immunologie
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Les anticorps anti-enveloppe nucléaire Parmi les nombreux anticorps (Ac) anti-enveloppe nucléaire, seuls les Ac anti-GP210 font actuellement l’objet de trousses de détection commercialisées en France : les techniques utilisées en routine sont le dot-blot et l’Elisa. Leur intérêt est surtout diagnostique dans les cirrhoses biliaires primitives mais aussi pronostique, leur détection évoquant une évolution défavorable. Les anti-Nup62, qui ont un intérêt similaire dans cette pathologie, seraient légèrement plus sensibles.
L’
enveloppe nucléaire est une structure complexe qui délimite le noyau du cytoplasme dans les cellules eucaryotes. Elle est constituée de la membrane nucléaire externe (bicouche lipidique) en continuité avec la membrane du réticulum endoplasmique, un espace intermembranaire, puis la membrane nucléaire interne (bicouche lipidique) et la lamina nucléaire, réseau protéique fibreux, interrompu de pores nucléaires. L’enveloppe nucléaire est constituée de 150 à 560 protéines (selon l’outil technologique utilisé) dont certaines sont spécifiques à la membrane et les principales cibles d’autoanticorps (Ac). Par exemple, la lamina nucléaire est composée de lamines A, C, B1 et B2, qui ont un rôle structural et interagissent avec d’autres protéines (récepteur à la lamine B ou LBR, MAN1, lamina associated polypeptides...). Parmi les protéines de la membrane externe, la Nesprin (nuclear envelope spectrin repeat) joue un rôle de maintien de la morphologie nucléaire en interagissant avec l’enveloppe nucléaire et l’actine F du cytoplasme. Les pores nucléaires sont constitués de 500 à 1 000 protéines, les nucléoporines, parmi lesquelles la GP210, l’une des protéines d’ancrage, les nucléoporines 358 (sur le filament cytoplasmique), 153 (sur le panier nucléaire), 62 (dans le canal) et la protéine Tpr. Les Ac anti-membrane nucléaire sont détectés par immunofluorescence indirecte (IFI) sur coupe de foie de rat où ils donnent un aspect de fluorescence cerclée du noyau, et sur cellules HEp-2 où leur aspect de fluorescence est membranaire, parfois punctiforme.
Auto-Ac anti-GP210 Les auto-Ac anti-GP210 sont les plus connus des Ac anti-enveloppe nucléaire, très spécifiques de la cirrhose biliaire primitive ou CBP (spécificité > 95 %). Ce sont aussi les seuls
pour lesquels sont commercialisées des trousses de détection en France. Leur intérêt est tout d’abord diagnostique : ils sont détectés dans 10 à 41 % des sérums de patients atteints de CBP, et surtout dans 20 à 50 % des cas de pathologies suspectées être des CBP, mais sans Ac anti-mitochondrie, qu’ils permettent ainsi de reclasser en CBP. Par ailleurs, ils sont détectés dans de rares cas de cirrhose alcoolique, lupus érythémateux disséminé (LED), polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Gougerot-Sjögren et polymyosite. Ils ont aussi un intérêt pronostique car la présence d’Ac anti-GP210 signe une CBP d’évolution défavorable et plus rapide. Ils sont mis en évidence par Elisa ou dot-blot sur protéine recombinante ou antigène synthétique.
Auto-Ac anti-nucléoporine 62 (anti-Nup62) Les auto-Ac anti-nucléoporine 62 (anti-Nup62) sont détectés dans 13 à 55 % des sérums de patients ayant une CBP, ainsi que dans de rares cas de lupus et de syndrome de Sjögren. Comme les Ac anti-GP210 dont ils sont mutuellement exclusifs, ils sont associés à une évolution défavorable de la CBP.
Autres Ac anti-enveloppe nucléaire Les Ac anti-récepteur à la lamine B (anti-LBR) sont très spécifiques de la CBP, mais rares (détectés dans 1 à 9 % des cas). Les autres Ac sont peu spécifiques : les anti-Tpr seraient les plus fréquents des Ac anti-enveloppe nucléaire, retrouvés surtout en cas de maladie auto-immune du foie (41 % des cas), mais aussi au cours du LED ou du syndrome des anti-phospholipides. Les Ac anti-Nup53 (protéine ayant une homologie de séquence avec l’ADN polymérase du VHB) sont positifs dans le sérum de patients infectés par le VHB mais aussi par le VHC, au cours de certaines connectivites, de la maladie de Wilson ou de l’hyperthyroïdie...
Conclusion Un aspect cerclé du noyau en IFI peut être en rapport avec de nombreux auto-Ac. Seuls les Ac anti-GP210 se recherchent actuellement en routine par dot-blot ou Elisa. Leur intérêt est surtout diagnostique dans les CBP sans Ac anti-mitochondrie et pronostique, évoquant une évolution défavorable. Les anti-Nup62 ont un intérêt similaire dans la CBP et seraient légèrement plus sensibles. |
Auto-Ac anti-lamine Les auto-Ac anti-lamine sont détectés à taux faibles chez des sujets sains et ne sont pas spécifiques d’une pathologie puisque retrouvés dans 30 % des sérums de patients lupiques (anti-lamine B), dans 23 % des cas d’hépatites auto-immunes (plutôt anti-lamine A/C), dans les CBP, les connectivites (Sjögren en particulier), au cours de la polyarthrite rhumatoïde ou d’infections virales, notamment par le VHB. Ce sont les Ac anti-lamine B1 (surtout de titre élevé) qui suscitent de l’intérêt, car ils seraient thromboprotecteurs chez les patients lupiques ayant un anticoagulant circulant.
OptionBio | Lundi 21 mars 2011 | n° 451
CAROLE ÉMILE Biologiste, CH de Montfermeil (93)
[email protected]
L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.
Source Communication d’E. Ballot, lors du congrès du Groupe d’étude pour l’auto-immunté (GEAI), Paris, juin 2010.
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