de particules solides (goudron) et au monoxyde de carbone libérés lors de la combustion qui se combinent au sein de la fumée et sont responsables des diverses pathologies favorisées par le tabagisme (Tableau 1).
Plus d’une cinquantaine de particules solides (dont les nitrosamines) contenues au sein de la fumée favorisent la survenue des cancers épidermoïdes non seulement du larynx mais aussi de la cavité buccale, de l’oropharynx et du nasopharynx [32,33]. Ainsi, le roi Frédéric II de Prusse, grand amateur de la pipe, est décédé d’un cancer du larynx tout comme Puccini alors que Freud, grand amateur du cigare, sera emporté par un cancer de la cavité buccale. Les irritants (acétone, phénols, acide cyanhydrique) qui se forment lors de la combustion altèrent les muqueuses respiratoires et favorisent la survenue d’infections des voies aériennes supérieures en particulier chez l’enfant [3]. Le monoxyde de carbone formé par la combustion incomplète du carbone a la propriété de se fixer sur l’hémoglobine à la place de l’oxygène d’où un moindre taux d’oxygène dans le sang et au niveau des organes. Pour contrer l’hypoxie qui en résulte, fréquence cardiaque et pression artérielle augmentent, diminuant la capacité à l’effort et augmentant les risques pour le cœur et les vaisseaux [3]. En otorhinolaryngologie, cette atteinte vasculaire affecte plusieurs fonctions sensorielles. Ainsi, les récidives de surdité brusque sont plus fréquentes chez les fumeurs [34,35]. De même les troubles de l’équilibre sont plus fréquents chez les fumeurs alors que fumer ralenti ou annule l’effet des traitements du vertige [36,37]. Enfin le tabac altère les terminaisons du nerf olfactif au niveau de l’ethmoïde avec des seuils olfactifs souvent plus élevés chez les fumeurs y compris chez les fumeurs passifs [38]. De même, les seuils électro-gustométriques sont plus élevés chez les fumeurs. Ainsi, à la fois l’odorat et le goût sont altérés lors de la consommation de tabac. Les dangers médicaux reconnus en ce début de xxie siècle (Tableau 1) ne sont pas les seuls à fragiliser la consommation de tabac dans les pays occidentaux. L’ouverture des archives secrètes de l’industrie du tabac qui a suivi les procès des compagnies de
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tabac aux États-Unis a démontré que le dosage de la nicotine était intentionnellement ajusté et qu’une partie de l’industrie avait recours à des tabacs génétiquement modifiés tout en développant des cultures à haute teneur en nicotine [3,4]. Par ailleurs, divers additifs ont été ajoutées au tabac dans la cigarette et le pH de la fumée a été adapté pour augmenter et accélérer l’arrivée de la nicotine au cerveau mais aussi pour rendre la fumée de cigarette en apparence moins agressive et améliorer le confort du fumeur favorisant par là sa consommation [3,4]. Parmi ces additifs, l’ammoniac favorise l’absorption de la nicotine, le cacao dilate les voies respiratoires alors que le génol et le menthol par leurs vertus adoucissantes masquent l’effet irritant de la fumée [3,4]. Des experts indépendants ont récemment analysé les études commandées réalisées et publiées en 2002 par les compagnies de tabac qui concluaient à l’innocuité des additifs dans les cigarettes [39]. Contrairement à ce qui avait été alors publié par les compagnies de tabac, l’ajout d’additifs augmente de fac¸on significative l’effet addictif et la toxicité de la fumée des cigarettes [39]. À ces problèmes de transparence et d’éthique s’ajoute le facteur écologique car le traitement et le séchage du tabac participe à la déforestation mondiale et à ses conséquences [3,40]. Les États se rendent compte, par ailleurs, que le tabagisme a un coût exorbitant pour la société. Ainsi, en 2012, en France, la Cour des comptes estimait que si le tabac rapporte 15 milliards de taxes par an, il en coûte 47 à la collectivité dont 12 à l’assurance maladie [41]. De même, aux États-Unis, le coût de santé publique lié au tabac est estimé à 52 milliards et à plus de 100 milliards si l’on intègre la perte de productivité [3]. Enfin, malgré les affirmations faites sous serment devant la chambre des représentants nord-américains par les sept présidents-directeurs généraux des multinationales américaines du tabac qui, en 1994, proclamaient l’innocuité de cette plante, deux ans plus tard un jury de Floride accordait 750 000 dollars à Grady Carter et à son épouse dans une affaire de responsabilité contre la compagnie de tabac Brown & Williamson [1,3,4]. Quatorze États nord-américains ont alors intenté des poursuites contre les compagnies en vue de recouvrer les coûts de santé publique attribuables au tabagisme [3,4]. Et la même année les « majors » ont dû conclure un accord avec l’État américain garantissant leur survie jusqu’en 2020 mais leur imposant aussi de lourdes pénalités financières [4]. Ce n’était que le début d’une lutte incessante de la justice américaine contre les méandres légaux qu’allèrent emprunter, à grands frais, les grandes compagnies pour tourner la législation [4]. Et, à ces divers aléas s’est ajoutée, en 2004, l’invention par le pharmacien chinois Hon Lik de la cigarette électronique qui grignote le marché des fumeurs.
4. Conclusion Si l’on observe le nombre de décès imputables au tabac survenus au décours du xxe siècle et au début du xxie , le tabagisme est, sans conteste, la pire des épidémies que l’être humain ait eu à affronter. Chaque année, près de 6 millions de morts dans le monde et comment estimer à son juste coût celui des maladies et des infirmités provoquées [42] ?. Même si le nombre de voix s’élevant en faveur de la liberté de fumer diminue, les intérêts financiers en jeu sont tels que, pour le grand commerce et trop souvent les États, tous les moyens sont bons pour prolonger cette hémorragie d’argent et de vies humaines. En 2008, les gouvernements ont récolté 167 milliards de dollars de taxes tout en ne dépensant que 965 millions dans la lutte contre le tabagisme [1,4]. Pour ces mêmes raisons, le concert des nations est relativement discret lors des projections concernant les perspectives de mortalité dans les pays des continents asiatique et africain. C’est dans ces régions que le pic de l’épidémie sera le plus important dans les années qui viennent. Pour certains statisticiens, l’année 2130 est la date prévue de la
disparition du tabac dans les pays occidentaux : dans les congrès dédiés à la lutte contre le tabagisme, les communications évoquant une possible « fin de partie » (end game) se multiplient. En sera-t-il de même ailleurs ? Le tabagisme est une plaie aux conséquences plus terribles que toutes celles des autres addictions combinées et le respect de la liberté individuelle ne doit pas être un leurre. Comme l’a écrit Marc Kirsch : « Fumer n’est pas une affaire privée, et ne l’a sans doute jamais été » [1]. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Corvol P. Le tabac. La Lettre du Collège de France 2010;3. www.collegede-france.fr/media/lettre-du-college-de-france/UPL1521451393481137131 CDF LettreHS Tabac Interieur.pdf [hors série]. [2] Jakowsky A. L’épopée du tabac. Paris: Éditions d’art et d’industrie. Max Fourny ed; 1971. [3] Cunningham R. La guerre du tabac : l’expérience canadienne. Ottawa: Centre de recherche pour le développement international ed; 1996. [4] Goodman J. Tobacco in history and culture. An encyclopedia. Farmington Hills, MI: Thomson Gale ed; 2005. [5] Szancer H. À propos du quatrième centenaire de Jean Nicot. Rev Hist Pharm (Paris) 1930;18:238–41. [6] Wennig R. Back to the roots of modern analytical toxicology: Jean Servais Stas and the Bocarmé murder case. Drug Test Anal 2009;1:153–5. [7] Hoffmann S. Le bon tabac : traité sur les bienfaits du tabac. Paris: Albin Michel ed; 2012. [8] Trousseau A, Belloc H. Traité pratique de la phtisie laryngée, de la laryngite chronique et des maladies de la voix. Bruxelles: Société encyclographique des sciences médicales ed; 1837. [9] Grimbert P. Pas de fumée sans Freud. Paris: Armand Colin ed; 1999. [10] FAO statistical yearbook. Rome: Food and Agriculture Organization of the United Nations, ed; 2013. www.fao.org/home/en/ [11] Callard C. Follow the money: how the billions of dollars that flow from smokers in poor nations to companies in rich nations greatly exceed funding for global tobacco control and what might be done about. Tob Control 2010;19:285–90. [12] www.inpes.sante.fr/10000/themes/tabac/historique-composition.asp [13] www.who.int/tobacco/en/atlas16.pdf [14] www.who.int/tobacco/global report/2013 [15] Duchein M. Jacques Ier Stuart. Paris: Fayard ed; 2003. [16] Paulli S. A treatise on tobacco, tea, coffee, and chocolate: in which the advantages and disadvantages attending the use of these commodities are considered. United States: Gale Ecco, Sabin Americana, ed; 2012, gdc.gale.com/products/sabin-americana-1500-1926/. [17] www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/auvergne-2.pdf [18] Molimard M. Histoire du tabagisme. www.tabac-humain.com/wp-content/ Historique-du-tabagisme1.pdf [19] Guy A. Intoxication par le tabac. Paris: Masson ed; 1913. [20] Véléa D. Toxicomanies et conduites addictives. Paris: Heures de France ed; 2005. [21] Lombard H, Doering CR. Cancer studies in Massachusetts: habits, characteristics and environment of individuals with and without cancer. N Engl J Med 1928;198:481–7. [22] Blum A. Alton Ochsner, MD, 1896–1981 anti-smoking pioneer. Ochsner J 1999;1:102–5. [23] Müller FH. Tabakmissbrauch und Lungencarcinoma. Z Krebsforsch 1939;49:57–85. [24] Proctor RN. The antitobacco campaign of the Nazis: a little known aspect of public health in Germany, 1933–45. BMJ 1996;313:1450–3. [25] Wynder EL, Graham EA. Tobacco smoking as a possible etiologic factor in bronchiogenic carcinoma: a study of six hundred and eighty-four proved cases. JAMA 1950;143:329–36. [26] Levin ML, Goldstein H, Gerhardr PR. Cancer and tobacco smoking. A preliminary report. JAMA 1950;143:336–8. [27] Doll R, Hill AB. Smoking and carcinoma of the lung: preliminary report. BMJ 1950;2:739–48. [28] Doll R, Peto R, Whitley K, et al. Mortality in relation with smoking British doctors. BMJ 1994;309:901–11. [29] Hill C, Jougla E, Beck F. Le point sur l’épidémie de cancer du poumon du au tabagisme. Bull Epidemiol Hebd 2010;19–20:210–3. [30] Glantz SA, Parmley WW. Passive smoking and heart disease. Epidemiology, physiology and biochemistry. Circulation 1991;83:1–12. [31] Licaj I, RomieuI, Clavel-Chapelon F, et al. Impact du tabac sur la mortalité totale et sur la mortalité par cause dans l’étude européenne EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and nutrition). Bull Epidemiol Hebd 2013;20–21:234–8.
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