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Journal de Chirurgie Viscérale (2015) xxx, xxx—xxx
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ScienceDirect www.sciencedirect.com
MISE AU POINT
Le sarcome des tissus mous en France en 2014 : épidémiologie, classification et structuration de la prise en charge夽 Soft tissue sarcoma in France in 2014: Epidemiology, classification and organization of clinical care C. Honoré a,∗, P. Méeus b, E. Stoeckle c, S. Bonvalot a a
Département de chirurgie générale, Gustave-Roussy Cancer Center, 114, rue Edouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France b Département de chirurgie, centre Léon-Bérard, 69008 Lyon, France c Département de chirurgie, institut Bergonié, 33076 Bordeaux, France
MOTS CLÉS Sarcome ; Épidémiologie ; Classification ; Recommandation ; Réseau
Résumé Quatre mille nouveaux cas de sarcomes des tissus mous sont diagnostiqués chaque année en France, dont 23 % sont localisés dans le secteur abdomino-pelvien. Le traitement des formes non métastatiques repose sur une chirurgie adaptée dont la qualité détermine les résultats à long terme. Afin d’assurer une prise en charge adéquate de ces patients, l’European Society for Medical Oncology recommande de référer à un centre capable d’assurer une approche multidisciplinaire tout patient présentant une masse inexpliquée des tissus mous de plus de 5 cm si elle est superficielle ou quelle que soit sa taille si elle est profonde, de systématiquement réaliser une imagerie préthérapeutique adaptée et de réaliser une biopsie percutanée coaxiale sous contrôle radiologique avant tout traitement. Les réseaux anatomopathologique et clinique RRePS et NetSarc, labellisés par l’Institut national du cancer, offrent aujourd’hui en France les moyens structurés de faire le diagnostic quasi formel d’un sarcome des tissus mous et de faciliter l’accès à un traitement adapté dans un centre spécialisé. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2015.05.001. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Honoré). 夽
http://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2015.02.006 1878-786X/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
JCHIRV-538; No. of Pages 9
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C. Honoré et al.
KEYWORDS Sarcoma; Epidemiology; Classification; Recommendation; Network
Summary Four thousand new cases of soft tissue sarcomas are diagnosed each year in France, 23% of which are localized in the abdomen and pelvis; the treatment of non-metastatic tumor is based on wide surgical resection, the quality of which determines the long-term outcome. To ensure appropriate care, the European Society for Medical Oncology (ESMO) recommends that any patient with an unexplained soft tissue mass (of any size for deep lesions or of > 5 cm for superficial lesions) be referred to a specialized center with capacities for multidisciplinary team decision; appropriate imaging should be performed prior to treatment and a percutaneous image-guided needle biopsy should be routinely performed. In France, clinical and pathology networks (NetSarc and RRePS) currently offer patients a structured means to make a systematic diagnosis of soft tissue sarcoma and help to provide access to appropriate treatment in a specialized center. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Les sarcomes sont des tumeurs malignes rares d’origine mésenchymateuse, développées à partir des tissus conjonctifs et de soutien, contrastant avec les carcinomes, d’origine épithéliale, plus fréquents et mieux connus [1]. Les sarcomes présentent une grande diversité pathologique avec plus de 70 sous-types histologiques et d’un nombre croissant de sous-types moléculaires. Ils se développent à tout âge, y compris chez l’enfant. Ils peuvent survenir anatomiquement de la tête aux pieds et ils sont d’une agressivité variable même au sein du même sous-type histologique [2,3]. On distingue trois catégories de sarcomes correspondant à des entités clinicopathologiques différentes, d’évolutions individuellement spécifiques et dont les traitements sont distincts : les sarcomes osseux, les sarcomes viscéraux développés au sein d’un organe spécifique dont le représentant le plus emblématique est le gastro-intestinal stromal tumor (GIST) et les sarcomes des tissus mous (STM) issus des tissus conjonctifs et de soutien extra-osseux, qui représentent environ 1 % des cancers de l’adulte [4—6]. Aucune étiologie formelle n’est reconnue à ce jour mais plusieurs facteurs favorisants intrinsèques (mutations notamment des gènes NF1RB1, WRN, p53, APC, respectivement responsables de la neurofibromatose de type I, du rétinoblastome congénital et des syndromes de Li-Fraumeni, de Gardner, de Werner) ou extrinsèques (exposition à des radiations ionisantes, au chlorure de vinyle, à la dioxine, au chlorophénol, à certains virus. . .) ont été identifiés [2,7]. L’objectif de cette mise au point était de clarifier les recommandations de prise en charge diagnostique et thérapeutique des STM, souvent peu connues des chirurgiens viscéraux.
Épidémiologie L’incidence annuelle exacte des STM est inconnue. Plusieurs tentatives d’estimation ont été menées sur base d’analyses rétrospectives de registres des cancers [8—17]. Ces études souffrent toutes de biais méthodologiques car ces registres ont été conc ¸us pour un recueil de données par organe, se calquant sur l’histoire naturelle des carcinomes, et qui est inadapté dans les tumeurs ubiquitaires comme les sarcomes, entraînant des erreurs de classification notamment des sarcomes viscéraux classés à tort en cancers digestifs. Les registres adultes sont souvent distincts des registres
pédiatriques. Il en résulte une sous-estimation systématique de leur incidence [8—17]. De plus, lorsque l’analyse est confiée à un pathologiste qui n’est pas familier avec ces types histologiques, le risque d’erreur diagnostique initiale est de 10 % à 25 % [13—17]. La meilleure estimation disponible aujourd’hui vient d’une étude franc ¸aise dont les auteurs conscients de ces écueils ont utilisé une méthodologie volontairement moins biaisante basée sur une récupération prospective systématique de tous les blocs tumoraux avec un diagnostic formel ou une suspicion de sarcome sur une période de deux ans auprès des 158 pathologistes des secteurs public et privé de la région Rhône-Alpes. Tous les blocs ont été relus par deux pathologistes experts, avec un complément d’analyse moléculaire systématique, et tous les prélèvements ont été reclassés selon la classification OMS 2002 [18]. Après avoir relu 1287 blocs, le diagnostic formel de sarcome a été posé chez 748 patients entre 2005 et 2007 dans une région forte d’une population d’environ 6 millions d’habitants [18]. Les incidences globales et ajustées sur l’âge de sarcome ont pu donc être évaluées à respectivement de 6,2 et 4,8 cas pour 100 000 habitants par an. Les incidences de STM et des sarcomes viscéraux étaient respectivement de 3,6 et 2,0 cas pour 100 000 habitants par an [18]. Le ratio d’incidence homme:femme global était de 1,1:1 avec une prépondérance féminine pour les sarcomes viscéraux (1,4:1) et une prépondérance masculine pour les STM (1,3:1). L’âge médian au diagnostic était de 60 ans avec des extrêmes variant entre 0 et 92 ans. Huit pour cent des patients avaient développé un sarcome avant 18 ans et 28 % après 70 ans. Une représentation graphique de l’évolution de l’incidence des STM en fonction de l’âge est illustrée dans la Fig. 1. La taille médiane de la lésion était de 6 cm avec des extrêmes variant entre 0,3 et 40 cm. Les STM étaient tronculaires dans 40 % des cas avec 17 % localisés dans le thorax, 9 % dans le rétropéritoine, 8 % dans le pelvis et 6 % dans l’abdomen. Soixante pour cent des STM étaient extratronculaires, 49 % localisés sur un membre et 11 % sur le segment tête et cou. Sur les 433 cas de STM diagnostiqués, 25 (5,8 %) s’étaient développés en territoire irradié [18]. En extrapolant ces données à la population franc ¸aise, les auteurs estimaient qu’environ 4000 nouveaux cas de STM étaient diagnostiqués chaque année en France [18]. Grâce à une étude rapportant l’activité du Réseau de référence en pathologie des sarcomes (RRePS) ayant pour objectif d’assurer une relecture histologique systématique pour tout nouveau cas de sarcome, de GIST ou de tumeur desmoïde,
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Le sarcome des tissus mous en France en 2014
3 Tableau 2a
Classes histologiques selon l’OMS.
Tumeurs adipeuses Tumeurs fibroblastiques/myofibroblastiques Tumeurs fibrohistiocytaires Tumeurs musculaires lisses Tumeurs péricytaires (périvasculaires) Tumeurs musculaires striées Tumeurs vasculaires Tumeurs chondro-osseuses Gastro-intestinal stromal tumor (GIST) Tumeur des gaines nerveuses Tumeurs à différenciation incertaine Sarcomes inclassés et indifférencienciés
• et l’évaluation de l’extension tumorale résumée par le stade TNM de l’American Joint Cancer Committee (AJCC) et de l’Union internationale contre le cancer (UICC) [20]. Figure 1. Incidence de sarcome des tissus mous en fonction de l’âge en France.
une estimation de la distribution en sous-types histologiques est illustrée dans le Tableau 1 [19,20].
Classification des sarcomes de tissus mous Une classification adéquate des STM dès le début de la prise en charge est impérative. Elle permet d’établir le bilan diagnostique, topographique et pronostique sur base duquel le plan thérapeutique peut être défini. Les STM sont de nature très hétérogène et trop complexe pour qu’aucun système de classement ne se soit avéré individuellement suffisant. La classification des STM se base donc sur un ensemble composite qui prend en compte outre le recueil d’informations cliniques générales comme l’âge et la localisation de la tumeur primitive 3 facteurs : • l’analyse descriptive histologique complète rapportée selon les termes de la dernière classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avec une analyse moléculaire complémentaire si nécessaire ; • l’analyse de l’agressivité tumorale évaluée par le grade histologique de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) ;
Tableau 1 Répartition des principaux sous-types histologiques de sarcome des tissus mous en France (classification OMS 2002).
Sarcomes Liposarcomes Sarcomes indifférenciés Léiomyosarcomes Myxofibrosarcomes Angiosarcomes Rhabdomyosarcomes Synovialosarcomes MPNST Autres Tumeurs à malignité intermédiaire Tumeur fibreuse solitaire Tumeurs desmoïdes
n
%
1092 947 741 252 219 215 183 115 577
25,2 21,8 17,1 5,8 5,0 5,0 4,2 2,6 13,3
119 363
Classification histologique selon l’OMS La classification histologique de référence des STM est celle de l’OMS qui a récemment été mise à jour [2]. Elle répertorie les tumeurs bénignes et malignes des tissus mous en 12 grandes classes (illustrées dans le Tableau 2a) secondairement subdivisées en 113 sous-types histologiques [2]. Cette classification est analogique : elle se base non pas sur une tentative d’identification du tissu d’origine de la tumeur mais bien sur l’identification de la ligne de différenciation (adipeuse, musculaire lisse, musculaire striée, cartilagineuse. . .) que la tumeur a prise, c’est-à-dire en d’autres termes sur l’aspect du tissu normal auquel la tumeur ressemble le plus. Cette classification repose sur des arguments histologiques obtenus en microscopie optique avec un complément d’analyse immunohistochimique. Pour certains sarcomes où aucune ligne de différenciation n’est clairement identifiable, la biologie moléculaire permet de faire le tri car des anomalies moléculaires spécifiques ont été caractérisées dans presque la moitié des sarcomes qui constituent des marqueurs d’identification et permettant une classification objective et reproductible (illustrées dans le Tableau 2b) [21,22]. On peut actuellement classer les sarcomes en cinq grandes catégories moléculaires : les sarcomes avec translocations, les sarcomes
Tableau 2b Sarcomes des tissus mous avec translocation spécifique. Sarcome d’Ewing Synovialosarcome Rhabdomyosarcome alvéolaire Liposarcome myxoïde Chondrosarcome myxoïde Sarcome à cellules claires Sarcome fibromyxoïde Tumeur desmoplastique à petites cellules rondes Fibrosarcome infantile Sarcome alvéolaire des parties molles Tumeur myofibroblastique inflammatoire Histiocytofibrome angiomatoïde
t(11;22);t(21;22) t(X;18) t(2;13);t(1;13) t(12;16);t(12;22) t(9;22) t(12;22) t(7;16);t(11;16) t(11;22) t(12;15) t(X;17) t(2;19);t(1;2) t(12;16);t(12;22)
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C. Honoré et al. Tableau 3a
Grade histologique de la FNCLCC.
Scores
Description
Différenciation tumorale Score 1 Score 2 Score 3
Index mitotique (1 champ = 0, 1734 mm2 ) Score 1 Score 2 Score 3 Nécrose tumorale Score 1 Score 2 Score 3
Sarcome ressemblant à un tissu normal Sarcome à diagnostic histologique certain Sarcomes embryonnaires, synovialosarcomes, sarcomes épithélioïdes, à cellules claires, alvéolaires des parties molles, sarcomes indifférenciés et sarcomes pour lesquels le type histologique est incertain
0 à 9 mitoses pour 10 champs 10 à 19 mitoses pour 10 champs Plus de 19 mitoses pour 10 champs
Pas de nécroses Moins de 50 % de nécrose tumorale Plus de 50 % de nécrose tumorale
avec mutations activatrices, les sarcomes avec mutations inhibitrices les sarcomes avec amplifications simples et les sarcomes avec anomalies génomiques complexes [22]. Au-delà du cadre strictement nosologique, le diagnostic moléculaire des sarcomes a permis de rassembler des entités microscopiquement distinctes mais présentant des anomalies génétiques identiques, de différencier des tumeurs morphologiquement identiques mais présentant des anomalies moléculaires différentes tout en apportant un espoir thérapeutique majeur en offrant une cible aux thérapies ciblées existantes ou en cours de développement, à l’instar de la révolution engendrée par l’imanitib dans les GIST [23].
Grade histologique de la FNCLCC La classification histologique n’apporte à elle seule pas suffisamment d’informations pour prédire l’évolution clinique de la maladie. Plusieurs systèmes de gradation de l’agressivité tumorale ont été proposés depuis les travaux de Broders en 1939 mais le plus précis, le plus reproductible et le plus prédictif est le grade de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) décrit par Trojani et al. en 1984 [4,24—28]. Ce grade repose sur une évaluation sur la tumeur initiale non traitée de la différenciation tumorale, de l’index mitotique et de l’étendue de la nécrose tumorale afin de calculer un score global dont la valeur équivaut à un grade, comme illustré dans les Tableaux 3a et 3b. Ce grade reste cependant moins
Tableau 3b
Grade histologique de la FNCLCC.
Grade 1
Grade 2
Grade 3
Somme des scores : 2—3
Somme des scores : 4—5
Somme des scores : 6—8
Tableau 4a
Stade TNM selon l’AJCC/UICC 2010. Tumeur ≤ 5 cm Tumeur superficielle Tumeur profonde Tumeur > 5 cm Tumeur superficielle Tumeur profonde Pas de ganglions envahis Ganglions envahis Pas de métastases à distance Métastases à distance
T1 T1a T1b T2 T2a T2b N0 N1 M0 M1
informatif que l’analyse histologique dans certains types histologiques agressifs comme les sarcomes alvéolaires, épithélioïdes, à cellules claires, dédifférenciés, à cellules rondes, d’Ewing et les rhabdomyosarcomes.
Stade TNM de l’AJCC et UICC Au-delà des caractéristiques intrinsèques de la tumeur, un recueil d’informations relatives à l’extension de la maladie permet de compléter le bilan avant d’établir le plan thérapeutique. Cette stadification se fait en utilisant la classification TNM de l’AJCC et de l’UICC qui prend en compte la taille et l’extension de la tumeur primitive (T), l’envahissement ganglionnaire lymphatique régional (N), la présence de métastase (M) et le grade (G) (Tableaux 4a et 4b) [29].
Structuration de la prise en charge Les cancers rares posent des problèmes particuliers liés à leur rareté relative : errance diagnostique, diagnostic erroné, traitement inadéquat, peu de référentiels disponibles, accès à certains traitements complexes restreints à quelques établissements et accès aux essais cliniques limité. L’organisation d’une prise en charge au niveau national permet de limiter ces problèmes. Dans le domaine des sarcomes en France, elle repose sur 2 réseaux nationaux, anatomopathologique et clinique, qui fonctionnent en symbiose.
Réseau anatomopathologique Il existe en France, depuis le début des années 1980 un groupe de pathologistes qui travaillent préférentiellement sur l’étude des sarcomes et des tumeurs conjonctives des tissus mous de l’adulte. Grâce à leur persévérance,
Tableau 4b Stade IA Stade IB Stade IIA Stade IIB Stade III Stade IV
Stade TNM selon l’AJCC/UICC 2010. T1a T1b T2a T2b T1a T1b T2a T2b T2a, T2b T1-2 T1-2
N0 N0 N0 N0 N0 N0 N0 N0 N0 N1 N0-1
M0 M0 M0 M0 M0 M0 M0 M0 M0 M0 M1
G1 G1 G1 G1 G2, G3 G2, G3 G2 G2 G3 G1-3 G1-3
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Le sarcome des tissus mous en France en 2014
Figure 2.
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Réseau RRePS (en rouge : centre coordonnateur ; en bleu : centre de référence).
des avancées majeures ont pu être réalisées tant sur le plan technique que sur le plan organisationnel. Malgré ces progrès, le diagnostic d’un STM reste difficile. Le risque d’erreur diagnostique initiale est de 10 % à 25 % lorsque l’analyse est confiée à un pathologiste qui n’est pas familier avec ces types histologiques, avec des discordances parfois majeures se traduisant dans 10 % des cas par une méprise d’une lésion bénigne pour un sarcome et dans 4 % des cas par un sarcome pris pour une lésion bénigne [13—17]. Conscient des conséquences dramatiques que ces confusions pouvaient avoir, ce groupe d’experts a monté un Réseau de référence en pathologie des sarcomes des tissus mous et des viscères (RRePS) (https://rreps.sarcomabcb.org/home.htm) qui a été labellisé en octobre 2009 par l’Institut national du cancer (INCa) dans le cadre de la mesure 20, action 20.3 du Plan cancer 2009—2013 visant à « soutenir la démarche qualité au sein de la profession d’anatomocytopathologie » et en particulier « systématiser la double lecture de toutes les tumeurs malignes rares et des lymphomes, indispensable à la confirmation diagnostique » [30—32]. L’objectif principal de ce réseau était d’assurer une deuxième lecture gratuite de tout nouveau cas de sarcome développé dans les tissus mous ou les viscères. Les autres objectifs du réseau étaient l’amélioration du diagnostic moléculaire de ces tumeurs, le renforcement des bases de données et la collecte de matériel avec la structuration d’une banque virtuelle nationale de tumeurs, le développement des activités de recherche translationnelle sur le plan national et international, l’amélioration de la formation continue des pathologistes du réseau et des pathologistes hors réseau et l’information des patients en assurant un lien fort avec les associations
de patients. Pour assurer ses fonctions, ce réseau a été constitué d’un centre coordonnateur au niveau national tricéphale dont les sites sont situés à Bordeaux, Lyon et Villejuif. À ce centre coordonnateur au niveau national ont été adjoints 19 centres experts référents dont la distribution est illustrée dans la Fig. 2. Depuis la création de RRePS, les pathologistes ont été invités à systématiquement adresser les lames de tout nouveau cas de STM ou de sarcome viscéral à un de ces centres pour une relecture. Au cours des 2 premières années d’existence, 8251 prélèvements correspondant à 7429 patients ont été relus au sein de RRePS. Les diagnostics de 4589 sarcomes, 1007 GIST, 363 tumeurs desmoïdes, 729 tumeurs à malignité intermédiaire, 189 tumeurs malignes non conjonctives et 522 lésions bénignes ont été posés. Le nombre de sarcomes et de GIST relus correspondait à environ 80 % des cas attendus sur cette période et ont été adressés par 1240 pathologistes sur les 1795 répertoriés en France (69 %). La relecture par RRePS a redressé le diagnostic dans 25 % des cas adressés pour avis et dans 8,5 % des cas adressés pour relecture systématique [19].
Réseau clinique Parallèlement au développement de l’anatomopathologie, l’organisation de l’offre de soins pour les patients adultes atteints de cancer rare s’est inscrite dans Mesure 23, action 23.1 du Plan cancer 2009—2013 visant à « labelliser les centres de référence pour les cancers rares ». Huit centres experts nationaux de référence ont été labellisés afin que tout patient atteint de l’un de ces cancers
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Figure 3.
C. Honoré et al.
Réseau NetSarc.
rares puisse être pris en charge dans l’établissement de leur choix, être assuré d’un avis d’expert tant pour le diagnostic qu’aux divers temps de leur maladie, que l’inclusion dans des essais cliniques facilitant l’accès à des thérapeutiques innovantes serait favorisée et que l’analyse de la base de données colligée par chacun de ces centres permettrait un observatoire de ces pathologies rares. Dans le domaine des sarcomes, cela s’est traduit par la naissance de Réseau de référence clinique des sarcomes-GIST-desmoïdes, NetSarc (https://netsarc.sarcomabcb.org/home.htm), qui poursuit cinq objectifs : la définition des recommandations de prise en charge, l’organisation d’une activité de recours pour la prise en charge des patients, la coordination des recherches, la participation à une veille épidémiologique, la structuration d’une filière de soins pour les patients et la formation/information. Son organisation repose sur un centre expert national de référence coordinateur tricéphale entre Paris, Lyon et Bordeaux en relation avec un maillage national de centres experts, illustré en Fig. 3, fonctionnant en symbiose avec RRePS. Bien que l’European Society for Medical Oncology (ESMO) ait élaboré des recommandations précises, reprises comme standard par les réseaux franc ¸ais, une étude récente évaluant prospectivement l’adhérence à ces recommandations dans les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées a montré que 20 % des patients avaient été opérés d’un sarcome profond sans imagerie préopératoire et que 48 % n’avaient pas de diagnostic histologique connu au moment
de leur chirurgie [33,34]. Ces points pourraient paraître triviaux mais la planification d’une chirurgie des sarcomes est un exercice complexe, dépendant éminemment de la nature histologique de la tumeur sous-jacente et de ses rapports anatomiques afin de définir l’étendue de l’exérèse requise et la nécessité d’un geste de reconstruction ou de comblement [35,36]. Cette réflexion doit absolument être entamée dès le début de la prise en charge, avant le prélèvement diagnostique. Une biopsie techniquement inadaptée, notamment chirurgicale, peut avoir des conséquences dramatiques avec un risque de dissémination tumorale dans tous les plans qui ont été déflorés, rendant une chirurgie curative ultérieure beaucoup plus difficile, voire impossible. Pour les STM rétropéritonéaux, ces techniques de planification et de réalisation d’un geste chirurgical adéquat ont récemment fait l’objet d’un consensus international regroupant des principaux experts mondiaux et sont aujourd’hui clairement définies [36]. Plusieurs études ont clairement montré qu’une prise en charge d’emblée dans un centre à haut débit de patients améliorait le contrôle local dans les sarcomes de membres et la survie dans les sarcomes tronculaires thoraciques ou abdominaux et que les insuffisances d’une chirurgie initiale inadaptée n’étaient jamais rattrapées par un traitement complémentaire aussi agressif qu’il soit [3,37—43]. Une étude récente a montré qu’un patient pris en charge hors NetSarc avait 3 fois moins de chances d’avoir son dossier discuté en réunion de concertation
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Le sarcome des tissus mous en France en 2014 pluridisciplinaire, qu’il avait 4 fois moins de chances d’avoir une imagerie préopératoire adéquate et qu’il avait 5 fois moins de chances d’avoir un diagnostic histologique avant d’être opéré [34]. Si l’on suit les recommandations diagnostiques et thérapeutiques établies, un patient opéré d’un STM rétropéritonéal en France en 2014 a une survie médiane de 96 mois et 54 % de chances d’être en vie et sans récidive à 5 ans [42]. Les facteurs prédictifs de récidive locale sont le sexe masculin, l’envahissement d’un organe de contact, une effraction tumorale peropératoire et la non-expertise du chirurgien [42].
Recommandations de prise en charge Dès 2005, l’ESMO a édité des recommandations qui ont régulièrement été mises à jour, destinées à assurer une prise en charge optimale dans le domaine des sarcomes [33,44,45]. Ces recommandations se résument en 3 points : • la nécessité d’une imagerie initiale adaptée avant tout traitement c’est-à-dire une TDM en cas de localisation profonde thoraco-abdominale ou une IRM en cas de localisation pariétale thoraco-abdominale, sur les membres, la tête ou le cou ; • la nécessité d’une biopsie percutanée coaxiale de large calibre sous contrôle radiologique avant tout traitement, l’exérèse chirurgicale en bloc et sans effraction tumorale étant chez l’adulte une alternative à la biopsie percutanée en cas de lésion superficielle de moins de 5 cm ; • et la nécessité de référer tout patient présentant une masse inexpliquée des tissus mous de plus de 5 cm si elle est superficielle ou quelle que soit sa taille si elle est profonde à un centre capable d’assurer une approche multidisciplinaire c’est-à-dire en France dans un centre appartenant aux réseaux RRePS et/ou NetSarc.
Conclusions Environ 4000 nouveaux cas de STM sont diagnostiqués chaque année en France. La mise en place de réseaux labellisés RRePS et NetSarc offre aujourd’hui en France les moyens structurés de faire le diagnostic quasi formel d’un STM, de faciliter l’accès à des outils de caractérisation permettant d’évaluer son étendue, de planifier un traitement médicochirurgical adapté dans un centre spécialisé, de diffuser la culture de pluridisciplinarité dans la prise en charge et d’informer la communauté médicale des dangers des décisions hâtives et inadaptées, sources d’échec thérapeutique.
Remerciements Les auteurs remercient les Pr Coindre, Blay et le Dr Le Cesne pour leurs conseils et leur relecture.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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Points essentiels • Il y a plus de 70 sous-types histologiques de sarcomes qui peuvent se développer à tout âge, y compris chez l’enfant, et survenir anatomiquement de la tête aux pieds. • Quatre mille nouveaux cas de STM sont diagnostiqués chaque année en France dont 23 % sont localisés dans la région abdominale (viscère, pelvis, rétropéritoine et paroi). • L’ESMO a édité en 2005 des recommandations de prise en charge qui se résument en 3 points : référer à un centre capable d’assurer une approche multidisciplinaire tout patient présentant une masse inexpliquée des tissus mous de plus de 5 cm si elle est superficielle ou quelle que soit sa taille si elle est profonde ; réaliser une imagerie initiale systématique adaptée c’est-à-dire une TDM en cas de localisation profonde thoraco-abdominale ou une IRM en cas de localisation pariétale thoraco-abdominale, sur les membres, la tête ou le cou ; réaliser une biopsie percutanée coaxiale de large calibre sous contrôle radiologique avant tout traitement. L’exérèse chirurgicale en bloc et sans effraction tumorale étant chez l’adulte une alternative à la biopsie percutanée en cas de lésion superficielle de moins de 5 cm. • La classification d’un STM prend en compte le recueil d’informations cliniques comme l’âge du patient et la localisation tumorale ; l’analyse descriptive histologique complète selon la classification 2012 de l’OMS, avec un complément d’analyse moléculaire lorsqu’elle est nécessaire ; l’évaluation de l’agressivité tumorale par le grade histologique de la FNCLCC ; l’extension tumorale par le stade TNM de l’AJCC et de l’UICC. • Lorsque l’analyse histologique est confiée à un pathologiste non expert, le risque d’erreur diagnostique initiale est de 10 % à 25 % avec dans 4 % un sarcome pris pour une lésion bénigne et dans 10 % une lésion bénigne prise pour un sarcome. • Le Réseau de référence en pathologie des sarcomes des tissus mous et des viscères (RRePS) est un regroupement de pathologistes experts labellisé par l’INCa dont l’objectif principal est d’assurer une deuxième lecture gratuite de tout nouveau cas de sarcome développé dans les tissus mous ou les viscères. • Le Réseau de référence clinique des sarcomesGIST-desmoïdes (NetSarc) est un regroupement de praticiens experts labellisé par l’INCa qui a pour objectifs la définition des recommandations de prise en charge, l’organisation d’une activité de recours pour la prise en charge des patients, la coordination des recherches, la participation à une veille épidémiologique, la structuration d’une filière de soins pour les patients et la formation/information.
Références [1] Enzinger FM, Weiss SW. Soft tissue tumors. 3rd ed. St Louis: Mosby-Year Book; 1995. [2] Fletcher CDM, Bridge JA, Hogendoorn CW, Mertens F. World Health Organization. WHO classification of tumours of soft tissue and bone. Lyon: IARC Press; 2013.
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