Le diagnostic biologique de la maladie de Chagas

Le diagnostic biologique de la maladie de Chagas

LES MALADIES TROPICALES (1) Le diagnostic biologique de la maladie de Chagas Jean-François Paysa,* RÉSUMÉ SUMMARY L diagnostic Le di ti direct di ...

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LES MALADIES TROPICALES (1)

Le diagnostic biologique de la maladie de Chagas Jean-François Paysa,*

RÉSUMÉ

SUMMARY

L diagnostic Le di ti direct di t de d la l maladie l di de d Chagas, Ch sur simple i l frottis f tti ou après è concentration, est relativement aisé en phase aiguë, surtout pendant le premier mois. Il devient ensuite de plus en plus difficile et, à partir du troisième mois, pratiquement impossible sans faire appel à des techniques permettant une multiplication du parasite ou de son génome : xénodiagnostic, hémoculture, PCR, avec des résultats souvent décevants. Le recours aux techniques indirectes est donc la règle pour le diagnostic des formes chroniques. Deux de ces techniques mettant en jeu des types d’antigènes différents, ou mieux, deux techniques de principe différent, doivent être utilisées conjointement, ainsi qu’une troisième en cas de résultats discordants. Ce protocole laisse naturellement un certain nombre de sérums indéterminés. Il n’existe pas actuellement de test de confirmation, ni de « gold standard » validés bien que le TESA-blot prétende à ce titre. Ce sont soit deux ELISA, soit un ELISA et une IFI qui sont actuellement utilisées en France, avec soit une IFI, soit un second ELISA en cas de résultats discordants. En raison de son manque de sensibilité (70 %), la PCR ne peut être considérée comme un outil diagnostique en phase chronique. Elle a toutefois un rôle à jouer dans celui des formes congénitales, la surveillance des réactivations, le suivi post-thérapeutique. Des tests de diagnostic rapide (TDR), basés sur le principe de l’immunochromatographie, sont disponibles. La plupart ne sont pas validés. Ils font appel à des peptides synthétiques ou à des antigènes recombinants. Leur spécificité est bonne dans l’ensemble. Leur sensibilité est encore insuffisante, de l’ordre de 93 % pour le seul TDR validé, labellisé CE, mais indisponible en France. Maladie de Chagas – trypanosomoses américaines – triatomes – réduves – Amérique latine – Trypanosoma cruzi – Trypanosoma rangeli – hémocultures – xénodiagnostic – diagnostic – TESA-blot – CoML.

1. Introduction Malgré les succès remportés par les initiatives régionales prises par les gouvernements des différents pays concernés (INCOSUR pour les pays du Cône sud, IPA pour ceux du a Laboratoire de pathologie exotique Faculté de médecine Necker – René Descartes 156, rue de Vaugirard 75015 Paris Universidad Nacional del Nordeste CENPETROP – Facultad de medecina Corrientes – Argentina

* Correspondance [email protected] article reçu le 23 décembre 2009, 2009 accepté le 31 août 2010 © 2011 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

Chagas’disease diagnosis The direct diagnosis of Chagas’disease on simple smear or after concentration is relatively easy to do in acute phase, especially during the first month. It becames then more and more difficult and, from the third month, pratically impossible without the use of techniques allowing a multiplication of the parasite or of its genome : xenodiagnosis, hemoculture and PCR, with often disappointing results. The use of indirect techniques is thus the rule for the diagnosis of chronic forms. Two of these, involving different antigens, or better, two techniques of different principle, are needed, as well as a third in case of inconclusive results. This protocol leaves a certain number of serums inconclusive. It exists, at the present, neither test of confirmation, nor gold standard validated, althoug the TESA-blot aspires as such. Either two ELISA or an IIF and an ELISA, with an IIF or a second ELISA in case of inconclusive results, are used in France at the present. Because of its lack of sensitivity, the PCR cannot be considered as a diagnostic tool in chronic phase. It has howewer a role to play in that of the congenital forms, in the surveillance of the reactivations and post therapeutic follow up. Tests for fast diagnosis(TDR) based on the principle of the immunochromatography, are available. More are not validated. They use synthetic peptides and recombinant antigens. Their specificity is good, but their sensitivity is still insuffisant, about 93% for the only validated, certified CE, unavailable in France. Chagas’disaease – american trypanosomiasis – triatoma – reduvidae – Trypanosoma cruzi – Trypanosoma rangeli – blood-cultures – xenodiagnosis – diagnosis – TESA-blot – CoML – South America – Central America.

Pacte andin et IPCA pour les pays d’Amérique centrale), avec, pour ambition, l’élimination des vecteurs domiciliés (figures 1 et 2) comme Triatoma infestans et Rhodnius prolixus, la maladie découverte par Carlos Chagas (figure 3) il y a tout juste 100 ans [1], c’était encore, en 2006, une prévalence de 8 à 12 millions de cas, une incidence annuelle variant, selon les sources, entre 40 000 (PAHO) et 200 000, une mortalité estimée à 20 000, une morbidité comprise entre 30 et 36 % de la prévalence, au moins 15 000 cas congénitaux annuels, l’apparition de foyers de résistance des vecteurs aux insecticides (figure 4), une émergence de la maladie en Amazonie justifiant la création d’un REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2011 - N°430 //

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Figure 1 – Lutte antivectorielle par les insecticides rémanents contre les triatomes domiciliés, c’est-à-dire se reproduisant dans les maisons et qui sont responsables de l’essentiel de la transmission.

Figure 3 – Billet émis par la Banque Centrale du Brésil en hommage à Carlos Chagas.

Le portrait du médecin figure au côté de la figuration stylisée du cycle du parasite.

Figure 4 – Adulte de Rhodnius prolixus résistant à la dieldrine.

L’acquisition de cette résistance s’est accompagnée d’une mutation touchant la couleur des yeux (de noir à rouge). © Photo JF Pays.

Figure 5 – Cycle de Trypanosoma cruzi dessiné sur les indications d’E. Brumpt pour servir à l’enseignement des élèves de l’Institut de médecine tropicale de Paris.

© Photo JF Pays.

Figure 2 – Recherches des triatomes dans les fentes des murs où ils se cachent volontiers.

Le linge sur le fil n’est pas du linge en train de sécher mais c’est la façon habituelle de le « ranger » en l’absence d’armoire, ce qui est très souvent le cas. Pour faire une numération exacte des triatomes vivant dans une maison, il faut détruire cette maison pierre par pierre. C’est possible, car ce type de maison ne vaut généralement guère plus que quelques centaines de dollars et peut être reconstruite en quelques jours. © Photo JF Pays.

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© Photo JF Pays.

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Figure 6 – Rhodnius prolixus. Adulte et cinq stades larvaires.

La larve de 5e stade est appelée nymphe. Il n’y a pas de transmission congénitale de T. cruzi mais une transmission transtadiale. © Photo JF Pays.

observatoire spécial, l’AMCHA, et « l’émergence » de cette affection en zone non endémique, suite à l’émigration massive des Latino-Américains, à partir des années 80, vers les États-Unis, l’Europe, l’Australie et le Japon. En France métropolitaine (Guyane française exclue), on estimait qu’il y avait, en 2006, entre 1 000 et 3 000 personnes infectées et, en 2009, 1 469 (895 à 2 619), dont 235 (165-384) enfants adoptés entre 1980 et 2007 [2]. En 19981999, un dépistage ciblé, basé sur le volontariat, effectué dans la région parisienne et concernant 250 personnes dont 222 d’origine bolivienne, a montré une prévalence globale de 23,6 % [3]. Ces chiffres ne peuvent être extrapolés en aucun cas à l’ensemble des Latino-Américains vivant en France, car la Bolivie est le pays qui connaît de loin le plus fort taux de prévalence de toute l’Amérique latine, avec des chiffres qui pouvaient dépasser 50 % dans certaines régions il y a une vingtaine d’années.

2. Description de la maladie de Chagas Trypanosoma cruzi, l’agent de la maladie de Chagas, est l’agent d’une zoonose américaine qui touche plus de 180 espèces de mammifères sauvages et domestiques, allant des chiroptères aux primates, du chien à la souris. Cette zoonose existait bien avant le peuplement de l’Amérique latine et la maladie de Chagas n’en est qu’un avatar dû en grande partie à la sédentarisation de l’homme, à sa façon de vivre et à ses comportements. T. cruzi est un trypanosome qui appartient au groupe des Stercoraria [4] caractérisé par une multiplication discontinue intracellulaire obligatoire sous forme amastigote et la genèse de ses formes infectantes dans la partie postérieure de l’intestin de ses vecteurs (figure 5). Ceux-ci, sorte de grosses punaises couramment appelées triatomes ou réduves, sont hématophages dans les 2 sexes et à tous les stades de leur développement (figure 6). Il en existe plus de 140 espèces dont pratiquement la moitié, toutes américaines, ont été trouvées porteuses de Trypanosoma cruzi (figure 7).

Figure 7 – Panstrongylus megistu, un des vecteurs de la maladie de Chagas. Ce triatome a changé plusieurs fois de nom : Conorhinus megistus (c’est dans l’intestin de ce triatome connu alors sous ce nom que Chagas trouva pour la première fois T. cruzi), puis Triatoma megista et enfin Panstrongylus megistus. Dessin fait sur les indications d’E. Brumpt qui décrivit le premier le cycle complet du parasite chez le vecteur et qui découvrit la transmission par les déjections et non par les piqûres des insectes pour servir à l’enseignement des élèves de l’Institut de médecine tropicale de Paris. © Photo JF Pays.

Figure 8 – Rancho typique.

C’est une maison paysanne, souvent sans fenêtre, construite avec de la boue séchée et couverte d’un toit de palmes. Le sol est en terre battue. Les murs sont craquelés. On en trouve de toutes tailles, avec ou sans annexes, du nord au sud de l’Amérique latine. C’est un gîte idéal pour les triatomes. © Photo JF Pays.

Figure 9 – Intérieur d’un rancho.

On aperçoit au second plan « la chambre à coucher », avec le lit et les couvertures roulées à son pied. La photo illustre bien l’encombrement extrême de ces intérieurs, souvent sans meuble, notamment sans armoire pour ranger affaires et vêtements qui s’entassent, formant des gîtes très propices à la prolifération des vecteurs. © Photo JF Pays.

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Le schéma épidémiologique de la maladie de Chagas, maladie de la paysannerie et de la pauvreté, comporte classiquement deux cycles, l’un domestique, assuré par des vecteurs domiciliés, c’est-à-dire vivant et surtout se reproduisant dans les maisons, notamment les « ranchos » maisons paysannes dont les caractéristiques sont particulièrement favorables à la prolifération des triatomes, et l’autre, sauvage (figures 2, 8, 9). Ces deux cycles interfèrent de nombreuses et différentes manières, essentiellement par l’intermédiaire des vecteurs et des animaux sauvages ou domestiques infectés qui circulent de l’espace sauvage vers l’espace péri-domestique puis domestique, et vice versa [5]. Dans la dernière partie du vingtième siècle, ce schéma, qui garde encore sa valeur, s’est complexifié en raison de la pénétration de l’homme et de son installation dans le milieu sauvage, notamment en Amazonie, en raison également de modifications profondes au niveau de l’environnement, et notamment d’une déforestation intensive qui, chassant les vecteurs de leur niche écologique naturelle, les a poussés à se domicilier pour trouver de la nourriture, en raison enfin d’un important mouvement migratoire de la paysannerie vers les villes, puis, des villes vers des pays non endémiques. En zone endémique, la transmission vectorielle par les déjections des triatomes représente environ 80 % des nouveaux cas, mais d’autres modes de transmission sont possibles, comme la voie orale qui se traduit souvent par des formes graves (viande de chasse mangée presque crue, consommation de nourriture ou de jus de fruits artisanaux souillés par des déjections de triatome ou par leur broyat), contact avec le sang d’animaux infectés lors du dépeçage… En zone endémique comme en zone non endémique, la maladie peut se transmettre également par transfusion sanguine, greffe et transplantation d’organe, partage de seringue et surtout par voie congénitale. En raison d’un dépistage de plus en plus efficace pratiqué par les banques de sang et de la diminution du nombre des cas dus à la transmission vectorielle, ce dernier mode représente aujourd’hui entre 10 et 30 % des nouveaux cas d’une maladie qui risque d’être ainsi pérennisée en zone d’endémie, comme en zone non endémique, une fois éliminée la transmission vectorielle. La phase aiguë de la trypanosomose humaine américaine (Tham) à T. cruzi, souvent asymptomatique ou pauci symptomatique, passe fréquemment inaperçue, mais peut se compliquer chez les jeunes enfants de myocardites ou méningo-encéphalites aiguës mortelles. La phase indéterminée, par définition toujours et totalement asymptomatique tant au plan clinique que paraclinique – ce qui ne veut pas dire absence de lésions anatomiques – peut durer de quelques mois à plusieurs dizaines d’années… ou toute la vie. La phase des complications tardives n’apparaît en effet que dans 30 à 35 % des cas. La myocardite chagasique chronique ou MCC est de loin la plus fréquente de ces complications qui peuvent être aussi digestives (méga-œsophage et méga-côlon) et beaucoup plus rarement neurologiques (névrites sensitives périphériques), sauf en cas d’AVCI liés à une défaillance cardiaque ou d’immunodépression acquise ou induite permettant une

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réactivation de l’infection au niveau du SNC, comme dans la toxoplasmose. Phase indéterminée et phase des complications tardives sont regroupées sous le terme de phase chronique. Le diagnostic direct, sur simple frottis ou après concentration, est relativement aisé en phase aiguë, surtout pendant le premier mois. Il devient ensuite de plus en plus difficile et, à partir du troisième mois, pratiquement impossible sans faire appel à des techniques permettant une multiplication du parasite ou de son génome : xénodiagnostic, hémocultures ou amplification génomique, souvent avec des résultats décevants. Le recours aux techniques indirectes est donc la règle pour le diagnostic des formes chroniques. Les deux seuls traitements actuellement validés, nifurtimox et benznidazole, sont surtout actifs pendant la phase aiguë et en cas de réactivation, avec une activité variable en fonction de l’origine géographique des souches. En phase chronique, cette activité reste discutée et encore insuffisamment documentée.

3. Les techniques utilisées pour le diagnostic de la maladie de Chagas 3.1. Diagnostic direct * 3.1.1. Recherche directe de l’agent pathogène La recherche du parasite se fait habituellement dans le sang mais peut également se faire, en cas de méningoencéphalite, dans le LCR où la « parasitorachie » s’accompagne d’une lymphorachie et d’une hyperprotéinorachie. Elle peut se faire aussi dans n’importe quel liquide de ponction et même dans le liquide prélevé au niveau de l’œil en cas de conjonctivite schizotrypanosomienne (signe de Romaña). Dans le sang prélevé sur EDTA, à l’état frais, entre lame et lamelle, les mouvements du trypanosome facilitent sa recherche. La goutte épaisse et le frottis colorés par le MGG permettent de mettre en évidence les caractères morphologiques de la forme trypomastigote : taille comprise entre 16,3 et 21,8 μm, kinétoplaste** apparemment terminal, tellement gros (1 à 2 μm) qu’il semble parfois dépasser le corps du parasite [6] (figure 10). Le noyau est central et la membrane ondulante étroite et peu plissée. Fixé, le parasite se présente souvent sous l’aspect d’un croissant, ou encore d’un C ou d’un U. T. cruzi est un parasite fragile. On ne retrouve parfois que des noyaux ou le flagelle, avec un peu de cytoplasme. Pour pallier cet inconvénient, l’utilisation d’un mélange à 1 % dans du sérum physiologique de formol à 40 % et d’acide acétique, dans un rapport de 5 pour 1 (liquide d’Erreckart),est recommandé avant la confection et la coloration d’un frottis mince ou épais ou encore d’une goutte épaisse [7]. Il existe des formes longues et fines de * Nous donnons ici son sens exact à la locution « diagnostic direct » qui signifie recherche de l’agent pathogène ou d’une partie de celui-ci (génome, antigènes circulants) soit dans un prélèvement à l’état natif, soit après concentration ou multiplication. ** Entendre sous le terme kinétoplaste : kinétoplaste+ kinétosome.

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Figure 10 – Deux formes trypomastigotes de Trypanosoma cruzi caractéristiques.

Fixées en forme de croissant, très gros kinétoplaste subterminal… mais qui paraît terminal, noyau central, membrane ondulante peu ou pas visible. © Photo JF Pays.

T cruzi mesurant jusqu’à 30 μm, avec un flagelle court, des formes larges et courtes mesurant de 11 à 12 μm de long sur 6 de large, avec un long flagelle ainsi que des formes intermédiaires. Pour certains, ce polymorphisme dépendrait de la souche ou de l’hôte. Pour d’autres, les formes étroites seraient plus particulièrement aptes à envahir les cellules pour se transformer en formes amastigotes et s’y multiplier, tandis que les formes courtes et trapues seraient plus aptes à infecter les vecteurs et à se développer dans les cultures axéniques [4] (figure 11). Plusieurs méthodes de concentration peuvent être utilisées afin d’améliorer la sensibilité de l’examen direct : double ou triple centrifugation, ou centrifugation en tube capillaire suivi d’une recherche du parasite au niveau de l’interface globules rouges/globules blancs [8]. Cette méthode dite « du microhématocrite » est particulièrement bien adaptée aux jeunes enfants. Le QBC donne également de bons résultats pour ceux qui disposent de cette technique.

3.1.2. Diagnostic direct : méthodes permettant la multiplication du parasite Trois méthodes permettent de multiplier le parasite de manière à faciliter sa mise en évidence et son identification : l’hémoculture, le xénodiagnostic et l’amplification génomique [12]. Elles ne sont pas standardisées et les résultats obtenus dépendent, surtout pour les deux premières, de si nombreux paramètres qu’il est vain de vouloir les comparer ou les caractériser avec précision par des chiffres censés rendre compte de leur sensibilité respective. 3.1.2.1. L’hémoculture Trois milieux sont couramment utilisés : BHI (infusion cœurcervelle), LIT (infusion de foie et tryptose) et Warren (milieu de LIT additionné d’un mélange de RPMI 1640 et de milieu 199). On obtient une augmentation très significative de la sensibilité en prolongeant la culture jusqu’à 6 mois (26,9 % le 60e jour et 56 % le 120e jour). Une augmentation spectaculaire de la sensibilité est également obtenue en répétant les hémocultures : 97 % en pratiquant une hémoculture 3 jours de suite et en répétant la série 3 jours plus tard, ou encore

Figure 11 – Forme large et courte de T. cruzi plus ou moins altérée par la préparation.

© Photo JF Pays.

Figure 12 – Xénodiagnostic classique avec dix L3 de T. infestans dans chacune des boîtes.

Seulement trois de ces boîtes sont visibles. Il y en a deux autres au niveau des jambes. © Photo Cenpetrop

97 % après 8 hémocultures successives [13]. D’autres paramètres interviennent, comme la rapidité avec laquelle les tubes sont ensemencés, la température à laquelle se font les manipulations, la taille de l’inoculum, l’impact de la centrifugation qui ne devrait théoriquement pas dépasser 1 500 tours/minute. De l’examen de la littérature sur le sujet, on peut dégager les notions suivantes : les résultats les meilleurs sont obtenus avec le milieu de LIT-Warren, à 28 °C, en inoculant les tubes le plus rapidement possible après le prélèvement, en répétant les hémocultures et en les gardant 6 mois [14]. En fonction des protocoles adoptés, la sensibilité varie entre 9 et 98 %. Il semble raisonnable de la fixer en moyenne autour de 35 %. 3.1.2.2. Le xénodiagnostic Souvent qualifié improprement de méthode indirecte, le xénodiagnostic, proposé par Émile Brumpt en 1914 [15], est en fait une méthode de culture in vivo rendu possible par le fait que les triatomes sont non seulement de très bons vecteurs mais qu’il n’existe pas chez eux de transmission congénitale de l’infection, alors qu’il existe une transmission transtadiale. Tout insecte né en laboratoire est donc sain et le reste tant qu’il est nourri avec du sang d’oiseaux, animaux réfractaires à T. cruzi. Le xénodiagnostic conventionnel consiste à faire piquer un sujet suspect par plusieurs lots d’une dizaine de larves de troisième stade (L3) de T. infestans contenu chacun dans une petite boîte cylindrique fermée par une gaze appliquée directement sur la peau du patient, généralement au niveau des bras, et de rechercher au bout de 30 ou 60 jours les parasites dans les déjections des insectes obtenues après stimulation par un petit massage abdominal au pinceau (figure 12). Les variables sur lesquelles peuvent porter les tentatives d’amélioration sont très nombreuses et chacune d’entre elle a fait l’objet de plusieurs publications colligées par H. Schenone [16]. Il n’en a toutefois découlé aucun véritable « consensus » et chacun a continué à pratiquer selon la méthode qui lui était propre, rendant toute comparaison des résultats bien difficile. Ces tentatives d’amélioration ont porté sur le nombre des xénodiagnostics à pratiquer REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2011 - N°430 //

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Figure 14 – Xénodiagnostic artificiel.

Figure 13 – Élevage de triatomes.

Les insectes peuvent jeûner pendant plusieurs mois et rester ainsi immobiles sur des accordéons de papier. Chaque repas complet déclenche une mue. Une souris vivante immobilisée introduite dans ce bocal pourrait être saignée à blanc en quelques heures. © Photo JF Pays.

Les triatomes sont dans un cristallisoir fermé par un voile très fin. Ils viennent se nourrir par en dessous, en piquant au travers des trous du trépied de bois, du voile et de la très fine membrane qui ferme la base de la cloche de verre contenant le sang à tester. Dix à douze cloches peuvent être montées en série. On aperçoit les tuyaux dans lesquels circule de l’eau à 37 °C. © Photo JF Pays.

successivement sur un même patient, sur l’origine géographique, l’espèce, le stade et le nombre des insectes utilisés [17], le temps pendant lequel les insectes devaient se nourrir, le délai à partir duquel le parasite était recherché dans les déjections et la méthode de recherche la plus adéquate : examen direct d’une goutte de déjection, mise en culture ou PCR des (ou sur) les déjections, ou sur les tubes digestifs disséqués, ou encore des (ou sur) les broyats homogénéisés des insectes. Le xénodiagnostic a de nombreux inconvénients : nécessité de disposer d’un élevage de triatomes, manipulations d’insectes éventuellement infectés, ce qui est toujours dangereux, même pour un technicien expérimenté, examen souvent mal accepté par le malade, réactions allergiques locales ou parfois générales aux piqûres des punaises, surtout celles du genre Rhodnius, lorsque ce type d’examen est répété, ce qui est la règle, temps de rendu des résultats souvent très long. Il a pourtant rendu d’inestimables services pendant près d’un siècle dans toute l’Amérique latine avant de céder sa place à la PCR, plus sensible, mais aussi plus onéreuse. Bien qu’encore utilisé en pratique courante dans certains laboratoires latino-américains, le xénodiagnostic l’est essentiellement aujourd’hui par les chercheurs. C’est en effet, avec l’hémoculture dont la sensibilité reste médiocre, le seul moyen d’obtenir des trypanosomes vivants chez un chagasique chronique. C’est également, avec la PCR quantitative, un bon moyen d’évaluer la parasitémie (figure 13). La pratique d’un xénodiagnostic dit « artificiel » est un excellent moyen de pallier au côté artisanal et, pour certains, quelque peu répugnant du mode opératoire classique, ainsi qu’aux risques de réactions allergiques. Au lieu d’être nourris directement sur le patient, les insectes sont alimentés avec son sang prélevé sur anticoagulant

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placé dans une petite chambre de verre fermée par une membrane à travers laquelle les insectes peuvent piquer et accéder ainsi à la nourriture. Le sang est maintenu à 37 °C par une circulation permanente d’eau chaude pulsée par une pompe thermostatée dans une seconde chambre enveloppant complètement la première et ayant des parois de verre suffisamment minces pour permettre un échange thermique rapide. Pratiqué de cette manière ou d’une manière similaire, un seul xénodiagnostic artificiel avec 40 larves de premier stade de Dipetalogaster maximus triatome originaire du Mexique qui ne joue pas de rôle dans l’épidémiologie de la maladie de Chagas, mais qui est très sensible à T. cruzi et dont les larves de premier stade, de très grande taille, prélève autant de sang que les L3 de Triatoma infestans, donne des résultats équivalents à ceux que l’on obtient avec 3 xénodiagnostics conventionnels successifs effectués avec ce même insecte [18]. Couplé à une hémoculture, un xénodiagnostic de ce type a une sensibilité de 49,4 % [16] (figure 14). 3.1.2.3. Les techniques d’amplification génomique La PCR peut avoir deux cibles : soit l’ADN kinétoplasmatique (il existe au moins trois couples d’amorces), soit l’ADN nucléaire (au moins six couples d’amorces). C’est la technique ayant pour cible l’ADN nucléaire avec le couple d’amorce TCZ1/TCZ2 qui donne les meilleurs résultats car elle permet d’amplifier l’ADN de toutes les souches de Trypanosoma cruzi, avec une spécificité de 100 %, qualité que n’a pas la kDNA PCR. De type conventionnel ou en temps réel, la DNA PCR a une sensibilité qui varie en fonction du contexte : bonne, voire excellente dans les réactivations qu’elle peut anticiper et proche de 100 % dans les 6 premiers mois de vie en cas d’infection congénitale, mais tout à fait insuffisante dans les formes chroniques (70 %), ce qui la disqualifie

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comme outil diagnostique de confirmation dans les cas difficiles, lorsque les examens sérologiques sont discordants. Elle peut être utilisée, comme déjà signalé, sur les hémocultures ou sur les déjections des triatomes, pour compléter et rendre plus performant le xénodiagnostic. En additionnant les résultats des PCR effectuées sur le sang de 57 patients à ceux des PCR effectuées sur le contenu intestinal des triatomes nourris avec le sang de ces mêmes patients, un résultat inespéré de 100 % de positivité a même été obtenu [19]. C’est une kDNA PCR qui a permis de retrouver de l’ADN de Trypanosoma cruzi dans les tissus de certaines momies Chinchorros du désert d’Atacama vieilles de 9 000 ans [20]. Il n’existe pas de méthode standardisée, ni de « trousse PCR » commercialisée pour la maladie de Chagas. Chaque laboratoire doit donc définir son propre protocole. La façon dont est extrait l’ADN a des conséquences importantes sur la sensibilité de la réaction, mais c’est, semble-t-il, le volume de sang traité qui est le facteur le plus limitant. Le nombre et la voracité des insectes utilisés permettant de traiter un volume de sang supérieur à celui traité par l’amplification génomique, c’est ce facteur qui expliquerait, dans certains cas de très faible parasitémie, la positivité du xénodiagnostic face à une PCR négative. La répétition des PCR est donc justifiée par les aléas d’une prise unique ainsi que par les fluctuations de la parasitémie, mais pose de sérieux problèmes d’ordre économique aux pays endémiques où la réalisation d’une seule PCR est bien loin d’être toujours possible. 3.1.2.4. Diagnostic anatomopathologique Sur coupe de tissus (chagome, biopsie endomyocardique, biopsie cérébrale stéréotaxique, examens post-mortem), la recherche des formes amastigotes intracellulaires, le plus souvent regroupées en nids (pseudo kystes), est grandement facilitée par l’immunohistochimie et par les techniques d’hybridation in situ. Ce sont les progrès de l’immunohistochimie qui ont permis de mettre en évidence la présence de matériel parasitaire au niveau des foyers inflammatoires présents dans le myocarde des chagasiques chroniques porteur d’une MCC, alors que les techniques de coloration conventionnelles n’avaient pas jusqu’alors permis de le faire, et de remettre ainsi en cause la nature purement auto-immune des MCC [21]. La présence de parasites entiers et vivants a ensuite été confirmée par des infections expérimentales chez la souris avec un clone transgénique de Trypanosoma cruzi exprimant la β-galactosidase d’E. coli qui se colore électivement sur coupe par le X-gal [22]. Les formes amastigotes tissulaires de T. cruzi doivent être différenciées des leishmanies dont le kinétoplaste est plus petit, et que l’on trouve surtout dans les macrophages du système réticulo-endothélial. Elles doivent être également différenciées d’Histoplasma capsulatum qui est entouré d’une pseudocapsule, avec parfois des bourgeons et qui prend les colorants spécifiques des champignons. Quant aux kystes de Toxoplasma gondii, ils sont constitués d’amas de noyau sans kinétoplaste. On peut trouver des formes amastigotes de T. cruzi dans pratiquement tous les organes, ce qui n’a pas automatiquement de signification pathologique, et dans pratiquement toutes les cellules, avec une

Figure 15 – Formes amastigotes de Trypanoma cruzi.

Apposition colorée au MGG. On distingue bien le kinétoplaste sous forme d’un petit bâtonnet. © Photo J-F.Pays

Figure 16 – Nid de formes amastigotes de Trypanosoma cruzi dans le muscle cardiaque.

© Photo JF Pays.

préférence très marquée pour celles des muscles striés et de la glie (figures 15 et 16). 3.1.2.5. Diagnose différentielle La présence éventuelle de Trypanosoma rangeli peut poser des problèmes de diagnose. Trypanosoma rangeli est le second trypanosome que l’on peut retrouver dans un sang humain en Amérique latine. Considéré comme non pathogène pour l’homme, mais sympatrique de Trypanosoma cruzi avec lequel il partage nombre d’hôtes définitifs et de vecteurs, notamment les triatomes du genre Rhodnius, T. rangeli est plus grand que T. cruzi puisqu’il mesure de 26,4 μm à 33,8 μm, avec une extrémité antérieure effilée, un kinétoplaste ponctiforme nettement subterminal, une membrane ondulante bien développée, un long flagelle libre et un noyau situé au niveau du 1/3 antérieur du corps du parasite et non en position centrale [4-6]. Les formes métacycliques présentes dans les glandes salivaires des triatomes sont très polymorphes et de taille très variable (20 à 100 μm). Contrairement à T. cruzi, T. rangeli est pathogène pour son vecteur, plus pour les femelles que pour les mâles. Il réduit chez les Rhodnius le nombre des symbiontes nécessaires à leur survie et perturbe les mues, entraînant une surmortalité des larves de pratiquement 100 % [9]. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2011 - N°430 //

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En cas d’infection mixte et/ou de diagnose difficile, plusieurs façons de différencier T. rangeli de T. cruzi ont été proposées. La première consiste à effectuer un xénodiagnostic (cf. infra) et à rechercher T. rangeli dans l’hémolymphe et les glandes salivaires des insectes, T. cruzi restant cantonné à leur tube digestif. Les résultats sont aléatoires pour de multiples raisons et nécessitent bien entendu un élevage de triatomes. Plus simplement et avec moins d’aléas, la digestion de l’ADN total des parasites avec l’enzyme de restriction BspRI permet d’obtenir des fragments de 1 800 et 1 900 paires de bases caractéristiques de T. rangeli et/ou un fragment de 350 paires de bases caractéristique de Trypanosoma cruzi. La présence des trois bandes signe une infection mixte [10]. Il est également possible d’amplifier une séquence de 542 paires de bases spécifiques de Trypanosoma rangeli contenu dans une séquence répétitive de son ADN, ou de réaliser une PCR duplex amplifiant et différenciant simultanément T. rangeli et T. cruzi [11].

3.2. Diagnostic indirect Les antigènes utilisés en sérologie peuvent être des antigènes somatiques d’épimastigotes ou de trypomastigotes, des antigènes secrétés-excrétés de trypomastigotes, des antigènes recombinants ou des peptides synthétiques. Les techniques les plus utilisées sont l’IFI, l’ELISA et l’HAI. Il existe également depuis peu des tests immunochromatographiques rapides (TDR) dont la plupart sont en cours de validation. La Stat-Pack, le seul qui soit validé, a une sensibilité de 94 % et une spécificité de 99 %. Il fait appel à des antigènes recombinants et se pratique sur sérum ou sang total. Il est estampillé CE mais n’est pas importé en France. Le nombre relativement élevé de faux négatifs empêche pour l’heure de le recommander comme test de dépistage mais il pourrait être ponctuellement utilisé en dépannage, par exemple lors de l’accouchement d’une femme originaire d’une zone d’endémie au statut sérologique inconnu. Une amélioration de la sensibilité du StatPack permettrait également de l’utiliser comme troisième technique en cas de discordance entre les résultats de l’IFI et de l’ELISA. Les croisements Trypanosoma cruzi/Leishmania spp. sont bien connus et doivent être pris en compte au moindre doute. Trypanosoma cruzi et Trypanosoma rangeli ont 60 % de leur antigènes solubles en commun et la plupart des réactions sérologiques sont également croisées, notamment l’IFI pratiquée sur formes épimastigotes, beaucoup moins celle pratiquée sur trypomastigotes [23]. Le sérum des souris infectées par T. rangeli reconnaît de nombreux peptides synthétiques utilisés comme antigène dans le diagnostic de la maladie de Chagas et notamment l’antigène SAPA, partie C-terminale de la transialidase, considérée un temps et à tort comme spécifique de phase aiguë [24-5]. Les sujets infectés par T. rangeli se révèlent toutefois incapables de produire des anticorps à un taux suffisant pour être détectés par une réaction sérologique de type ELISA et à plus forte raison pour interférer avec celles mises en œuvre pour détecter les infections à T. cruzi [25]. Les interactions de T. rangeli et T. cruzi sont en fait mal connues. Comme cela avait été montré chez la souris il y a quelques années, T. rangeli

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induit une certaine protection vis-à-vis des infections à T. cruzi en réduisant la parasitémie, l’intensité des phénomènes inflammatoires et la mortalité [26]. Une protéine recombinante extraite de T. rangeli a même été proposée comme candidat vaccin.

4. Diagnostic selon les formes cliniques 4.1. Diagnostic de la forme congénitale Pratiquée sur le sang de l’enfant ou du cordon, la recherche de T. cruzi est impérative chez tout nouveau-né né d’une mère séropositive pour au moins deux raisons : l’infection peut se manifester dans certains cas par des formes graves (détresse respiratoire, hépato-splénomégalie, myocardite et méningo-encéphalite), notamment en cas de co-transmission VIH/T. cruzi [27], et un traitement dans les six premiers mois guérira définitivement l’enfant dans pratiquement tous les cas au prix d’effets indésirables minimes. Passés les 100 premiers jours, les effets indésirables augmenteront progressivement en intensité et en fréquence (50 % des cas à parti du dix-huitième mois). Nifurtimox et benznidazole sont contre-indiqués chez la femme enceinte. En revanche, après l’accouchement et l’allaitement, toutes les mères séropositives devront être traitées. Si la guérison des formes chroniques est beaucoup plus rare chez l’adulte que chez l’enfant et, à plus forte raison que chez le nouveau-né, on pense que le traitement aura pour effet de diminuer la charge parasitaire, de retarder éventuellement l’apparition de complications tardives et, théoriquement, de réduire le risque de transmission lors d’une nouvelle grossesse. Dans l’état actuel de nos connaissances, ce risque, estimé à une transmission pour 20 naissances, semble avant tout aléatoire, mais aussi plus ou moins lié à l’importance de la parasitémie. Lorsqu’une femme est reconnue séropositive pour la maladie de Chagas, tous les enfants de la fratrie devront être dépistés. À la naissance, la recherche du parasite se fera directement sur frottis du sang de l’enfant ou du cordon, avant et après concentration. Ces examens permettent de détecter pratiquement 100 % des formes congénitales (96 à 97 %), à condition d’être répétés au cours des premiers mois et au moins à J3 et J30 en raison des fluctuations de la parasitémie. Passé le 6e mois, la sensibilité des examens directs est inférieure à 75 %. Entre le deuxième et le sixième mois, celle de la PCR est pratiquement de 100 % pour tomber ensuite aux alentours de 70 % [28]. En cas de négativité des examens directs chez un enfant né d’une mère séropositive, la recherche des IgG spécifiques chez l’enfant sera mise en œuvre à partir du huitième mois, une fois éliminé les anticorps d’origine maternelle. La recherche des IgM n’a guère d’intérêt en raison de son manque de spécificité et surtout de sensibilité (55 à 90 % et 60 à 80 % respectivement) [28]. Si l’enfant est traité dans les toutes premières semaines, la séro-réversion se produit dans l’année qui suit le traitement. Passé le sixième mois, plus le traitement est tardif, plus le nombre des séro-réversions s’amenuise et plus elles apparaissent tardivement. La PCR quantitative peut être utilisée pour suivre l’évolution post-thérapeutique.

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de l’OMS. Il n’existe pas non plus de technique de confirmation en dehors de l’IFI en cas de résultats discordants. En pratique, est proposé actuellement, en France, l’usage conjoint soit de l’IFI et de l’ELISA, soit de deux ELISA suivis, en cas de résultats discordants vérifiés par la répétition des examens, soit d’un second ELISA sur antigènes recombinants-2 épitopes, soit d’une IFI. Cette façon de faire entraîne fatalement l’impossibilité de déterminer précisément le statut d’un certain nombre de sérums qui seront donc classés « indéterminés » et pour lesquels la PCR, malgré son manque de sensibilité, peut être une solution en attendant la mise sur le marché d’une technique de confirmation de type immuno-blot, validée en tant que telle. Deux candidats sont sur C’est un œdème unilatéral bipalpébral avec les rangs : l’INNOLIA qui met en jeu sept L’aspect inflammatoire est ici au premier plan. conjonctivite, dacryocystite et dacryoadénite. © Photo Cenpetrop antigènes recombinants, pour lequel © Photo C. Romaña. on ne dispose que de très peu d’informations, et le TESA-blot de même 4.2. Diagnostic de la forme aiguë principe qui fait appel à des antigènes excrétés-secrétés Il est direct et fait appel aux techniques décrites précéà partir de formes trypomastigotes [29]. Avec le TESAdemment. C’est même la positivité quasi constante des blot, il n’y a pas de réactions croisées avec T. rangeli et examens directs, en dehors de tout artifice de multiplicasurtout Leishmania spp, bien qu’il puisse apparaître, dans tion (hémoculture, xénodiagnostic et PCR), qui caractérise quelques cas, une bande très peu marquée de 170 kDA la phase aiguë. En France métropolitaine où seulement qui ne doit pas être confondue avec la bande 150-170kDA deux cas ont été rapportés, ces formes aiguës se sont caractéristique des infections à T. cruzi, présente quelle manifestées cliniquement par des myocardites aiguës. que soit la souche ou la forme clinique : indéterminées, Un cas d’infection accidentelle dans un laboratoire de cardiaques, digestives ou mixtes [25]. recherche s’est soldé par une fièvre élevée et un chaLes deux laboratoires français qui travaillent habituelgome. T. cruzi a pu être mis en évidence par triple cenlement sur un grand nombre de sérums ont choisi l’un trifugation le neuvième jour et la sérologie a commencé IFI + ELISA sur antigènes recombinants-6 épitopes, et à se positiver à J12. (cas personnel non publié). En cas l’autre, pour des raisons pratiques d’automatisation, deux d’infection par transfusion sanguine, le temps d’incuELISA sur lysat d’épimastigotes pour le premier, et antibation peut être de 120 jours. En zone d’endémie, les gènes recombinants-4 épitopes pour le second [30, 31]. signes cliniques sont souvent absents, exception faite Faute de test de référence validé, il est difficile de se pour la fièvre. La présence d’un chagome cutané ou faire une idée exacte de la sensibilité des examens du cuir chevelu est très évocatrice et celle d’un signe sérologiques conventionnels : IFI, ELISA. En utilisant le de Romaña, pathognomonique, tout à fait inconstante TESA-blot comme référence, et en optimisant au mieux (20% des cas) [figures 17, 18]. chacune des techniques, sur 240 sérums et sang de chagasiques avec myocardite chronique, Ramirez et 4.3. Diagnostic de la forme chronique col. obtiennent les chiffres suivants : IFI sur épimasti(phase indéterminée et phase gotes : 99 %, (valeur prédictive positive-VPP-100 % et valeur prédictive négative-VPN-100 %), ELISA sur antides complications tardives) gènes recombinants-6 épitopes (Chagastest V3) : 95 % Ce diagnostic est indirect, sauf cas particuliers où l’on peut (VPP 95 %, VPN 70%), kDNA PCR : 70 % (VPP 100 %, avoir également recours, en zone d’endémie, au xénodiaVPN 24 %) et DNA PCR : 75 % (VPP 100 %, VPN 27 %) gostic et aux hémocultures. Deux techniques de principe [32]. Il s’agit de résultats obtenus avec des sérums différent doivent être utilisées de façon conjointe ou, à de chagasiques atteints de myocardites chroniques. défaut, deux techniques de même principe mais mettant Il n’est pas prouvé que les résultats obtenus avec le en jeu des antigènes différents. Il existe plusieurs trousses même nombre de sérums prélevés sur des chagaELISA commercialisées en France utilisant soit des antisiques en phase indéterminée auraient été les mêmes. gènes natifs, soit des antigènes recombinants et permettant D’autres études font état de résultats beaucoup moins de détecter soit uniquement les IgG, soit conjointement les performants de la sérologie conventionnelle : 12 faux IgG et les IgM et même les IgA. Il existe également deux négatifs sur 41 séronégatifs, dont 3 présentant des trousses d’IFI sur suspension de formes épimastigotes de signes cliniques de MCC, positifs en PCR [33], 9 faux T. cruzi à la norme CE. Il n’existe pas en revanche de kit négatifs sur 742 sérums, positifs en TESA-blot [34], HAI avec la norme CE conforme aux recommandations Figure 17 – Signe de Romaña, avec œdème de la face, chez une jeune fille du Chaco argentin.

Figure 18 – Un des premiers symptômes : le signe de Romaña (avec bouffissure du visage) chez un jeune garçon argentin photographié par Cécilio Romaña lui-même dans les années 34/35.

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10 faux négatifs en ELISA et IFI, positifs en kDNA PCR, dont 8 également positifs en CoML (lyse médiée par le complément) dont les résultats sont toujours assez bien corrélés avec ceux de la PCR [35]. Outre les contreperformances des tests sérologiques conventionnels, il existe sans doute pour la maladie de Chagas, comme pour les autres maladies infectieuses, de mauvais répondeurs, et donc un pool incompressible de faux négatifs dont il est très difficile de mesurer l’importance et qu’il ne faut surtout pas oublier.

4.4. Dépistage des donneurs de sang Un seul examen est préconisé par l’OMS pour le dépistage des donneurs potentiellement dangereux en zone d’endémie. Depuis mai 2007, date à laquelle il a été décidé d’exclure temporairement du don de sang toute personne ayant séjourné en zone d’endémie, quelle que soit la durée de son séjour, et de ne la réintégrer ensuite dans le pool des donneurs que 4 mois après son retour ou son arrivée en France, à condition que sa sérologie de maladie de Chagas soit négative, les établissements français du sang (EFS) ont mis en place un dépistage faisant appel à deux ELISA, ce qui a permis de détecter 5 séropositifs tous originaires d’Amérique latine, dont 3 Boliviens, pour 163 740 dons, avec 1 374 résultats indéterminés dont 95 % de probables faux positifs [30]. Sont également systématiquement dépistés au titre de la sécurité transfusionnelle tous les enfants nés de mère née en zone d’endémie.

4.5. Diagnostic d’une réactivation Contrairement à ce que l’on voit avec d’autre parasitoses opportunistes, il n’y a pas de relation linéaire entre le nombre des CD4 et la survenue des réactivations, même si celles-ci se produisent le plus souvent chez des sujets dont le nombre des CD4 est inférieur à 200/mm3. Il n’y a pas non plus de relation directe entre la parasitémie et la gravité des réactivations [36]. La présence d’une parasitémie à l’examen direct chez un chagasique en phase chronique signe une réactivation indépendamment de sa gravité et de sa localisation. Devant l’aggravation de la symptomatologie d’une MCC, elle est en principe exigée pour porter le diagnostic de myocardite aiguë de réactivation en l’absence de biopsie endomyocardique ou d’une vérification nécropsique montrant un grand nombre de formes amastigotes. La mise en évidence du parasite par xénodiagnostic, ou par culture, n’a qu’une valeur relative car ces deux examens sont positifs chez 30 à 50 % des chagasiques chroniques en dehors de toute réactivation. En revanche, l’augmentation du nombre des insectes positifs, lors de xénodiagnostics répétés, témoigne d’une augmentation progressive de la parasitémie. Mais les résultats ne sont pas disponibles avant plusieurs semaines et perdent ainsi toute valeur. En revanche, chez un sidéen chagasique, la positivation d’une PCR jusqu’alors négative ou une PCR quantitative montrant une augmentation de la parasitémie précède souvent une réactivation chez un immunodéprimé, un greffé ou un transplanté. Le résultat de cet examen peut et doit être obtenu dans les 24-48 heures.

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La recherche, à plusieurs reprises, du parasite dans le LCR est la clé du diagnostic des méningo-encéphalites aiguës, que celles-ci soient diffuses ou focales (chagomes), mais la négativité de cette recherche n’élimine en rien une méningo-encéphalite de réactivation. Dans les cas difficiles, particulièrement chez les sidéens présentant des lésions cérébrales facilement accessibles, la biopsie cérébrale par craniotomie, avec ou sans exérèse de la lésion, ou par stéréotaxie guidée, a été pratiquée en zone d’endémie avec de bons résultats et a souvent permis de rectifier un diagnostic erroné de toxoplasmose. Dans les autres localisations, beaucoup plus rares, comme la peau ou le liquide d’ascite, c’est l’examen direct ou la biopsie qui permet le diagnostic. Un patient VIH positif porteur d’une maladie de Chagas peut naturellement présenter ni parasitémie, ni signe clinique ou paraclinique. Il s’agit d’une forme indéterminée classique vis-à-vis de laquelle la conduite à tenir doit être identique à celle adoptée vis-à-vis d’un malade immunocompétent, avec, naturellement, une exploration clinique et paraclinique encore plus poussée, un traitement systématique et une surveillance pendant et après traitement encore plus attentive. Une PCR négative peut être dans ce cas un bon moyen de surveillance. La sérologie THAm est généralement positive, confirmant le fait que le patient est bien un chagasique chronique, mais son intérêt reste très limité comme argument diagnostique et le fait qu’elle soit négative n’élimine pas une réactivation. La sérologie peut en effet se négativer en cas de dépression profonde de l’immunité, notamment lorsque le nombre des CD4 est très bas. La recherche d’anticorps anti-Trypanosoma cruzi dans le LCR et d’lgM spécifiques dans le sérum n’a été que trop rarement pratiquée pour qu’on puisse évaluer sa contribution au diagnostic des méningo-encéphalites de réactivation. On sait que ce type d’examen manque de spécificité et de sensibilité dans le diagnostic des formes congénitales [28].

4.6. Suivi post-thérapeutique et critères de guérison Le CoML ou test de lyse médiée par le complément met en jeu un épitope reconnu par les anticorps lytiques et porté uniquement par les trypomastigotes vivants. Le CoML n’est pas un examen de routine car sa mise en œuvre nécessite, outre du sérum humain, des trypomastigotes vivants infectants avec toutes les mesures de sécurité que cela implique. Dans tous les laboratoires qui travaillent avec Trypanosoma cruzi, les accidents sont en effet redoutés et fréquents, et il est habituel de se traiter en cas de doute sans attendre confirmation. Le CoML a été considéré pendant longtemps comme le meilleur des critères de guérison sans tenir compte du fait que la disparition des trypomastigotes ne signifiait pas automatiquement disparition des amastigotes et affection inactive [29]. Il existe du reste une dissociation assez fréquente entre les résultats du CoML et ceux de la sérologie conventionnelle qui détecte les anticorps dirigés contre les amastigotes et les trypomastigotes

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et dont la disparition (séro-réversion) est aujourd’hui le seul critère reconnu, bien que contesté par certains [37]. Il existe en revanche une corrélation assez étroite entre les résultats du CoML et de la PCR.

5. En pratique, en France métropolitaine 5.1. Chez qui rechercher une infection par Trypanosoma cruzi ? r Chez toute personne originaire ou ayant séjourné en Amérique latine, quelle qu’ait été la durée du séjour. r Chez tout enfant né hors zone d’endémie d’une mère née en zone d’endémie. r Chez tout transfusé ou toute personne travaillant dans un laboratoire de recherche sur les triatomes ou sur Trypanosoma cruzi, présentant une symptomatologie compatible.

5.2. Sont ou devraient être systématiquement dépistés r Les femmes enceintes ou en âge de procréer originaires d’une zone d’endémie. r Les enfants immigrés ou adoptés ou nés d’une mère immigrée. r Les donneurs de sang, de moelle ou d’organes originaires d’une zone d’endémie ou y ayant séjourné, ou nés d’une mère originaire d’une zone d’endémie. r Tous les Guyanais vivant en France métropolitaine.

5.3. Quand évoquer une maladie de Chagas ? r Devant un des signes de la phase aiguë. Aucun n’est constant. La fièvre est le plus fréquent, le chagome cutané ou la conjonctivite schizotrypanosomienne (signe de Romaña) le plus spécifique, la myocardite aiguë, au retour d’une zone d’endémie, le plus évocateur. r Devant un ou plusieurs signes évoquant une myocardite chronique avec troubles du rythme et de la conduction ou devant l’une de ses complications (insuffisance cardiaque, cardiomégalie, anévrisme, péricardite, accident thromboembolique…). r Devant des troubles de la déglutition, des régurgitations, et/ou des douleurs abdominales et/ou une constipation de plus en plus opiniâtre. r Devant une neuropathie périphérique, une méningoencéphalite aiguë diffuse ou un chagome intracérébral chez un immunodéprimé, notamment en cas de coinfection par le VIH, quel que soit le nombre des CD4 (diagnostic différentiel avec la toxoplasmose).

5.4. Comment confirmer le diagnostic de maladie de Chagas ? r En phase aiguë et lors d’une réactivation, par un examen direct avant et après concentration (sang, LCR, épanchement) ou biopsie. r En phase chronique, par deux techniques sérologiques de principe différent (IFI-ELISA) ou, à défaut, identique, mais mettant en jeu des antigènes de types différents (totaux, excrétés-secrétés, recombinants, synthétiques)

appuyées sur une troisième technique (ELISA ou IFI en l’absence de technique de confirmation validée de type immunoblot) en cas de résultats discordants. La PCR, bien que pratiquée systématiquement, ne peut jouer ce rôle en raison de son manque de sensibilité (70 %). r Tout diagnostic positif fera l’objet d’une information complète sur la maladie, son potentiel évolutif, les possibilités très limitées de traitement de la phase chronique, en insistant sur l’aspect bénéfice attendu/risque d’effets indésirables (50 % des cas).

5.5. Qui traiter ? r Le plus rapidement possible tous les patients en phase aiguë et, en urgence, les réactivations. r Tous les enfants nés de mère chagasiques dès que l’infection congénitale est prouvée soit par la mise en évidence du parasite dans le sang du cordon ou de l’enfant, soit par la présence d’IgG spécifiques passé le septième mois. r En urgence, tous les cas où il y a eu prise de risque de transmission accidentelle (accident de laboratoire, transfusé ou transplanté, lorsque le donneur est reconnu tardivement comme dangereux). r Après discussion approfondie avec le patient et obtention de son consentement, tous les chagasiques chroniques. r Au titre d’une chimioprophylaxie secondaire, les co-infectés VIH/T. cruzi avec un taux de CD4 inférieur à 200/mm3.

5.6. Comment suivre un patient en cours et après traitement ? r En cours de traitement, toutes les deux semaines, par un examen clinique complet et par un bilan biologique à la recherche d’effets indésirables. r Un mois après le traitement d’une forme aiguë, par un examen clinique complet, une recherche du parasite par les méthodes conventionnelles et par PCR puis, chaque année, pendant 5 ans, par un examen clinique complet associé à un bilan paraclinique (radio cœur/ thorax, ECG, Holter), PCR et sérologie à 1,3 et 5 ans. r Après le traitement d’une forme chronique, chaque année, pendant au moins 15 ans, par un examen clinique complet et un bilan paraclinique identique à celui de la forme aiguë. La fréquence des examens sérologiques à la recherche d’une séro-réversion sera déterminée par un accord entre le malade et le médecin après les explications de celui-ci. Il est en effet indispensable dans ce cas de tenir le plus grand compte des répercussions psychologiques d’un traitement connu généralement dès le départ par le patient comme n’étant efficace que dans moins d’un quart des cas contre une maladie potentiellement mortelle pouvant évoluer à bas bruit.

5.7. Critère de guérison En phase aiguë, en cas de guérison, la sérologie de type conventionnel se négative le plus souvent en 12  mois. La disparition de la parasitémie, compte tenu de son évolution habituelle, ne peut être en aucun cas considérée comme un critère de guérison. En revanche, sa persistance, mise en évidence par REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2011 - N°430 //

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Figure 19 – Éducation sanitaire : affiches et jeu de l’oie pour sensibiliser enfants et adultes au problème de la maladie de Chagas.

Figure 20 – Rhodnius prolixus infectés expérimentalement par le champignon Bauvera bassiana lors d’essais en vue de la mise au point d’une méthode de lutte biologique.

Le champignon, après avoir tué l’insecte, est venu sporuler en surface, transformant le triatome en momie. Tout contact d’un triatome vivant avec cette momie lui serait fatal. © Photo JF Pays.

chez lequel elle était antérieurement négative, ou en cas d’apparition de signes cliniques ou paracliniques, notamment à l’ECG, indiquant la survenue des premières complications chez un sujet jusqu’alors parfaitement asymptomatique. En zone d’endémie, on estime que, chaque année, 3 à 4 % des chagasiques en phase indéterminée entrent dans la phase des complications tardives, le plus souvent d’une manière progressive et plus de 70 % le font sous la forme d’une MCC [21].

6. Conclusion

Vinchuca est le nom couramment donné aux triatomes dans les pays du Cône sud et notamment en Argentine. © Photo JF Pays.

hémoculture ou xénodiagnostic ou PCR, signe un échec du traitement. En phase chronique, la sensibilité de la PCR n’est pas suffisante pour que cette technique soit utilisée comme critère de guérison. Le seul critère actuellement reconnu est également une séro-réversion stable pendant 5 ans. En cas de guérison (60 % chez les enfants de moins de 12 ans, 8 à 25 % pour les enfants plus âgés et les adultes), elle ne se produit en général que tardivement, (entre 1 et 5 ans pour les enfants traités avant 1 an, au bout de 10 ans pour les infections datant de moins de 12 ans, et au bout de 15 ans, voire plus, pour les infections plus anciennes). On ne sait pas pourquoi les anticorps détectés par la sérologie conventionnelle mettent tant de temps à disparaître [37]. Il est évident qu’il est plus qu’urgent de disposer d’un critère de guérison indiscutable apparaissant dans un délai raisonnable après traitement. On pourra soupçonner un échec sur la stabilité du taux des anticorps pendant plusieurs années de suivi ou sur leur réascension après une phase de décroissance. L’échec sera certain en cas de PCR positive chez un patient

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L’augmentation des cas de maladie de Chagas chronique ou congénitale attendue hors zone d’endémie, et notamment en France métropolitaine, ne constitue pas en soi l’émergence d’une maladie considérée jusqu’à présent comme totalement exotique, au point que bien des médecins français en ignorent souvent jusqu’au nom. Elle est simplement liée à l’augmentation du nombre des porteurs de Trypanosoma cruzi venus s’installer en Europe et en France au cours des dernières décennies et au fait qu’ils restent pratiquement à vie porteurs du parasite tout en ne présentant bien souvent aucune symptomatologie. Il en va différemment pour le département de Guyane pour lequel le terme émergent peut être employé sans doute à bien meilleur escient [38]. Émergente ou simplement plus fréquente qu’au siècle passé par importation de cas, avec les dangers que cela comporte en raison des possibilités de transmission congénitale ou transfusionnelle, la maladie de Chagas n’en est pas moins devenue une réalité avec laquelle les médecins européens doivent désormais compter. Qu’ils soient cliniciens ou biologistes, y penser et connaître les examens à demander ou à pratiquer pour la diagnostiquer et quelle conduite tenir devant une sérologie positive, doit faire désormais partie de leur savoir (figures 19, 20). Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

LES MALADIES TROPICALES (1)

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2011 - N°430 //

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