Le traitement médicamenteux de l’agitation aux urgences : le cas des personnes âgées. Correspondance à propos de l’article : « Prise en charge médicamenteuse des agitations aux urgences : recommandations théoriques et études des pratiques »

Le traitement médicamenteux de l’agitation aux urgences : le cas des personnes âgées. Correspondance à propos de l’article : « Prise en charge médicamenteuse des agitations aux urgences : recommandations théoriques et études des pratiques »

Presse Med. 2015; 44: 1211–1214 Drug treatment of agitation in emergency departments: The case of elderly persons. Letter to the article: "Drug manag...

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Presse Med. 2015; 44: 1211–1214

Drug treatment of agitation in emergency departments: The case of elderly persons. Letter to the article: "Drug management of agitation in emergency departments: Theoretical recommendations and studies of practices'' L'intéressant article de Horn et al. [1] qui aborde la prise en charge médicamenteuse des agitations aux urgences a oublié un aspect particulier et très fréquent de cette problématique, celui des personnes âgées agitées. Les personnes âgées de 75 ans et plus représentent environ 12 % des passages aux urgences et l'agitation est une situation rencontrée quotidiennement dans ce contexte de soin [2]. La prise en charge médicamenteuse des patients âgés agités présente plusieurs spécificités. Si l'article de Horn et al. insiste sur les causes psychiatriques de l'agitation, les étiologies les plus fréquentes chez les personnes âgées sont la confusion mentale (delirium) et les démences (au premier rang desquelles la maladie d'Alzheimer), et parfois l'association des deux (démence plus confusion aiguë) [3,4]. Aussi l'enquête étiologique et les traitements médicamenteux visant à les traiter sont des éléments fondamentaux. Le traitement symptomatique de l'agitation chez les personnes âgées ayant une confusion mentale a fait l'objet en 2009 de recommandations de bonne pratique professionnelle de la Haute autorité de santé (HAS) [5], recommandations qui ont été omises par Horn et al. Ces

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recommandations ont été conduites selon la méthodologie de la HAS en faisant appel à une revue systématique de la littérature, et faisant intervenir un comité d'experts et un comité de lecture issus de plusieurs sociétés savantes dont celles des gériatres, des urgentistes et des psychiatres. Les classes pharmacologiques pouvant être utiles dans ces situations sont les mêmes que celles citées par Horn et al. : benzodiazépines et neuroleptiques [1]. Par contre dans ces recommandations, leurs modalités d'utilisation sont très différentes : la HAS préconise soit une benzodiazépine à demicourte telle que alprazolam, lorazépam ou oxazépam soit un neuroleptique. Pour les neuroleptiques, il est recommandé d'éviter la voie injectable et de préférer les formes buvables ou orodispersibles. Enfin, quelle que soit la molécule utilisée, la dose doit être beaucoup plus faible chez les personnes âgées (le quart ou la moitié de la dose usuelle pour un adulte d'âge moyen). Enfin pour mieux cerner les indications de ces molécules, la HAS conseille de s'orienter vers une benzodiazépine si les symptômes d'anxiété prédominent ou vers un neuroleptique en cas de symptômes psychotiques (délire, hallucinations) [5]. Cela est donc très différent du « cocktail » (halopéridol 5 mg plus lorazépam 2 mg en injection intramusculaire) préconisé dans l'article de Horn et al. qui risquerait, chez des personnes âgées et fragiles, d'entraîner une sédation excessive et le cortège de complications associées dont les conséquences peuvent être gravissimes sur ce terrain. Enfin, la HAS précise explicitement l'indication du traitement symptomatique de l'agitation chez les patients âgés ayant une confusion mentale : seulement en cas d'effet insuffisant des mesures non médicamenteuses, et si les symptômes d'agitation entraînent une souffrance significative, une dangerosité pour le patient ou l'entourage, ou une limitation à la mise en œuvre d'un traitement ou d'une investigation indispensable pour la prise en charge. Nous mettons en garde les lecteurs contre les préconisations de Horn et al. pour traiter l'agitation aux urgences, qui ne nous semblent inadaptées et même dangereuses pour les personnes âgées ayant ces symptômes. Déclaration d'intérêts : les auteurs n'ont pas transmis de déclaration de conflits d'intérêts.

Références [1]

[2]

Horn M, Vaiva G, Dumais A. Prise en charge médicamenteuse des agitations aux urgences : recommandations théoriques et études des pratiques. Presse Med 2015;44:20–6. Lazarovici C, Somme D, Carrasco V, Baubeau D, Saint-Jean O. Caractéristiques, consommation de ressources des usagers des services d'urgences de plus de 75 ans en France. Presse Med 2006;35:1804–10.

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Le traitement médicamenteux de l'agitation aux urgences : le cas des personnes âgées. Correspondance à propos de l'article : « Prise en charge médicamenteuse des agitations aux urgences : recommandations théoriques et études des pratiques »

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en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

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[3] [4] [5]

Han JH, Wilber ST. Altered mental status in older patients in the emergency department. Clin Geriatr Med 2013;29:101–36. Piechniczek-Buczek J. Psychiatric emergencies in the elderly population. Emerg Med Clin North Am 2006;24:467–90. Haute Autorité de Santé. Bonnes pratiques professionnelles : confusion aiguë chez la personne âgée : prise en charge initiale de l'agitation; 2009 URL : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_819557/confusionaigue-chez-la-personne-agee-prise-en-charge-initiale-de-l-agitation (consulté le 7/2/2015). Witold Jarzebowski1, Cristiano Donatio1, Charlotte Nouhaud1,2, Emmanuelle Magny1,2, Carmelo Lafuente-Lafuente1,2, Joël Belmin1,2 1

Hôpital universitaire Charles-Foix, service de gériatrie à orientation cardiovasculaire et neuropsychogériatrique, 7, avenue de la République, 94200 Ivry-sur-Seine, France 2 Université Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75005 Paris, France Correspondance : Joël Belmin, Hôpital universitaire Charles-Foix, service de gériatrie à orientation cardiovasculaire et neuropsychogériatrique, 7, avenue de la République, 94200 Ivry-sur-Seine, France [email protected] Disponible sur internet le : 9 octobre 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.05.021 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Anxiété en soins palliatifs et en fin de vie : quelle place pour la prégabaline ? Correspondance à propos de l'article : « Les troubles psychiatriques en soins palliatifs et en fin de vie » Anxiety in palliative care and end of life: What place for pregabalin? Letter on the article: "Psychiatric disorders in palliative care and at the end of life''

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Dans l'article paru dans le numéro d'avril de La Presse médicale et consacré aux troubles psychiatriques en soins palliatifs et en fin de vie [1], l'auteur fait mention de la possibilité d'utiliser la prégabaline chez les patients anxieux ayant de surcroît des douleurs neuropathiques associées. Les deux observations cidessous illustrent cette possibilité ; l'étude des caractéristiques pharmacologiques de la molécule qui fait suite met en relief des propriétés pouvant être utiles en pratique clinique.

Un homme de 81 ans est atteint d'un cancer de vessie en phase terminale. Il a bénéficié d'un traitement chirurgical par cystectomie totale et urétérostomie droite sur rein unique quelques années auparavant. Lors de la récidive de la maladie, aucune solution thérapeutique curative ne peut être proposée ; l'envahissement loco-régional de la tumeur provoque des douleurs d'origine mixte avec irradiation crurale. En accord avec sa famille, le patient souhaite terminer sa vie à domicile ; un traitement par fentanyl patch 12 mg/h associé à un traitement par prégabaline 150 mg par 24 heures limite les douleurs et permet une qualité de vie jugée acceptable par le patient. Les phénomènes anxieux qui apparaissent dans les derniers jours de vie sont maîtrisés en augmentant la posologie quotidienne de prégabaline à 225 mg. Le souhait du couple de ne rien changer à leurs habitudes de vie est respecté. L'état du patient évolue vers une somnolence de plus en plus marquée puis un coma calme. Le patient s'éteint le lendemain au petit matin, dans sa chambre, à son domicile, entouré de sa famille. Une femme de 87 ans est résidente dans l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) depuis 12 ans. Elle est atteinte d'une insuffisance cardiaque globale terminale nécessitant des hospitalisations en service de cardiologie de plus en plus fréquentes et longues. Elle n'a pas de troubles des fonctions supérieures. À son retour de l'hôpital après la dernière décompensation, elle manifeste clairement son opposition farouche à toute nouvelle hospitalisation et sa volonté de terminer sa vie dans la structure. Quelques jours après, son état cardiaque se dégrade à nouveau. Elle ne souffre pas ; elle est angoissée par une dyspnée qui s'aggrave malgré l'augmentation des doses de diurétiques ; elle souhaite cependant rester indépendante et lucide le plus longtemps possible pour partager ses derniers jours avec ses amis et sa famille. Les différentes benzodiazépines utilisées provoquent toutes une somnolence importante incompatible avec son souhait et doivent être arrêtées. La prégabaline est introduite un soir à la posologie de 75 mg 2 fois par jour associée au furosémide et à la spironolactone, à l'exclusion de toute autre molécule ; la réactivation de manifestations anxieuses dans l'après-midi du lendemain nécessite l'administration d'une dose supplémentaire. Le jour suivant, la patiente ne se sentant que partiellement soulagée, la posologie est augmentée à 100 mg matin, midi et soir ; cette posologie est ajustée au fil du temps en fonction de l'évolution de l'anxiété et de la somnolence. La patiente cesse progressivement de s'alimenter et de boire 48 heures avant son décès ; celui-ci survient une nuit, calmement après une phase de coma de quelques heures. La prégabaline peut être utile pour traiter l'anxiété en situation palliative ou de fin de vie, avec ou sans douleurs nociceptives. Cette molécule possède par ailleurs certaines propriétés qui peuvent s'avérer intéressantes. D'un point de vue pharmacocinétique, les concentrations plasmatiques sont rapidement atteintes permettant une rapidité d'action et un réglage rapide

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