Ann Pathol 2005 ; 25 : 309-17
Le syndrome lipodystrophique associé aux traitements antirétroviraux : aspects anatomo-cliniques
Mise au point
Sandra Lassalle (1), Pascale Cervera (2), Véronique Hofman (1), Mireille Mari (1), Pierre Dellamonica (3), Paul Hofman (1) (1) Laboratoire de Pathologie Clinique et Expérimentale, Hôpital Pasteur, 30 avenue de la voie romaine, BP 69, 06002 Nice Cedex 02. (2) Service d’Anatomie Pathologique, Hôpital Saint-Antoine, 75571 Paris Cedex 12. (3) Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital de l’Archet, Nice.
Lassalle S, Cervera P, Hofman V, Mari M, Dellamonica P, Hofman P. Le syndrome lipodystrophique associé aux traitements antirétrovaux : aspects anatomo-cliniques. Ann Pathol 2005 ; 25 : 309-17.
Summary Antiretroviral treatments-related lipodystrophy syndrome: clinico-pathological findings Effective therapies are available that can stop or slow down the progression of HIV infection. Highly active antiretroviral therapy (HAART) is a combination of antiretroviral drugs such as viral protease inhibitors or nucleoside-analogue reverse-transcriptase inhibitors. Among the side effects due to these drugs, lipodystrophy is a pathology characterized by fat wasting in face and limbs, accumulation of visceral fat, breast adiposity, cervical fat-pads, hyperlipidemia (hypertriglyceridemia and hypercholesterolemia), insulin resistance, and lactic acidemia. The
Résumé Des thérapeutiques efficaces peuvent actuellement stopper ou du moins ralentir la progression de l’infection par le VIH. Ainsi, la thérapie antirétrovirale dite « hautement active », ou « Highly Active Antiretroviral Therapy » (HAART) des anglosaxons, est une association d’antirétroviraux, en particulier d’inhibiteurs des protéases virales et d’inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase virale. Parmi les différents effets secondaires liés à ces thérapeutiques, le syndrome lipodystrophique est caractérisé par une « fonte » du tissu graisseux localisé au niveau facial et au niveau des membres, une accumulation de la graisse au niveau viscéral et au niveau cervical, une adiposité mammaire, une hyperlipidémie (hypertriglycéridémie et hypercholestérolémie), une résistance à l’insuline, et une acidose lactique. Ainsi, les principaux signes cliniques
main clinical features include peripheral fat loss (presumed lipoatrophy in the face, limbs, and buttocks) and central fat accumulation (within the abdomen, breasts, and over the dorsocervical spine, so-called “buffalo hump”). Histopathological features disclose a peculiar type of involutional lipodystrophy. Skin biopsies generally show thinning of the subcutaneous fat, associated with fibrosis, lipogranuloma and sometimes vessel proliferation. There is still an open debate concerning the precise responsibility of HAART as well as the metabolic pathways and mechanisms that are involved in the onset of lipodystrophy. There is no proven therapy for any component of lipodystrophy syndrome. ✦ Key words: antiretroviral therapy, mitochondria, AIDS, HIV, adipose tissue.
observés associent, une perte du tissu adipeux au niveau périphérique (lipoatrophie de la face, des membres, et des fesses) et une accumulation de graisse au niveau cervico-dorsal, appelée « bosse de bison ». Les aspects histopathologiques révélent des images particulières de dystrophie graisseuse : les biopsies cutanées montrent un amincissement de la graisse sous cutanée associant, une fibrose, des lipogranulomes et parfois une néovascularisation capillaire. La physiopathologie exacte de ce syndrome est toujours actuellement discutée, ainsi que les divers anomalies métaboliques qui y sont associées. Il n’existe pas actuellement de thérapeutique médicale réellement efficace permettant de guérir définitivement le syndrome lipodystrophique observé chez les patients VIH positifs. ✦ Mots-clés : thérapeutique, antirétroviraux, mitochondrie, SIDA, VIH, tissu adipeux.
© Masson, Paris, 2005
Accepté pour publication le 17 mai 2005 Tirés à part : P. Hofman, voir adresse en début d’article. e-mail :
[email protected]
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les pathologistes sont confrontés au T diagnostic des lésions présentées par OUS
les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), mais le nombre de prélévements réalisés chez ces patients et arrivant quotidiennement sur les « plateaux » des pathologistes européens a considérablement diminué depuis 1996, date à laquelle l’avénément de la trithérapie antirétrovirale a fait quasiment disparaître bon nombre de lésions habituellement diagnostiquées au cours du syndrome d’immunodéficience acquise. Toutefois, les thérapeutiques antirétrovirales ont fait émerger des lésions tissulaires iatrogènes dont l’incidence va certainement croître dans les prochaines années [1, 2]. Ainsi, ces différents traitements antirétrovaux peuvent avoir comme conséquences un tableau clinicobiologique rapporté initialement en 1998 [3, 4], le syndrome lipodystrophique [3-11]. La définition exacte de ce syndrome n’est pas parfaitement établie et sa physiopathologie est encore inconnue. Ces lipodystrophies se manifestent cliniquement par une perte localisée ou diffuse de la graisse souscutanée entraînant un morphotype particulier. Elles se caractérisent sur le plan biologique par des anomalies très complexes du métabolisme lipidique et glucidique. Elles sont particulièrement dysgracieuses et invalidantes, et aucun des traitements médicamenteux actuellement proposés pour lutter contre ces lipodystrophies, ne permet de faire régresser les différentes anomalies métaboliques associées [12]. En cas d’accumulation massive de tissu adipeux, seul un traitement chirurgical (exérèse ou liposuccion) est proposé, bien que la graisse puisse à nou-
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veau s’accumuler quelques mois après l’ablation [13]. La pathogénie des lipodystrophies induite par les thérapeutiques antirétrovirales soulève encore de nombreuses inconnues. Elle est certainement multifactorielle, impliquant un effet inhibiteur sur la différenciation adipocytaire, une altération des mitochondries, des modifications du métabolisme de la leptine, de l’adiponectine et certaines cytokines produites au niveau du tissu adipeux [14]. Nous décrivons brièvement, les signes cliniques et biologiques de ce syndrome, avant d’aborder les données histologiques et les principales hypothèses physiopathologiques des lipodystrophies induites par les thérapeutiques antirétrovirales.
Syndrome clinique Les lipodystrophies des patients VIH positifs se caractérisent par trois phénotypes principaux, dont certaines caractéristiques peuvent s’associer : une lipoatrophie, essentiellement périphérique, une hypertrophie du tissu adipeux, et un syndrome dit mixte, avec une lipoatrophie périphérique et une hypertrophie centrale du tissu adipeux [3, 5, 15-23]. Ainsi, il peut exister une lipoatrophie périphérique, siègeant au niveau de la face, en particulier dans les régions périorbitaires et temporales, ou au niveau des membres et des fesses et/ou une lipohypertrophie de siège central, présente au niveau de la taille, de la poitrine, et de la région thoracique cervico-dorsale (figures 1a et 1b). Certains
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FIG. 1. — Lipodystrophie des patients VIH positifs. a) « Bosse de bison » associé à une augmentation du tour de cou. b) Lipoatrophie des boules de Bichat. FIG. 1. — Lipodystrophy in AIDS patients. a) “Buffalo hump”. b) Lipoatrophy of the face.
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patients présentent une réduction du tissu adipeux sous-cutané (en particulier au niveau des fesses et des membres), associée à une accumulation des graisses au niveau abdominal et dorso-cervical. Cette surcharge peut se faire essentiellement au niveau du tronc avec la présence d’une « bosse de bison » ou « buffalo hump » entre les épaules (bosse identique à celle que l’on observe dans le syndrome de Cushing), et une augmentation considérable du tour de cou et de la taille [4] (figure 1a). Il peut exister également une gynécomastie et des lipomes multiples. Un autre tableau clinique est caractérisé par des lipoatrophies de siège périphérique avec une perte focale ou diffuse du tissu adipeux de la face et/ou des membres. Au niveau du visage, la disparition progressive des boules de Bichat est associée à des pommettes très saillantes, un creusement des orbites et de la région prétragienne (figure 1b). Au niveau des membres, le réseaux veineux est anormalement visible, et il existe une perte majeur du volume fessier. Enfin, dans certains cas, il peut s’agir d’une accumulation isolée de graisses ou d’un syndrome mixte associant lipoatrophie et lipohypertrophie. Chez les femmes infectées par le VIH, le syndrome lipodystrophique est de siège à la fois central et périphérique [24, 25]. La prévalence de ce syndrome lipodystrophique chez les patients VIH positifs recevant une trithérapie anti-rétrovirale est très variable pouvant aller jusqu’à 80 % (de 18 % à 83 % selon les études). En moyenne, ce syndrome apparaît après 12 à 18 mois de traitement. Certains facteurs prédisposent à l’apparition des signes cliniques : hormis une durée de traitement plus longue, le sexe masculin, l’âge élevé, une concentration élevée de triglycérides après un an de traitement, et un faible poids corporel. Tous les traitements antirétroviraux peuvent s’associer à une redistribution du tissu adipeux, mais ce syndrome lipodystrophique est plus fréquemment noté chez les patients traités par la combinaison d’un inhibiteur des protéases (IP) et d’un inhibiteur nucléosidique de la reverse transcriptase (INRT), par l’association de deux IP, en particulier le ritonavir et le saquinavir. Le rôle des INRT, notamment celui de la stavudine, est largement admis dans la survenue de la lipoatrophie périphérique. Parmi les différents INRT, la stavudine apparaît ainsi le plus souvent incriminée. Ainsi, les conclusions de l’étude TARHEEL montrent bien que le remplacement de la stavudine par un autre anti-rétroviral, comme l’abacavir ou la zidovudine, peut entraîner une régression de la lipoatrophie périphéri-
que [26]. Un syndrome lipodystrophique a été également décrit chez l’enfant VIH positif traité par des antirétroviraux : les différentes formes cliniques décrites chez l’adulte existent mais sont moins sévères avant la puberté [15, 27, 28]. Les facteurs de risque pour les maladies cardiovasculaires sont élevés chez ces patients présentant une lipodystrophie et les accidents coronariens semblent ainsi survenir plus précocément dans cette population.
Syndrome biologique Les patients VIH positifs, en dehors de tout traitement, peuvent présenter une hypertriglycéridémie, et une diminution du cholestérol (cholestérol total, HDL et LDL-cholestérol) [29]. Il semble toutefois que les anomalies du métabolisme lipidique et glucidique des patients VIH positifs soient surtout liées au traitement, en particulier à l’administration d’IP [30]. La prévalence d’une hypertriglycéridémie atteint alors près de 30 % [30]. Il existe aussi une hypercholestérolémie, et une augmentation des acides gras libres. Ces anomalies lipidiques surviennent souvent rapidement après l’initiation du traitement et peuvent être totalement indépendantes du syndrome lipodystrophique clinique [31, 32]. Les taux de lipides atteignent un plateau et restent ensuite stables plusieurs semaines après le début ou la modification du traitement. Tous les IP sont potentiellement inducteurs d’une hyperlipidémie. Cependant, les conséquences sur le métabolisme lipidique sont variables selon l’IP utilisé. Ainsi, l’agenerase (Amprenavir*) entraîne peu de dyslipidémie, à l’inverse du ritonavir (Norvir*) quasiment toujours responsable de troubles lipidiques majeurs. Le ritonavir peut faire augmenter respectivement de 20 % et de 40 %, les taux de triglycérides et de cholestérol. Une des conséquences cliniques de ces hypertriglycéridémies est la survenue possible d’une pancréatite aiguë. Il existe une insulinorésistance avec une intolérance au glucose (rapportée dans 20 % à 50 % des séries) et une augmentation de l’insulinémie [33]. Un diabète de type 2 est observé dans 8 % à 10 % des cas [34]. Aucun facteur de risque conduisant à l’apparition de ce diabète ne peut être actuellement clairement identifié. Ces anomalies sont surtout notées chez les patients traités par des IP. Le mécanisme induisant l’insulino-résistance n’est pas défini, mais il pourrait être secondaire à des anomalies du métabolisme hormonal induites
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par les antirétroviraux [35]. En fait, aucune différence significative n’est observée dans la concentration sérique de testostérone, prolactine, cortisol, et complément, molécules toutes impliquées dans l’homéostasie des adipocytes. Il peut également exister une augmentation du peptide C chez des patients traités par IP. Récemment, il a été démontré une augmentation significative de certaines cytokines (TNFα , IL-6) dans le tissu adipeux et dans le sérum des patients traités par antirétroviraux et présentant une lipodystrophie [36]. Enfin, la concentration en leptine est basse compte tenu de la réduction de la masse adipocytaire [36].
Aspects histologiques et ultrastructuraux Différents aspects histologiques sont observés en microscopie optique et en microscopie électronique dans le tissu adipeux des patients VIH positifs traités par les antirétro-
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viraux [36-45] (figures 2 et 3). Les biopsies réalisées montrent habituellement un amincissement du tissu adipeux sous-cutané [41, 42]. Il existe une absence quasi-totale du tissu adipeux péri-annexiel dermique, remplacé par une fibrose collagénique. Focalement, on note souvent la présence de lipogranulomes et une augmentation du nombre de vaisseaux [38, 45]. Des territoires de fibrose collagénique plus ou moins étendus sont associés à des adipocytes de taille variée (figures 2a à 2c). Ces adipocytes sont parfois de petite taille, et il peut exister de larges territoires de perte adipocytaire [45]. Il peut exister après rupture membranaire de nombreux adipocytes, des foyers graisseux irréguliers et de grande taille (figure 2d). Certaines zones ne laissent persister que de très rares adipocytes « noyés » au sein de la fibrose (figures 3a et 3b). Il existe parfois une substance interstitielle alcianophile, dépourvue de collagène, située entre les cellules adipeuses. Dans une étude réalisée dans des territoires lipoatrophiques des membres inférieurs et des fesses, certains auteurs ont noté également associé à ces adipocytes un
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FIG. 2. — Lipodystrophie associée à un traitement combiné par antiprotéase et inhibiteur nucléotidique de la reverse transcriptase. Adipocytes de taille variée au sein de la fibrose (HES × 40). b) Amas d’adipocytes résiduels au sein d’un territoire fibreux (HES × 40). c) Fibrose associée à de grands adipocytes (HES × 200). d) Fusion d’adipocytes (flèche) dans les territoires fibreux (HES × 100). FIG. 2. — Lipodystrophy associated with anti-protease and nucleoside reverse transcriptase inhibitor therapy. a) Adipocytes of various size among fibrosis (HES × 40). b) Adipocytes of various size among fibrosis (HES × 40). c) Fibrosis between large adipocytes (HE × 200). d) Fusion of adipocytes (arrow) in fibrous areas (HES × 100).
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FIG. 3. — Lipodystrophie associée à un traitement combiné par anti-protéase et inhibiteur nucléosidique de la reverse transcriptase. a) Larges territoires de fibrose associés à des adipocytes résiduels de petite taille (flèche) (HES × 100). b) Adipocytes de grande taille (flèche) au sein d’une fibrose dense (HES × 100). c et d) Cellules apoptotiques detectées par la méthode TUNEL dans un tissu adipeux normal (c) ou dans un tissu adipeux chez un patient traité par une trithérapie anti-rétrovirale (d). e) Volumineux adipocyte (microscopie électronique × 1 500). f) Goutelettes de graisse au sein de fibres de collagène (microscopie électronique × 8 000). FIG. 3. — Lipodystrophy associated with anti-protease and nucleoside reverse transcriptase inhibitor therapy. a) Large area of fibrosis with small residual adipocytes (arrow) (HES × 100). b) Large adipocytes (arrow) in dense fibrosis (HES × 100). c and d) Apoptotic cells detected by TUNEL method in control (c) and in AIDS patient treated by HAART (d) adipose tissues. e) Large adipocyte (electron microscopy × 1500). f) Drops of fat between collagen fibers (electron microscopy × 8000).
infiltrat inflammatoire à prédominance de cellules lymphocytaires, ainsi que des aspects correspondant à de la graisse brune [42]. Des images d’apoptose peuvent être detectées par méthode TUNEL à la fois parmi les adipocytes et dans les cellules endothéliales [38, 44] (figures 3c et 3d). De rares études ultrastructurales ont été réalisées chez des patients VIH positifs traités par trithérapie anti-rétrovirale à partir de prélévements de tissu adipeux sous-cutané
[39, 41, 44, 45]. Certains aspects alors notés à partir de biopsies effectuées au niveau d’une « bosse de bison » étaient en faveur d’une graisse brune : multivacuolisation lipidique intracytoplasmique des adipocytes, nombreuses crêtes mitochondriales sur la largeur de la mitochondrie [45]. L’étude ultrastructurale de ces adipocytes montre des ruptures au niveau des membranes cytoplasmiques. Ces adipocytes sont souvent volumineux (figure 3e), à contour très irré-
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gulier, avec parfois des gouttelettes lipidiques libres dans le tissu conjonctif. Beaucoup d’adipocytes montrent une compartimentalisation des goutelettes de graisses intracytoplasmiques avec une diminution de la taille des adipocytes. Le nombre des mitochondries peut être augmenté [40, 45]. En fait, il est difficile d’être quantitatif, et ces mitochondries sont surtout de grande taille et bien visibles [44]. Certains adipocytes montrent des expansions intracytoplasmiques et des mitochondries contenant des structures cristallines [45]. Certaines vacuoles graisseuses de petite taille apparaissent libres, non délimitées par une véritable membrane et elles sont cernées par des fibres de collagène plus ou moins régulières (figure 3f). L’absence de certains critères morphologiques va à l’encontre pour certains auteurs d’une transformation de la graisse blanche en graisse brune : les adipocytes de la graisse brune ont en effet une majorité de noyaux de forme sphérique, avec plusieurs petits nucléoles et sont en position centrale, alors que ces critères ne sont pas observés au cours des lipodystrophies des patients VIH positifs [40].
Hypothèses physiopathologiques Les hypothèses physiopathologiques pour expliquer les lipodystrophies des patients VIH positifs sont multiples, impliquant surtout la toxicité des IP mais aussi des INRT. L’association des INRT avec les IP potentialise fortement le risque d’apparition des lipodystrophies [14, 48]. De nombreux mécanismes sont proposés, dépendant du traitement anti-rétroviral : diminution de la synthèse des facteurs du complément par les adipocytes [46], apoptose des adipocytes [38], inhibition du protéasome [37], anomalies de la différenciation adipocytaire [14], altération des mitochondries [14], modification d’expression de la leptine et de l’adiponectine etc. Les IP sont certainement les antirétroviraux les plus impliqués dans les anomalies métaboliques associées aux lipodystrophies. In vitro, les IP (en particulier le saquinavir, l’indinavir, et le ritonavir) sont capables d’inhiber la dégradation protéosomale de l’apolipoprotéine B entraînant son accumulation intracellulaire [49]. Il existe alors une augmentation du « turnover » des acides gras libres associée à une augmentation de la lipolyse. Ainsi, ces anomalies participent largement à la création d’une résistance centrale et périphérique à l’insuline au niveau musculaire et hépatique,
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notamment compte tenu d’une accumulation de lipides dans ces organes. Les études in vitro montrent que les effets de l’insulinorésistance sont dus à une inhibition du transport du glucose médié par GLUT-4 [50]. Une diminution de la phosphorylation du glucose pourrait également contribuer à cette résistance à l’insuline [51]. Concernant le rôle des IP, certains auteurs émettent l’hypothèse d’une toxicité directe intra-adipocytaire, compte tenu de l’homologie de structure de ces IP avec des protéines régulant la différentiation adipocytaire (CRABP-1) et le métabolisme lipidique (LRP) [2]. Une étude réalisée in vitro sur une lignée de cellules adipocytaires a montré que l’indinavir et le nelfinavir pouvaient induire une atteinte nucléaire en empêchant la maturation et l’organisation de la lamine A/C [51]. Les conséquences seraient alors une mauvaise localisation nucléaire de la SREBP-1 (sterol regulatory element-binding protein-1) entraînant une altération de la différenciation adipocytaire [53]. Chez les patients recevant exclusivement des INRT, les anomalies de la redistribution du tissu adipeux semblent similaires à celles observées lors des traitement par IP [54]. Toutefois, la perte du tissu adipeux en périphérie est le principal symptôme observé. Seule une faible augmentation des triglycérides est alors notée. Un des principaux mécanismes évoqués pour expliquer la toxicité des INRT est une atteinte mitochondriale [47, 55]. Hormis la perte du tissu adipeux, les conséquences cliniques sont alors une stéatose hépatique sévère, une hyperlactatémie, et une polyneuropathie [1, 56]. L’ensemble des troubles observés lors du traitement par les INRT semble fortement lié à une modification de l’activité de la polymérase γ , impliquée dans la synthèse de l’ADN mitochondrial (ADNmt)(10, 45). Il existerait ainsi une inhibition compétitive lors de l’administration d’INRT, avec une incorporation dans l’ADNmt, entraînant une modification de la phosphorylation oxidative et une induction de l’apoptose. Une déplétion en ADNmt et des modifications ultrastructurales des mitochondries, avec une augmentation de l’apoptose des adipocytes sont observées. Le véritable degré d’implication des lésions mitochondriales induites par les INRT dans les anomalies de la redistribution du tissu adipeux est actuellement toujours débatu. Il est difficile de pouvoir analyser les mécanismes physiopathologiques associant l’action des IP et des INRT sur le système adipocytaire. Toutefois, les conséquences ex vivo sur le tissu adipeux de cette combinaison
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thérapeutique ont pu être analysées par Jan et al. [44]. Les principaux résultats de cette étude sont une augmentation de l’apoptose, et une diminution de la différenciation adipocytaire [44]. Ces altérations seraient directement liées à une augmentation de synthèse de TNFα et d’IL-6 par les adipocytes [44]. Une diminution de synthèse de leptine et d’adiponectine, résultant probablement d’une mauvaise différenciation adipocytaire, pourrait contribuer à l’insulinorésistance notée chez les patients VIH positifs traités par les antirétroviraux [44]. Hormis l’utilisation des antirétroviraux, il semble aussi important de considérer les facteurs de susceptibilité de l’hôte pour expliquer l’apparition de lipodystrophies chez certains patients [57]. Un rôle direct du VIH semble actuellement exclu pour expliquer ce syndrome, l’apparition des lipodystrophies et leur sévérité étant indépendantes de la charge virale plasmatique. En conclusion, le syndrome lipodystrophique induit par les traitements antirétroviraux est un syndrome clinique et métabolique, dont la définition n’est pas encore totalement établie et dont les mécanismes physiopathologiques ne sont pas clairement élucidés. Toutefois, l’étude histologique et ultrastructurale du tissu adipeux, ainsi que les différentes analyses biochimiques et moléculaires réalisées à partir de ce tissu, permettent actuellement de faire avancer nos connaissances sur ce syndrome, dont l’incidence va certainement augmenter ces prochains mois. Ces études pourront probablement aboutir à de nouvelles stratégies thérapeutiques, permettant de limiter les conséquences néfastes liées à ce syndrome qui sont la perte de compliance au traitement, l’apparition précoce d’une maladie coronarienne, et le développement des complications d’un diabète de type 2. ■
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Remerciements Les auteurs remercient vivement le Dr. Hervé Raspaldo pour l’iconographie de la figure 1.
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