Pratique Neurologique – FMC 2012;3:273–275
Testez-vous
Le signe de la brioche mitée The mote eaten bun sign a
Département de neurologie, hôpital de Hautepierre, 1, avenue Molière, 67000 Strasbourg, France b Service de radiologie 2, hôpital de Hautepierre, 1, avenue Molière, 67000 Strasbourg, France
n homme de 38 ans, travaillant dans un atelier protégé, présentait depuis l'âge de trois ans des troubles de la marche d'aggravation progressive. Il avait pour antécédents une transposition musculo-tendineuse du jambier antérieur et une coxarthrose viscosupplémentée en 2001. Il était issu d'une fratrie de quatre, d'un mariage non consanguin chez des parents d'origine turque issus du même village. Sa sœur était suivie pour une paraplégie et son frère était décrit comme ayant les pieds creux. L'examen clinique montrait des déformations squelettiques avec des pieds creux et une cyphoscoliose. Sur le plan neurologique, on mettait en évidence une marche spastique avec un fauchage bilatéral, nécessitant deux cannes anglaises. Les réflexes ostéo-tendineux étaient diminués aux membres supérieurs. Les réflexes rotuliens étaient vifs et diffusés, les achilléens étaient absents. Il existait une hypopallesthésie des membres inférieurs, un tremblement d'action bilatéral, prédominant à droite, une dysmétrie et une adiadococinésie des deux membres supérieurs. La manœuvre de Romberg était instable les yeux ouverts et l'instabilité était augmentée à l'occlusion palpébrale. Les manœuvres de Barré et de Mingazzini étaient bien tenues. Le testing musculaire était normal en dehors d'un déficit à 3–4/5 de l'extension du pouce droit. Il n'y avait pas d'anomalie des paires crâniennes, de nystagmus ou de syndrome vestibulaire. Il n'y avait pas d'apraxie oculomotrice détectable. Le patient ne signalait pas de trouble visuel. Les explorations neuropsychologiques mirent en évidence un MMS à 7/30 avec une BREF à 15/18, chez un patient de
U
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.praneu.2012.06.004
O. Lagha-Boukbiza a S. Kremer b M. Anheim a C. Tranchant a
langue maternelle turque. Le reste de l'examen clinique était sans particularité et ne trouvait notamment pas d'anomalie cutanée ni d'organomégalie. Démarche diagnostique : l'électromyographie objectivait une polyneuropathie axonale sensitivomotrice des quatre membres. Le fond d'œil était normal. L'oculographie ne montrait que des éléments en faveur d'une atteinte cérébelleuse sans argument en faveur d'une apraxie oculomotrice. Le dosage de la vitamine E et de l'alpha-fœtoprotéine étaient normaux, ainsi que l'étude génétique de la maladie de Friedreich. Le patient avait eu, plusieurs années auparavant, une IRM cérébrale interprétée comme normale. Une nouvelle IRM 1,5T fut réalisée et permit de montrer
Figure 1. IRM cérébrale T2 flair coupe axiale.
Auteur correspondant. O. Lagha-Boukbiza, Département de neurologie, hôpital de Hautepierre, 1, avenue Molière, 67000 Strasbourg, France. Adresse e-mail : ouhaid.boukbiza@chru-stras bourg.fr
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O. Lagha-Boukbiza et al.
Testez-vous l'aspect typique un hyposignal protubérantiel typique d'un diagnostic qui sera définitivement posé par une étude génétique (Fig. 1).
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QUESTIONS Quel diagnostic évoquez-vous ?
Pratique Neurologique – FMC 2012;3:273–275
RÉPONSE L'hyposignal en séquences T2 et FLAIR isolé au niveau du pont réalise un réalisant un aspect de mote eaten bun ou « brioche mitée », qui est très spécifique (Fig. 2). Cet aspect caractéristique de l'ataxie autosomale récessive de Charlevoix-Saguenay (ARSACS) a été initialement décrit par Martin et al. (2007). L'étude génétique a permis de confirmer le diagnostic chez notre patient, à l'âge de 37 ans, en montrant la mutation du gène SACS sur le chromosome 13. Commentaires : l'ARSACS débute vers l'âge de deux ou trois ans par des troubles de la marche liés à un syndrome pyramidal. Le tableau clinique, décrit initialement par Bouchard et al. (1978) évolue progressivement avec apparition d'un syndrome cérébelleux et d'une polyneuropathie axonale sensitivomotrice. Le fond d'œil peut orienter le diagnostic en retrouvant une hypertrophie des fibres myélinisées au fond d'œil (Rioux et al., 1999), qui est plus fréquemment retrouvée chez les
Testez-vous patients québécois (El Euch-Fayache et al., 2003). Le diagnostic repose sur la mise en évidence d'une mutation du gène SACS codant pour la partie N terminale de la sacsine (OMIM 270550). Diagnostic différentiel de l'aspect de brioche mitée : il peut exister des hyposignaux focaux en T2 dans les néoplasmes (métastases hypercellulaires et non nécrotiques, lymphomes cérébraux), les infections atypiques (tuberculose, infections à nocardia, fungiques, toxoplasmose) ou dans les granulomatoses, mais ces lésions sont classiquement plurifocales et associées à un œdème en hypersignal flair. L'existence d'un hyposignal en écho de gradient plaide pour des lésions vasculaires avec dépôts d'hémosidérine. Les télangiectasies capillaires sont habituellement de petites tailles, siègent volontiers au niveau du pont et sont rehaussées de manière plumetée par le gadolinium (Osborne et al., 2009). Déclaration d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.
RÉFÉRENCES
Figure 2. Analogie avec la brioche.
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